Apprendre à lire… Tout un programme, de l’école à l’université. Lire sans comprendre, ce n’est pas lire. À chaque étape de l’apprentissage de la lecture, il y a pour l’élève des sauts à accomplir : passer de la lecture des syllabes à la lecture du mot, de la lecture accompagnée à la lecture individuelle, de la lecture des détails à la compréhension de l’ensemble, de la lecture d’un roman à son utilisation en contexte scolaire, etc. Dans ce parcours, l’élève peut douter, se perdre, renoncer ; quant à l’enseignant, il peine à comprendre ce que ne comprend pas l’élève. À travers les analyses, propositions de démarches, propos d’élèves, ce numéro met le doigt sur une difficulté centrale de notre enseignement : la définition de « ce qu’il y a à comprendre » dans les textes.
Ce numéro est disponible aux Presses Universitaires du Septentrion. Les articles sont téléchargeables sur cette page.
Sommaire
« Pour comprendre un texte, déjà il ne faut pas en avoir peur. » Paroles d’élèves sur la compréhension / M. M. Cauterman 9
Enseigner la compréhension à l’école élémentaire : des résultats de recherches à la conception d’un outil didactique / R. Goigoux, S. Cèbe 29
Comment Oscar comprend le chapitre à lire sans le lire / I. Delcambre 47
Mes élèves de troisième face au nouveau brevet / S. Michieletto 67
Lectures cursives au lycée : comprendre, voire faire semblant / M. Beauvois 89
Améliorer sa compréhension de la littérature de jeunesse en explorant les classiques / S. Piot 109
Le texte, le lecteur, le maitre et les autres / F. Quet 131
La plus petite lecture à comprendre / P. Heems 143
Articuler compréhension en lecture et travail du code au CP / N. Audoin-Latourte 151
Petites lectures pour petits lecteurs / S. Dziombowski 167
Introduire des étudiants à la compréhension de textes universitaires / I. Delcambre 177
Mieux lire et comprendre : regards sur le vocabulaire / M. Bonnevie-Tessier 199
Des nouvelles du livre pour la jeunesse : la beauté, une dictature ? / É. Vlieghe 215
Éditorial
Après avoir exploré les marges du cours de français dans le précédent numéro L’Extrascolaire à l’école, Recherches se replonge au cœur de la discipline dans cette nouvelle livraison Lire et Comprendre. Dans le numéro 19, Comprendre, la revue s’interrogeait déjà sur la complexité de l’usage de ce verbe qui, en contexte scolaire, s’accompagne le plus souvent de la négation : l’incompréhension de l’élève, c’est l’élève qui ne comprend pas, c’est aussi l’enseignant qui ne comprend pas ce que ne comprend pas l’élève.
Cette fois, c’est plus précisément la compréhension du texte écrit qui nous intéressera et ce n’est sans doute pas cette centration sur la compréhension en lecture qui atténuera la complexité du thème, […].
L’école n’est pas un sanctuaire. L’élève y vient avec son vécu d’enfant et l’institution elle-même fait entrer dans l’école des objets extrascolaires ou fait sortir les classes (théâtre, cirque, cinéma, musée, etc.). L’évolution des injonctions officielles et des partenariats est de ce point de vue riche d’enseignements.
Types de textes, formes de discours, genres de textes : que recouvrent ces oscillations terminologiques ? Les types de textes et les formes de discours ont disparu, presque à demi-mot, des derniers programmes de français de l’école élémentaire (2008), du collège (2008) et du lycée (2010), alors pourquoi s’y intéresser ? C’est que ces objets, même s’ils sont désormais estimés hors-sujet par l’Institution, ne sont pas pour autant hors d’usage pour les praticiens, chercheurs et enseignants confondus. La recherche continue de s’y intéresser en les affinant sans cesse. Et c’est dans la mesure où ces catégorisations peuvent aider l’enseignant à penser les apprentissages que Recherches y consacre ce numéro.
Ce numéro se propose de débrouiller la notion de brouillon en l’éclairant du point de vue théorique, tant par le biais de l’histoire de la notion et de ses acceptions, que par celui des nombreux champs d’études en présence. Les analyses de réécritures permettent de mesurer à quel point le brouillon peut parfois devenir contre-productif. Ce que disent de leurs pratiques les élèves et les étudiants, ou encore les analyses de « brouillons » conduisent aussi à se méfier de toute prescription simplificatrice et réductrice.
Le numéro se propose de réfléchir à la manière dont les échanges entre paroles et écriture, voix et symboles peuvent permettre de comprendre et de construire sa pensée. Il interroge les préjugés attachés à cette dichotomie supposée entre écrit et oral pour mieux révéler les interactions variées et complexes qui au contraire les relient. Comment penser les différences et les complémentarités entre langue écrite et langue orale sans les hiérarchiser ? pour quelles articulations en matière de lecture et d’écriture ? pour quels apprentissages ? Le large éventail des dispositifs proposés tient compte aussi de la variété des situations d’oral et de leur mise en œuvre au sein de la classe : le travail de groupe, la dictée dialoguée ou négociée, la dictée à l’adulte, l’oralisation de textes, etc. Le numéro fait état de ces propositions, en maternelle , en enseignement spécialisé, au collège et au lycée.
Le lexique et le vocabulaire sont au cœur des nouveaux programmes depuis 2007. Leur apprentissage s’y inscrit dans une logique de capitalisation par accumulation répétée, logique que le numéro se propose d’interroger et de déconstruire. Quelles alternatives à la « leçon de mots » ? Quels principes d’action peuvent guider un enseignement efficient du lexique ? Comment concilier les problématiques didactiques complexes liées à cet apprentissage et les impératifs pédagogiques ? En lecture, comment articuler compétences lexicales et culturelles ? En production écrite ou orale, le numéro propose des analyses et des démarches pour favoriser le réemploi lexical au primaire, au collège, au lycée, à l’université ou en français langue seconde.
À l’origine de ce numéro, était posée une triple interrogation autour des programmes : comment les enseignants de français s’approprient-ils les programmes pour mettre en œuvre des processus d’apprentissages au sein de la classe ? Cette cohérence a-t-elle du sens pour les élèves ? Quels programmes l’Institution propose-t-elle dans le cadre des nouvelles réformes tous degrés confondus ? À l’arrivée, la rédaction livre un passage en revue méthodique et analysé de tous les dispositifs qui renvoient la construction de compétences mal définies à l’extérieur de la classe et de la discipline (à travers 18 fiches qui présentent et commentent les dispositifs en vigueur). Elle interroge la manière dont ce morcellement, idéologiquement pensé, justifié et programmé, met à mal les approches didactiques et pédagogiques de la construction des savoirs et savoir-faire. Sans, pour autant, renoncer à des propositions de dispositifs d’apprentissage, au collège et au lycée.
Dix ans après un numéro consacré à l’image, Recherches s’intéresse plus particulièrement à l’image cinématographique. Cet objet d’enseignement n’est pas ici posé d’emblée comme légitime dans les classes de français : la question didactique du statut du cinéma (discipline afférente ou à part entière ?) est incontournable. Néanmoins, le cinéma est entré dans les classes de français. Qu’on y analyse des films ou que l’on parte de ceux-ci pour faire du français, il s’agit d’envisager des dispositifs d’apprentissage qui amènent l’élève à se départir d’un rapport à l’image qui irait de soi et à se construire des clefs pour un regard plus éclairé sur l’image comme sur le texte. Le numéro fait état de ces propositions, au collège comme au lycée. Et quand les élèves font leur cinéma, c’est à une réalisatrice de témoigner.
Pour ce 50e numéro, Recherches interroge les continuités et les ruptures dans l’enseignement du français. À l’heure de la suppression programmée des RASED, l’institution multiplie les injonctions et les outils visant à faciliter le suivi de l’élève. Mais qu’en est-il dans la réalité de la classe ? Du point de vue de la discipline d’abord : il s’agit d’interroger l’illusion continuiste que donnent les programmes actuels de la discipline français et de ses objets, en réalité multiformes. La question est abordée également du point de vue des élèves et de leurs acquis, eux aussi fluctuants : comment alors tenir compte de la nécessité de ménager des transitions sans nier les ruptures, elles aussi essentielles – de la maternelle à l’université ? Comment faire en sorte que ces individus, réunis au sein de ce qui est appelé « une classe », se constituent en collectif d’apprentissage ? Qu’en est-il du regard de l’élève ? La question est ensuite envisagée du point de vue de l’enseignant lui-même qui n’est pas épargné par les ruptures dans sa vie professionnelle. Enfin, l’Institution dans son ensemble est en jeu : comment prend-elle en charge les élèves qui sont trop tôt tentés de quitter la classe ?
Le numéro s’intéresse plus particulièrement aux difficultés d’apprentissage en français liées à la dyslexie et à la dysphasie. L’accompagnement des difficultés engendrées par ces handicaps appelle une réponse qui ne peut pas être seulement pédagogique, mais qui doit être élaborée en partenariat avec d’autres champs professionnels comme le social, la santé ou l’éducatif, pour que soient conjuguées les aides apportées. C’est donc un numéro polyphonique que nous proposons, avec des approches pluricatégorielles du trouble. On y trouvera la voix d’un parent d’enfant porteur de dysphasie, celles de jeunes adultes dyslexiques, celles de professionnels de la santé. Feront écho à ces approches des analyses et des propositions pédagogiques.
Le numéro se penche sur une problématique récurrente. Sujet traditionnel de polémiques et d’injonctions institutionnelles idéologiquement marquées, cette problématique est aussi une préoccupation constante pour l’enseignant. Loin des discours simplificateurs, il s’agit d’abord d’interroger une norme qui ne va pas de soi. Cela conduit à prendre en compte le rapport des élèves à leur propre langue non pour la dénigrer mais pour aider les élèves à objectiver des pratiques linguistiques plurielles. Cette démarche réflexive sur la langue a aussi le souci de donner du sens à l’enseignement de la grammaire. Elle postule que développer la curiosité et la réflexion métalinguistiques est une condition indispensable pour la maitrise de la langue. Les analyses et les démarches s’intéressent aux divers aspects concernant l’enseignement et l’apprentissage des questions de langue, du primaire au lycée en passant par le collège. Un article présente une réflexion issue de lectures théoriques ; un article et une bibliographie fournissent également des pistes pour travailler avec les livres qui mettent la langue en jeu(x).
Enseigner est un métier, à n’en pas douter, mais enseigner le français ? La spécificité disciplinaire change-t-elle le métier ? C’est la question que veut poser ce numéro de Recherches en interrogeant la manière dont vivent leur métier les enseignants de français que sont les instituteurs ou institutrices, les professeur-es des écoles, les professeur-es de français du collège et des lycées. La particularité de ce numéro est d’approcher le métier en tant que tel, avec ce qu’il donne à vivre en termes d’activités didactiques, pédagogiques, administratives, institutionnelles, mais aussi en termes d’identité et de rapport au travail. Il s’agit de donner à voir comment le métier est vécu par certains de ceux qui le vivent sans dogmatisme et surtout sans nostalgie, mais au contraire avec la volonté de montrer des facettes diverses du métier quand il se vit au quotidien, par des réflexions générales, des analyses et par la présentation d’activités de « français » (qu’elles soient disciplinaires ou transdisciplinaires).