Ce numéro se propose de débrouiller la notion de brouillon en l’éclairant du point de vue théorique, tant par le biais de l’histoire de la notion et de ses acceptions, que par celui des nombreux champs d’études en présence. Les analyses de réécritures permettent de mesurer à quel point le brouillon peut parfois devenir contre-productif. Ce que disent de leurs pratiques les élèves et les étudiants, ou encore les analyses de « brouillons » conduisent aussi à se méfier de toute prescription simplificatrice et réductrice.
Les propositions de travail tentent donc, ici, de prendre en compte la complexité et la diversité des brouillons : brouillon oral/écrit, individuel/collectif, sur transparent/sur feuille A3/sur ordinateur, avec des couleurs des chiffres, des flèches, des phrases ou des mots ; réécritures ponctuelles, partielles, écrits intermédiaires… En enseignement spécialisé, au collège et au lycée.
Le numéro est disponible aux Presses du Septentrion. Les articles sont téléchargeables sur cette page.
Sommaire
Les écrits « intermédiaires » au-delà du brouillon / J.-C. Chabanne 7
Le brouillon qui tue / F. Darras 21
« Monsieur, je peux demander la publication ? » / C. Charlet 31
Brouillons et apprentissage de la dissertation en classe de seconde / C. Mercier 45
La question du support dans les apprentissages : le cas du « Grand Brouillon » / F. Le Goff 65
Clarifier, embrouiller, inventer, brouillonner / C. Doquet 89
Brouillons, brouillard, brouilles et débrouille / P. Heems 101
Insupportable brouillon ? / S. Michieletto 109
Les étudiants et la réécriture / I. Delcambre 125
Le groupe, le déluge et le transparent / M.-M. Cauterman 145
Ce qu’ils font et ce qu’ils en disent / F. Darras, I. Delcambre 169
Des nouvelles du livre pour la jeunesse : fille ou garçon ? / É. Vlieghe 205
Éditorial
Tout est bon dans le brouillon.
En 1989, l’éditorial du numéro 11 de Recherches, intitulé Brouillons, ratures, notait déjà l’existence de ce « leitmotiv pédagogique de l’enseignant de français : “Il faut faire un brouillon” […] affirmé sur le mode de l’évidence ». C’est que le brouillon, tout brouillon qu’il soit, est un objet étrangement rassurant et consensuel. Il est convoqué dans des discours axiologiquement opposés, qui s’entendent cependant pour poser l’importance du brouillon, tout en justifiant cette nécessité sur des principes très divers. […]
Le numéro se propose de réfléchir à la manière dont les échanges entre paroles et écriture, voix et symboles peuvent permettre de comprendre et de construire sa pensée. Il interroge les préjugés attachés à cette dichotomie supposée entre écrit et oral pour mieux révéler les interactions variées et complexes qui au contraire les relient. Comment penser les différences et les complémentarités entre langue écrite et langue orale sans les hiérarchiser ? pour quelles articulations en matière de lecture et d’écriture ? pour quels apprentissages ? Le large éventail des dispositifs proposés tient compte aussi de la variété des situations d’oral et de leur mise en œuvre au sein de la classe : le travail de groupe, la dictée dialoguée ou négociée, la dictée à l’adulte, l’oralisation de textes, etc. Le numéro fait état de ces propositions, en maternelle , en enseignement spécialisé, au collège et au lycée.
Le lexique et le vocabulaire sont au cœur des nouveaux programmes depuis 2007. Leur apprentissage s’y inscrit dans une logique de capitalisation par accumulation répétée, logique que le numéro se propose d’interroger et de déconstruire. Quelles alternatives à la « leçon de mots » ? Quels principes d’action peuvent guider un enseignement efficient du lexique ? Comment concilier les problématiques didactiques complexes liées à cet apprentissage et les impératifs pédagogiques ? En lecture, comment articuler compétences lexicales et culturelles ? En production écrite ou orale, le numéro propose des analyses et des démarches pour favoriser le réemploi lexical au primaire, au collège, au lycée, à l’université ou en français langue seconde.
À l’origine de ce numéro, était posée une triple interrogation autour des programmes : comment les enseignants de français s’approprient-ils les programmes pour mettre en œuvre des processus d’apprentissages au sein de la classe ? Cette cohérence a-t-elle du sens pour les élèves ? Quels programmes l’Institution propose-t-elle dans le cadre des nouvelles réformes tous degrés confondus ? À l’arrivée, la rédaction livre un passage en revue méthodique et analysé de tous les dispositifs qui renvoient la construction de compétences mal définies à l’extérieur de la classe et de la discipline (à travers 18 fiches qui présentent et commentent les dispositifs en vigueur). Elle interroge la manière dont ce morcellement, idéologiquement pensé, justifié et programmé, met à mal les approches didactiques et pédagogiques de la construction des savoirs et savoir-faire. Sans, pour autant, renoncer à des propositions de dispositifs d’apprentissage, au collège et au lycée.
Dix ans après un numéro consacré à l’image, Recherches s’intéresse plus particulièrement à l’image cinématographique. Cet objet d’enseignement n’est pas ici posé d’emblée comme légitime dans les classes de français : la question didactique du statut du cinéma (discipline afférente ou à part entière ?) est incontournable. Néanmoins, le cinéma est entré dans les classes de français. Qu’on y analyse des films ou que l’on parte de ceux-ci pour faire du français, il s’agit d’envisager des dispositifs d’apprentissage qui amènent l’élève à se départir d’un rapport à l’image qui irait de soi et à se construire des clefs pour un regard plus éclairé sur l’image comme sur le texte. Le numéro fait état de ces propositions, au collège comme au lycée. Et quand les élèves font leur cinéma, c’est à une réalisatrice de témoigner.
Pour ce 50e numéro, Recherches interroge les continuités et les ruptures dans l’enseignement du français. À l’heure de la suppression programmée des RASED, l’institution multiplie les injonctions et les outils visant à faciliter le suivi de l’élève. Mais qu’en est-il dans la réalité de la classe ? Du point de vue de la discipline d’abord : il s’agit d’interroger l’illusion continuiste que donnent les programmes actuels de la discipline français et de ses objets, en réalité multiformes. La question est abordée également du point de vue des élèves et de leurs acquis, eux aussi fluctuants : comment alors tenir compte de la nécessité de ménager des transitions sans nier les ruptures, elles aussi essentielles – de la maternelle à l’université ? Comment faire en sorte que ces individus, réunis au sein de ce qui est appelé « une classe », se constituent en collectif d’apprentissage ? Qu’en est-il du regard de l’élève ? La question est ensuite envisagée du point de vue de l’enseignant lui-même qui n’est pas épargné par les ruptures dans sa vie professionnelle. Enfin, l’Institution dans son ensemble est en jeu : comment prend-elle en charge les élèves qui sont trop tôt tentés de quitter la classe ?
Le numéro s’intéresse plus particulièrement aux difficultés d’apprentissage en français liées à la dyslexie et à la dysphasie. L’accompagnement des difficultés engendrées par ces handicaps appelle une réponse qui ne peut pas être seulement pédagogique, mais qui doit être élaborée en partenariat avec d’autres champs professionnels comme le social, la santé ou l’éducatif, pour que soient conjuguées les aides apportées. C’est donc un numéro polyphonique que nous proposons, avec des approches pluricatégorielles du trouble. On y trouvera la voix d’un parent d’enfant porteur de dysphasie, celles de jeunes adultes dyslexiques, celles de professionnels de la santé. Feront écho à ces approches des analyses et des propositions pédagogiques.
Le numéro se penche sur une problématique récurrente. Sujet traditionnel de polémiques et d’injonctions institutionnelles idéologiquement marquées, cette problématique est aussi une préoccupation constante pour l’enseignant. Loin des discours simplificateurs, il s’agit d’abord d’interroger une norme qui ne va pas de soi. Cela conduit à prendre en compte le rapport des élèves à leur propre langue non pour la dénigrer mais pour aider les élèves à objectiver des pratiques linguistiques plurielles. Cette démarche réflexive sur la langue a aussi le souci de donner du sens à l’enseignement de la grammaire. Elle postule que développer la curiosité et la réflexion métalinguistiques est une condition indispensable pour la maitrise de la langue. Les analyses et les démarches s’intéressent aux divers aspects concernant l’enseignement et l’apprentissage des questions de langue, du primaire au lycée en passant par le collège. Un article présente une réflexion issue de lectures théoriques ; un article et une bibliographie fournissent également des pistes pour travailler avec les livres qui mettent la langue en jeu(x).
Enseigner est un métier, à n’en pas douter, mais enseigner le français ? La spécificité disciplinaire change-t-elle le métier ? C’est la question que veut poser ce numéro de Recherches en interrogeant la manière dont vivent leur métier les enseignants de français que sont les instituteurs ou institutrices, les professeur-es des écoles, les professeur-es de français du collège et des lycées. La particularité de ce numéro est d’approcher le métier en tant que tel, avec ce qu’il donne à vivre en termes d’activités didactiques, pédagogiques, administratives, institutionnelles, mais aussi en termes d’identité et de rapport au travail. Il s’agit de donner à voir comment le métier est vécu par certains de ceux qui le vivent sans dogmatisme et surtout sans nostalgie, mais au contraire avec la volonté de montrer des facettes diverses du métier quand il se vit au quotidien, par des réflexions générales, des analyses et par la présentation d’activités de « français » (qu’elles soient disciplinaires ou transdisciplinaires).
C’est loin des polémiques que le numéro envisage la littérature comme objet d’enseignement. Il s’agit dès lors d’interroger les enjeux et les modalités de la construction du sens. Quelle relation se construit entre l’élève et le livre et comment se construit-elle ? Quels dispositifs d’apprentissage mettre en place pour une pédagogie de la réception littéraire qui tienne compte de l’étrangeté de cet objet pour les élèves ? En quoi l’intertextualité peut-elle favoriser cette réception ? Quelle place pour l’écriture d’invention dans l’approche de l’œuvre littéraire ?
Le numéro s’intéresse à un objet, en apparence consensuel du primaire à l’université, mais qui recoupe des réalités multiples, disparates et parfois discutables. Loin d’être récente, l’écriture de soi semble s’être généralisée au gré des instructions officielles avec des finalités et des modalités différentes.
Le numéro pose la question de l’intérêt de l’outil informatique dans les pratiques professionnelles de l’enseignant de français. Enseigner avec l’ordinateur, c’est à la fois utiliser un outil supplémentaire et, dans un même temps, démystifier la place de cet outil dans les représentations des professeurs, des élèves et de l’institution. Il s’agit donc d’interroger les apports de l’ordinateur sur un plan didactique et pédagogique. Quelle place pour lui dans la classe ? En quoi l’ordinateur modifie-t-il le rapport de l’élève aux apprentissages ? L’ordinateur peut aussi modifier le lien de l’enseignant à sa pratique. Qu’apporte-il en matière d’écriture professionnelle ? En quoi influe-t-il sur l’identité professionnelle de l’enseignant ? L’entrée de l’ordinateur dans les classes pose enfin la question des nouveaux rapports qui peuvent s’instaurer entre l’école et les parents.