Archives de catégorie : La chronique du livre pour la jeunesse

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – 2023

DOCUMENTAIRES

Histoires d’amour, Françoise Davisse, Carl Aderhold, Cécile Jugla/Gwladys Morey, Nathan, 2021.

Prolongeant la série documentaire télévisée « Il était une fois l’amour à la française », réalisée dans le cadre d’ Histoire d’une nation, cet ouvrage traite de toutes les grandes questions liées au sujet, même les plus intimes ou les plus délicates voire taboues. Reprenant la même maquette que l’ouvrage précédent (voir Coups de cœur Hiver-2019-2020), les auteurs abordent les problématiques liées à l’amour en courts chapitres (« La femme une petite chose fragile ? », « Aimer qui on veut, comme on veut ? », « Le sexe, ça s’apprend ? », « Un enfant si je veux, quand je veux ? »…), tout d’abord resitués dans une perspective historique, du XIXe siècle à nos jours ; viennent ensuite les témoignages de personnes extrêmement diverses, de toutes générations, inconnues ou célèbres, illustrés de photos et de dessins humoristiques très colorés. On lira avec intérêt la chronologie de l’amour en France (1791-2020), proposée en fin d’ouvrage, qui fera découvrir aux lecteurs les plus jeunes, les retours en arrière fulgurants en matière de lois sur l’homosexualité ou le divorce par exemple.

Dys et célèbres, Guillemette Faure et Mikankey, Casterman, 2022.

Sous-titré « Comment la dyslexie peut rendre plus fort, 24 personnalités inspirantes », voilà un ouvrage qui devrait mettre du baume au cœur de nombreux dyslexiques et de leurs parents. En dressant le portrait de 24 « dys » devenus célèbres (artistes, politiques, sportifs, scientifiques, cuisiniers…), l’auteure se donne pour mission de rassurer tous ceux qui sont concernés en décrivant le parcours, certes difficile, de ces personnalités connues du grand public. La plupart insiste sur les stratégies de contournement déployées, les astuces mises en œuvre, certain·e·s n’ayant découvert leur dyslexie que tardivement. À noter cependant que tous ont eu la chance de croiser des adultes bienveillants, compréhensifs, aidants. Autrement dit, l’ouvrage permettra autant de rassurer les « dys » en tous genres que d’inciter leurs proches et leurs éducateurs à les encourager, à les stimuler. Préfacée avec beaucoup d’humour par Thomas Legrand, journaliste et éditorialiste sur France Inter, directement concerné, cette galerie de portraits invite les « dys » à développer leur créativité et à prendre des chemins de traverse, afin de ne pas rester bloqués face à leurs rêves. Chaque double page consacrée à un·e « dys » célèbre est agrémentée de dessins amusants et colorés. Ressources en fin d’ouvrage.

Je profite de cette présentation pour mentionner La Vraie Vie de l’école, Pauline Alphen, illustré par Joanna Wiejak, paru chez Nathan en 2018, dont j’espérais la parution en poche.
La couverture, erreurs orthographiques en prime, annonce la couleur : le sujet, même grave, sera traité avec humour ! La *vrê *vi, c’est celle qui se passe à la récré, évidemment… Ambre Lefort, 9 ans, dyslexique, se bat avec les lettres et les mots. Inscrite en CM1 dans une nouvelle école censée lui apporter de l’aide après une scolarité chaotique, elle tombe de Charybde en Scylla : l’institutrice, Madame Dutron-Rifot ne la soutient pas, au contraire, et elle retrouve Morgane Lapail dite Lapeste, sa pire ennemie ! Ambre entame une correspondance électronique (voir réseau lettres) avec son frère ainé, Arthur, qui l’encourage à raconter son présent et son passé, en utilisant les mots qui lui viennent (« névralgique » pour « nostalgique », « perfusion » pour « profusion », « déglinguer » pour « dénigrer »…), car la langue « ambrienne » ne manque ni d’imagination ni de poésie ! L’année d’Ambre ne sera pas de tout repos, malgré tous ses efforts, mais elle tient le coup grâce à son frère, à son papi, son chat Aladin, sa copine Loulou et Balthazar Sorel, rejeté comme elle, en raison de sa précocité et de son désintérêt pour le foot. Un récit original, plein de fantaisie et d’humour, qui joue avec les mots tout en exposant les difficultés liées à la dyslexie, illustré de façon rigolote. La fin se veut optimiste : Ambre a retrouvé confiance en elle, pris du recul et surtout, en CM2, elle retourne dans son ancienne école avec une maitresse merveilleuse, Mathilde Muss, qui évalue les dictées différemment et fait rédiger des textes libres !

Les Mondes Roms, Olivier Peyroux/Marie Mignot, Gallimard Jeunesse, 2022.

Après avoir balayé sur plusieurs siècles l’histoire des Roms, heureuse ou tragique, l’auteur aborde ce qui constitue leur identité et leur culture à travers les moments forts de leur vie. Autant de révélations pour la plupart des lecteurs qui découvriront à quel point leurs connaissances sont éloignées de la vérité. Saluons donc la parution de ce documentaire qui vient combler l’absence d’ouvrage sur des populations aussi diverses (d’où le titre) que méconnues et ostracisées. L’auteur, sociologue devenu spécialiste du sujet et connaissant bien le terrain, réussit à déconstruire tous les clichés et stéréotypes dont sont victimes ceux qui durant les derniers siècles sont devenus des boucs émissaires. Les illustrations abondantes, justes et colorées, soutiennent et renforcent un propos humaniste s’adressant aussi bien aux enfants qu’aux adultes, les invitant à une authentique rencontre avec les Roms. Pour aller plus loin : quelques ressources en fin d’ouvrage.

 

FICTIONS

Les écrans, c’est pour les grands ! Flore Brunelet et Brunelet, « Les années crèche », Père Castor, Flammarion, 2022.

Le petit narrateur voudrait bien regarder la télévision, jouer avec la tablette ou le téléphone qui le fascinent. Il ne comprend pas pourquoi ses parents les utilisent sans arrêt mais lui en interdisent l’accès. Le docteur lui explique alors comment grandir et rester en bonne santé : « bien dormir et bien manger » mais surtout « jouer, courir, imaginer », toutes choses « que les écrans ne peuvent remplacer ». Il faut croire que le médecin s’est montré très convaincant puisque, ensuite, les parents sont sommés de jouer avec leur fiston qui a caché tous les écrans ! Petit album aux illustrations douces et rigolotes valorisant la règle des 3-6-9-12, proposée par Serge Tisseron, concernant l’usage progressif des écrans à partir de trois ans. Flore Brunelet enfonce le clou en s’adressant aux parents en fin d’ouvrage.
Cette collection, conçue à quatre mains par une fille psychologue et sa mère, illustratrice, conviendra également aux classes de maternelles, voire élémentaires. Elle comporte déjà huit titres abordant, entre autres, le sommeil, l’alimentation ou les relations avec la fratrie…

L’Étranger, Chris Van Allsburg, traduit par Christiane Duchesne, D’eux, 2022.

Écrit en 1986, cet album était resté inédit en France ; on saura donc gré à cette maison québécoise de nous l’avoir rendu accessible, tant on prend plaisir à retrouver l’univers onirique de l’auteur-illustrateur. Recueilli par la famille du fermier Bailey, un homme mystérieux semble amnésique, mais s’intègre parfaitement, aide la famille et se montre sensible aux animaux et à la nature qu’il semble influencer par sa présence. Néanmoins, le héros de cette histoire poétique restera à jamais un étranger, tant pour ses hôtes que pour le lecteur. Il repart en effet aussi mystérieusement qu’il était arrivé, non sans avoir contribué à modifier subtilement, de façon cyclique, le paysage et le climat alentour. Magnifiquement illustrée par des pastels lumineux, cette fable (météorologique ?) suscitera sans doute de multiples interprétations.

Monstres, Stéphane Servant et Nicolas Zouliamis, Thierry Magnier, 2023.

Le monstre n’est pas toujours celui que l’on croit… Ceux qui ont lu Safari de Yak rivais, Des goûts et des couleurs de Jacqueline Osterath, Personne déplacée de Michel Perrin, Les monstres de Robert Scheckley ou Niourk de Stefan Wül le savent bien : tout est affaire de point de vue, et quand on inverse celui-ci, l’humain, celui qui nous ressemble, devient un monstre au sens propre aux yeux d’autres êtres vivants ! C’est le cas dans ce magnifique roman illustré de dessins en noir et blanc qui évoquent, pour certains d’entre eux, ceux de Chris Van Allsburg. Un cirque ambulant arrive un jour dans le village isolé du jeune narrateur. Les habitants sont invités à venir assister au spectacle dont le clou est une bête terrifiante, « le survivant d’un peuple primitif », le monstre d’Érêves, qui n’est autre… qu’un enfant humain face à un public de monstres (vivant la nuit et dormant le jour) ! Otto, qui se sent différent de Max et de sa bande, car il est plus doux, plus sensible à la beauté, moins « monstrueux » avec sa tête de chat, se lie d’amitié avec Otto (son double ?) dont l’histoire (un déménagement, les disputes parentales, une fugue, un naufrage, la capture…) n’est racontée qu’en images et à travers les chants qu’il fredonne. Il faudra sans nul doute plusieurs lectures pour saisir toutes les allusions du texte et surtout des images. Un très bel objet livre donnant lieu à de multiples interprétations et qui ravive en nous le souvenir de Max et les Maximonstres de Maurice Sendak.

 Vous retiendrez mon nom, Fanny Abadie, Syros, 2022.

Une belle jeune fille de 17 ans, que tous admirent dans la cité, est agressée puis tuée. C’est Karim, un lycéen kabyle de sa classe, qui découvre le corps de Zineb, sœur de son ami Hamza. Profondément perturbé, il l’est davantage encore quand son ami Sublime, jeune migrant mineur isolé, disparait après lui avoir laissé ce qui pourrait être considéré comme une preuve de son implication dans le meurtre. Convaincu que Sublime est innocent, Karim n’a plus désormais qu’une idée en tête : découvrir qui a tué Zineb et surtout pour quelle raison. Nous suivons donc pas à pas l’enquête du narrateur, lequel évolue au fil de ses découvertes, en comprenant notamment que les personnes de son entourage sont différentes de ce qu’il en connait, qu’elles ont des secrets, des rêves, voire une vie parallèle dont il ignorait tout ! Sous ses apparences de jeune fille modèle, dont le mariage était déjà arrangé, Zineb avait commencé à s’émanciper, sans que ses frères ainés, Icham et Rayan, ni Malika sa mère, n’en sachent rien ; ses amies Joyce (l’ex de Karim) et Khedima mentent tant et plus, ne méritant sans doute pas le qualificatif de « meilleures amies » ; Hamza ne parle que de vengeance et se procure un pistolet auprès de Momo le caïd du quartier ; la nouvelle commissaire Mesronces ne ressemble pas aux flics peu empathiques qu’il connait et dont il se tient à distance. Même son père, ainsi que sa mère qui a quitté la maison sans crier gare, lui apparaitront sous un jour nouveau… Bref, Karim va devoir réviser ses jugements et faire des choix. L’auteur connait bien le monde des adolescents avec lesquels elle travaille depuis 20 ans, ce qui donne une authenticité certaine aux personnages qu’elle met en scène, tant dans leurs comportements que dans leur langage, très familier et argotique. Cependant, Karim, réputé intelligent, est capable d’adapter son registre, si bien que sa narration, même si elle est émaillée de quelques familiarités ou traces d’oralité, reste assez soutenue dans l’ensemble. Quant aux textes que Zineb slame en secret, ils sont tout simplement magnifiques… Il s’agit donc d’un polar plutôt bien mené, se passant dans un quartier populaire de cité, prompt à l’embrasement, où tous se connaissent, s’épient et obéissent à des codes ; où règnent les trafics et le racisme, mais également la solidarité face au deuil, comme en témoignent la chaleur dont ses voisines entourent Malika, la manifestation organisée par Hamza ou le recueillement de tous lors de l’enterrement de Zineb. Un lieu également où des adultes se dépensent sans compter auprès des jeunes, telle madame Breteau, la professeure de français qui encourage et soutient Zineb ou l’ancien boxeur devenu coach, Driss, ayant pris Sublime sous son aile et poussant Karim à se monter ambitieux en intégrant le Pôle France de boxe. La fin pourra laisser perplexe tant elle est ouverte : grâce notamment à Bouli, le plus jeune frère de Zineb, Karim détient enfin la vérité et des preuves, mais ignore ce qu’il va en faire !

Amour(s), Tess Alexandre/Camille Deschiens, Les Éditions des Éléphants, 2022.

Ce recueil de treize nouvelles pourrait être le pendant fictif du documentaire Histoires d’amour, présenté plus haut. Remarquablement complétés par des illustrations douces réalisées aux crayons de couleur, ces textes courts mais vibrants, mettent en scène des filles et des garçons confrontés aux premières amours, pas toujours celles attendues par eux-mêmes, leur entourage ou la société, ce qui génère interrogations, mal-être ou rejet. Comment accepter et faire accepter, sans être jugé ni harcelé, qu’on aime quelqu’un du même sexe (Imane, Rebecca, Marco, Solal), voire les deux (Thélio) ? Comment gérer une certaine a-sexualité (Cléo), le fait d’être déçue par sa première fois (Nine), de ressentir une jalousie exacerbée (Safia), de vouloir un enfant seule (Maïa), d’être amoureuse « d’un petit bourge blanc » (Fatia), de rencontrer enfin celle qu’on a connue virtuellement (Joshua) ? Comment prendre le risque d’avouer à celle qu’on aime qu’on est né fille mais qu’on se vit garçon (Jo) ? Chaque nouvelle porte le titre du personnage qui s’interroge, souffre, évolue, prend des décisions, sauf deux qui concernent des proches : « Lisa », qui aime Thélio qui aime aussi Léon et « Gaël », père qui réagit mal à l’annonce de la bisexualité de son fils (Thélio). La diversité des situations évoquées devrait permettre aux adolescents de se rassurer quant à leurs questionnements, de s’identifier ou de mettre des mots sur ce qu’ils ressentent confusément ou n’osent s’avouer. L’entourage (parents, camarades) réagit parfois vivement, manifestant son incompréhension voire sa désapprobation, mais également son soutien ; les ami·e·s sont à l’écoute (Juliane pour Nine, Nour pour Safia, Marco pour Solal) et finalement chacun·e dépasse les affres et assume ses désirs. Un ouvrage inclusif et optimiste donc, à conseiller aux collégiens les plus âgés et aux lycéens.

Scarlett et Novak, Alain Damasio, Rageot, 2021.

Connu notamment pour ses dystopies politiques, l’auteur s’adresse pour la première fois aux adolescents à travers ce court récit d’une cinquantaine de pages, destiné à illustrer les conséquences de l’utilisation constante et unique du « brightphone », équivalent futuriste de nos smartphones actuels. Novak est un jeune homme complètement inféodé à Scarlett[1], IA qui l’assiste en tout ! Sauf qu’elle ne réussira pas à empêcher l’agression de Novak ni le vol du précieux appareil, ce qui laisse son propriétaire totalement démuni, incapable de s’orienter ou de communiquer avec sa concierge croate avec laquelle il a toujours parlé via Gapple Translate ! Une fois sorti d’affaire, il a retenu la leçon et regarde autour de lui plutôt que son écran. Après cet épilogue dont on espère qu’il fera école, l’auteur a rédigé un très beau texte slamé intitulé « Une vie passée à caresser une vitre » qui interpelle l’utilisateur piégé dans de multiples paradoxes. Situé dans un futur peut-être pas si lointain, cette nouvelle et l’apostrophe finale semblent idéales pour lancer des débats (sans doute très vifs !) avec les élèves.

[1] Ceux qui l’ont vu penseront bien sûr au film Her de Spike Jonze, (2013) dans lequel Scarlett Johansson prête sa voix à l’IA Samantha dont l’écrivain Théodore tombe amoureux.

Nouveautés en matière d’éditions et de collections

CHATTYCAT

Créée en 2016, cette maison d’édition, découverte à l’occasion de la lecture du roman présenté ci-dessous, propose des fictions pleines d’aventures, parfois avec des personnages récurrents, dont la particularité est de passer naturellement du français à l’anglais, à l’instar de la collection « Tip Tongue » chez Syros par exemple. Classées par catégorie d’âge (3-6, 6-8, 8-10 et 10 +), les histoires visent également une découverte culturelle et historique du monde anglophone. Certains ouvrages sont complétés par des jeux, activités, chronologies historiques, carnets de voyage, voire une version audio…

L’Énigme Chad Cooper, Marc Victor, 2022.

Destinée aux lecteurs plus âgés (collégiens, niveau A1, anglais débutant), voici un roman d’espionnage enlevé, non dénué d’humour, narré par Gabrielle, l’une des protagonistes, cinq ans après les faits. Lors d’un concours d’anglais à Paris, la collégienne bretonne fait la connaissance d’Augustin Pliche, Parisien, et de Gaspard Fleury, Toulousain, qui se révéleront être deux frères jumeaux américains, adoptés par deux familles différentes à l’âge de cinq ans ! À l’initiative d’Augustin, bien décidé à retrouver leurs parents biologiques qui n’ont apparemment jamais cherché à les retrouver, les trois amis vont se lancer dans une aventure hors norme pleine de rebondissements et de dangers ; de Toronto à Washington, poursuivis à la fois par la mafia italienne et des agents de la CIA, il leur faudra beaucoup de mensonges, d’astuce, de solidarité et de chance pour parvenir à leurs fins tout en scellant une amitié (voire davantage pour Gabrielle et Gaspard…) à toute épreuve. Bien que la langue française domine, il faudra quand même un niveau minimal pour comprendre les répliques anglaises (non traduites), sans que le sens général de cette aventure trépidante n’en souffre pour autant. En revanche, le début de l’intrigue, comme l’indique Gabrielle elle-même, pourra sembler complexe à certains lecteurs en raison d’une chronologie bouleversée.

GALLIMARD JEUNESSE GIBOULÉES

Anne Sibran et Émilie Angebault mettent en scène Magda, une petite taupe, dans une nouvelle série d’albums qui comporte deux titres pour l’instant : Magda, le petit monde de la mare et Magda au grand jour, 2022. Ces deux fictions, bien documentées, célèbrent la poésie de la nature et la beauté du monde à travers l’interaction utile et nécessaire de deux mondes, celui d’en bas et celui d’en haut. Jolis dessins très précis, foisonnants de détails justes et rigolos, envahissant une double page qui se replie, à la fin. De quoi changer la vision des taupes et des animaux du monde souterrain !

 

PÈRE CASTOR/FLAMMARION JEUNESSE

« Les Petites Lumières » est une nouvelle collection d’albums (2022) imaginés par Chiara Pastorini et illustrés par Annick Masson. Ces fictions abordent les grandes questions « philosophiques » que les petits se posent très naturellement dès l’âge de 3-4 ans. Marcello en est le héros récurrent. Agé de 5 ans, il « habite une grande maison avec sa maman, Pablo et Michette, son lapin aux oreilles toutes douces ». Dans Le Goût de la vie, le petit garçon, pourtant caractérisé par sa joie de vivre, s’effraie soudain à l’idée qu’un jour, sa mère ne soit plus là ; son angoisse subsiste, tout devient gris autour de lui et il finit par nommer sa peur qu’un jour sa mère ne meure. Celle-ci ne nie pas cette évidence mais trouve les mots qui apaisent son petit garçon en évoquant les métamorphoses des arbres qui perdent leurs feuilles pour mieux les voir renaitre au printemps, sans compter qu’elle a encore du temps devant elle, que la vie se perpétue de génération en génération et que ceux qu’on aime restent à jamais dans notre cœur. Marcello sent enfin son nœud intérieur se défaire et retrouve son appétit ! Un deuxième titre, Léger comme un papillon traite de la vérité et du mensonge. Des albums aux illustrations fines et douces qui aideront les adultes à dialoguer avec les enfants.

Françoise Rachmuhl met la mythologie à la portée des élèves de l’école élémentaire grâce aux portraits de héros tels Antigone, Thésée, Héraclès, Démeter ou Ulysse. Moins de 100 pages, au format poche, à petit prix. 2022.

 

POCKET JEUNESSE

Liz et Grimm : imaginés par Christophe Guignement et Audrey Siourd, adaptés par Nicolas Chandemerle, il s’agit de contes revisités dont l’original est proposé en fin d’ouvrage. Deux titres au format papier, Le Petit Chaperon bleu et Stridouille, le Super Vilain Petit Canard, disponibles également en audio chez LIZZIE. Les titres suivants ne sont apparemment disponibles qu’en audio. Face aux problèmes rencontrés par Liz (utilisation d’internet, moqueries des camarades), Grimm, son chat, lui raconte la rencontre sur internet d’Adèle Chaperon avec LoulouFricoto, loin d’être celui qu’il prétend ou l’histoire de Stridouille qui rêvait de devenir chanteur malgré sa drôle de voix. Petits textes faciles pour aborder et tenter de dédramatiser les petits et grands tracas des jeunes.

Hélène Brisou-Pellen raconte « L’enfance des héros » dans une nouvelle collection du même titre : au programme pour commencer, Persée, Héraclès : pas simple d’être un héros ! 2022.

LA MARTINIÈRE JEUNESSE

Afin de renouveler ses anciennes collections « Hydrogène » et « Oxygène » devenues obsolètes, l’éditeur lance une nouvelle collection baptisée « Alt », à destination des 15-25 ans, sous forme d’essais engagés, courts mais percutants, rédigés par des spécialistes de la question problématisée. Il s’agit d’inviter les jeunes à une autre forme de lecture, à prendre le temps de la réflexion et du recul par rapport aux réseaux sociaux.

A-t-on le droit de changer d’avis ?, Blandine Rinkel ; Avorter, un droit en danger ?, Ghada Hatem ; S’informer, à quoi bon ?, Bruno Patino, 2023. Ce sont les trois premiers titres qui seront suivis d’une dizaine d’autres (écologie, féminisme…). Petit format, prix modique (3,50 euros), 30 pages.

Sans entrer dans le détail, je signale certains nouveaux titres de collections déjà présentées ou évoquées au sein d’autres chroniques.

Ainsi chez « Philophile Giboulées », Gallimard Jeunesse, 2022, Ai-je vraiment du mérite ? Aïda N’Diaye/Jochen Gerner, aborde les notions de méritocratie, transfuges, inégalités, égalité des chances, mobilité sociale. Mais qu’est-ce que tu imagines ? Aurélien Robert/Thibaut Rassat aborde celles dimaginaire, de réalité, de liberté, de création, d’écrans, de rêve, de désobéissance, de fiction, d’émotions, d’identification. Est-ce que tu sais ou est-ce que tu crois ? Camille Riquier/Quentin Duckit, traite quant à lui d’internet, de religion, de société et de science et Qu’est-ce qui fait mon genre ? Aïda N’Diaye/Léa Murawiec du corps humain, de l’identité, de philosophie, de sexualité, de société.

 

Chez « Mine de rien », Gallimard Jeunesse Giboulées, 2022, Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée/Robin dans Qui commande ? et Interdits dans la famille continuent de mettre en mots et en images les interrogations et les émotions des enfants, afin de les rassurer et de les aider à grandir.

DES NOUVELLES DES RÉSEAUX DÉJÀ PRÉSENTÉS

EXILS ET MIGRATIONS

Kissou, Angèle Delaunois, illustrations de Jean-Claude Alphen, D’eux, 2020.

Dédié « à tous les petits qui ont dû abandonner leurs rêves en cours de route », ce petit album évoque avec une justesse remarquable la fuite d’Amina et de sa maman face à la guerre. Ne sachant pas où se trouve l’homme de la famille parti combattre, elles s’enfuient en laissant tout derrière elles, sans espoir de retour. Amina s’accroche à Kissou, son fidèle doudou. La petite fille va connaitre le parcours semé d’embûches et de vicissitudes vécu par tous les réfugiés. Pire, au moment où Amina est secourue en mer, elle perd Kissou, l’ami de toujours qui lui avait permis de tout surmonter. Grâce à un bénévole compatissant, le destin de l’ourson bleu sera de consoler, si possible, Naïm, un autre petit exilé handicapé, seul parmi des milliers de réfugiés. Remarquable de concision tant dans le texte que les illustrations, ce récit simple et émouvant, abordable dès la maternelle évoque, sans pathos, une tragique réalité, très actuelle.

Le Garçon au fond de la classe, Onjali Q. Rauf, traduit de l’anglais par Marie Leymarie, illustrations de Pippa Curnick, Folio Junior, 2022.

Parution récente en poche de ce très beau roman rédigé à la première personne par une narratrice empathique de 9 ans. Quand elle comprend qu’Ahmet ne parle pas, ne sourit pas et n’aime pas les bonbons parce qu’il a fui la guerre en Syrie, Alexa décide de l’aider en mettant ses amis Josie, Michael et Tom dans le coup. Séparé de ses parents et de sa petite sœur, morte au cours du trajet, Ahmet a été placé en famille d’accueil à Londres. Ses nouveaux amis vont se mobiliser pour le défendre contre le racisme ambiant et l’aider à retrouver ses parents, quitte à vivre des aventures rocambolesques. Une narration à hauteur d’enfant, naïve et sincère, un roman sensible et optimiste rempli d’humour, malgré la gravité des faits évoqués.

 

RÉÉDITIONS OU PARUTIONS AU FORMAT DE POCHE DE TITRES DÉJÀ ÉVOQUÉS (ou pas, d’ailleurs…)

Aux éditions Casterman

Flora Banks, E. Barr, traduit de l’anglais par Julie Sibony, 2022.

Bonne nouvelle que la parution en poche de ce roman très original. Flora, la narratrice âgée de 17 ans, souffre d’amnésie depuis une opération au cerveau subie sept ans plus tôt. Oubliant tout au bout de deux heures, elle déploie une énergie considérable à tout noter sur un cahier, des petits papiers voire ses bras ! Tout à coup, un souvenir perdure : Drake (le petit copain de sa meilleure amie Paige) l’a embrassée… Comme il vient de partir pour le Spitzberg, Flora, convaincue qu’il possède la clé de sa guérison, décide de quitter son environnement familier pour le rejoindre. L’auteure joue habilement le jeu du point de vue d’une jeune fille courageuse et attachante, mais naïve, soutenue par son frère Jacob et couvée, voire étouffée, par ses parents. Le lecteur n’en sait pas plus que l’héroïne, « piétine » et régresse avec elle, ce qui peut parfois le dérouter, mais le suspense le maintient en haleine ; malgré son handicap et sa différence, Flora grandit et apprend, sans être épargnée, loin de là… Fin ouverte et pleine d’espoir. Devrait intéresser les plus âgés des collégiens.

Aux éditions Gallimard Jeunesse

La Trilogie de la poussière, tome 2 : « La Communauté des esprits », Philip Pullman, traduit de l’anglais par Jean Esch, Folio Junior et Folio, 2022.

Suite des aventures de Lyra, l’héroïne de l’envoutante première trilogie de l’auteur (À la croisée des mondes). Le premier tome, sorti en 2017, est paru en Folio Junior en 2020. Voici donc le suivant, que nous avions attendu trois ans, enfin publié en poche  ! Comme je l’avais indiqué à l’époque, l’auteur a déconstruit la chronologie puisque dans le premier tome, Lyra était un bébé sauvé par un garçon de onze ans, Malcolm Polstead, aidé d’Alice. Dans ce deuxième opus situé vingt ans plus tard, Lyra étudie au collège Sainte Sophia, elle est proche du professeur Hannah Relf et de la gouvernante Madame Lonsdale, prénommée Alice, dont Lyra ignore encore le rôle qu’elle a joué autrefois avec Malcolm, devenu lui, son professeur. Influencée par ses lectures scientifiques, elle se dispute de plus en plus souvent avec Pantalaimon ; ce dernier ayant assisté à un meurtre, tous deux se lancent dans une enquête parsemée d’embûches qui les mènera jusqu’en Asie. Il serait vain d’essayer de résumer toutes les péripéties complexes de ce tome dont les fils seront reliés, espérons-le, dans le troisième… On retrouve dans cet opus de nombreux personnages, bons ou malfaisants, rencontrés précédemment ; les manœuvres du Magisterium et du « Conseil de Discipline Consistorial », contre lequel luttent les membres d’« Oakley street » soutenant Lyra, sont toujours aussi retorses et dangereuses pour elle. Les mondes imaginaires créés par l’auteur n’ont jamais été aussi proches d’une réalité contemporaine peu reluisante : fanatisme religieux, terrorisme, trafics d’êtres humains, rejet des migrants, oppression et agressions des femmes, de nombreux épisodes rendent donc ce tome sombre et violent. Séparée une nouvelle fois de Pantalaimon, parti à la recherche d’une cité où vivraient des daemons sans leur humain, Lyra a entamé un voyage initiatique dont on se demande quelle sera l’issue.

L’Ickabog, JFK Rowling, traduit de l’anglais par Clémentine Beauvais, Folio Junior, 2022.

Le roi Fred Sans Effroi règne sur un petit royaume où il fait bon vivre, la Cornucopia. Mais un jour, l’Ickabog, monstre sanguinaire légendaire vivant dans les marais du nord, vient perturber le bonheur de tous. Il faudra le courage de deux adolescents, Daisy et Bert, pour faire éclater la vérité au grand jour. Deux conseilleurs sans scrupules du roi, peu éclairé et dominé par ses peurs, n’ont pas hésité à manipuler les foules et à faire régner la terreur pour s’enrichir. Une fable politique qui dénonce les dérives du pouvoir et les mensonges grâce à l’instrumentalisation d’une légende.

Les Crimes de Grindelwald, JFK Rowling, traduit de l’anglais par Clémentine Beauvais, Folio Junior, 2022.

Présenté dans Hiver 2018-2019. Reste à attendre la parution au format poche du texte du troisième film, Les secrets de Dumbledore (2022).

Demandez-leur la lune, Isabelle Pandazopoulos, « Pôle Fiction », 2022.

Lilou Vauzelles, Samantha Berthier, Bastien Maheux et Farouk Yldirim : ces quatre adolescents très différents, ont cependant en commun un vécu difficile et une situation d’échec scolaire ; ils vivent dans « la diagonale du vide » (culturel, électronique…), tentent de se construire comme ils le peuvent et surtout n’ont pas les mots. La chance leur sourira en la personne d’une jeune professeure de français passionnée, Agathe Bertin. Elle va les soutenir, au sens propre, en les initiant à l’éloquence, en leur faisant faire du théâtre et en les inscrivant à un concours d’éloquence : grâce à la lecture, à la parole et au jeu, ils vont retrouver confiance en eux et accepter de se tourner vers un avenir qu’ils croyaient sombre. A travers ce portrait d’enseignante, l’auteure, s’appuyant sur une expérience de terrain solide, rend hommage à celles et ceux ayant un jour marqué, inspiré et enthousiasmé leurs élèves. Mais surtout, elle affirme et prouve que ces jeunes, orientés en lycée professionnel, sont capables de se mobiliser et d’évoluer, pour peu qu’on croie en eux et qu’on leur donne les moyens d’avoir des ambitions.

L’Année de grâce, Kim Liggett, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Peronny, Pôle Fiction, 2022.

Cette « année de grâce » porte bien mal son nom, puisqu’il s’agit pour toutes les jeunes filles âgées de 16 ans de vivre, ou plutôt de survivre, isolées dans un camp sommaire au milieu de la forêt, après avoir été, éventuellement, choisies par un futur époux auquel elles seront ensuite inféodées. L’ennemi est à l’extérieur, des braconniers qui tireront profit de leur capture et du dépeçage de leur corps, mais également à l’intérieur car, plutôt que la solidarité, c’est la zizanie, les jalousies, la mesquinerie et la violence qui prédominent entre jeunes femmes ! Cette société, dominée par un patriarcat religieux obscurantiste, essaie donc de brider et de soumettre les femmes : elles doivent ainsi perdre leur « magie », entendez tous leurs pouvoirs, pouvoirs de séduction, certes, mais pas seulement ; durant cette année, dont personne ne parle et surtout pas celles qui en sont revenues, il s’agit ainsi de les briser afin de les rendre dociles. À travers les yeux de Tierney, le lecteur va donc vivre ce calvaire pour lequel elle a sans doute été bien préparée, à son insu, par sa famille. Indépendante, déterminée, mais souvent impulsive et parfois très naïve, Tierney sortira grandie de cette épreuve et perpétuera une lignée de femmes bien décidées à se libérer de l’oppression. Les citations de Margaret Atwood (La Servante écarlate) et de William Golding (Sa Majesté des Mouches) disent assez de qui l’auteure s’est inspirée pour imaginer ce monde archaïque, misogyne et totalitaire (délation, exécutions publiques…), sans pour autant m’avoir autant passionnée que ses prédécesseurs. C’est peut-être une question de traduction, mais, de mon point de vue, trop d’éléments restent implicites ou peu clairs.

Hôtel Castellana, Ruta Sepetys, traduit de l’anglais (États-Unis) par Faustina Fiore, Pôle Fiction et Folio, 2022.

Tout sépare Ana Torres Moreno, fille de républicains espagnols assassinés par les franquistes et Daniel Matheson, jeune héritier texan, qui a pourtant, par sa mère, du sang espagnol dans les veines. Ana travaille à l’hôtel Castellana de Madrid où Daniel séjourne avec sa famille : elle doit se mettre à leur service. Davantage passionné par la photographie que par le pétrole, le jeune homme découvre peu à peu la sombre réalité d’un pays soumis à la dictature, Ana lui servant de guide. Il ne mesure pas à quel point les habitants sont muselés, pauvres et pour certains, comme Ana et ses proches, en danger au moindre faux pas. Il serait vain de vouloir résumer de façon exhaustive ce roman passionnant dont l’intrigue fictive se déroule essentiellement en 1957 pour se terminer en 1975, à la mort de Franco. Extrêmement bien documenté, le récit, rédigé au présent, met en scène autour des deux héros de nombreux personnages attachants, souvent complexes, et parfois répugnants, enferrés dans le silence, les secrets et les mensonges. Il fera découvrir aux lecteurs tout un pan de l’histoire espagnole, à savoir les conséquences de la guerre civile perdue par les républicains : un dictateur prend le pouvoir et autorise, entre autres, de terribles massacres ainsi qu’un scandale qui ne devait éclater que très tardivement : le vol à leurs parents (pauvres et/ou républicains) de plus de 300 000 bébés, vendus à des familles censées leur donner une « bonne éducation chrétienne »… Toutes les clés de contextualisation historique (images d’archives, explications de l’auteure, glossaire, bibliographie) sont fournies au lecteur en fin d’ouvrage.

Eon et le douzième dragon, Eona et le collier des Dieux, A. Goodman, traduit de l’anglais par P. Giraudon, « Pôle Fiction », 2022 et 2023.

Présentés dans le numéro 55 de Recherches (2011), réseau « Filles-Garçons ».

Aux éditions PKJ

Traquées !, Sandrine Beau, 2021.

Poursuivies par un ancien complice de leur père, bien décidé à récupérer un butin lui ayant échappé, Annabelle, 14 ans, et Marjolaine, 5 ans, devront leur salut à leur débrouillardise et à l’aide de bonnes âmes croisées durant les trois jours de leur folle cavale ! Suspense et frayeurs garantis pour ce polar, sur les invraisemblances duquel les jeunes lecteurs passeront allégrement. La narration d’Annabelle à la première personne est entrecoupée par les interventions du méchant tueur ainsi que par les dépositions des personnes ayant rencontré les filles, ce qui permet aux lecteurs de comprendre l’origine de cette affaire et surtout de rassurer les anxieux : la gendarmerie enquête ! Un récit qui pourrait intégrer un réseau « Narration complexe ».

 Les Fabuleuses Aventures d’Aurore, Douglas Kennedy/Joann Sfar, traduit de l’anglais (États-Unis) par Catherine Nabokov, « Best Seller », 2022.

Saluons la parution en poche du premier roman pour la jeunesse de cet écrivain célèbre qui collabore, pour les illustrations, avec l’auteur bien connu du « Petit Vampire » et du « Chat du rabbin ». Et ce d’autant plus qu’il aborde, pour les plus jeunes, le sujet des troubles du spectre autistique (TSA). Aurore, la narratrice âgée de 11 ans, ne parle pas mais, grâce aux encouragements de Josiane, sa prof particulière, elle communique à toute vitesse grâce à sa tablette. Être atteinte d’un TSA ne bride pas sa joie de vivre ni son intelligence, sans compter qu’elle possède un don hors norme consistant à percevoir les pensées des gens : pouvoir magique ou métaphore d’une hyper sensibilité ? Au lecteur de trancher ! Toujours est-il que l’héroïne met son trouble au service des autres. En effet, lorsque Lucie, la meilleure amie de sa grande sœur Émilie, disparait, Aurore décide d’apporter son concours à l’inspecteur chargé de l’enquête. Ce petit roman met en valeur les différences et prône leur respect, qu’il s’agisse d’Aurore et de sa manière d’aborder les choses ou de Lucie, génie des maths mal dans sa peau et harcelée en raison de son poids. L’auteur, lui-même père d’un garçon atteint de TSA, a choisi de brosser le portrait d’une préadolescente vivant de nos jours à Fontenay sous Bois, avec sa mère employée dans une banque, alors que son Pap’ adoré, écrivain, vit à Paris. Confrontée aux réalités contemporaines (séparation des parents, famille recomposée, grande sœur en pleine crise d’adolescence, harcèlement scolaire, maltraitance), Aurore, en dépit de sa naïveté, perçoit avec acuité la souffrance et les problèmes de son entourage qu’elle s’efforce d’aider.
Deux autres tomes, Aurore et le mystère de la chambre secrète puis Aurore et l’incroyable énigme de New York sont parus en grand format (2020 et 2022).
Dans ce deuxième opus, Aurore, qui fréquente l’école pour la première fois, est victime de harcèlement de la part d’Anaïs et de sa bande. L’inspecteur Jouvet lui confie une nouvelle enquête… Dans le troisième, elle séjourne à New York avec Diane, sa nouvelle prof. Elle va devoir collaborer avec la police locale pour retrouver son ami Bobby qui a disparu…

La mémoire des couleurs, Stéphane Michaka, 2022.

Présenté dans Automne-hiver 2018-2019.

 

Réseaux, tomes 1 et 2, Vincent Villeminot, 2022.

Présentés dans Recherches n° 62, 2015.

20 allée de la danse, Tomes 1 à 5, Élizabeth Barféty, illustré par Magali Fournier, « Best seller » 2022.

Présentés dans Automne-hiver 2016 .

Le Jeu du maitre (Tome 3) : Fin de partie, James Dashner, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, Best Seller, 2023.

Suite et fin des aventures de Michael (présentées en 2021) et de ses amis au sein du VirNet. Arriveront-ils à déjouer les plans machiavéliques de Kaine ou la cyberdomination va-t-elle triompher ? Approche romancée des dangers de la réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle au programme !

Aux éditions Thierry Magnier

La soupe aux amandes, Sylvie Deshors, Petite Poche, 2022.

Présenté dans Recherches n° 68, 2018, réseau « Exil et migrations ».

 

 

Je terminerai en mentionnant un ouvrage consacré par Marie Lallouet à « Gallimard Jeunesse », paru chez ce même éditeur : Cinquante ans de la vie d’un éditeur dans l’histoire de la littérature jeunesse en France, 2022. Il est impossible de résumer cette somme, qui en 12 chapitres, tente de brosser le panorama de 50 années consacrées à l’édition jeunesse. Abondamment illustré et fort bien documenté, ce pavé aborde tout ce qui a contribué à créer et nourrir le catalogue d’une maison d’édition indépendante, soucieuse de qualité et d’innovation, qu’il s’agisse des auteurs, des illustrateurs, des sujets, des genres, des collections, des formats ou des métiers de l’édition…

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – 2022

DOCUMENTAIRES

Petit mais écolo !, Justine de Lagausie et Aurélie Guillery, « Mes imagiers tout carrés », Casterman, 2021.

30 gestes quotidiens extrêmement faciles à mettre en œuvre dès le plus jeune âge afin de ne pas gaspiller les ressources ni polluer, histoire de prendre de bonnes habitudes. Format très maniable, pages en carton épais, illustrations explicites pour les plus petits à qui on fera la lecture mais qui pourront également deviner de quel geste il est question.

Consommation : le guide de l’anti-manipulation en BD, Guillemette Faure et Adrienne Barman, Casterman, 2020.

Le titre annonce la couleur : voilà un ouvrage qui devrait permettre à tous de dépenser moins d’argent ou, en tout cas, de ne plus se laisser piéger par les « bonnes affaires » ! Anna, César, Sammy et Simone participent à un vide-grenier afin de vendre les jouets dont ils ne veulent plus. À cette occasion, M. Ristourne, le propriétaire du bazar « L’indispensable superflu », va leur dévoiler tous les dessous de la consommation de masse, l’ingéniosité des publicitaires au service des marques, bref, leur décrire toutes les manipulations mises en œuvre afin de faire acheter toujours plus. Grâce aux 22 astuces destinées à rester vigilants, nos jeunes amis et les lecteurs deviendront, espérons-le, des consommateurs avertis, donc moins naïfs, et surtout responsables ! Une bande dessinée à mettre entre toutes les mains dès la fin de l’école élémentaire et qui restera d’actualité bien plus tard…

L’Économie en BD, Jézabel Couppey-Soubeyran et Auriane Bui, Casterman, 2020.

Juliette, la mère de Zoé, est au chômage depuis un an, car la banque où elle travaillait a fait l’objet de « restructurations »… La collégienne de 12 ans voudrait l’aider, ce qui va l’amener à dialoguer avec sa voisine, Madame Robinson, professeur d’économie à la retraite, ainsi qu’avec ses copains, d’origines sociales et géographiques diverses. À travers de multiples saynètes très concrètes de la vie quotidienne, de nombreux aspects de l’économie sont ainsi abordés, le plus simplement possible, même si certains thèmes restent complexes (PIB, marchés financiers, monnaies, mondialisation, loi du marché… ). Zoé mesure mieux ce que sont les inégalités, d’où elles proviennent et à quel point lutter pour les réduire n’est pas gagné ; elle et ses amis comprennent qu’ils sont des acteurs économiques et qu’il est important de réfléchir à l’avenir de notre planète. Une bande dessinée claire et dynamique qui, malgré l’aspect didactique lié aux notions abordées (glossaire très utile en fin d’ouvrage), laisse cependant place à l’humour et à l’optimisme.

Speak up ! Utilise ta voix pour changer le monde, Laura Coryton, traduit de l’anglais par Faustina Fiore, Flammarion Jeunesse, 2020.

Comme l’indique le titre, l’ouvrage se veut un guide pratique pour aider les jeunes filles à oser prendre la parole afin de défendre les causes qui leur sont chères. Militante féministe, l’autrice (qui est entre autres connue pour avoir lancé avec succès une pétition destinée à réduire la « Tampon tax ») s’appuie sur son expérience pour délivrer pas à pas ses conseils et astuces, sans négliger d’évoquer les échecs et la manière de les surmonter. Elle insiste également, à juste titre, sur l’importance de l’estime de soi. Maquette moderne et aérée qui joue sur les polices de caractères ou l’alternance du noir et jaune, sans compter quelques illustrations stylisées. En fin d’ouvrage, index très utile des thèmes ou mots-clés évoqués. Un titre qui devrait trouver sa place dans les CDI et lecture recommandée aux garçons !

Tout sur les règles, Anne Roy/Mademoiselle Caroline, Flammarion jeunesse, 2021.

S’appuyant sur sa pratique quotidienne, l’autrice, sage-femme, a conçu un guide accessible et ludique autour d’un sujet demeurant largement tabou, alors qu’il concerne la moitié de la population. Toutes les questions que chacun, fille ou garçon, se pose, sont abordées dans un langage simple, complété par des schémas précis et des illustrations humoristiques de style BD : un groupe d’adolescentes d’aujourd’hui accompagne les lecteurs tout au long de l’ouvrage afin d’aborder « Tout sur les règles » en cinq grandes parties et 41 questions tant techniques que pratiques ou médicales. Une parution salutaire qui comble un grand vide !

Héros. 40 personnages de roman, Patricia et Jean-Philippe Arrou-Vignod/Andrew Lyons, BAM !, Gallimard Jeunesse, 2021.

Forcément subjective, cette sélection de héros littéraires, dont on pourra déplorer qu’elle ne comporte qu’un quart d’héroïnes, aura au moins le mérite de raviver le souvenir – ou de faire découvrir – des figures imaginaires fortes. Qu’ils appartiennent à la littérature destinée aux adultes (du moins à l’origine) ou à la jeunesse, tous ces personnages, devenus si célèbres qu’on les croirait vivants, sont de véritables ami·e·s qui aident à grandir, soutiennent et font rire, s’émouvoir ou rêver : ils sont présentés dans ce qu’ils ont de plus caractéristique.

Femmes au fil du temps, Katarzyna Radziwitt/Joanna Czapiewska, traduit du polonais par Martina Polek, Helvetiq, 2021.

Suivant un ordre chronologique allant de 10 000 ans avant notre ère à nos jours, ce grand album retrace, tant par le texte que par les illustrations, la vie quotidienne de femmes ordinaires, différente selon leur condition sociale. Le lecteur constatera que l’évolution de leurs droits et devoirs n’a pas été forcément linéaire : ainsi les femmes égyptiennes, au moins celles des milieux aisés, occupaient des fonctions prestigieuses et décidaient seules de leur avenir ; dans la Grèce antique, leur destin était différent selon la Cité-État dans laquelle elles vivaient : mieux valait pour elles vivre à Sparte ou à Théos qu’à Athènes ou sur l’île de Thasos… Quant à la première manifestation féministe, elle eut lieu en 216 avant notre ère, à l’initiative de Romaines qui voulaient récupérer des biens qu’on leur avait confisqués pour financer la guerre. On sait qu’au cours des siècles, de nombreux droits leur furent déniés, que leur conquête ou reconquête, évoquée dans les derniers chapitres, est récente, mais encore fragile et incomplète, ce qui aurait pu être davantage souligné, notamment en ce qui concerne de nombreux pays.

FICTIONS

La Princesse qui pue qui pète et le Prince pas très charmant, Marie Tibi, illustrations de Thierry Manes, Casterminouche, Casterman, 2021.

Le titre laisse peu de doutes sur les qualités respectives de la princesse Castille de Bonaloi et du prince Gontran de Pacotille. La première (dont les lecteurs ont pu faire la connaissance dans un premier opus La princesse qui pue qui pète (2020) a du caractère et en remontrerait aux féministes les plus radicales. Le second est un pleutre, imbu de sa personne, persuadé qu’une épouse digne de ce nom doit passer son temps à broder… Castille n’en veut point pour mari, lui préférant son ami Armand dont elle partage les jeux et le travail à la ferme, quitte à oublier son rang et à en revenir peu présentable. Il sera son prince, avec l’accord de la reine Guillemette et du roi Clotaire, car ces derniers souhaitent simplement le bonheur de leur fille. Un texte et des illustrations humoristiques, qui balaient vigoureusement les stéréotypes de genre.

Princesse Pimprenelle se marie, Brigitte Minne et Trui Chielens, Cot Cot Éditions, 2020.

Il est temps pour la princesse Pimprenelle de choisir un prétendant parmi tous ceux paradant sur leur cheval blanc. Mais aucun ne trouve grâce à ses yeux : elle préférerait choisir un cheval ! Soudain, c’est le coup de foudre pour la princesse Aliénor chevauchant son beau destrier noir. Elles deviennent inséparables, partageant gouts et valeurs ; Pimprenelle accepte alors la demande en mariage d’Aliénor, ce qui suscite indignation et paroles cruelles à la cour. Après avoir consulté la docte Sophie, ses parents, se remémorant leur propres sentiments réciproques, reconnaissent que seul l’amour compte. « Elles s’aiment, c’est l’essentiel » : l’adage fait le tour du royaume, finissant par convaincre les plus intolérants. Le conte s’achève sur la phrase rituelle, ce qui justifie ensuite une explication sur la manière dont les deux princesses auront un bébé… Un album engagé dont les illustrations impertinentes aux traits enfantins font parfois songer à Picasso ou aux peintres cubistes.

Elle sera toujours là, Thierry Lenain/Manon Gauthier, D’eux, 2021.

Publié en 2016 au Canada, ce superbe album est enfin disponible en France. Quelques phrases bâties selon une structure répétitive (« Pour me…, elle était là »), magnifiquement illustrées ou complétées par les collages délicats de l’illustratrice, rendent compte de la présence et de l’amour maternels qui perdurent au-delà du temps et de l’absence. Car rupture et deuil, il y a eu ou il y aura, comme les dernières pages le suggèrent, tant par le texte que les images. Par une subtile inversion, c’est désormais le cœur de l’enfant devenu (plus) grand qui abrite symboliquement celle qui l’a porté dans son ventre. Un album qui prouve simplement, mais de façon sensible et subtile, que l’on peut aborder la mort et le deuil dès le plus jeune âge.

 Nino, Anne Brouillard, Les éditions des éléphants, 2021.

Simon dormait dans sa poussette, ses parents admiraient les arbres de la forêt : personne n’a vu tomber le doudou Nino… sauf Lapin qui l’accueille dans son terrier. Puis c’est au tour d’Écureuil ou des mésanges noires de l’inviter à les suivre. Tout à coup, la nuit tombe : Nino est perdu, il s’inquiète. Mais Renard veille et l’emmène à la rencontre des autres animaux de la forêt avant de le reconduire à l’aube chez Lapin. Nino dort profondément jusqu’au crépuscule suivant qui lui fera retrouver son humain préféré. Autrice-illustratrice qui n’est plus à présenter, Anne Brouillard propose un album dont les illustrations (encres et aquarelles) aux couleurs sombres et chatoyantes parlent le plus souvent d’elles-mêmes, sous forme de petites ou grandes vignettes, en pleine page, voire en double page, telles celles magnifiques de Nino contemplant son village sans reconnaitre sa maison, chevauchant de nuit le renard ou saluant à la fin, bien au chaud, ses amis de la forêt. Une très belle réussite où le réel le dispute à l’imaginaire.

Le Phare, Sophie Blackall, traduit de l’anglais (États-Unis) par I. Meyer et C. Drouault, Les éditions des éléphants, 2021.

Le phare dont il est question ici voit un jour arriver un nouveau gardien qui accomplira, comme le précédent, de nombreuses tâches routinières et pourtant essentielles. Remplissant consciencieusement son journal de bord, le gardien pense à Alice, son épouse qui le rejoint bientôt et l’assiste dans son quotidien ou lors d’évènements exceptionnels. Elle le soigne et le remplace lorsqu’il est malade, il l’aide à accoucher de leur petite fille. Mais les temps changent : la machine remplace l’homme, le gardien et sa famille regagnent la terre ferme d’où ils contempleront, sans doute avec nostalgie, le phare qui continue, seul, de balayer les flots de sa lumière. L’autrice réussit à reconstituer, au fil des saisons, une vie au rythme immuable, parfois bouleversée par une tempête, un naufrage, le passage d’une baleine, l’arrivée du bateau de ravitaillement ou même d’un enfant ! Encre de Chine et aquarelle se marient dans des couleurs chatoyantes pour illustrer ce magnifique album poétique, très documenté, dont le texte, tel un calligramme, épouse parfois les évènements. Grande originalité des cadrages et des dessins, tels la coupe verticale du phare, les médaillons ronds, sans compter les surprises des dernières pages dont on peut déplier un volet. Une très belle réussite !

Esther Andersen, Timothée de Fombelle, illustrations de Irène Bonacina, Gallimard Jeunesse, 2021.

Double rencontre cruciale pour le jeune narrateur : avec la mer, mais également avec Esther, dont le nom, prédestiné, ne saurait être un hasard. Chaque été durant les vacances, il vient retrouver son oncle Angelo, un être aimant et original, qui n’achète ni ne jette rien, n’est jamais en panne d’histoires de toutes sortes et lui cuisine des nouilles au beurre. Chaque été, le jeune garçon enfourche son vélo rouge et pédale à travers les grands espaces, admirant la nature qu’il explore en allant de plus en plus loin. Jusqu’au jour où il arrive face à la mer : quelle émotion ! Laquelle redouble lorsqu’il aperçoit Esther, jeune anglaise venue sur la plage avec son petit chien. Les aquarelles délicates de l’illustratrice racontent autant que les mots à quel point cet été là sera unique et inoubliable. Tendresse et poésie sont au rendez-vous pour évoquer l’émerveillement des premières fois durant l’enfance. Superbe album au format à l’italienne dans lequel souffle un vent de liberté inouï, entre temps suspendu et temps qui transforme l’enfant et le fait grandir.

Alfonsina, reine du vélo, Joan Negrescolor, Gallimard Jeunesse, 2021.

Qui, même parmi les amateurs de cyclisme, connait le nom d’Alfonsina Strada (1891-1959) et sait de quels exploits elle fut capable ? Justice est rendue à cette pionnière que rien ne découragea, dans ce grand album aux tons jaunes/orangés/bleus/noirs s’inspirant de la vie d’une jeune femme très en avance sur son temps. « Mordue » dès qu’elle reçoit son premier vélo à 10 ans, éprise de liberté, Alfonsina participe trois ans plus tard à sa première course, qu’elle gagne ! Faisant fi des quolibets et des injures, elle s’acharne, n’hésite pas à « emprunter » les chaussures du grand-père et la casquette du facteur, se déguisant afin de participer à des courses masculines, qu’elle remporte (36 victoires !). En 1924, elle est la première femme à participer au Giro d’Italie, réservé aux hommes. Surnommée « la reine du vélo », cette sportive accomplie balaie les préjugés et sera finalement acclamée par ses anciens détracteurs. L’image de cette petite fille prenant d’assaut une immense bicyclette figurant sur la couverture restera longtemps gravée dans la mémoire du lecteur, preuve que la persévérance et la passion contribuent à la réalisation des rêves les plus fous, même quand on nait fille. Un bel exemple à suivre …

L’Âge du fond des verres, Claire Castillon, Gallimard Jeunesse, 2021.

Chantal, 56 ans, et Clément, 71 ans, feraient sans nul doute des grands-parents géniaux… Le problème pour Guilène, 10 ans et demi, c’est qu’ils sont ses parents ! Si cela ne la gênait absolument pas du temps de l’école élémentaire, tout a changé depuis son entrée en sixième. La confrontation avec les parents de ses camarades, tous jeunes et branchés, la remplissent de honte. Obnubilée par les excellents conseils de sa nouvelle amie Cléa, qui sait tout sur ce qu’il faut faire et dire, ou pas, au collège, Guilène ne se juge pas du tout à la hauteur. Et finit par se sentir constamment tiraillée entre l’amour éprouvé envers ses parents qui lui offrent un foyer chaleureux, font constamment preuve d’humour ou de tolérance, et la tentation de les voir à travers le regard très féroce que ses camarades portent sur cette famille différente… Narré à la première personne par une toute jeune fille se décrivant comme timide et naïve, ce récit tendre et cruel illustre bien les tourments d’une préadolescente supportant de moins en moins de se moquer de ses « vieux » avec ses camarades ; ceux-ci finiront d’ailleurs par reconnaitre que les leurs ont beaucoup moins de courage que les siens, les seuls qui oseront dénoncer l’attitude inadaptée de la professeure de mathématiques, Madame Ivans. Une analyse fine et bien menée d’un passage délicat plus ou moins bien vécu selon les enfants : j’ai trouvé Guilène très mure et finalement bien armée pour franchir cette épreuve : grâce à ses vieux parents peut-être ?

Serial Tatoo, Sylvie Allouche, Syros 2020.

Nous retrouvons l’équipe de Clara Di Lazio pour une troisième enquête dont la noirceur n’a rien à envier aux précédentes (présentées dans les « Coups de cœur 2020 »). Le fameux « instinct » de la commissaire l’alerte lorsqu’Ayo Madaki vient signaler la disparition de sa fille ainée. Cette Nigériane, dont on a assassiné le mari et dont le fils a disparu, a fui son pays avec ses trois filles : elles connaissent depuis trois ans en France la vie difficile de tous les migrants. Clément, Louise, Gauthier et Nathan découvrent que Shaïna s’est sans doute « vendue  » pour aider sa famille, sans mesurer à quoi elle s’exposait ; plus soudés que jamais autour de leur cheffe, ils s’engagent alors dans une course contre la montre afin de sortir la jeune fille des griffes de trafiquants d’êtres humains, prêts à tout pour de l’argent. Louise, notamment, fait preuve d’un courage inouï en se jetant dans la gueule du loup, ce que le lecteur découvre dès le prologue. Bien documentée, tant sur le quotidien des policiers que sur la traite d’êtres humains et la prostitution, l’intrigue se déroule sans temps morts, y compris quand elle piétine : l’emploi du présent, la concision et les nombreux dialogues y contribuent largement. Nul doute que le tatouage sera perçu différemment quand le lecteur comprendra quelle fascination perverse son côté « artistique » peut exercer… Les personnages récurrents prennent de l’épaisseur et leur humanité nous touche ; les jeunes femmes, parfois mineures, restent des proies faciles, manipulables à souhait, qu’elles soient déjà sous la coupe de proxénètes, à la recherche d’une vie meilleure ou favorisées comme Anya Parov, dont la naïveté s’explique par son amour de l’art du tatouage et surtout par le besoin absolu de reconnaissance de la part d’un père vis-à-vis duquel elle nourrit des sentiments contradictoires.

Cannibale et L’Ange obscur, Danielle Thiéry, Syros, 2020 et 2021.

Ex-commissaire divisionnaire, l’autrice signe là ses deux premiers polars pour adolescents, après en avoir écrit de nombreux pour les adultes.
Après avoir participé à une course d’orientation sans aucune aide technologique, deux jeunes lycéens ont disparu. Roxane Flamand réapparait cependant, en état de choc, incapable d’expliquer ce qui s’est passé. Hospitalisée, amnésique, elle ne peut répondre aux questions du capitaine Antony Marin quant à son ami Rafaël Cottin, toujours introuvable. Arrivé à Épinal suite à une affaire dans laquelle il a été injustement mis en cause, le policier est donc confronté à une enquête délicate, non seulement parce qu’elle concerne des mineurs, mais également parce que sa propre fille connait très bien les protagonistes. Amoureuse de Rafaël, Olympe est convaincue que Roxane est impliquée dans sa disparition. Mais elle mène son enquête de son côté sans rien dire, laissant son père, parfois très naïf, s’enliser. Malgré la surveillance discrète du brigadier Johnny Vaillant, elle se trouve en danger. Il devient assez vite évident en effet que l’on a affaire à une manipulatrice hors pair, dont on connait les pensées indiquées en italique, le titre étant à comprendre au sens métaphorique : son propre père semble être sous son emprise… Le machiavélisme dont elle fait preuve aura au moins le mérite de permettre à Olympe, dont la mère est dépressive, de se rapprocher de son père et de collaborer entièrement avec lui. Une intrigue haletante et glaçante qui se termine de façon ouverte.
Une dizaine de mois ont passé : Olympe tente d’oublier, difficilement, l’épreuve vécue précédemment ; or l’arrivée à Épinal d’une équipe de tournage lui offre un dérivatif. Bluelight Productions va réaliser un film inspiré de deux disparitions en forêt, survenues dix ans plus tôt dans la région : Alya Bariani a été assassinée et son amie Cheyenne Vandelambre, jamais retrouvée. Malgré ses dénégations, l’ex-petit ami d’Alya, Vince de Mestre, a été reconnu coupable et condamné à treize ans de réclusion. Surnommé « l’ange obscur » en raison de son charisme et de son mystère, Vince, bientôt libérable, a été embauché pour jouer son propre rôle, réinsertion oblige ! Des mesures de sécurité exceptionnelles étant nécessaires, Antony Marin et son équipe sont donc sollicités. Le capitaine est alors loin de se douter que sa fille, encore mineure, a réussi de son côté à se faire embaucher sur le tournage. Visant un rôle de figurante, elle décroche finalement celui d’Alya, en raison de leur ressemblance, et en pince rapidement pour le « mauvais garçon »… Dès lors, une mécanique infernale s’enclenche : Vince, Olympe et Gala, l’assistante de production, disparaissent. Le passé ressurgit et Marin va devoir se replonger dans une vieille affaire s’il veut retrouver Vince et sauver sa fille. Comme le titre l’indique, le jeune homme, tel Janus, présente deux faces : qui est-il vraiment ? Que s’est-il passé autrefois ? La vérité surgira enfin après de multiples rebondissements. L’intrigue, bien ficelée et menée tambour battant, tire en grande partie sa force de la mise en scène crédible du milieu du cinéma, pour un tournage très particulier puisque certains personnages sont interprétés par les acteurs du drame, ce qui change tout !

Nouveautés en matière d’éditions et de collections

GALLIMARD JEUNESSE

« Héroïnes de la mythologie » est une nouvelle série (2021) mettant en scène les femmes reléguées au second plan des récits mythologiques. Rédigés par Isabelle Pandazopoulos, les deux premiers opus mettent en scène Athéna la combative et Pénélope la femme aux mille ruses. De l’enfance à la maturité, l’autrice revisite l’histoire de chaque héroïne, mortelle ou déesse, en adoptant le point de vue de chacune d’entre elles. Une excellente initiative pour mettre en valeur des femmes dont les qualités et les défauts n’ont rien à envier à ceux des hommes.

« Scoop à Versailles » d’Annie Pietri/Alban Marilleau puis Mégane Lepage (2021) conjugue histoire et enquêtes policières, menées conjointement par Gaspard janvier, journaliste au « Mercure Curieux » et Louise Françoise de Bourbon, fille du Roi-Soleil. Dans L’Affaire des treize pièces d’or et L’Enlèvement de la Ménagerie Royale, les deux alliés et amis devront trouver qui veut empêcher le mariage d’Anne d’Orléans et du duc de Savoie, puis résoudre la disparition de certains animaux. Un duo improbable mis en scène par une passionnée de la période (Les Orangers de Versailles, L’Espionne du Roi-Soleil).

PÈRE CASTOR/FLAMMARION JEUNESSE

La série « Les petits mystères d’Égypte », Pierre Gemme, illustrations de Mary Gribouille, Romans 6-8 ans, 2021 et 2022, permettra aux plus jeunes de découvrir l’univers de l’Égypte des pharaons grâce aux aventures de la jeune Aouni, douée de quelques pouvoirs, et de son chat Finou, plutôt rusé. Quatre titres sont déjà parus, La Colère des Dieux, La Momie maléfique, Menace sur l’obélisque et Le Rugissement du sphinx. Une collection attrayante misant sur les facilitations de lecture grâce à une mise en page aérée, un résumé de chaque chapitre au début du suivant et l’explication des mots difficiles en bas de page, sans compter des compléments d’information en fin d’ouvrages.

Autre série destinée au même âge, Bandit, chien de génie de Pascal Brissy, illustrée par Mehdi Doigts, met en scène le chien de Léonard de Vinci, un détective très gaffeur, qui mène des enquêtes désopilantes à Florence au temps de la Renaissance. Trois titres déjà parus en 2021 : Le Monstre du fleuve, Le Collier de Mona Lisa et Le Tableau mystère.

CASTERMAN

Moi, j’aime pas l’école, Sophie Furlaud/Laurent Simon, 2021, est un nouveau titre de la série déjà évoquée en 2020, « Aimée et Mehdi au fil de la vie ». En 32 pages, accessibles dès la maternelle, nos deux amis vont confronter leurs points de vue : grâce à Mehdi, Aimée finira par comprendre et admettre que l’école n’est pas forcément une punition, mais peut-être surtout un trésor de bienfaits…

DES NOUVELLES DES RÉSEAUX DÉJÀ PRÉSENTÉS

EXILS ET MIGRATIONS

Arthur et Malika, Paule Brière et Claude K. Dubois, D’eux, 2021.

Ce que l’un voit à la télévision, l’autre le vit. Malika a fui son pays en guerre avec sa famille ; elle commence une nouvelle vie dans un pays où elle ne connait personne et mène enfin une existence plus tranquille, même si elle fait encore des cauchemars. Avec tact et pudeur, avec ou sans paroles, le quotidien de Malika et d’Arthur se déroule parallèlement sous nos yeux, banal ou angoissant, doux ou triste. Les deux enfants, que tout semble opposer, vont pourtant se rencontrer et devenir importants l’un pour l’autre. Un album qui traite de l’exil et de la migration, mais également des petits bonheurs ou petites misères de l’enfance, avec simplicité et finesse, notamment grâce à des illustrations crayonnées, tout en délicatesse.

Comment mettre une baleine dans une valise ?, Guridi, traduit de l’espagnol par Anne Casterman, CotCotCot Éditions, 2021.

Dédié « À toutes les personnes qui luttent jour après jour pour survivre dignement en fuyant l’horreur », voilà un magnifique album évoquant très poétiquement le départ nécessaire, mais si angoissant, pour une destination inconnue. Une immense baleine rouge face à un minuscule personnage bleu aux traits indéfinis symbolise l’impossibilité d’emporter avec soi tout ce qui constitue notre vie : objets certes, mais également souvenirs, amis et tant d’autres biens, matériels ou immatériels. Cet arrachement se traduit en peu de mots et par de très belles illustrations (aquarelles) prenant toute la place, passant même d’une page à l’autre, avant de se réduire à un dessin qui, plié, trouvera enfin sa place dans une toute petite valise. Il me semble que la « solution » imaginée par le narrateur concentre tout l’espoir de ceux qui, à la dernière page, regardent vers un avenir qu’ils espèrent meilleur. Le titre original espagnol « Como meter una ballena en una maleta » (2019) est d’ailleurs une affirmation et non une question ! L’auteur interpelle chacun d’entre nous, nous invitant à devenir citoyens du monde au lieu de nous enfermer derrière nos frontières.

RÉÉDITIONS OU PARUTIONS AU FORMAT DE POCHE DE TITRES DÉJÀ ÉVOQUÉS (ou pas, d’ailleurs…)

Aux éditions lemuscadier, « Rester vivant »

Ce point qu’il faut atteindre, Mireille Disdero, 2020.

Violette, 17 ans, se sent très mal depuis qu’elle est rentrée de Paris en novembre ; passionnée d’écriture et très active sur la toile, elle s’est rendue à une fête organisée par des membres du forum littéraire auquel elle participe activement. Ses camarades ne la reconnaissent plus, notamment Arnaud, son ami depuis la cinquième, qui s’inquiète. Son point de vue alterne avec celui de Violette, celle-ci ne se souvenant plus de rien jusqu’au moment où les évènements lui reviennent par bribes. Même s’il ne fait très rapidement aucun doute aux yeux du lecteur que Violette a été violée par Ahriman, un prédateur habile ayant infiltré le site Pen Touch, ce qui retient l’attention est le long cheminement de la jeune fille vers la vérité, ainsi que l’analyse extrêmement fine et détaillée des sentiments, émotions, résistances à laquelle se livrent Arnaud et elle-même. Ne pouvant compter sur ses parents toujours absents en raison de leur travail, c’est son amoureux et l’écriture qui l’aideront à accepter la réalité et la décideront à se battre. En revanche, je regrette une fin un peu rapide : certes, il faut rester optimiste, mais rien ne certifie que la plainte de Violette sera suivie d’un procès et si oui, celui-ci ressemblera sans doute au parcours du combattant. En outre, quid des liens qui ont été noués entre Ahriman et Lili, la modératrice du site : est-elle dupe des mensonges d’Ahriman ou a-t-elle deviné ce qu’il s’est passé ? Une première version de ce roman a été publiée au Seuil en 2013, sous le titre À l’ombre de l’oubli.

Aux éditions Gallimard Jeunesse, « Pôle Fiction »

River, Claire Castillon, 2021. Présenté dans  les « Coups de cœur 2020 »

L’aube sera grandiose, Anne-Laure Bondoux, 2020. Existe également en Folio, 2020.

Coup dur pour Antonine (Nine pour les intimes) : sa mère l’emmène sans crier gare dans une cabane au bord d’un lac, lui faisant ainsi rater la fête de fin d’année du lycée. Commence alors une folle nuit durant laquelle la jeune fille de 16 ans va découvrir tous les secrets de sa famille maternelle. Titania a en effet décidé de révéler à sa fille tout ce qu’elle a dû lui taire depuis sa naissance pour la protéger. Autrice de polars surnommée « La fée du suspense », la narratrice distillera tout au long de la nuit l’incroyable histoire de sa propre mère, Rose-Aimée et de ses deux frères, les jumeaux Octo et Orion : elle maintient ainsi Nine et les lecteurs en haleine. Au petit matin, l’adolescente devra faire la connaissance d’une nouvelle famille dont elle n’a jamais entendu parler ! L’intrigue, bien menée, interrompt le présent (2016), narré à la troisième personne, par de nombreux retours en arrière déroulant le récit à la première personne de Consolata : celui-ci démarre en 1970, lorsqu’elle a 6 ans. Il met en scène des personnages très attachants, appartenant à trois générations différentes, que l’amour d’une mère pour ses enfants a séparées.

Shikanoko : L’Enfant du cerf (1), La Princesse de l’Automne (2), L’Empereur invisible (3) et L’Héritier de l’arc en ciel (4), Lian Hearn, traduit de l’anglais par Philippe Giraudon, 2020 et 2021. Existe également en Folio, 2021.

La parution en poche, qui plus est en deux tomes seulement (Livres 1 et 2, 3 et 4) au lieu de 4 à l’origine, réjouira les fans de Japon médiéval et de magie, ainsi que tous ceux qui ont adoré Le Clan des Otori de la même autrice. Cette nouvelle fresque politique et amoureuse se situe aux origines de l’histoire des Otori, dont elle reste cependant indépendante.

Une multiplicité de points de vue rend compte de la richesse de l’intrigue mettant en scène un nombre impressionnant de personnages gravitant autour de Shikanoko, rescapé d’entre les morts, devenu « L’Enfant du cerf », dont le destin s’accomplit sur plus de 1000 pages. Épopée surnaturelle et fantastique sans temps morts, rédigée dans une langue fluide et agréable qui plaira tant aux adolescents qu’aux adultes.

Aux éditions PKJ

Snap Killer, Sylvie Allouche, « Dans la poche », 2021. Présenté dans les « Coups de cœur 2020 »

Aux éditions J’ai lu

La Folle Épopée de Victor Samson, Laurent Seksik, 2021. Présenté dans les « Coups de cœur 2021 »

 

 

Je signale enfin la parution, chez Gallimard Jeunesse (2021), du livre de Sophie Van der Linden Tout sur la littérature de Jeunesse de la petite enfance aux jeunes adultes, qui devrait combler tous ceux, professionnels ou non, qui s’intéressent à la littérature de jeunesse. Les huit parties (Histoire du livre pour la jeunesse, Les grandes caractéristiques de la littérature pour la jeunesse, Conseils pour la lecture, Tous les types de livres, Les grands genres, Bibliothèques idéales, La littérature de jeunesse en question et Carnet pratique) totalisant plus de 50 chapitres indiquent assez à quel point l’ouvrage vise à l’exhaustivité en multipliant les entrées et les points de vue. Quand on connait le dynamisme du secteur (18000 nouveautés par an ces dernières années…), on mesure le défi que cette spécialiste reconnue s’est lancé ! Pari tenu, cet ouvrage, par ailleurs très bel objet-livre abondamment et judicieusement illustré, se lira d’une traite ou ponctuellement selon les intérêts du moment : chacun y trouvera son compte. Je rappelle également son travail, extrêmement riche, clair et précis, autour de l’album, Lire l’album, L’atelier du poisson soluble, 2006 et son premier ouvrage concernant Claude Ponti, Être éditions, 2000.

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – 2021

COUPS DE CŒUR DOCUMENTAIRES

Confinés déconfinés, Docteur Catherine Dolto/Colline Faure-Poirée, « Mine de rien », Gallimard Jeunesse Giboulées, 2020.

On aurait aimé que cet album ne parle que du passé et ne soit plus d’actualité… Il faudra encore attendre ! Et donc, rien de tel que les mots de Catherine Dolto pour comprendre ce que le coronavirus a changé dans nos vies, notamment celle des enfants.

Prenez le pouvoir les filles ! Jamia Wilson et Andrea Pippins, Casterman, 2020.

Les deux complices déjà mentionnées pour l’ouvrage I have a dream (Coups de cœur Hiver 18-19) récidivent dans un ouvrage conforme au précédent tant dans la maquette que le style des illustrations très colorées. Il s’agit cette fois-ci d’un guide à destination des adolescentes qui auraient besoin de « conseils pour croire en soi et s’épanouir dans la vie ». S’appuyant sur leurs expériences personnelles, les auteures en proposent 23, répartis en cinq chapitres : Prendre confiance ; Vivre avec les autres ; Faire des choix ; Passer à l’action ! ; Prendre soin de soi. Même si elles reconnaissent que c’est souvent « plus facile à dire qu’à faire », elles réussiront sans doute à convaincre nombre de filles qu’elles ne doivent pas hésiter à aller au bout de leurs rêves.

Nos droits, leurs combats, Irène Cohen-Janca et Édith Chambon, Les éditions des éléphants, avec le soutien d’Amnesty International, 2021.

En France, on pourrait parfois oublier que des femmes et des hommes se sont battus pour obtenir des droits qui paraissent aller de soi aux plus jeunes. Dix droits fondamentaux (ne pas être esclave, fréquenter l’école laïque et gratuite, voter quand on est femme, avoir des congés payés, avorter, ne pas être condamné à mort, aimer librement, faire grève, manifester) sont mis en valeur selon un schéma identique : un dessin introduisant  le sujet suivi d’une phrase qui a marqué les esprits ; une mise en contexte historique rappelant les étapes cruciales ; une bande dessinée retraçant un ou plusieurs moments forts et décisifs, complétée par ce qu’il en est aujourd’hui ; pour terminer, le portrait d’une personne ayant joué un rôle essentiel dans la conquête de ce droit, de Victor Schoelcher à Jean Jaurès en passant par Louise Weiss et Simone Veil, pour ne citer que quelques noms. La préface d’Amnesty International souligne la ténacité de chacune des personnes évoquées et le long chemin qu’il a fallu parcourir pour obtenir ces droits à travers les lois qui les ont actés ; mais attire également l’attention sur les remises en cause et les attaques dont ils font l’objet. Il faut donc les connaitre pour en bénéficier mais également les protéger et les défendre.
Ouvrage salutaire, à lire et relire, afin de se rappeler que certains droits ont été conquis de haute lutte, qu’ils n’existent hélas pas partout, loin de là, et qu’il faut rester vigilant face à ce/ceux qui les menace(nt). Devrait figurer en bonne place dans tous les CDI.

Aux premiers siècles de l’Islam, Dominique Joly et Emmanuel Olivier, « L’histoire du monde en BD », Casterman, 2020.

De façon claire et agréable, les auteurs racontent l’avènement du prophète Muhammad et la rédaction du Coran après sa mort. Ils narrent les conquêtes liées à la diffusion du message religieux et l’élaboration d’un empire gigantesque. Les débuts fastueux de la civilisation arabo-mulsumane sont décrits à travers la gestion des territoires par les califes ; l’artisanat et le commerce prospèrent, un art de vivre délicat se développe et les savoirs se multiplient grâce aux philosophes, médecins, astronomes et mathématiciens. C’est un véritable tour de force qu’il faut saluer d’avoir réussi à brosser en 48 pages l’essentiel des débuts de l’Islam jusqu’au XIIIe siècle. Abordable dès la fin de l’école élémentaire.

COUPS DE CŒUR ACTUALITÉ

Enfermés dedans, Série « Akissi », Marguerite Abouet et Mathieu Sapin, Gallimard Bande dessinée. 2020.

Après avoir connu le succès avec Aya de Yopougon, l’auteure a imaginé les aventures de sa petite sœur Akissi. S’inspirant de sa propre enfance et des bêtises commises dans le quartier de Côte d’Ivoire où elle a grandi, la scénariste met en scène une bande d’enfants livrée à elle-même. Ce dixième album commence par la colère d’Akissi : son frère Fofana a reçu le vélo dont elle rêvait ; en outre, inutile de préciser qu’elle n’est pas satisfaite de la poupée qu’on lui a offerte, alors qu’elle préfère s’occuper des bébés du quartier même si on le lui interdit. Et quelle catastrophe, lorsque le président annonce un confinement en raison de l’épidémie de coronavirus ! Cette situation inédite donne lieu à une longue histoire, contrairement aux principes habituels mis en œuvre dans cette série. Car il faut brosser l’évolution d’Akissi, de sa famille et de ses amis durant vingt jours : la joie de ne plus devoir aller à l’école, les bonnes résolutions des parents faisant preuve de pédagogie pour expliquer les gestes recommandés, cèdent rapidement la place à l’énervement et à la compétition pour aller faire les courses ou promener n’importe quel animal… Chacun, petit ou grand, se retrouvera dans ces multiples saynètes, légères et réalistes, teintées d’humour et de malice. Comme dans chaque album, un bonus est offert à la fin : cette fois-ci, la recette des « claclos », un plat typique du pays.

Dix, Marine Carteron, Doado noir, Éditions du Rouergue, 2019.

Voici un roman noir, bien noir… Sept adolescents d’un même établissement scolaire accompagnés de trois adultes se retrouvent dans un manoir isolé sur l’île bretonne de Sareck. Coupés du monde, ils sont censés participer à une émission de télé-réalité sous forme d’escape-game. Mais le lecteur apprend rapidement que tous ont la conscience chargée. Les pièces du puzzle se mettent progressivement en place : la jeune Esther est morte et rien n’arrêtera la main implacable des « dieux ». Les crimes commis tant par les jeunes que par les adultes sont odieux, leur châtiment sera atroce. Âmes sensibles s’abstenir ! La vengeance concoctée est machiavélique, sanglante et immorale. Le lecteur, maintenu en haleine jusqu’à la fin, sera sans doute effaré face à la noirceur des thèmes évoqués : trahison, harcèlement, viol, inceste, suicide, drogue, meurtres ; les adultes se montrent lâches et capables des pires horreurs, mais les adolescents ne sont pas en reste : leurs relations peuvent devenir perverses et dangereuses. On se réjouit cependant des multiples références littéraires : à Agatha Christie évidemment, mais également à Charles Perrault, à la mythologie et aux textes antiques. Sans oublier quelques articles du code pénal !

Je te plumerai la tête, Claire Mazard, Syros, 2020.

L’auteure, nous ayant habitués à des romans traitant de sujets forts, parfois dérangeants, ne déroge pas à la règle avec ce récit glaçant d’emprise d’un père sur sa fille. Lilou est en première L ; âgée de 16 ans, elle vit dans une superbe villa près d’Aix-en-Provence avec son père, Édouard Cuvelier, séduisant patron d’une agence de publicité. Lilou adore son « papa-Lou », auquel elle voue une admiration démesurée ; obéissant à son père qui le lui déconseille, elle ne va même plus voir sa mère, Caroline, hospitalisée pour une récidive de cancer, avec laquelle les relations se sont dégradées depuis plusieurs années. Ses meilleurs amis, Emma, Camille et Lucas, ainsi que son amoureux Gabriel l’amènent cependant à se poser des questions et elle décide de retourner rendre visite à sa mère : elle découvre alors que son père lui ment et a tout fait pour les séparer l’une de l’autre. Il ne lui restera malheureusement que deux mois pour renouer (notamment par le biais de la littérature) avec cette femme qui fut la première victime d’un mari pervers narcissique, avant qu’il n’emprisonne sa fille dans une relation malsaine et toxique.
Rédigé à la première personne, avec la mention des dates, le texte développe le point de vue de Lilou dont le lecteur comprend rapidement, contrairement à la jeune fille, à quel point elle est manipulée par son père dont elle ne mesure ni l’étendue des mensonges ni la capacité de nuire. Il lui faudra beaucoup de temps pour se soustraire à son influence, pour trouver la force de lui résister et de lui dire non. Elle ne le pourra enfin qu’avec l’aide de ses amis, mais surtout de Jo, la sœur de sa mère, psychologue, et d’un jeune psy, Tino. Au terme d’un cheminement extrêmement lent et douloureux, ponctué par la découverte des nombreuses attitudes ou actions monstrueuses de son père, elle prend enfin conscience qu’il est malade et qu’elle doit se protéger de lui. À travers ce roman émouvant et fort, Claire Mazard ne cache pas son intention d’alerter un maximum de lecteurs face à cette perversion et de les aider à en décoder les symptômes pour s’en prémunir.

D.O.G, Nathalie Bernard et Frédéric Portalet, Thierry Magnier, 2020.

Il s’agit de la troisième enquête du lieutenant-détective Valérie Lavigne, les deux précédentes ayant été présentées dans « Actualités Printemps-été 2019 ». L’enquêtrice est chargée de retrouver trois adolescents fréquentant l’école secondaire Rosemont : Dorian Belenger, Sarah Poulin et Alicia Lavoie, sur laquelle va se concentrer le récit. Ces jeunes participent à un jeu en ligne, Days of Grace, consistant à relever des défis de plus en plus difficiles et tordus, et dont ils se sont fait tatouer sur le bras l’acronyme D.O.G… C’est ainsi qu’Alicia se retrouve dans les tunnels désaffectés de Montréal où sévit James Page qui l’emprisonne dans une cage. Peu à peu, l’enquête en recoupe une autre, celle de son ancien collègue Gautier Saint-James, chargé de traquer un kidnappeur d’enfants, Caleb Stein, qui se révèlera être le tueur en série ayant enlevé Paul, le petit frère de Valérie, des années auparavant. La pression s’accentue et, comme dans les romans précédents, le lecteur est tenu en haleine jusqu’au bout par un récit suivant alternativement Valérie ou ses collègues et Alicia, avilie et maltraitée par son bourreau. On s’attache ainsi aux différents personnages, qu’il s’agisse des adultes : Gautier a été quitté par sa femme Éva parce qu’il travaille trop et s’occupe à présent seul de son fils Hugo ; Valérie ne s’est jamais pardonné d’avoir envoyé Paul s’acheter des friandises afin de lire tranquillement ; ou de ces trois adolescents déjà cruellement marqués par la vie : Dorothée Hamel, qui n’a jamais reçu d’amour, se tient prête à accomplir le défi suprême du jeu alors qu’elle en connait la perversion  ; Alicia se dévalorise encore plus depuis que son grand frère  Daniel a été tué par un chauffard ; Alex, quant à lui,  n’a surmonté le traumatisme  de  la disparition de ses deux parents qu’en devenant survivaliste. Mais les compétences ainsi acquises lui permettent de sauver Alicia, laquelle réussit quand même à trouver le courage d’échapper à son tortionnaire puis à le neutraliser ; on comprend que ces deux-là vont s’en sortir, ce qui clôt le roman sur une note d’espoir.

La Folle Épopée de Victor Samson, Laurent Seksik, Flammarion, 2020.

Ce premier roman pour la jeunesse de l’auteur narre les aventures rocambolesques de Victor Samson, né à Mondino en 1900. Alors que Rachel, sa mère, s’inquiète pour un rien, Jacob, son père, ne craint rien. Tenant une officine qui vend toutes sortes de remèdes, il a inventé une boisson « au gout de paradis », efficace contre de nombreux maux : « la Jacobine » lui confère une réputation aussi flatteuse que sulfureuse auprès de ses concitoyens. Jusqu’au jour où, l’histoire se répétant, Jacob devient un bouc émissaire et périt dans l’incendie de sa boutique détruite par des villageois en colère. Plutôt que de rester à Nice aux côtés de son oncle Mathias, Victor décide alors de partir en Amérique réaliser le rêve de son père : faire découvrir au monde entier la Jacobine. Inutile de préciser que son chemin sera semé d’embuches : enrôlé de force il participe à la guerre 14-18, ce qui lui vaudra une amitié indéfectible avec Alphonse, rendu aveugle par les gaz, mais prêt à le suivre jusqu’au bout du monde ; ils se retrouveront à Berlin, à Moscou, à Pékin puis à Hollywood. Ils croiseront Einstein, Jean Jaurès, une princesse, Trotski et Charlie Chaplin, avant de se séparer et de retrouver chacun leur amoureuse…
Ancré dans une réalité politico-historique, ce parcours initiatique est décliné avec simplicité et sans temps mort. Victor est un personnage sain et optimiste, qui va jusqu’au bout de son rêve, sans le brader pour autant ; il sera confronté à toute la palette des attitudes et sentiments humains : amitié, amour, haine, intolérance. L’univers et les valeurs humanistes du romancier servent de toile de fond à cette « folle épopée » qui n’est pas sans rappeler dans ses enchainements, emboitements et rencontres, celle du « vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire[1 ]».

[1] Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire », Jonas Jonasson, Presses de la cité, 2011. Existe en Poche Pocket.

Hunger Games : La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, Suzanne Collins, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, PKJ, 2020.

L’auteure a cédé à la tentation du préquel en imaginant Panem 64 ans avant les évènements narrés dans sa célèbre trilogie [1]. Les fans retrouveront les jeux (dixième édition, précédée de « la moisson ») et découvriront ainsi de nouveaux personnages mais également Coriolanus Snow adolescent, futur dictateur de la série. Ce dernier, âgé de 18 ans, orphelin vivant avec sa grand-mère et sa cousine Tigris, est un jeune homme désargenté, ambitieux et arrogant. Mentor pour la première fois, le sort lui attribue une fille du district 12, Lucy Gray Baird. Cette jeune fille, préfigurant le personnage de Katniss, fait partie des Covays ; c’est une artiste itinérante réputée pour son chant. S’il veut gagner, Coriolanus doit favoriser Lucy : il ne s’en privera pas, en l’aidant plusieurs fois à éliminer ses concurrents, et elle gagnera grâce à lui. Partagé entre son affection pour sa protégée avec laquelle il entretient une liaison et son ambition, il n’hésitera pourtant pas à choisir les chemins les plus obscurs. Sa tricherie découverte, il n’a d’autre choix que de devenir Pacificateur et bascule dans le crime : il fait exécuter son ami Sejanus Plinth à sa place, cherche à tuer Lucy et s’acoquine avec Volumnia Gaul, spécialiste des modifications génétiques, puis élimine le doyen Casca Highbottom qui en sait trop. Située dix ans après la guerre (« Les jours sombres »), cette intrigue permet d’explorer l’état de nature et d’envisager de différentes manières la survie dans le monde de Panem en pleine reconstruction.

[1] Les tomes 1 et 2 sont présentés dans le numéro 52 de Recherches (2010), le tome 3 dans le numéro 54 (2011).

NOUVEAUTÉS EN MATIÈRE D’ÉDITIONS ET DE COLLECTIONS

Gallimard jeunesse

Le Trésor des histoires Motordu, Pef, « L’heure des histoires », 2020.

Voilà qui devrait ravir les fans de « belles lisses poires » : pour célébrer les 40 ans du célèbre personnage de Pef, six aventures de Motordu au format album, dans une nouvelle maquette.

Les Quatre Filles du docteur March, Les filles du docteur March se marient, Le Rêve de Jo March et La Grande famille de Jo March, Louisa May Alcott, traduit de l’anglais (États-Unis) par Paulette Vielhomme-Calais (tome 1) et par Claude Loriot-Prévost (tomes 2, 3 et 4), Folio Junior, 2019 (tomes 1, 2 et 3), 2021 (tome 4).

Inutile de présenter ces quatre sœurs… La suite de leurs aventures, alors qu’elles sont devenues des jeunes femmes, étaient inédites chez Gallimard Jeunesse qui a saisi l’opportunité de la sortie du film de Greta Gerwig (2020), adapté des deux premiers tomes.

Nathan

Deux nouvelles séries pour les enfants qui apprennent à lire et une troisième pour les ados :

« Titus et les lamas joyeux » : Mission sac de piscine, Au secours, un ado !, Anne-Gaëlle Balpe et Zoé Plane, Premières lectures, BD, 2020.

Adila, Gédéon, Jo, Romi et Titus forment une bande très soudée, toujours prête pour de nouvelles missions et aventures… Qu’il s’agisse d’éviter une punition à leur copain Paolo qui a de nouveau oublié ses affaires de piscine ; ou de tout mettre en œuvre pour que Titus, soudain couvert de boutons d’acné, ne soit séparé d’eux car expédié au collège.
Destinées aux enfants qui apprennent à lire, ces bandes dessinées humoristiques comportent à chaque fois une chute amusante que l’on comprend sans qu’il soit besoin de texte ; elles peuvent se lire avec l’aide de l’adulte (chacun sa bulle) ou en autonomie dès que l’enfant sait lire des mots simples.

« Mon premier escape Game » : Panique chez les manchots (Les animaux de Lou), Mymi Doinet. Piégés dans la forêt (Amélie Maléfice), Arnaud Amméras, 2020.

Les parents des apprentis lecteurs seront mis à contribution, au moins dans un premier temps, pour les accompagner dans des enquêtes mettant en scène les héros de deux séries, peut-être déjà connues. Chaque double page comporte des bulles, du texte et une énigme à résoudre.  En ce qui concerne la première aventure, Lou et Sam doivent aider les parents manchots à retrouver leur œuf disparu. Et pour ce faire : lire un message dans un miroir, trouver des personnages identiques, décrypter un message écrit en code ou dans lequel chaque voyelle est remplacée par un chiffre, déchiffrer un rébus ou des mots mêlés, compter des animaux. Dans la deuxième, Amélie et Siméon sont confrontés à une forêt envahissante que seule une formule magique leur permettra de faire disparaitre. Il leur faudra donc : repérer les premières lettres des mots, remplacer chaque lettre par la lettre suivante dans l’alphabet, suivre du doigt un labyrinthe et noter les lettres qui y sont cachées ou reconstituer des lettres à moitié effacées. Une façon ludique d’appréhender la lecture en équipe. Les solutions sont livrées à la fin des ouvrages au cas où…

Court toujours

Silent Boy, Gaël Aymon ; Aux ordres du coeur, Fabrice Colin ; Les Potos d’abord, Rachel Corenblit ; Le Livre le plus mauvais du monde, Vincent Cuvellier ; Comme un homme, Florence Hinckel ; Son héroïne, Séverine Vidal, sont les six premiers titres de cette nouvelle collection de textes très courts (une soixantaine de pages) destinés aux lycéens, voire aux étudiants, peu enclins ou pressés de lire, sachant qu’ils existent également en version numérique ou auditive pour ceux qui préfèreraient. L’éditeur a fait appel à de auteur·e·s reconnu·e·s qui ont rédigé, dans une langue percutante et exigeante, des histoires variées, réalistes et parfois drôles ou légères, mais également très dures. Les personnages sont amenés à grandir face aux aventures ou épreuves qu’ils traversent.
Dans l’ordre : Anton, adolescent très introverti, s’exprimant surtout sur internet y puise le courage de dénoncer le harcèlement d’un camarade. Johanne, 17 ans, accompagne la folie de sa mère, quitte à s’oublier et se perdre. L’amitié d’Ihmed et de Nathan est mise en péril lorsqu’ils partent en vacances à deux, sans adultes. Adolescent un peu paumé et désœuvré, Paul rencontre l’auteur, incontrôlable, du livre incompréhensible qu’il a trouvé dans une boite à livres. Ethan, 18 ans, découvre le calvaire vécu par sa mère : va-t-il tuer ce grand-père coupable de viol et d’inceste ? Après avoir « sauvé » Jessica d’une agression, Rosalie la harcèle, faisant de la vie de sa nouvelle « amie » un cauchemar.

Casterman

Casterminouche, une histoire et on se couche !

Une nouvelle collection qui compte déjà 19 titres inédits : des histoires courtes, tendres, humoristiques, voire impertinentes, qui offrent dix minutes de lecture chaque soir pour les plus petits. Mignons petits albums souples à petit prix. Citons par exemple :

Le casting des loups, Anne-Isabelle Le Touzé, 2020.

Huit  loups (et quelques intrus) se présentent pour jouer le rôle d’un grand méchant loup : une petite souris commente leur prestation. Humour et parodie, dans un style bande dessinée.

Cet enfant que j’aime infiniment, Capucine Lewalle et Maud Legrand, 2020.

Déclaration d’amour poétique et fantaisiste d’une mère à son enfant, accompagnée de dessins crayonnés aux couleurs tendres et douces. Une belle réussite.

DES NOUVELLES DES RÉSEAUX DÉJÀ PRÉSENTÉS

L’ENFANT ESPION

Opération Shark : 1. Amos, 2. Julia, 3. Diego. Christelle Chatel/Vincent Roché, Nathan, 2020 et 2021.

Nouvelle série destinée aux 8-12 ans, mettant en scène quatre adolescents faisant partie d’une agence très spéciale baptisée Gulliver. Leur objectif ? Combattre SHARK, une dangereuse organisation cherchant à dominer le monde en s’attaquant aux enfants. Amos, 12 ans, se réveille amnésique. Peut-être est-ce lié à une découverte qu’il aurait faite lors d’une mission en solo sur un jeu vidéo. Julia, Diego, Kenzo et lui partent alors en Californie pour enquêter secrètement au sein du « Video Games Institute ». Dans une deuxième aventure, qui les mène au Portugal, il s’agira d’infiltrer les « Kidolympiques », une compétition sportive réservée aux adolescents. Il leur faudra protéger les participants face à l’équipe d’un pays inconnu, le Babistan. Enfin, dans une troisième, ils se rendent à Singapour, où va se tenir un sommet de chefs d’état autour de l’écologie, car Diego a reçu un mail d’Amos daté du moment où ce dernier a été retrouvé amnésique !
Il faut beaucoup de « coopération » pour adhérer aux aventures trépidantes, souvent empreintes d’humour, de ces agents de 12 ans : ils ont une famille qui ignore tout de leurs activités secrètes au service d’une agence dirigée par L., minichef au sens propre, puisqu’elle est miniaturisée ! Tout est à l’avenant notamment les gadgets : télécommande permettant d’emprunter des passages secrets dans Paris, robot au flair infaillible ayant l’apparence d’un teckel, traducteurs multilingues collés au gosier, vêtements furtifs, etc. L’auteure s’en donne à cœur joie sans se soucier de vraisemblance.

EXILS ET MIGRATIONS

Je me souviens, Gilles Rapaport, Gallimard Jeunesse, 2020.

À la manière de Georges Perec, l’auteur rend hommage au pays qui a permis à son père, ainsi qu’à lui-même, d’être Français, depuis l’arrivée de ses grands-parents au début du XXe siècle. Ces derniers, juifs exilés, auraient pu connaitre ainsi que leurs fils, un sort terrible sans la mobilisation de citoyens « désobéissants » qui les ont protégés. Sans eux, l’auteur ne serait pas né, n’aurait pas bénéficié des droits et des libertés en vigueur dans une démocratie. G. Rapaport met donc en avant dans cet album toutes celles et ceux qui ont aidé sa famille pendant la seconde guerre mondiale ou plus tard. À une époque où les frontières se referment, quand certains voudraient faire croire que l’Étranger est la cause de tous nos maux, cet ouvrage rappellera que pour d’autres, notre pays peut être une terre d’accueil où la solidarité n’est pas un vain mot.

RÊVE OU CAUCHEMAR ?

Les rêves d’Ima, Ghislaine Roman-Bertrand Dubois, Cipango, 2020.

Ima, fille de Juan le pécheur et de Luna, vit à Guaqui, village andin situé au bord du lac Titicaca. Elle perd un jour la joie et la santé car elle fait d’horribles cauchemars peuplés de monstres terrifiants. Toute la famille se mobilise pour lui faire retrouver le sourire : Inès, sa tante, Luis et Alvaro[1], ses oncles, lui enseignent tour à tour l’art du tissage, de la confection de bijoux et de poteries. Rien n’y fait : ses parents consultent alors Kamaq, vieil indien capable d’interpréter les rêves. Si le « piège à rêves » remis à Ima et la formule magique prononcée la délivrent effectivement de ses cauchemars, c’est au prix de la disparition de toute inspiration chez les artisans du village : les objets produits sont tellement fades, ternes et tristes que le marchand venu de Cuzco les refuse. C’est Ima qui trouvera elle-même la solution en affrontant ses rêves qu’elle retranscrit au jour le jour pour les lire ensuite aux villageois émerveillés. Un très beau conte magnifiquement illustré, aux couleurs chatoyantes, donnant au lecteur le sentiment d’être au Pérou et de mieux comprendre les légendes incas toujours vivantes.

[1] Appelé Alvaro en début d’histoire, le potier est ensuite nommé Pablo quelques pages plus loin…

 FILLE OU GARÇON ?

Valentin de toutes les couleurs, Chiara Mezzalama et Reza Dalvand, Les éditions des éléphants, 2021.

La dédicace de l’illustratrice : « Pour ceux qui sont différents et fiers de leur différence » résume parfaitement l’intention de ce bel album multicolore qui affirme subtilement qu’un garçon a le droit d’aimer coudre et d’être nul en foot. Valentin aime les couleurs, celles qui symbolisent l’amitié et traduisent les humeurs, sombres ou joyeuses… Il s’entend bien avec ses amies Aline et Marie, mais les garçons se gaussent de lui quand il n’arrive pas à attraper le ballon. Moqué et harcelé, il est tenté de basculer dans la phobie scolaire après avoir déchiré le tee-shirt d’Antoine, un camarade qui l’a fait volontairement trébucher. Cependant, la machine à coudre reçue pour son anniversaire va l’aider à surmonter sa peine et sa colère : Valentin confectionne un magnifique tee-shirt arc en ciel pour Antoine, car il souhaite ardemment que « l’amitié soit de toutes les couleurs et que les choses déchirées puissent se réparer ».
Un très beau texte, simple et lumineux, prônant de façon délicate le refus des stéréotypes, la tolérance et l’acceptation de soi. Les parents de Valentin se montrent aimants, le soutiennent et le comprennent sans mot dire, ce qui évidemment l’aide à s’assumer tel qu’il est.

Julie qui avait une ombre de garçon, Christian Bruel et Anne Galland. Illustré par Anne Bozellec. Le sourire qui mord, 1976. Réédité chez Être Édition, 2009, puis chez Thierry Magnier, 2014.

Julie ne se comporte pas du tout comme une fille aux yeux de ses parents qui la traitent de « garçon manqué ». Elle sait qu’elle les déçoit, elle voudrait pourtant qu’ils l’aiment. Un jour, elle se réveille avec une ombre de garçon qui la provoque et la harcèle. Elle doute alors de son identité, ne sait plus qui elle est vraiment et part se réfugier dans un trou au parc : elle y rencontre François, son double inversé. On lui reproche en effet d’avoir une « tête de fille », de « pleurer comme une fille »… Ils se réconfortent mutuellement, puis concluent qu’ils peuvent être les deux à la fois, fille et garçon, mais surtout qu’ils ont le droit d’exprimer et d’être ce qu’ils sont.
Une belle histoire, poétique et métaphorique, ayant le mérite de s’adresser aux plus jeunes. Il n’y avait sans doute à l’époque que cette maison d’édition, originale et impertinente, pour publier un album abordant un tel propos qui a d’ailleurs suscité la polémique, tant par le sujet que parce qu’il fait allusion, très discrètement mais sans pudibonderie, à la masturbation.
C’est la lecture de l’album précédent qui m’a remis en mémoire celui-ci, victime d’un oubli impardonnable de ma part ! Mais il n’est jamais trop tard pour s’amender.

ET POURQUOI PAS DES FILMS ?

• Des fictions

Madame Doubtfire, Chris Colombus, 124 mn, 1993. Existe en DVD.

Adapté du roman d’Anne Fine (présenté dans le numéro 55, p. 213), ce film bien connu met en scène Daniel Hillard, acteur au chômage, qui se déguise en gouvernante pour s’occuper de ses trois enfants que son ex-femme Miranda l’empêche de voir. Nombreuses scènes hilarantes et personnage masculin plus attachant que dans le roman. S’appuyant sur la performance de Robin Williams, le réalisateur met l’accent sur l’humour et la comédie.

Osama, Sedigh Barmak, 84 mn, 2003. Existe en DVD.

Dans l’impossibilité de travailler en raison des interdictions des Talibans, une mère et sa fille de 12 ans se retrouvent sans ressources suite à la mort des hommes de la famille. La jeune fille se déguise alors en garçon et vit dans la peur constante qu’on ne découvre sa véritable identité.

Tomboy, Céline Sciamma, 84 mn, 2011. Existe en DVD.

L’espace d’un été, Laure, 10 ans, devient Mickaël, car Lisa l’a prise pour un garçon : cette méprise lui permet de s’intégrer dans une bande au sein de laquelle elle trouve sa place, elle, le « garçon manqué » (« Tomboy » en anglais) jusqu’au jour où elle est « découverte ». Très beau film sur les troubles de l’identité au seuil de l’adolescence.

Parvana, une enfance en Afghanistan, Nora Twomay, 94 mn, 2018. Existe en DVD.

Film d’animation adapté du livre éponyme de Deborah Ellis (que j’ai présenté dans le n° 60, p. 233). Parvana, 11 ans, se fait passer pour Kassem afin de pouvoir sortir dans Kaboul et d’y travailler pour nourrir sa famille.

Girl, Lukas Dhont, 105 mn, 2018. Existe en DVD.

Lara, 15 ans, pratique la danse. C’est une jeune fille trans, soutenue par un père bienveillant. Mais Lara souffre des lenteurs de sa transformation malgré la prise d’hormones, ce qui la conduira à un geste radical (automutilation). Film encensé par la critique, notamment en raison de la prestation du jeune acteur (non trans), mais nettement moins bien perçu par les personnes transgenres qui reprochent au film d’être trop centré sur la génitalité. A réserver aux plus âgés.

Lola vers la mer, Laurent Micheli, 90 mn, 2019. Existe en DVD.

À la mort de sa mère, Lola (jouée par une jeune actrice transgenre) doit renouer avec son père qui ne comprend ni n’accepte sa transidentité, pas plus que l’opération qu’elle envisage. Ils s’affrontent lors d’un voyage vers la mer pour disperser les cendres de la mère.

Mytho, série télévisée d’Anne Berest et Fabrice Gobert, saison 1, 6 x 45 mn, 2019. Existe en DVD.

Une mère de famille, surmenée et peu considérée par les siens, s’invente un cancer. Dès lors, mari infidèle et enfants égoïstes sont aux petits soins pour elle. Parmi les trois enfants, Sam se vit comme une fille et séduit son correspondant allemand.
Une deuxième saison a été réalisée depuis.

• Des documentaires

Indianara, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa, 84 mn, 2019. Existe en DVD.

De 2016 à 2018, les réalisateurs ont suivi Indianara Siqueira, militante et femme politique transgenre qui a créé Casa Nem à Rio de Janeiro pour accueillir toutes les personnes LBGT persécutées au Brésil (2017 personnes transgenres assassinées en 2017). Pour grands adolescents et adultes.

Petite fille, Sébastien Lifshitz, 83 mn, 2020. Existe en DVD.

Le réalisateur a suivi pendant un an Sasha, 7 ans, née dans un corps de garçon mais qui se sent et se vit fille depuis l’âge de 3 ans. Sa famille, notamment sa maman, la soutient et témoigne de leur quotidien semé d’embûches. Un documentaire lumineux et émouvant, destiné au grand public, dont on espère qu’il contribuera à faire évoluer les mentalités.
Du même réalisateur, Bambi, 60 mn, (2013), moyen métrage sur l’une des premières transgenres françaises. Pour grands adolescents et adultes. Existe en DVD.

Sous la peau, Robin Harsch, 85 mn, 2020.

L’acteur-réalisateur suisse a filmé et interrogé durant deux ans trois jeunes ados, Effie Alexandra, Logan et Söan, qui ont décidé d’accomplir leur transition de genre et participent aux groupes de parole du « Refuge » situé à Genève. Il les accompagne avec chaleur et pudeur, ainsi que quelques parents, des mères surtout, dont certaines témoignent qu’elles ont « perdu » un enfant et ont dû en faire le « deuil ». Un père témoignera également du chemin parcouru. Un documentaire essentiel dont Effie Alexandra espère qu’il contribuera à soutenir la cause des trans.

RÉÉDITIONS OU PARUTIONS AU FORMAT DE POCHE DE TITRES DÉJÀ ÉVOQUÉS (ou pas, d’ailleurs…)

Éditions d’eux

Le jardin d’Abdul Gasazi, Chris Van Allsburg, traduit de l’anglais par Christiane Duchesne, 2020.

Mademoiselle Hester a confié Fritz, son chien espiègle et « mordilleur » au jeune Alan Mitz. L’adolescent l’emmène se promener près d’un magnifique jardin, hélas interdit aux chiens, appartenant à un magicien à la retraite ; mais ce mal élevé de Fritz n’en a cure et se sauve. Alan le poursuit dans tout le jardin pour finalement se trouver nez à nez avec l’imposant Abdul : le magicien accepte de lui rendre le cabot… sous la forme d’un canard qui finit par s’envoler, non sans avoir dérobé sa casquette au garçon ; ce dernier repart seul chez Mademoiselle Hester, terrorisé à l’idée de lui avouer la vérité. Mais celle-ci se moque gentiment d’Alan, un peu trop grand pour croire à la magie, et il rentre chez lui en se sentant un peu bête : en effet, Fritz est revenu et il s’amuse follement avec la casquette d’Alan !  Cet album reflète bien l’univers étrange et fantastique cher à l’auteur. Mélange de réalisme et d’imaginaire, cette histoire pourrait bien correspondre à la définition du fantastique par Todorov[1]. Le texte, simple et précis sur la page de gauche, est magnifiquement illustré sur la page de droite en un noir et blanc, décliné dans toutes les nuances de gris. Ces illustrations pointillistes pleines de relief (Chris Van Allsburg fut d’abord sculpteur[2]) débordent d’ailleurs sur la page de gauche ; elles rendent hommage à tous ceux qui inspirent l’auteur tels Vermeer, Piranèse, Caspar David Friedrich, Edward Hopper ou Magritte…
C’est donc une merveilleuse idée que d’avoir réédité ce premier album (1979) de l’auteur-illustrateur dévoilant déjà un talent que ses créations suivantes confirmeront. Peut-être moins connu que Jumanji ou Boréal-Express, adaptés au cinéma, ou que Les mystères de Harris Burdick qui reste mon préféré, ce conte malicieux, bénéficiant d’une maquette luxueuse, n’a pris aucune ride : il ravira petits et grands.

[1] « Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un évènement en apparence surnaturel. » Introduction à la littérature fantastique, Tzvetan Todorov,. Seuil, 1970.
[2] L’illustration de couverture en atteste, puisqu’il s’agit d’art topiaire, c’est-à-dire de haies taillées, dans ce cas, en forme d’animaux. Tous les lecteurs ayant vu Edward aux mains d’argent (Tim Burton, 1990) savent de quoi il s’agit, même s’ils ne connaissent pas l’expression…

Gallimard jeunesse

Trois filles en colère, Isabelle Pandazopoulos, coll. Pôle fiction, 2020.

L’auteure de La décision[1] met en scène trois beaux personnages de jeunes femmes ainsi que leur entourage entre Aout 1966 et Novembre 1968. À travers la correspondance de Suzanne, parisienne, de Magda sa cousine retournée vivre à Berlin et de Cléomèna, obligée de fuir la dictature des colonels en Grèce, elle retrace deux années fertiles en évènements politiques, sociaux et historiques, auxquels sont confrontés les trois filles ainsi qu’une dizaine de personnages les entourant, de près ou de loin. Se présentant comme la mise en forme de missives, documents divers et archives trouvés par hasard au fond d’une valise, présents dans l’ouvrage sous forme de fac similés, ce récit par lettres très documenté restitue l’atmosphère si particulière de l’Europe à la veille de mai 68 à travers la vie intime de jeunes femmes qui découvrent les luttes politiques (Magda, Suzanne) ou les subissent (Cléomèna) ; elles conquièrent peu à peu leur liberté : celle de se détacher du passé, des secrets de famille et de tracer chacune un chemin qui lui est propre.

[1] Voir la présentation de cet ouvrage dans le numéro 64 de Recherches (2016), réseau « Encore adolescent.e.s, déjà parents ».

Nathan

Chère Madame ma grand-mère, Élisabeth Brami, Dyscool, 2020.

Saluons la parution dans une version de « lecture facilitée » de ce petit roman épistolaire recommandé pour les cours moyens et la sixième.
Vivant seule en Pays de Loire avec sa mère, Olivia, 12 ans et demi, s’interroge depuis trop longtemps sur son père qu’elle ne connait pas. Ayant trouvé deux fois le nom de Madame Barrois (le nom de son père) dans les affaires de sa mère, elle décide d’écrire à cette dame dont elle pense qu’elle pourrait être sa grand-mère.
Mais Eléonore Barrois, qui habite à Marseille, se montre d’emblée très réticente : il faudra à la jeune fille beaucoup d’opiniâtreté pour entamer les défenses d’une femme meurtrie par la vie et découvrir enfin le secret de ses origines. Cette correspondance, comprenant onze lettres en tout, s’étale sur plusieurs mois. C’est le temps qu’il faudra à Olivia pour « apprivoiser » sa grand-mère, parler à cœur ouvert avec sa mère, lever les malentendus qui ont gâché la vie de trois personnes, se réappropriant ainsi son histoire. Un roman délicat et sensible mettant bien en valeur les effets néfastes des secrets de famille.

PKJ

Dys sur dix, Delphine Pessin, 2021.

Présenté dans Coups de cœur Printemps-Été 2019.

 Divergente raconté par 4, Veronica Roth, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Delcourt, Best-seller, 2021.

Tobias Eton, alias « Quatre » raconte sa vie chez Les Altruistes avant de choisir les Audacieux, étant le premier de sa faction à agir ainsi. Les trois premiers récits, Le Transfert, Le Novice et Le Fils se situent avant la rencontre de Tobias et de Tris, tandis que le quatrième, Le Traitre, se déroule chronologiquement au milieu du tome 1, comblant ainsi un blanc : la rencontre des deux personnages.
La trilogie initiale, mêmes auteure et traductrice, est parue au format poche dans la même collection en 2017.

Le Jeu du maitre : 1- La Partie infinie et 2– La Révolution, James Dashner, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, « Best-seller », 2020 et 2021.

Dans le premier tome, Michael évolue dans un univers virtuel, le VirtNet, moitié jeu vidéo, moitié réseau social ; il y fréquente Sarah et Bryson, hackers comme lui. Mais les trois amis vont être confrontés à des suicides qui eux sont bien réels…

Après avoir mis sa vie en danger, Michael est plus que jamais, dans le tome suivant, confronté à de terribles machinations : rien moins que le remplacement des esprits humains par des esprits virtuels… La parution en poche du dernier tome intitulé Fin de partie, devrait suivre. Par l’auteur de la série Le Labyrinthe, également disponible en poche et adaptée au cinéma par Wes Ball.

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – 2021

COUPS DE CŒUR DOCUMENTAIRES

Confinés déconfinés, Docteur Catherine Dolto/Colline Faure-Poirée, « Mine de rien », Gallimard Jeunesse Giboulées, 2020.

On aurait aimé que cet album ne parle que du passé et ne soit plus d’actualité… Il faudra encore attendre ! Et donc, rien de tel que les mots de Catherine Dolto pour comprendre ce que le coronavirus a changé dans nos vies, notamment celle des enfants.

Prenez le pouvoir les filles ! Jamia Wilson et Andrea Pippins, Casterman, 2020.

Les deux complices déjà mentionnées pour l’ouvrage I have a dream (Coups de cœur Hiver 18-19) récidivent dans un ouvrage conforme au précédent tant dans la maquette que le style des illustrations très colorées. Il s’agit cette fois-ci d’un guide à destination des adolescentes qui auraient besoin de « conseils pour croire en soi et s’épanouir dans la vie ». S’appuyant sur leurs expériences personnelles, les auteures en proposent 23, répartis en cinq chapitres : Prendre confiance ; Vivre avec les autres ; Faire des choix ; Passer à l’action ! ; Prendre soin de soi. Même si elles reconnaissent que c’est souvent « plus facile à dire qu’à faire », elles réussiront sans doute à convaincre nombre de filles qu’elles ne doivent pas hésiter à aller au bout de leurs rêves.

Nos droits, leurs combats, Irène Cohen-Janca et Édith Chambon, Les éditions des éléphants, avec le soutien d’Amnesty International, 2021.

En France, on pourrait parfois oublier que des femmes et des hommes se sont battus pour obtenir des droits qui paraissent aller de soi aux plus jeunes. Dix droits fondamentaux (ne pas être esclave, fréquenter l’école laïque et gratuite, voter quand on est femme, avoir des congés payés, avorter, ne pas être condamné à mort, aimer librement, faire grève, manifester) sont mis en valeur selon un schéma identique : un dessin introduisant  le sujet suivi d’une phrase qui a marqué les esprits ; une mise en contexte historique rappelant les étapes cruciales ; une bande dessinée retraçant un ou plusieurs moments forts et décisifs, complétée par ce qu’il en est aujourd’hui ; pour terminer, le portrait d’une personne ayant joué un rôle essentiel dans la conquête de ce droit, de Victor Schoelcher à Jean Jaurès en passant par Louise Weiss et Simone Veil, pour ne citer que quelques noms. La préface d’Amnesty International souligne la ténacité de chacune des personnes évoquées et le long chemin qu’il a fallu parcourir pour obtenir ces droits à travers les lois qui les ont actés ; mais attire également l’attention sur les remises en cause et les attaques dont ils font l’objet. Il faut donc les connaitre pour en bénéficier mais également les protéger et les défendre.
Ouvrage salutaire, à lire et relire, afin de se rappeler que certains droits ont été conquis de haute lutte, qu’ils n’existent hélas pas partout, loin de là, et qu’il faut rester vigilant face à ce/ceux qui les menace(nt). Devrait figurer en bonne place dans tous les CDI.

Aux premiers siècles de l’Islam, Dominique Joly et Emmanuel Olivier, « L’histoire du monde en BD », Casterman, 2020.

De façon claire et agréable, les auteurs racontent l’avènement du prophète Muhammad et la rédaction du Coran après sa mort. Ils narrent les conquêtes liées à la diffusion du message religieux et l’élaboration d’un empire gigantesque. Les débuts fastueux de la civilisation arabo-mulsumane sont décrits à travers la gestion des territoires par les califes ; l’artisanat et le commerce prospèrent, un art de vivre délicat se développe et les savoirs se multiplient grâce aux philosophes, médecins, astronomes et mathématiciens. C’est un véritable tour de force qu’il faut saluer d’avoir réussi à brosser en 48 pages l’essentiel des débuts de l’Islam jusqu’au XIIIe siècle. Abordable dès la fin de l’école élémentaire.

COUPS DE CŒUR ACTUALITÉ

Enfermés dedans, Série « Akissi », Marguerite Abouet et Mathieu Sapin, Gallimard Bande dessinée. 2020.

Après avoir connu le succès avec Aya de Yopougon, l’auteure a imaginé les aventures de sa petite sœur Akissi. S’inspirant de sa propre enfance et des bêtises commises dans le quartier de Côte d’Ivoire où elle a grandi, la scénariste met en scène une bande d’enfants livrée à elle-même. Ce dixième album commence par la colère d’Akissi : son frère Fofana a reçu le vélo dont elle rêvait ; en outre, inutile de préciser qu’elle n’est pas satisfaite de la poupée qu’on lui a offerte, alors qu’elle préfère s’occuper des bébés du quartier même si on le lui interdit. Et quelle catastrophe, lorsque le président annonce un confinement en raison de l’épidémie de coronavirus ! Cette situation inédite donne lieu à une longue histoire, contrairement aux principes habituels mis en œuvre dans cette série. Car il faut brosser l’évolution d’Akissi, de sa famille et de ses amis durant vingt jours : la joie de ne plus devoir aller à l’école, les bonnes résolutions des parents faisant preuve de pédagogie pour expliquer les gestes recommandés, cèdent rapidement la place à l’énervement et à la compétition pour aller faire les courses ou promener n’importe quel animal… Chacun, petit ou grand, se retrouvera dans ces multiples saynètes, légères et réalistes, teintées d’humour et de malice. Comme dans chaque album, un bonus est offert à la fin : cette fois-ci, la recette des « claclos », un plat typique du pays.

Dix, Marine Carteron, Doado noir, Éditions du Rouergue, 2019.

Voici un roman noir, bien noir… Sept adolescents d’un même établissement scolaire accompagnés de trois adultes se retrouvent dans un manoir isolé sur l’île bretonne de Sareck. Coupés du monde, ils sont censés participer à une émission de télé-réalité sous forme d’escape-game. Mais le lecteur apprend rapidement que tous ont la conscience chargée. Les pièces du puzzle se mettent progressivement en place : la jeune Esther est morte et rien n’arrêtera la main implacable des « dieux ». Les crimes commis tant par les jeunes que par les adultes sont odieux, leur châtiment sera atroce. Âmes sensibles s’abstenir ! La vengeance concoctée est machiavélique, sanglante et immorale. Le lecteur, maintenu en haleine jusqu’à la fin, sera sans doute effaré face à la noirceur des thèmes évoqués : trahison, harcèlement, viol, inceste, suicide, drogue, meurtres ; les adultes se montrent lâches et capables des pires horreurs, mais les adolescents ne sont pas en reste : leurs relations peuvent devenir perverses et dangereuses. On se réjouit cependant des multiples références littéraires : à Agatha Christie évidemment, mais également à Charles Perrault, à la mythologie et aux textes antiques. Sans oublier quelques articles du code pénal !

Je te plumerai la tête, Claire Mazard, Syros, 2020.

L’auteure, nous ayant habitués à des romans traitant de sujets forts, parfois dérangeants, ne déroge pas à la règle avec ce récit glaçant d’emprise d’un père sur sa fille. Lilou est en première L ; âgée de 16 ans, elle vit dans une superbe villa près d’Aix-en-Provence avec son père, Édouard Cuvelier, séduisant patron d’une agence de publicité. Lilou adore son « papa-Lou », auquel elle voue une admiration démesurée ; obéissant à son père qui le lui déconseille, elle ne va même plus voir sa mère, Caroline, hospitalisée pour une récidive de cancer, avec laquelle les relations se sont dégradées depuis plusieurs années. Ses meilleurs amis, Emma, Camille et Lucas, ainsi que son amoureux Gabriel l’amènent cependant à se poser des questions et elle décide de retourner rendre visite à sa mère : elle découvre alors que son père lui ment et a tout fait pour les séparer l’une de l’autre. Il ne lui restera malheureusement que deux mois pour renouer (notamment par le biais de la littérature) avec cette femme qui fut la première victime d’un mari pervers narcissique, avant qu’il n’emprisonne sa fille dans une relation malsaine et toxique.
Rédigé à la première personne, avec la mention des dates, le texte développe le point de vue de Lilou dont le lecteur comprend rapidement, contrairement à la jeune fille, à quel point elle est manipulée par son père dont elle ne mesure ni l’étendue des mensonges ni la capacité de nuire. Il lui faudra beaucoup de temps pour se soustraire à son influence, pour trouver la force de lui résister et de lui dire non. Elle ne le pourra enfin qu’avec l’aide de ses amis, mais surtout de Jo, la sœur de sa mère, psychologue, et d’un jeune psy, Tino. Au terme d’un cheminement extrêmement lent et douloureux, ponctué par la découverte des nombreuses attitudes ou actions monstrueuses de son père, elle prend enfin conscience qu’il est malade et qu’elle doit se protéger de lui. À travers ce roman émouvant et fort, Claire Mazard ne cache pas son intention d’alerter un maximum de lecteurs face à cette perversion et de les aider à en décoder les symptômes pour s’en prémunir.

D.O.G, Nathalie Bernard et Frédéric Portalet, Thierry Magnier, 2020.

Il s’agit de la troisième enquête du lieutenant-détective Valérie Lavigne, les deux précédentes ayant été présentées dans « Actualités Printemps-été 2019 ». L’enquêtrice est chargée de retrouver trois adolescents fréquentant l’école secondaire Rosemont : Dorian Belenger, Sarah Poulin et Alicia Lavoie, sur laquelle va se concentrer le récit. Ces jeunes participent à un jeu en ligne, Days of Grace, consistant à relever des défis de plus en plus difficiles et tordus, et dont ils se sont fait tatouer sur le bras l’acronyme D.O.G… C’est ainsi qu’Alicia se retrouve dans les tunnels désaffectés de Montréal où sévit James Page qui l’emprisonne dans une cage. Peu à peu, l’enquête en recoupe une autre, celle de son ancien collègue Gautier Saint-James, chargé de traquer un kidnappeur d’enfants, Caleb Stein, qui se révèlera être le tueur en série ayant enlevé Paul, le petit frère de Valérie, des années auparavant. La pression s’accentue et, comme dans les romans précédents, le lecteur est tenu en haleine jusqu’au bout par un récit suivant alternativement Valérie ou ses collègues et Alicia, avilie et maltraitée par son bourreau. On s’attache ainsi aux différents personnages, qu’il s’agisse des adultes : Gautier a été quitté par sa femme Éva parce qu’il travaille trop et s’occupe à présent seul de son fils Hugo ; Valérie ne s’est jamais pardonné d’avoir envoyé Paul s’acheter des friandises afin de lire tranquillement ; ou de ces trois adolescents déjà cruellement marqués par la vie : Dorothée Hamel, qui n’a jamais reçu d’amour, se tient prête à accomplir le défi suprême du jeu alors qu’elle en connait la perversion  ; Alicia se dévalorise encore plus depuis que son grand frère  Daniel a été tué par un chauffard ; Alex, quant à lui,  n’a surmonté le traumatisme  de  la disparition de ses deux parents qu’en devenant survivaliste. Mais les compétences ainsi acquises lui permettent de sauver Alicia, laquelle réussit quand même à trouver le courage d’échapper à son tortionnaire puis à le neutraliser ; on comprend que ces deux-là vont s’en sortir, ce qui clôt le roman sur une note d’espoir.

La Folle Épopée de Victor Samson, Laurent Seksik, Flammarion, 2020.

Ce premier roman pour la jeunesse de l’auteur narre les aventures rocambolesques de Victor Samson, né à Mondino en 1900. Alors que Rachel, sa mère, s’inquiète pour un rien, Jacob, son père, ne craint rien. Tenant une officine qui vend toutes sortes de remèdes, il a inventé une boisson « au gout de paradis », efficace contre de nombreux maux : « la Jacobine » lui confère une réputation aussi flatteuse que sulfureuse auprès de ses concitoyens. Jusqu’au jour où, l’histoire se répétant, Jacob devient un bouc émissaire et périt dans l’incendie de sa boutique détruite par des villageois en colère. Plutôt que de rester à Nice aux côtés de son oncle Mathias, Victor décide alors de partir en Amérique réaliser le rêve de son père : faire découvrir au monde entier la Jacobine. Inutile de préciser que son chemin sera semé d’embuches : enrôlé de force il participe à la guerre 14-18, ce qui lui vaudra une amitié indéfectible avec Alphonse, rendu aveugle par les gaz, mais prêt à le suivre jusqu’au bout du monde ; ils se retrouveront à Berlin, à Moscou, à Pékin puis à Hollywood. Ils croiseront Einstein, Jean Jaurès, une princesse, Trotski et Charlie Chaplin, avant de se séparer et de retrouver chacun leur amoureuse…
Ancré dans une réalité politico-historique, ce parcours initiatique est décliné avec simplicité et sans temps mort. Victor est un personnage sain et optimiste, qui va jusqu’au bout de son rêve, sans le brader pour autant ; il sera confronté à toute la palette des attitudes et sentiments humains : amitié, amour, haine, intolérance. L’univers et les valeurs humanistes du romancier servent de toile de fond à cette « folle épopée » qui n’est pas sans rappeler dans ses enchainements, emboitements et rencontres, celle du « vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire[1 ]».

[1] Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire », Jonas Jonasson, Presses de la cité, 2011. Existe en Poche Pocket.

Hunger Games : La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, Suzanne Collins, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, PKJ, 2020.

L’auteure a cédé à la tentation du préquel en imaginant Panem 64 ans avant les évènements narrés dans sa célèbre trilogie [1]. Les fans retrouveront les jeux (dixième édition, précédée de « la moisson ») et découvriront ainsi de nouveaux personnages mais également Coriolanus Snow adolescent, futur dictateur de la série. Ce dernier, âgé de 18 ans, orphelin vivant avec sa grand-mère et sa cousine Tigris, est un jeune homme désargenté, ambitieux et arrogant. Mentor pour la première fois, le sort lui attribue une fille du district 12, Lucy Gray Baird. Cette jeune fille, préfigurant le personnage de Katniss, fait partie des Covays ; c’est une artiste itinérante réputée pour son chant. S’il veut gagner, Coriolanus doit favoriser Lucy : il ne s’en privera pas, en l’aidant plusieurs fois à éliminer ses concurrents, et elle gagnera grâce à lui. Partagé entre son affection pour sa protégée avec laquelle il entretient une liaison et son ambition, il n’hésitera pourtant pas à choisir les chemins les plus obscurs. Sa tricherie découverte, il n’a d’autre choix que de devenir Pacificateur et bascule dans le crime : il fait exécuter son ami Sejanus Plinth à sa place, cherche à tuer Lucy et s’acoquine avec Volumnia Gaul, spécialiste des modifications génétiques, puis élimine le doyen Casca Highbottom qui en sait trop. Située dix ans après la guerre (« Les jours sombres »), cette intrigue permet d’explorer l’état de nature et d’envisager de différentes manières la survie dans le monde de Panem en pleine reconstruction.

[1] Les tomes 1 et 2 sont présentés dans le numéro 52 de Recherches (2010), le tome 3 dans le numéro 54 (2011).

NOUVEAUTÉS EN MATIÈRE D’ÉDITIONS ET DE COLLECTIONS

Gallimard jeunesse

Le Trésor des histoires Motordu, Pef, « L’heure des histoires », 2020.

Voilà qui devrait ravir les fans de « belles lisses poires » : pour célébrer les 40 ans du célèbre personnage de Pef, six aventures de Motordu au format album, dans une nouvelle maquette.

Les Quatre Filles du docteur March, Les filles du docteur March se marient, Le Rêve de Jo March et La Grande famille de Jo March, Louisa May Alcott, traduit de l’anglais (États-Unis) par Paulette Vielhomme-Calais (tome 1) et par Claude Loriot-Prévost (tomes 2, 3 et 4), Folio Junior, 2019 (tomes 1, 2 et 3), 2021 (tome 4).

Inutile de présenter ces quatre sœurs… La suite de leurs aventures, alors qu’elles sont devenues des jeunes femmes, étaient inédites chez Gallimard Jeunesse qui a saisi l’opportunité de la sortie du film de Greta Gerwig (2020), adapté des deux premiers tomes.

Nathan

Deux nouvelles séries pour les enfants qui apprennent à lire et une troisième pour les ados :

« Titus et les lamas joyeux » : Mission sac de piscine, Au secours, un ado !, Anne-Gaëlle Balpe et Zoé Plane, Premières lectures, BD, 2020.

Adila, Gédéon, Jo, Romi et Titus forment une bande très soudée, toujours prête pour de nouvelles missions et aventures… Qu’il s’agisse d’éviter une punition à leur copain Paolo qui a de nouveau oublié ses affaires de piscine ; ou de tout mettre en œuvre pour que Titus, soudain couvert de boutons d’acné, ne soit séparé d’eux car expédié au collège.
Destinées aux enfants qui apprennent à lire, ces bandes dessinées humoristiques comportent à chaque fois une chute amusante que l’on comprend sans qu’il soit besoin de texte ; elles peuvent se lire avec l’aide de l’adulte (chacun sa bulle) ou en autonomie dès que l’enfant sait lire des mots simples.

« Mon premier escape Game » : Panique chez les manchots (Les animaux de Lou), Mymi Doinet. Piégés dans la forêt (Amélie Maléfice), Arnaud Amméras, 2020.

Les parents des apprentis lecteurs seront mis à contribution, au moins dans un premier temps, pour les accompagner dans des enquêtes mettant en scène les héros de deux séries, peut-être déjà connues. Chaque double page comporte des bulles, du texte et une énigme à résoudre.  En ce qui concerne la première aventure, Lou et Sam doivent aider les parents manchots à retrouver leur œuf disparu. Et pour ce faire : lire un message dans un miroir, trouver des personnages identiques, décrypter un message écrit en code ou dans lequel chaque voyelle est remplacée par un chiffre, déchiffrer un rébus ou des mots mêlés, compter des animaux. Dans la deuxième, Amélie et Siméon sont confrontés à une forêt envahissante que seule une formule magique leur permettra de faire disparaitre. Il leur faudra donc : repérer les premières lettres des mots, remplacer chaque lettre par la lettre suivante dans l’alphabet, suivre du doigt un labyrinthe et noter les lettres qui y sont cachées ou reconstituer des lettres à moitié effacées. Une façon ludique d’appréhender la lecture en équipe. Les solutions sont livrées à la fin des ouvrages au cas où…

Court toujours

Silent Boy, Gaël Aymon ; Aux ordres du coeur, Fabrice Colin ; Les Potos d’abord, Rachel Corenblit ; Le Livre le plus mauvais du monde, Vincent Cuvellier ; Comme un homme, Florence Hinckel ; Son héroïne, Séverine Vidal, sont les six premiers titres de cette nouvelle collection de textes très courts (une soixantaine de pages) destinés aux lycéens, voire aux étudiants, peu enclins ou pressés de lire, sachant qu’ils existent également en version numérique ou auditive pour ceux qui préfèreraient. L’éditeur a fait appel à de auteur·e·s reconnu·e·s qui ont rédigé, dans une langue percutante et exigeante, des histoires variées, réalistes et parfois drôles ou légères, mais également très dures. Les personnages sont amenés à grandir face aux aventures ou épreuves qu’ils traversent.
Dans l’ordre : Anton, adolescent très introverti, s’exprimant surtout sur internet y puise le courage de dénoncer le harcèlement d’un camarade. Johanne, 17 ans, accompagne la folie de sa mère, quitte à s’oublier et se perdre. L’amitié d’Ihmed et de Nathan est mise en péril lorsqu’ils partent en vacances à deux, sans adultes. Adolescent un peu paumé et désœuvré, Paul rencontre l’auteur, incontrôlable, du livre incompréhensible qu’il a trouvé dans une boite à livres. Ethan, 18 ans, découvre le calvaire vécu par sa mère : va-t-il tuer ce grand-père coupable de viol et d’inceste ? Après avoir « sauvé » Jessica d’une agression, Rosalie la harcèle, faisant de la vie de sa nouvelle « amie » un cauchemar.

Casterman

Casterminouche, une histoire et on se couche !

Une nouvelle collection qui compte déjà 19 titres inédits : des histoires courtes, tendres, humoristiques, voire impertinentes, qui offrent dix minutes de lecture chaque soir pour les plus petits. Mignons petits albums souples à petit prix. Citons par exemple :

Le casting des loups, Anne-Isabelle Le Touzé, 2020.

Huit  loups (et quelques intrus) se présentent pour jouer le rôle d’un grand méchant loup : une petite souris commente leur prestation. Humour et parodie, dans un style bande dessinée.

Cet enfant que j’aime infiniment, Capucine Lewalle et Maud Legrand, 2020.

Déclaration d’amour poétique et fantaisiste d’une mère à son enfant, accompagnée de dessins crayonnés aux couleurs tendres et douces. Une belle réussite.

DES NOUVELLES DES RÉSEAUX DÉJÀ PRÉSENTÉS

L’ENFANT ESPION

Opération Shark : 1. Amos, 2. Julia, 3. Diego. Christelle Chatel/Vincent Roché, Nathan, 2020 et 2021.

Nouvelle série destinée aux 8-12 ans, mettant en scène quatre adolescents faisant partie d’une agence très spéciale baptisée Gulliver. Leur objectif ? Combattre SHARK, une dangereuse organisation cherchant à dominer le monde en s’attaquant aux enfants. Amos, 12 ans, se réveille amnésique. Peut-être est-ce lié à une découverte qu’il aurait faite lors d’une mission en solo sur un jeu vidéo. Julia, Diego, Kenzo et lui partent alors en Californie pour enquêter secrètement au sein du « Video Games Institute ». Dans une deuxième aventure, qui les mène au Portugal, il s’agira d’infiltrer les « Kidolympiques », une compétition sportive réservée aux adolescents. Il leur faudra protéger les participants face à l’équipe d’un pays inconnu, le Babistan. Enfin, dans une troisième, ils se rendent à Singapour, où va se tenir un sommet de chefs d’état autour de l’écologie, car Diego a reçu un mail d’Amos daté du moment où ce dernier a été retrouvé amnésique !
Il faut beaucoup de « coopération » pour adhérer aux aventures trépidantes, souvent empreintes d’humour, de ces agents de 12 ans : ils ont une famille qui ignore tout de leurs activités secrètes au service d’une agence dirigée par L., minichef au sens propre, puisqu’elle est miniaturisée ! Tout est à l’avenant notamment les gadgets : télécommande permettant d’emprunter des passages secrets dans Paris, robot au flair infaillible ayant l’apparence d’un teckel, traducteurs multilingues collés au gosier, vêtements furtifs, etc. L’auteure s’en donne à cœur joie sans se soucier de vraisemblance.

EXILS ET MIGRATIONS

Je me souviens, Gilles Rapaport, Gallimard Jeunesse, 2020.

À la manière de Georges Perec, l’auteur rend hommage au pays qui a permis à son père, ainsi qu’à lui-même, d’être Français, depuis l’arrivée de ses grands-parents au début du XXe siècle. Ces derniers, juifs exilés, auraient pu connaitre ainsi que leurs fils, un sort terrible sans la mobilisation de citoyens « désobéissants » qui les ont protégés. Sans eux, l’auteur ne serait pas né, n’aurait pas bénéficié des droits et des libertés en vigueur dans une démocratie. G. Rapaport met donc en avant dans cet album toutes celles et ceux qui ont aidé sa famille pendant la seconde guerre mondiale ou plus tard. À une époque où les frontières se referment, quand certains voudraient faire croire que l’Étranger est la cause de tous nos maux, cet ouvrage rappellera que pour d’autres, notre pays peut être une terre d’accueil où la solidarité n’est pas un vain mot.

RÊVE OU CAUCHEMAR ?

Les rêves d’Ima, Ghislaine Roman-Bertrand Dubois, Cipango, 2020.

Ima, fille de Juan le pécheur et de Luna, vit à Guaqui, village andin situé au bord du lac Titicaca. Elle perd un jour la joie et la santé car elle fait d’horribles cauchemars peuplés de monstres terrifiants. Toute la famille se mobilise pour lui faire retrouver le sourire : Inès, sa tante, Luis et Alvaro[1], ses oncles, lui enseignent tour à tour l’art du tissage, de la confection de bijoux et de poteries. Rien n’y fait : ses parents consultent alors Kamaq, vieil indien capable d’interpréter les rêves. Si le « piège à rêves » remis à Ima et la formule magique prononcée la délivrent effectivement de ses cauchemars, c’est au prix de la disparition de toute inspiration chez les artisans du village : les objets produits sont tellement fades, ternes et tristes que le marchand venu de Cuzco les refuse. C’est Ima qui trouvera elle-même la solution en affrontant ses rêves qu’elle retranscrit au jour le jour pour les lire ensuite aux villageois émerveillés. Un très beau conte magnifiquement illustré, aux couleurs chatoyantes, donnant au lecteur le sentiment d’être au Pérou et de mieux comprendre les légendes incas toujours vivantes.

[1] Appelé Alvaro en début d’histoire, le potier est ensuite nommé Pablo quelques pages plus loin…

 FILLE OU GARÇON ?

Valentin de toutes les couleurs, Chiara Mezzalama et Reza Dalvand, Les éditions des éléphants, 2021.

La dédicace de l’illustratrice : « Pour ceux qui sont différents et fiers de leur différence » résume parfaitement l’intention de ce bel album multicolore qui affirme subtilement qu’un garçon a le droit d’aimer coudre et d’être nul en foot. Valentin aime les couleurs, celles qui symbolisent l’amitié et traduisent les humeurs, sombres ou joyeuses… Il s’entend bien avec ses amies Aline et Marie, mais les garçons se gaussent de lui quand il n’arrive pas à attraper le ballon. Moqué et harcelé, il est tenté de basculer dans la phobie scolaire après avoir déchiré le tee-shirt d’Antoine, un camarade qui l’a fait volontairement trébucher. Cependant, la machine à coudre reçue pour son anniversaire va l’aider à surmonter sa peine et sa colère : Valentin confectionne un magnifique tee-shirt arc en ciel pour Antoine, car il souhaite ardemment que « l’amitié soit de toutes les couleurs et que les choses déchirées puissent se réparer ».
Un très beau texte, simple et lumineux, prônant de façon délicate le refus des stéréotypes, la tolérance et l’acceptation de soi. Les parents de Valentin se montrent aimants, le soutiennent et le comprennent sans mot dire, ce qui évidemment l’aide à s’assumer tel qu’il est.

Julie qui avait une ombre de garçon, Christian Bruel et Anne Galland. Illustré par Anne Bozellec. Le sourire qui mord, 1976. Réédité chez Être Édition, 2009, puis chez Thierry Magnier, 2014.

Julie ne se comporte pas du tout comme une fille aux yeux de ses parents qui la traitent de « garçon manqué ». Elle sait qu’elle les déçoit, elle voudrait pourtant qu’ils l’aiment. Un jour, elle se réveille avec une ombre de garçon qui la provoque et la harcèle. Elle doute alors de son identité, ne sait plus qui elle est vraiment et part se réfugier dans un trou au parc : elle y rencontre François, son double inversé. On lui reproche en effet d’avoir une « tête de fille », de « pleurer comme une fille »… Ils se réconfortent mutuellement, puis concluent qu’ils peuvent être les deux à la fois, fille et garçon, mais surtout qu’ils ont le droit d’exprimer et d’être ce qu’ils sont.
Une belle histoire, poétique et métaphorique, ayant le mérite de s’adresser aux plus jeunes. Il n’y avait sans doute à l’époque que cette maison d’édition, originale et impertinente, pour publier un album abordant un tel propos qui a d’ailleurs suscité la polémique, tant par le sujet que parce qu’il fait allusion, très discrètement mais sans pudibonderie, à la masturbation.
C’est la lecture de l’album précédent qui m’a remis en mémoire celui-ci, victime d’un oubli impardonnable de ma part ! Mais il n’est jamais trop tard pour s’amender.

ET POURQUOI PAS DES FILMS ?

• Des fictions

Madame Doubtfire, Chris Colombus, 124 mn, 1993. Existe en DVD.

Adapté du roman d’Anne Fine (présenté dans le numéro 55, p. 213), ce film bien connu met en scène Daniel Hillard, acteur au chômage, qui se déguise en gouvernante pour s’occuper de ses trois enfants que son ex-femme Miranda l’empêche de voir. Nombreuses scènes hilarantes et personnage masculin plus attachant que dans le roman. S’appuyant sur la performance de Robin Williams, le réalisateur met l’accent sur l’humour et la comédie.

Osama, Sedigh Barmak, 84 mn, 2003. Existe en DVD.

Dans l’impossibilité de travailler en raison des interdictions des Talibans, une mère et sa fille de 12 ans se retrouvent sans ressources suite à la mort des hommes de la famille. La jeune fille se déguise alors en garçon et vit dans la peur constante qu’on ne découvre sa véritable identité.

Tomboy, Céline Sciamma, 84 mn, 2011. Existe en DVD.

L’espace d’un été, Laure, 10 ans, devient Mickaël, car Lisa l’a prise pour un garçon : cette méprise lui permet de s’intégrer dans une bande au sein de laquelle elle trouve sa place, elle, le « garçon manqué » (« Tomboy » en anglais) jusqu’au jour où elle est « découverte ». Très beau film sur les troubles de l’identité au seuil de l’adolescence.

Parvana, une enfance en Afghanistan, Nora Twomay, 94 mn, 2018. Existe en DVD.

Film d’animation adapté du livre éponyme de Deborah Ellis (que j’ai présenté dans le n° 60, p. 233). Parvana, 11 ans, se fait passer pour Kassem afin de pouvoir sortir dans Kaboul et d’y travailler pour nourrir sa famille.

Girl, Lukas Dhont, 105 mn, 2018. Existe en DVD.

Lara, 15 ans, pratique la danse. C’est une jeune fille trans, soutenue par un père bienveillant. Mais Lara souffre des lenteurs de sa transformation malgré la prise d’hormones, ce qui la conduira à un geste radical (automutilation). Film encensé par la critique, notamment en raison de la prestation du jeune acteur (non trans), mais nettement moins bien perçu par les personnes transgenres qui reprochent au film d’être trop centré sur la génitalité. A réserver aux plus âgés.

Lola vers la mer, Laurent Micheli, 90 mn, 2019. Existe en DVD.

À la mort de sa mère, Lola (jouée par une jeune actrice transgenre) doit renouer avec son père qui ne comprend ni n’accepte sa transidentité, pas plus que l’opération qu’elle envisage. Ils s’affrontent lors d’un voyage vers la mer pour disperser les cendres de la mère.

Mytho, série télévisée d’Anne Berest et Fabrice Gobert, saison 1, 6 x 45 mn, 2019. Existe en DVD.

Une mère de famille, surmenée et peu considérée par les siens, s’invente un cancer. Dès lors, mari infidèle et enfants égoïstes sont aux petits soins pour elle. Parmi les trois enfants, Sam se vit comme une fille et séduit son correspondant allemand.
Une deuxième saison a été réalisée depuis.

• Des documentaires

Indianara, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa, 84 mn, 2019. Existe en DVD.

De 2016 à 2018, les réalisateurs ont suivi Indianara Siqueira, militante et femme politique transgenre qui a créé Casa Nem à Rio de Janeiro pour accueillir toutes les personnes LBGT persécutées au Brésil (2017 personnes transgenres assassinées en 2017). Pour grands adolescents et adultes.

Petite fille, Sébastien Lifshitz, 83 mn, 2020. Existe en DVD.

Le réalisateur a suivi pendant un an Sasha, 7 ans, née dans un corps de garçon mais qui se sent et se vit fille depuis l’âge de 3 ans. Sa famille, notamment sa maman, la soutient et témoigne de leur quotidien semé d’embûches. Un documentaire lumineux et émouvant, destiné au grand public, dont on espère qu’il contribuera à faire évoluer les mentalités.
Du même réalisateur, Bambi, 60 mn, (2013), moyen métrage sur l’une des premières transgenres françaises. Pour grands adolescents et adultes. Existe en DVD.

Sous la peau, Robin Harsch, 85 mn, 2020.

L’acteur-réalisateur suisse a filmé et interrogé durant deux ans trois jeunes ados, Effie Alexandra, Logan et Söan, qui ont décidé d’accomplir leur transition de genre et participent aux groupes de parole du « Refuge » situé à Genève. Il les accompagne avec chaleur et pudeur, ainsi que quelques parents, des mères surtout, dont certaines témoignent qu’elles ont « perdu » un enfant et ont dû en faire le « deuil ». Un père témoignera également du chemin parcouru. Un documentaire essentiel dont Effie Alexandra espère qu’il contribuera à soutenir la cause des trans.

RÉÉDITIONS OU PARUTIONS AU FORMAT DE POCHE DE TITRES DÉJÀ ÉVOQUÉS (ou pas, d’ailleurs…)

Éditions d’eux

Le jardin d’Abdul Gasazi, Chris Van Allsburg, traduit de l’anglais par Christiane Duchesne, 2020.

Mademoiselle Hester a confié Fritz, son chien espiègle et « mordilleur » au jeune Alan Mitz. L’adolescent l’emmène se promener près d’un magnifique jardin, hélas interdit aux chiens, appartenant à un magicien à la retraite ; mais ce mal élevé de Fritz n’en a cure et se sauve. Alan le poursuit dans tout le jardin pour finalement se trouver nez à nez avec l’imposant Abdul : le magicien accepte de lui rendre le cabot… sous la forme d’un canard qui finit par s’envoler, non sans avoir dérobé sa casquette au garçon ; ce dernier repart seul chez Mademoiselle Hester, terrorisé à l’idée de lui avouer la vérité. Mais celle-ci se moque gentiment d’Alan, un peu trop grand pour croire à la magie, et il rentre chez lui en se sentant un peu bête : en effet, Fritz est revenu et il s’amuse follement avec la casquette d’Alan !  Cet album reflète bien l’univers étrange et fantastique cher à l’auteur. Mélange de réalisme et d’imaginaire, cette histoire pourrait bien correspondre à la définition du fantastique par Todorov[1]. Le texte, simple et précis sur la page de gauche, est magnifiquement illustré sur la page de droite en un noir et blanc, décliné dans toutes les nuances de gris. Ces illustrations pointillistes pleines de relief (Chris Van Allsburg fut d’abord sculpteur[2]) débordent d’ailleurs sur la page de gauche ; elles rendent hommage à tous ceux qui inspirent l’auteur tels Vermeer, Piranèse, Caspar David Friedrich, Edward Hopper ou Magritte…
C’est donc une merveilleuse idée que d’avoir réédité ce premier album (1979) de l’auteur-illustrateur dévoilant déjà un talent que ses créations suivantes confirmeront. Peut-être moins connu que Jumanji ou Boréal-Express, adaptés au cinéma, ou que Les mystères de Harris Burdick qui reste mon préféré, ce conte malicieux, bénéficiant d’une maquette luxueuse, n’a pris aucune ride : il ravira petits et grands.

[1] « Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un évènement en apparence surnaturel. » Introduction à la littérature fantastique, Tzvetan Todorov,. Seuil, 1970.
[2] L’illustration de couverture en atteste, puisqu’il s’agit d’art topiaire, c’est-à-dire de haies taillées, dans ce cas, en forme d’animaux. Tous les lecteurs ayant vu Edward aux mains d’argent (Tim Burton, 1990) savent de quoi il s’agit, même s’ils ne connaissent pas l’expression…

Gallimard jeunesse

Trois filles en colère, Isabelle Pandazopoulos, coll. Pôle fiction, 2020.

L’auteure de La décision[1] met en scène trois beaux personnages de jeunes femmes ainsi que leur entourage entre Aout 1966 et Novembre 1968. À travers la correspondance de Suzanne, parisienne, de Magda sa cousine retournée vivre à Berlin et de Cléomèna, obligée de fuir la dictature des colonels en Grèce, elle retrace deux années fertiles en évènements politiques, sociaux et historiques, auxquels sont confrontés les trois filles ainsi qu’une dizaine de personnages les entourant, de près ou de loin. Se présentant comme la mise en forme de missives, documents divers et archives trouvés par hasard au fond d’une valise, présents dans l’ouvrage sous forme de fac similés, ce récit par lettres très documenté restitue l’atmosphère si particulière de l’Europe à la veille de mai 68 à travers la vie intime de jeunes femmes qui découvrent les luttes politiques (Magda, Suzanne) ou les subissent (Cléomèna) ; elles conquièrent peu à peu leur liberté : celle de se détacher du passé, des secrets de famille et de tracer chacune un chemin qui lui est propre.

[1] Voir la présentation de cet ouvrage dans le numéro 64 de Recherches (2016), réseau « Encore adolescent.e.s, déjà parents ».

Nathan

Chère Madame ma grand-mère, Élisabeth Brami, Dyscool, 2020.

Saluons la parution dans une version de « lecture facilitée » de ce petit roman épistolaire recommandé pour les cours moyens et la sixième.
Vivant seule en Pays de Loire avec sa mère, Olivia, 12 ans et demi, s’interroge depuis trop longtemps sur son père qu’elle ne connait pas. Ayant trouvé deux fois le nom de Madame Barrois (le nom de son père) dans les affaires de sa mère, elle décide d’écrire à cette dame dont elle pense qu’elle pourrait être sa grand-mère.
Mais Eléonore Barrois, qui habite à Marseille, se montre d’emblée très réticente : il faudra à la jeune fille beaucoup d’opiniâtreté pour entamer les défenses d’une femme meurtrie par la vie et découvrir enfin le secret de ses origines. Cette correspondance, comprenant onze lettres en tout, s’étale sur plusieurs mois. C’est le temps qu’il faudra à Olivia pour « apprivoiser » sa grand-mère, parler à cœur ouvert avec sa mère, lever les malentendus qui ont gâché la vie de trois personnes, se réappropriant ainsi son histoire. Un roman délicat et sensible mettant bien en valeur les effets néfastes des secrets de famille.

PKJ

Dys sur dix, Delphine Pessin, 2021.

Présenté dans Coups de cœur Printemps-Été 2019.

 Divergente raconté par 4, Veronica Roth, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Delcourt, Best-seller, 2021.

Tobias Eton, alias « Quatre » raconte sa vie chez Les Altruistes avant de choisir les Audacieux, étant le premier de sa faction à agir ainsi. Les trois premiers récits, Le Transfert, Le Novice et Le Fils se situent avant la rencontre de Tobias et de Tris, tandis que le quatrième, Le Traitre, se déroule chronologiquement au milieu du tome 1, comblant ainsi un blanc : la rencontre des deux personnages.
La trilogie initiale, mêmes auteure et traductrice, est parue au format poche dans la même collection en 2017.

Le Jeu du maitre : 1- La Partie infinie et 2– La Révolution, James Dashner, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, « Best-seller », 2020 et 2021.

Dans le premier tome, Michael évolue dans un univers virtuel, le VirtNet, moitié jeu vidéo, moitié réseau social ; il y fréquente Sarah et Bryson, hackers comme lui. Mais les trois amis vont être confrontés à des suicides qui eux sont bien réels…

Après avoir mis sa vie en danger, Michael est plus que jamais, dans le tome suivant, confronté à de terribles machinations : rien moins que le remplacement des esprits humains par des esprits virtuels… La parution en poche du dernier tome intitulé Fin de partie, devrait suivre. Par l’auteur de la série Le Labyrinthe, également disponible en poche et adaptée au cinéma par Wes Ball.

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – 2020

Vu le nombre de parutions intéressantes depuis ma dernière chronique, celle qui suit ayant en outre pris du retard, j’ai choisi d’être parfois plus concise dans mes présentations afin de ne pas devoir éliminer certains titres. J’espère que nos lecteurs ne m’en tiendront pas rigueur…

Coups de cœur documentaires

Nous sommes tous des féministes, Chimamanda Ngozi Adichie, traduction originale de Sylvie Schneiter adaptée pour la jeunesse, Illustrations de Leire Salaberria, Gallimard Jeunesse, 2020.

Elle rêve d’un monde où l’égalité des sexes serait évidente et cela passe à ses yeux par l’éducation des filles et des garçons : cette éducation féministe est développée en 15 points dans son ouvrage Chère Ijeawele, (Gallimard, 2017). Non sans humour, l’auteure, d’origine nigériane, s’appuie sur son expérience et raconte maintes anecdotes vécues montrant à quel point les stéréotypes et les préjugés ont la vie dure, notamment en Afrique : même quand elle obtient les meilleures notes (condition nécessaire pour décrocher le rôle), une fille ne peut devenir « chef de classe » ; lorsqu’une jeune femme donne un pourboire, c’est son compagnon qu’on remercie car c’est forcément lui qui lui a procuré l’argent ! Même si, entre autres, quasiment aucune allusion n’est faite aux violences de tous ordres subies par les femmes, ce texte, très consensuel et optimiste, fournira une bonne base de discussions et débats dès la fin d’école primaire. C’est donc une excellente idée d’avoir adapté pour la jeunesse ce discours célèbre prononcé aux États-Unis en 2012 (dont le texte remanié est disponible en Folio Gallimard, 2015, suivi d’une nouvelle, Les Marieuses, traitant d’un mariage forcé) et d’en avoir fait ce bel album dont le texte figurant à gauche est illustré de couleurs à la fois douces et vives sur chaque pleine page de droite.

Tout nu ! Le Dictionnaire bienveillant de la sexualité, Myriam Daguzan Bernier, illustrations de Cécile Gariépy, Éditions du Ricochet, 2020.

Vous n’avez pas trouvé l’ouvrage que vous auriez voulu lire ? Écrivez-le ! C’est le cas de cette jeune Québécoise, qui a rédigé une somme magistrale sur la sexualité au sens large, sans jugement et sans tabou. Bibliographie et sources, impressionnantes, témoignent dans les dernières pages du sérieux de la démarche. On lira d’ailleurs avec intérêt et profit l’introduction de ce dictionnaire narrant le parcours, les valeurs et les motivations de l’auteure. Croisant des approches descriptive, scientifique et psychologique, l’ouvrage se lit au gré des interrogations ou des intérêts du lecteur et ouvrira la discussion. N’excluant personne, rassurant et déculpabilisant, il aidera les jeunes (ou les moins jeunes) à mieux se découvrir, mieux se connaitre, mieux accepter leur corps ou leur identité. L’ensemble se teinte d’humour, comme en attestent les illustrations colorées (camaïeux de bleus et de rouges), de style BD. Encore un ouvrage qui devrait figurer en bonne place dans les CDI, vu la frilosité des manuels scolaires sur le sujet.

Les documentaires sur la préservation de l’environnement se multiplient, s’adressant aux lecteurs dès leur plus jeune âge :

J’agis pour ma planète, « Archi Doc », Emmanuelle Ousset, illustrations de Pierre Caillou, Père Castor,  Flammarion Jeunesse, 2020.

Le titre dit tout ! Concret et abondamment illustré, un album que les parents pourront feuilleter et commenter avec les plus jeunes, vu la masse d’informations et de conseils.

Notre maison brule. L’appel de Greta Thunberg pour sauver la planète, Jeanette Winter, traduit de l’anglais (États-Unis) par Émilie Nief, Gallimard Jeunesse, 2020.

Auteure pour la jeunesse reconnue, J. Winter conte l’histoire d’une adolescente « invisible », terrifiée lorsqu’elle a découvert l’ampleur du réchauffement climatique et ses conséquences. Surmontant la dépression qui la gagnait, Greta s’est mobilisée, seule, mais bientôt rejointe par des milliers de jeunes puis d’adultes. Une biographie distanciée, vibrant hommage d’une dame d’âge respectable au combat d’une jeune fille engagée à laquelle elle s’est identifiée. Texte concis magnifiquement illustré par l’auteure elle-même.

Nous sommes tous Greta. Des idées pour changer le monde, Valentine Giannella, illustrations de Manuela Marazzi, traduit de l’italien par Valentina Gardet, Nathan, 2020.

Est-il encore temps de sauver la planète ? Cet ouvrage bien documenté analyse les causes d’une situation alarmante et les remèdes possibles, en dix-huit chapitres clairs et précis. Trouvera sa place dans les CDI de collège, voire de lycées.

Coups de cœur actualité

Le Jardinier qui cultivait des livres, Nadine Poirier, illustrations de Claude K. Dubois, d’eux, 2020.

Comme l’indique le titre, voici un jardinier un peu particulier, que son amour des livres a chassé loin des villageois qui ne partageaient pas sa passion. Ces derniers en ont eu assez également de la petite orpheline qui cherchait à partager avec eux les connaissances puisées dans les documentaires dont elle se nourrit. Ces deux-là étaient faits pour se rencontrer, mais à condition que le jardinier se laisse apprivoiser par une gamine plus rusée qu’elle n’en a l’air ! On pense évidemment au Petit Prince, à sa rose et au renard pour cette belle histoire métaphorique jouant sur le sens figuré des mots. L’amour des livres, récits pour lui, documentaires pour elle, les réunit  et permet de créer des liens plus forts que ceux du sang. Une histoire tendre, douce et poétique magnifiquement illustrée. Je ne connaissais pas cette maison d’édition canadienne dont cet album me donne envie de découvrir plus amplement le catalogue.

Maman, Papa, comment vous vous êtes rencontrés ? (2019) et Maman, Papa, il y avait qui avant moi ?, « Les grandes questions de Sofia », Thierry Lenain, illustrations de Stéphanie Marchal, Père Castor, Flammarion Jeunesse, 2020.

Quel plaisir de retrouver un album de Thierry Lenain (numéros 22 et 32), auteur cher à mon cœur ! Suite à ses questions, les parents de Sofia lui racontent l’incroyable enchainement de circonstances ayant permis leur rencontre : la fillette décide de faire un dessin pour remercier chaque personne ou objet concerné, car sans eux, elle n’existerait pas. Et remonterait bien au déluge si on la laissait faire… Mais la gratitude est réciproque, comme le prouve la chute.
Dans le deuxième album, les questions de Sofia seront l’occasion pour ses parents de remonter le temps en évoquant des ancêtres de plus en plus lointains et de brosser rapidement l’histoire de l’humanité, car le questionnement de Sofia ne s’arrêtera qu’à une conclusion évidente à ses yeux : dans le trou noir, c’était elle ! Fidèle à ses valeurs, l’auteur tord subtilement le cou aux stéréotypes et dénonce habilement les préjugés. Métisse issue d’un couple mixte, Noire/Blanc, Sofia rayonne d’énergie et d’intelligence ; les propos sont mis en valeur par un dessin au style enfantin fourmillant de détails précis teintés d’humour. Espérons que Sofia garde encore des tonnes de questions en réserve…

Ma famille est recomposée, « Aimée et Mehdi au fil de la vie », Sophie Furlaud, illustrations de Laurent Simon, Casterman, 2020.

« Aimée Qu’est-ce que j’ai » se plaint de ne pas s’y retrouver entre son papa, qui vit tout seul, et sa maman, qui a un nouveau compagnon, Marcello, la fille de celui-ci, Lena, avec laquelle elle doit partager sa chambre, sans compter son nouveau « demi-frère. Elle oublie toujours quelque chose entre les deux maisons, pense toujours au parent dont elle est éloignée… Cependant la discussion avec « Mehdi Moi-tout » l’aide à admettre que cette situation présente cependant de bons côtés, mais surtout que ses parents l’aiment toujours autant. Il s’agit du quatrième tome mettant en scène ces deux personnages récurrents ayant déjà échangé sur la mort (Ma grand-mère est morte, le divorce (Mon papa et ma maman se séparent) et la naissance (Maman attend un bébé), albums élaborés par les mêmes complices. Une collection qui a pour ambition de « traiter des grands sujets de la vie pour aider les enfants… et les parents », joliment illustrée dans un style bande dessinée, entrecoupé d’images plus symboliques : doubles pages très colorées sur lesquelles Aimée constate puis analyse ses émotions.

Killert T, Robert Muchamore, traduit de l’anglais par Valérie Le Plouhinec, Casterman, 2019.

Parler d’un coup de cœur serait exagéré, car ce roman touffu, qui part un peu dans tous les sens et mélange les genres, ne m’a pas séduite autant que les romans précédents de l’auteur que je trouve plus à l’aise dans les récits d’espionnage (Cherub) ou « musicaux » (Rockwar, voir Coups de cœur Printemps-été 2016). Mais les thématiques actuelles et futuristes (modifications génétiques, bioterrorisme) sur fond de relation amoureuse tumultueuse, devraient intéresser certains lecteurs amateurs de dystopies. Sans compter que le contexte actuel de pandémie due au coronavirus confère un intérêt indéniable à cette intrigue mettant en scène deux jeunes gens, Charlie et Harry, face aux menaces liées à la diffusion d’un virus synthétique tuant 90% des contaminés…

Nous sommes l’étincelle, Vincent Villeminot, PKJ, 2019.

En 2061, Daniel et ses sœurs, Montana et Judith, vivent au cœur d’une grande forêt en Dordogne, c’est leur univers, ils n’ont jamais rien connu d’autre. Ils sont brutalement enlevés par des braconniers sanguinaires. Adam et Allis, leurs parents feront tout pour les retrouver et les sauver, avec l’aide discrète d’un « ermite » et d’un « sauvage ». Tout a commencé en 2022 quand un jeune universitaire anglais, Thomas F. a publié un manifeste intitulé  « Do not count on us » (« Ne comptez pas sur nous ») prônant une rupture nette avec un monde qui ne se respecte plus : il faut aller vivre dans les marges, recréer un « monde à côté », constitué de communautés politiques basées sur l’amitié. Dans toute l’Europe, des jeunes s’enthousiasment pour ces idées, se rebellent, manifestent et partent sur les routes : c’est la « Sécession » en 2025. Antigone et Xavier, Joan (Jay), Paul (Pibe), La Houle, Berzek, font partie des pionniers, mais l’État ne les laissera pas en paix… En 2042, les villes sont devenues des prisons, les étudiants sont parqués dans des containeurs ; Allis Koteas, traumatisée par une tentative de viol décide d’intégrer la « Brigade de Gestion et de Protection des Autres Espèces Animales » et finit par être affectée à la traque, très dangereuse, des braconniers sévissant dans la Grande Forêt, réserve naturelle sauvage protégée. Roman d’anticipation qui commence par la fin, ce récit s’étale sur presque quarante ans, mettant en scène trois générations de personnages dont les liens n’apparaitront que progressivement. Sa temporalité complètement destructurée, les incessants allers-retours entre le présent et les différentes périodes du passé, les pensées des personnages ou  les extraits du manifeste de Thomas F.  rendent la narration complexe, ce qui nécessitera de bonnes compétences de lecture. Mais il se révèle passionnant par les thèmes qu’il développe : que reste-t-il de l’utopie de départ vingt-cinq ans plus tard ? Le rêve est-il encore possible ? L’amitié est-elle le ciment de la société ? Un roman palpitant dont la violence, voire la tragédie, sont loin d’être absentes mais qui n’éteint jamais la flamme de l’espoir.

Comment mon père est mort 2 fois, Yves Grevet, Syros, 2019.

2017 : son père vient de mourir d’un accident sur une route de La Réunion ; encore sous le choc, Soën découvre que Gilles avait une famille en métropole dont il lui avait caché l’existence. Sans compter que des policiers arrivent de Paris pour enquêter sur ce qui pourrait bien être un assassinat. Avec le soutien de son amie Ida, Soën entreprend alors, non sans risques, de découvrir qui est ce père inconnu, en réalité prénommé Yvon, dont il fait la connaissance par bribes, grâce aux témoignages de ses proches et aux lettres qu’il écrivait. Le récit de son enquête est entrecoupé par les carnets de son père, rédigés alors que celui-ci enseignait le français à Ankara en 1984-85. Il y décrivait son quotidien, ses amitiés, ses amours. Tout a commencé à cette époque, en Turquie, sans qu’Yvon imagine le drame qui le conduirait à s’exiler et à vivre « sous légende ». Ce roman à la fois intimiste, abordant la relation père-fils, et d’espionnage, dans lequel le lecteur en sait davantage que les personnages, adopte la forme d’un puzzle ; il intéressera sans doute plutôt les plus âgés étant donné le contexte géopolitique : fin de la guerre froide, actions terroristes, secrets d’état.

Snake boy, Carl Haasen, traduit de l’anglais (États-Unis) par Valérie Dayre, Thierry Magnier, 2019.

Vivant en Floride, avec sa mère Christine et sa sœur ainée Belinda, Billy Dickens n’a pas vu son père depuis une dizaine d’années ; il le sait toujours vivant puisque sa mère reçoit de l’argent pour eux chaque mois. Mais elle refuse de lui dire où vit son ex-mari.  Cependant, le collégien, surnommé « Snake Boy » vu sa fascination pour les serpents y compris les plus dangereux, réussit à se procurer l’adresse et décide de partir retrouver son géniteur dans le Montana. Il y fait la connaissance de Little Thunder Sky, surnommée Lil, et de sa fille Summer Chasing Hawks, deux indiennes Crows, formant la nouvelle famille de Dennis. Mais  comme très souvent, ce dernier est parti en mission secrète ; il viendra finalement en Floride renouer avec Chrissie et ses enfants, même s’il garde toujours le secret sur ses activités. Ce sera le début d’une aventure hors du commun pour Billy et son père. Même s’il semble peu réaliste qu’un si jeune garçon fasse preuve d’autant de maturité, on adhère à sa quête, à sa personnalité, à son humour et à son courage. On retrouve les thèmes chers à l’auteur en matière de protection de la nature et d’amour des animaux : le fils utilise les serpents pour « calmer » tous les méchants ; sa mère est passionnée par les nids d’aigles au point qu’elle déménage pour en avoir toujours au moins un dans son champ visuel et son père, grâce à ses drones, protège le gibier tout en traquant des braconniers très dangereux. Sans compter que, parfois, les grizzly rendent la justice…L’humour et le suspense sont au rendez-vous.

Le roi Serpent, Jeff Zentner, traduit de l’anglais (États-Unis) par Caroline Bouet, PKJ, 2019.

Premier roman d’un guitariste auteur-compositeur-interprète, cet ouvrage met en scène un trio d’amis qui vivent leur dernière année de lycée à Forestville dans le Tennessee. Si Lydia Blankenship, blogueuse active, vivant dans une famille aimante et aisée, sait déjà qu’elle rejoindra une université prestigieuse, ce n’est pas le cas des deux garçons : face à un père alcoolique et violent, Travis Bohannon, se réfugie dans la Fantasy et les forums en ligne ; quant à Dillard Early, comment peut-il oublier, et faire oublier, qu’il est le fils d’un pasteur emprisonné pour pédophilie, mais également le petit fils « du Roi Serpent », ainsi surnommé parce qu’il n’a pas supporté la mort de sa fille, mordue par une vipère, sur la tombe de laquelle il s’est suicidé ? Dill, englué dans les discours religieux de ses parents, hanté par l’idée de ressembler à son père, se résigne à son sort, refusant toute ambition. La disparition tragique de Travis l’anéantit au point qu’il songe à imiter son grand-père. Lydia, pleine d’entrain et d’énergie, réussit cependant à lui insuffler un peu d’espoir et à le convaincre qu’il a du talent comme musicien, qu’il peut entamer des études. Un roman initiatique d’une grande sensibilité, mettant en valeur le poids des histoires familiales et de la religion sur le destin des individus, contrebalancé par des amitiés indéfectibles et les capacités de chacun à sortir de trajectoires qui semblaient inéluctables, même si se libérer a un prix. Une fin ouverte, porteuse d’espoir.

Et la lune, là-haut, Muriel Zürcher, Thierry Magnier, 2019.

L’amitié est également au centre de ce roman touchant et décalé. Yaro, réfugié sans papiers de 18 ans se débrouille comme il peut. Quand il repère Alistair promenant un chien, il échafaude une arnaque dont il n’anticipe pas un instant les conséquences. Le jeune homme, âgé de 21 ans, n’était pas sorti de son appartement depuis plus de deux ans, « séquestré » par sa mère depuis sa naissance, afin que rien de grave ne puisse lui arriver ! Mais ce jour-là, sa mère est morte… Génie scientifique ayant tout appris derrière un ordinateur, Alistair ne risque pas de savoir comment gérer la situation car il est complétement inadapté sur le plan social. Yaro découvre alors l’ampleur du guêpier dans lequel il s’est fourré, mais il a du cœur et ne peut abandonner ce grand dadais naïf à son sort. Ainsi se forme un duo attachant qu’un enchainement de circonstances va entrainer dans des situations extraordinaires, parfois proches de la tragédie, mais l’optimisme, les rêves et l’humour l’emporteront toujours. La narration alterne la troisième personne pour Yaro alors qu’Alistair s’exprime à la première, nous plongeant ainsi dans son univers mental : son rêve d’aller sur la lune, sa rationalité, ses connaissances théoriques et livresques, son absence d’émotions ou de sentiments, ses réflexions au premier degré. Ils seront amenés à croiser une foule de personnages pittoresques (voisines d’immeuble), dont certains deviendront des amis (Sidonie et Georges) voire davantage (Jenny et Azèle Aya). Résolument optimiste, prônant la résilience, quels que soient les traumatismes subis, il s’agit d’un roman parfois déjanté faisant du bien. La fin confirme ce qui pouvait être pressenti : ce n’est pas parce qu’Alistair était « différent » et vulnérable que sa mère l’a protégé du monde extérieur, mais plutôt l’inverse…

Chère Fubuki Katana, Annelise Heurtier, Casterman, 2020.

Lycéenne harcelée depuis qu’elle a pris la défense d’une « Burakamin » (les « Intouchables » du Japon), Emi s’est repliée sur elle-même, s’isole et se dévalorise. Elle fréquente un « bar à chats », où elle fait la connaissance d’une fille un peu plus âgée qu’elle, Hana. Libre et décomplexée, celle-ci devient son amie et l’aide à retrouver confiance en elle. Quelques indices, dont les courriers adressés à Fubuki Katana, permettront sans doute aux lecteurs clairvoyants de deviner de quoi sont capables les parents d’une fille unique, craignant qu’elle ne devienne une « Hikikomori » (jeunes qui vivent enfermés chez eux, sans contacts sociaux)… Des personnages attachants, un roman facile à lire, mettant en scène un univers culturel  très contrasté, empreint de modernité telle que nous la connaissons et de traditions/attitudes très différentes des nôtres.

River, Claire Castillon, Scripto, Gallimard, 2019.

Comment River fait-elle pour supporter ce harcèlement continu au collège ? Isolement, moqueries, insultes, racket, agressions multiples constituent son quotidien tel que sa sœur le rapporte, avec un certain détachement. Il faut dire que River, intelligente, en réussite scolaire, est « différente », imprévisible, explosive, obsessionnelle parfois, bref, étrange et compliquée, au point que six thérapeutes s’occupent d’elle. Si sa famille lui prodigue amour et attention, il n’en est pas de même de la part des élèves du collège, le terrible Alanka et ses sbires, les trois T, Tanguy, Tom et Thib qui s’acharnent sur elle. Malgré une fin optimiste, ce roman coup de poing ne nous cache rien de la cruauté des jeunes entre eux et de l’aveuglement des éducateurs qui les côtoient. L’auteure évite le pathos tout en faisant de River un personnage lucide et attachant ; son écriture subtile, notamment dans le jeu des pronoms et des substituts, prépare doucement les lecteurs à la révélation finale que les plus fins psychologues d’entre eux auront anticipée.

Signé poète X, Élizabeth Acevedo, traduit de l’anglais (États-Unis) par Clémentine Beauvais, Nathan, 2019.

Elle s’exprime à la première personne, de façon percutante, sous forme de vers libres. Xiomara Batista, bientôt 16 ans, d’origine dominicaine, vit à Harlem. Sa mère, pétrie de religion, la brime en lui interdisant tout ce dont une adolescente rêve. Il faut dire que « Mami » aurait préféré épouser le Christ plutôt que l’homme qui lui a permis d’entrer aux États-Unis. Sans compter que, enfants de « vieux », Xiomara et son frère jumeau Xavier n’étaient plus attendus, faisant de leur « Papi », coureur et buveur, un homme qui s’est effacé en renonçant à toutes ses frasques. La jeune fille dont le prénom signifie « celle qui fait la guerre » livre un combat chaque jour : avec ses poings quand on la harcèle et qu’on l’insulte à cause de ses formes voluptueuses, ou quand elle défend son frère, dont elle découvre soudain l’homosexualité. Elle évacue également sa colère en écrivant sa rage de ne pouvoir exprimer de vive voix tout ce qu’elle ressent : ses doutes, ses interrogations, sa complicité et ses discussions avec son amie Caridad, ses sentiments vis-à-vis d’Aman qu’il faut cacher… Heureusement, Madame Galiano, sa professeure d’anglais, repère ses qualités d’écriture et l’invite à participer au club de slam du lycée : Xiomara va y rencontrer de nouveaux amis, s’y épanouir, pouvoir enfin dire et être qui elle est. L’auteure, elle-même d’origine dominicaine et slameuse, a sans doute puisé dans son expérience pour rédiger ce premier roman, plusieurs fois récompensé, mettant en scène de façon originale la révolte d’une adolescente forte et sincère.

Je voulais juste être libre, Claire Gratias, « Rester vivant », lemuscadier, 2019.

Le lecteur ne connaitra Manon qu’à travers les témoignages et points de vue de tous ceux qui l’ont côtoyée, interrogés par des policiers ou se confiant à un avocat. Discrète, effacée, belle, cette jeune fille de 16 ans est élevée par une mère tyrannique qui n’a pas  surmonté ses traumatismes. Sa soif de liberté la conduit à fuguer avec Valentin Chevalier, secrètement amoureux d’elle depuis très longtemps. Il l’aime tant qu’il lui pardonne ses trahisons et ses mensonges ; sa passion est même si intense qu’il est prêt à tout pour l’emmener loin des « clients » qui la font vivre. En cinq actes, le puzzle se  reconstitue sous nos yeux, ne pouvant déboucher que sur une tragédie. Le récit de Valentin à son avocat ainsi que les réponses de chaque personnage interrogé, qu’il soit proche de Manon ou plus éloigné, contribuent à dresser le portrait d’une adolescente ayant décidé un jour de « larguer les amarres » sans mesurer les difficultés et dangers qu’elle devrait affronter. Le principe narratif adopté maintient le suspense tandis que les nombreux dialogues rendent le récit vivant et agréable à lire, malgré une issue dramatique.
Édition remaniée par l’auteur d’un roman paru chez Rageot en 2015, Entre nous et le ciel, réécriture moderne de Manon Lescaut.

Snap Killer, Sylvie Allouche, Syros 2019.

La deuxième enquête de la commissaire Clara Di Lazio la conduit dans un lycée parisien où Gabriel Maurepas, élève de terminale, vient d’être retrouvé pendu par les pieds à un arbre. Elle et son équipe apprennent en outre qu’une élève de seconde, Garance, s’est suicidée quelques mois plus tôt, n’ayant pas supporté le harcèlement odieux dont elle était victime sur les réseaux sociaux. Le début du roman les fait vivre sous nos yeux : Gabriel aimait Garance et le lui signifiait par poèmes interposés. L’enquête s’avère compliquée et nous suivons les tâtonnements des policiers qui veillent à ne négliger aucune piste, tout en passant parfois à côté de certains indices essentiels. Cependant, outre le meurtrier, ils seront également amenés à confondre d’autres coupables. L’auteure met en scène un personnage attachant, Clara Di Lazio, intelligente, observatrice, directe, parfois trop ; c’est également une femme blessée, hantée par la disparition autrefois de son jeune frère Vincent, jamais retrouvé. Ce traumatisme l’a séparée de sa sœur Lisa dont la fille, Lilo, arrive à Paris au moment où la commissaire démarre son enquête : sa nièce y sera mêlée malgré elle. Un roman qui se lit avec plaisir et effroi, (face à la noirceur de certains humains), au cœur duquel les relations familiales, toujours complexes, souvent contradictoires et  parfois très toxiques, occupent une place centrale, au moins aussi importante, voire plus, que le cyberharcèlement.

L’enquête suivante, intitulée Serial Tattoo, est annoncée chez le même éditeur pour aout 2020. Quant à la première, elle vient de paraitre au format poche : je la présente plus loin.

Nouveautés en matière d’éditions et de collections

PÈRE CASTOR (Flammarion jeunesse) a imaginé « Mazette », une collection de petits albums au format carré qui propose des histoires à lire dans les deux sens : Mazette est trop sensible/Mazette est très sensible ; Mazette aime bien jouer/Mazette aime bien gagner, Agnès Ledig, illustrations de Frédéric Pillot, 2020. Centrées sur les émotions des enfants, les histoires mettent en valeur deux manières d’être, différentes, voire opposées : faut-il accepter d’être trop sensible, est-ce un problème ? Jouer juste pour le plaisir ou seulement pour gagner ? Original et futé !

CASTERMAN inaugure une collection intitulée « Hanté », sous-titrée « Pire que vos pires cauchemars » : tout un programme ! Par des plumes françaises, à petits prix.

La Maison sans sommeil, Benoit Malewicz, 2020. Si Paul s’endort dans sa nouvelle maison, il se retrouve dans la cave, qui est loin d’être inoccupée.  

L’amie du sous-sol, Rolland Auda, 2020. Après avoir disparu, Alma entraine son ami Letho sous terre afin d’y aider un fantôme.

Le Dernier Petit Singe, Sarah Cohen-Scali, 2020. Pour s’échapper d’un photomaton qui le piège, Karim doit accepter un pacte mettant sa vie en danger.

Les Élèves de l’ombre, Anaïs Vachez, 2020. Jade, élève de 5e, constate avec effroi qu’après avoir été collés par un professeur terrifiant, ses camarades ne se ressemblent plus.

SYROS lance une nouvelle collection à destination des 8-12 ans, baptisée OZ. Des auteurs français mettent en scène des aventures bourrées de fantaisie et d’humour où le merveilleux et la magie se côtoient.

Ethan et Orion, Sylvie Allouche. 2020.  Aventure extraordinaire d’un garçon qui a le pouvoir de parler aux chevaux.

Matou Watson : La Brosse à dents du futur, Claudine Aubrun, 2020. Minou Watson est un chat pas très bien élevé, mais qui résout tous les problèmes !

Chasseurs de mystères : L’Enfant de minuit, Camille Brissot, 2020. Un duo incroyable formé par un garçon et un jeune fantôme !

CornichonX, Yves Grevet, 2020. Découvrez le pouvoir des cornichonX, qui répondent à vos questions si vous les mangez la nuit…

Enfin, à l’instar d’autres éditeurs (Nathan, Flammarion…), Syros lance une collection « Dyscool » à destination des dyslexiques. Les plus grands succès de la collection « Mini-syros » seront adaptés. Sont annoncés L’Enfaon, Éric Simard, 2020 et Qui a volé la main de Charles Perrault ?, Claudine Aubrun, 2020.

L’ÉCOLE DES LOISIRS propose dans « Illustres Classiques » de grandes œuvres littéraires en version abrégée, le texte original étant réduit dans une démarche pédagogique et illustré par un artiste contemporain. Quatre titres à ce jour : Les Hauts de Hurlevent, Les Quatre Filles du Docteur March  (2019), Thérèse Raquin et Dracula (2020).

Chez THIERRY MAGNIER, nouvelle collection intitulée « L’ardeur » pour « oser, lire, fantasmer » et « parler de corps et de sexualité autrement ». Quatre titres au catalogue à ce jour : Le Gout du baiser, Camille Emmanuelle, 2019 ; Le Point sublime, Manu Causse ; Toute à vous, Maïa Brami et Touche-moi, Susie Morgenstern, 2020. Entre les romances stéréotypées et les récits pornographiques, il y a certainement de la place pour des romans dans lesquels des scènes où la sexualité est explicite ne seraient pas censurées ou ellipsées, car faisant sens au sein de la fiction. Je n’ai malheureusement pas eu l’occasion de discuter de ces ouvrages avec le lectorat ciblé (plus de 15 ans).
Le Point sublime met en scène Mina une jeune réalisatrice qui revient dans le Tarn : elle passait autrefois ses vacances chez Lune, sa grand-mère, une femme libre et émancipée, dont ses parents l’ont séparée. Déconstruits, les souvenirs reviennent : la découverte du plaisir et de la sexualité y tiennent une place importante, mais également sa vie de lycéenne, devant surmonter la séparation de ses parents, son amitié malsaine avec Audrey, qui parle plus qu’elle n’agit, et surtout la trahit… Rédigé à la première personne, dessinant le parcours d’une jeune femme ayant appris à se connaitre, à travers des expériences parfois traumatisantes, parfois sublimes, il s’agit d’un gros roman sensible, mais inégal à mes yeux, car certaines scènes m’ont semblé répétitives et artificielles.
Dans Toute à vous, Stella, jeune étudiante en lettres, écrit des lettres  qu’elle n’enverra jamais à un voisin inconnu, aveugle de surcroit, sur lequel elle fantasme depuis qu’elle l’a vu ôter son tee-shirt. Cette correspondance à sens unique, sorte de journal intime, sera l’occasion pour Stella de laisser libre cours à son imagination, à ses désirs et de faire le point sur sa vie amoureuse. Une écriture élégante, truffée de références cinématographiques non contemporaines…

Des nouvelles de réseaux déjà présentés

La beauté, une dictature ?

Un poids sur le cœur, Yaël Hassan, Nathan, 2019.

La famille de Marjorie rivalise d’inventivité pour la qualifier : ronde, enveloppée, boulotte, gironde, pulpeuse, généreuse… Il n’empêche que l’adolescente subit le harcèlement de ses camarades de collège qui ne l’épargnent pas, parce qu’elle est « grosse ». Le calvaire a commencé dès l’école primaire, le centre d’amaigrissement pour enfants en surpoids et les régimes divers n’y ont rien changé. Si ça ne tenait qu’à elle, Marjorie, de nature enjouée et douée sur le plan artistique, s’en accommoderait, mais elle se voit à travers le regard des autres et craint de ne plus être aimée des siens. L’arrivée dans la classe de Jo, qui malgré une maigreur extrême ne s’en laisse pas compter, aidera Marjorie à se monter plus combative face aux quolibets. Ayant elle-même souffert de discrimination, en raison d’une leucémie qu’elle a heureusement vaincue, Jo lui offre son amitié car elle a immédiatement perçu les qualités cachées de Marjorie, la poussant ainsi à reprendre confiance en elle. Un petit roman facile à lire, résolument positif, prônant l’acceptation de soi.

Exils et migrations

Changer de pays, Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée, illustrations de Robin, « Mine de rien », Giboulées, Gallimard Jeunesse, 2020.

La maitresse a demandé à Jamila de raconter son histoire. Elle est arrivée du Yémen en guerre, avec ses parents et son petit frère Jaden. En quelques pages, des mots simples indiquent pourquoi on fuit son pays, décrivent les dangers du voyage, les conditions difficiles d’installation et d’adaptation, le rejet parfois, mais également l’amitié. Ce petit album se termine par les mots que pose le Docteur Cat sur les émotions et souffrances des deux enfants âgés de 7 et 4 ans, comme s’ils étaient face à elle. Émigrer, ce n’est jamais facile !

Lettres, correspondances

Prendre son courage à deux m@ils, Matt7ieu Radenac, « Tempo » Syros, 2020.

Voici la suite du petit roman Des livres et moi  (2017) qui mettait en scène le début d’une correspondance entre Alex, pour qui lire est une corvée, et l’écrivain Filippe Cavreini. Ils sont devenus amis, voire confidents, sans qu’Alex n’aie jamais dévoilé son sexe : fille ou garçon ? Alex est en seconde, s’interroge sur son avenir, mais également sur ses origines, sa mère lui parlant très peu de son père dont elle s’est séparée avant sa naissance. L’adolescent·e confie ses doutes et sa colère à son ami écrivain, qui écoute, conseille, soutient, tout en lui faisant part de ses propres interrogations : il hésite à accepter qu’on adapte un de ses livres au cinéma. Un roman-exercice de style, sous forme de correspondance électronique, très agréable à lire, qui se termine sur la rencontre prévue des deux protagonistes, sans que le voile sur l’identité d’Alex ne soit levé ! Entre temps, elle ou lui aura enquêté sur son père et profité d’un voyage scolaire pour le rencontrer ainsi que sa nouvelle famille, trouvant ainsi un apaisement salvateur.

P.S. : tu me manques, Jen Petro-Roy, traduit de l’anglais (États-Unis) par Maud Ortalda, PKJ, 2019.

Cilla, 16 ans, a été rejetée par ses parents, car enceinte (voir dans le numéro 64, le réseau « Encore adolescent·e·s, déjà parents ») de son petit ami Alex. Envoyée à la campagne chez sa tante Maureen jusqu’à l’accouchement, elle est ensuite censée poursuivre sa scolarité au pensionnat Saint-Augustin. Mais elle ne répond jamais aux lettres que sa sœur Evie lui écrit quasi quotidiennement… Celle-ci, âgée de 11 ans souffre de l’absence de sa grande sœur : elle n’a plus personne à qui se confier ; ses parents, très croyants, se murent dans le silence et la religion. Cette correspondance à sens unique l’aide cependant à affronter son quotidien : elle raconte à Cilla ses doutes, ses interrogations, son amitié naissante avec June qui évolue vers un sentiment amoureux. N’ayant reçu que trois courtes lettres dactylographiées, et voulant en avoir le cœur net, Evie, aidée de ses amies, décide d’aller retrouver Cilla à St Augustin où elle découvre tout ce que ses parents lui ont caché et que le lecteur clairvoyant aura sans doute deviné. Étalée sur une quinzaine de mois, cette correspondance s’apparente au journal intime d’une adolescente en questionnement, qui grandit et murit : le dialogue avec des parents rigides n’existe plus, elle s’interroge sur le rôle et l’intérêt de la religion, remet en cause l’attitude et les valeurs familiales, s’ouvre à d’autres idées, finit par reconnaitre et accepter les sentiments éprouvés envers June. Tant de fidélité et d’amour envers sa sœur rendent Evie attachante et contribuent à dénouer les tensions familiales.

Rééditions ou parutions au format poche de titres déjà évoqués (ou pas, d’ailleurs…)

Casterman

Œdipe schlac schlac, Sophie Dieuaide, 2020. Nouvelle édition enrichie de cet ouvrage paru en 2002. Grâce aux conseils du carnet de théâtre joint, les élèves pourront jouer eux-mêmes la pièce mise en scène par les élèves du roman déjanté de l’auteure.

Père Castor, Flammarion Jeunesse

Les Lettres de Biscotte Mulotte, Anne-Marie Chapouton, illustrations de Lili la Baleine, 2020. Réédition d’un célèbre ouvrage (Castor Cadet, 1992) que j’avais présenté dans le numéro 17 de Recherches (2e semestre 1992) consacré à un réseau « Lettres ». Le format album, les bulles de BD insérant les dialogues, les nouvelles illustrations et les six enveloppes incluses à ouvrir devraient enchanter les jeunes lecteurs.

Gallimard Jeunesse

Danny, champion du monde, Roald Dahl, illustrations de Quentin Blake, traduit de l’anglais par Jean-François Ménard, 2020. Cette belle histoire d’amour entre un père et son fils rejoint le catalogue de l’éditeur avec les illustrations inédites en France de Quentin Blake. Pour l’instant en grand format littérature avec l’espoir d’une parution prochaine en poche…

La Belle Sauvage, Philip Pullman, Folio Junior, 2020. Présenté dans Actualités Automne-Hiver 2017.
Brexit Romance, Clémentine Beauvais « Pôle Fiction », 2020, (Sarbacane, 2018). Mariages blancs franco-anglais contre divorce Angleterre-Europe. C’est l’idée farfelue et osée mise en œuvre par Justine Dodgson ! Comme le titre l’indique, tout ne se passera pas raisonnablement et rationnellement comme prévu. Une galerie de personnages hauts en couleurs, des sujets plus politiques qu’ils n’en n’ont l’air, traités avec humour. Très « branché », un peu trop peut-être… Également publié en « J’ai lu ».

La Brigade de l’ombre : Ne te fie à personne et Ne compte que sur les tiens, Vincent Villeminot, « Pôle Fiction », 2019 et 2020. Respectivement présentés dans Actualités Printemps-été 2017 et Automne-Hiver 2017.

Les Mystères de Larispem : Le sang jamais n’oublie personne, Les jeux du siècle et  L’élixir ultime, Lucie Pierrat Pajot, « Pôle Fiction », 2018, 2019, 2020. La trilogie évoquée dans Actualités Printemps-été 2016 est enfin disponible en poche.

Toujours en « Pôle Fiction », trois romans de Joyce Carol Oates :

Nulle et Grande gueule, traduit de l’anglais (États-Unis) par Claude Seban, 2019. Deux lycéens atypiques s’opposent aux rumeurs, au conformisme et au harcèlement.
Sexy, traduit par Diane Ménard, 2019 : Darren, jeune et beau champion de natation laissera-t-il accuser de pédophilie son professeur d’anglais, Mr Tracy ?
Zarbi les yeux verts, traduit par Diane Ménard, 2020 : les ravages commis au sein de sa famille par un père célèbre, autoritaire et manipulateur.

Le Muscadier

Maman les p’tits bateaux, Claire Mazard, 2020. Très beau texte traitant avec délicatesse d’abus sexuels, initialement paru chez Casterman, présenté dans le n° 44 de Recherches (2006) au sein d’un réseau Journal intime .

PKJ

Seuls dans la ville entre 9 h et 10 h 30, Yves Grevet, 2019, (Syros 2011). Une enquête originale menée par Erwan et Cassandre, à partir des vingt-cinq copies des élèves de leur classe : l’un d’eux a peut-être noté un indice important ce matin-là lorsqu’ils étaient censés décrire tout ce qu’ils observaient, au moment même où le notaire de la ville était assassiné…
Stabat Murder, Sylvie Allouche, 2020. (Syros 2017). Quatre jeunes pianistes du Conservatoire National Supérieur de Musique, amis davantage que concurrents, disparaissent soudainement peu de temps avant de passer un prestigieux concours. Première apparition de Clara Di Lazzio qui revit douloureusement les recherches, restées vaines, destinées à retrouver son jeune frère disparu ; elle mène son équipe tambour battant, quitte à se fourvoyer. Déterminés à localiser Matthis, Mia, Sacha et Valentin avant qu’il ne soit trop tard, les enquêteurs  interrogent de nombreux personnages secondaires, professeurs, amis, parents. Musique et famille sont au cœur de ce récit, alternant passé des personnages, déroulement erratique de l’enquête, qui se conclut un peu rapidement, et conditions épouvantables de la séquestration des jeunes.
À l’instar des deux suivants (voir plus haut), un titre sous forme de clin d’œil pour initiés.

Poche Jeunesse Hachette

Quand Hitler s’empara du lapin rose, Judith Kerr, traduit de l’anglais par Boris Moissard, 2019. En 1933, Anna et sa famille fuient la montée du nazisme. Récit autobiographique publié en 1985 par L’école des loisirs, auquel l’auteure rédigea une suite Ici Londres, traduit par Antoine Lermuzeaux, (même éditeur, 1991 ; réédité en 2018 par Albin Michel Jeunesse) où l’on retrouve les personnages, réfugiés à Londres pendant la guerre.

Syros

Les mots pour combattre le racisme, Jessie Magana et Alexandre Messager, 2020. Une nouvelle édition actualisée d’un abécédaire indispensable : 67 mots qui décryptent  tous les aspects du racisme, des plus anciens aux plus récents.

L’école des loisirs

Sauveur et fils, Saison 3, Marie-Aude Murail, Médium Poche, 2020.  Série présentée dans Actualités Printemps-été 2019.

Thierry Magnier

Saluons les nouvelles éditions (2020) de trois beaux romans de Mickaël Ollivier : Papa est à la maison (2000) : Élodie ne sait si elle doit se réjouir ou être honteuse que son père chômeur reste à la maison ; E.DEN (2004) présenté dans le numéro 62-2015 de Recherches (Réseau « Rêve ou cauchemar ? ») et L’Alibi (2008) : L’univers de Nico s’effondre le jour où il doit fournir un alibi à ses parents malfrats pour les sauver.

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – Hiver 2019-2020

Au sommaire :

Coups de cœur documentaires

Je suis QUI ? Je suis QUOI ?, Jean-Michel Billioud, Sophie Nanteuil, Terkel Risberg, Zelda Zonk, Casterman, 2019.

Voici un documentaire qui devrait figurer en bonne place dans tous les CDI et médiathèques, car il aborde enfin pour les jeunes  les problématiques LGBT+ (Lesbiennes, Gays, Bisexuel·le·s, Trans ; le + signifiant, selon les associations, queers, allié·e·s, pansexuel·le·s, personnes intersexes, aromantiques, asexuel·le·s, agenres, tous ces termes étant par ailleurs définis au fur et à mesure puis repris dans un lexique final). Il s’agit de répondre le plus clairement et simplement possible à toutes les questions intimes que les adolescents se posent en matière d’identité, de genre, de sexualité, afin de les aider à comprendre qui ils sont vraiment et à le devenir, sans se mentir. Témoignages, FAQ, biographies sous forme de BD de personnages célèbres (de Sappho à Caitlyn Jenner en passant, entre autres, par Freddy Mercury ou Amélie Mauresmo), réfutation des idées reçues, cartes pointant l’état des droits LGBT+ dans le monde permettent de mettre des mots sur des faits, des ressentis, de dédramatiser les situations, de conforter une envie. Par ailleurs, même si le regard de la société a évolué, se faisant plus tolérant et ouvert, il n’en reste pas moins que la LGBTphobie persiste, voire augmente, d’où l’intérêt des pages évoquant les insultes, les agressions et la manière dont on peut réagir ou se faire aider (associations par régions, numéros et sites utiles).

On ne peut donc que saluer la parution de cet ouvrage à destination des adolescents, mais également de tous les adultes qui souhaitent les accompagner. Il aborde ces questions essentielles sans fard, avec bienveillance et humour, en affirmant bien fort que chacun est unique et qu’il n’y pas de honte à être soi. L’album Je suis Camille, ou les romans It et Celle dont j’ai toujours rêvé, présentés un peu plus loin, en sont l’illustration parfaite, même si le parcours est semé d’embuches. Je rappelle enfin la trilogie d’anticipation de C. Cueva, Les Porteurs, qui soulevait également la question du choix d’un genre (cf. Coups de cœur printemps 2017, automne-Hiver 2017 et printemps-été 2018).

À ceux qui souhaiteraient constituer un réseau sur ces sujets, notamment par le biais de la fiction, je recommande vivement le supplément exhaustif de « La Mare aux mots », une mine !

Signalons enfin quelques films récents évoquant la transidentité, notamment Girl de Lukas Dhont (2018), Lola vers la mer de Laurent Micheli (2019), Indianara, documentaire d’Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa (2019) ou encore le personnage de Sam dans la série télévisée Mytho (2019).

Les Combattants : des femmes et des hommes qui ont voulu changer le monde, Jean Michel Billioud, illustrations de Nicolas André,  Casterman, 2019.

Parmi la multitude des personnes, issues du monde entier, ayant mené un combat pour une cause juste à leurs yeux, l’auteur a sélectionné 15 femmes et 15 hommes qui ont voulu un monde meilleur, une société plus équitable et durable. Le choix n’a pas dû être simple : il reflète une grande diversité d’origines, de parcours, de manières de lutter, dans un souci de mettre en valeur l’opiniâtreté de ces militants qui ont contribué à modifier l’ordre établi en bravant les interdits. Parfois très connus, tels Gandhi, Sœur Emmanuelle, Mandela ou Malala, parfois  moins, tels Franco Basaglia (psychiatre italien qui s’est battu pour la fermeture des hôpitaux psychiatriques) ou Leymah Gbowee (militante pacifiste libérienne), tous ces personnages sont présentés à travers un portrait, puis un moment clé de leur action sous forme de bande dessinée, avant que le devenir de leur cause ne soit évoqué. Un documentaire attrayant, mettant en valeur des causes essentielles, loin d’être gagnées pour bon nombre d’entre elles.

ÉCOLOGIE – 40 militants engagés pour la planète, Élisabeth Combres, illustrations de Véronique Joffre, BAM !, Gallimard Jeunesse, 2019.

Fidèle au principe de la collection (présentée dans Coups de cœur automne-Hiver 2017) qui consiste à brosser de façon claire et ludique le portrait de personnalités ayant marqué un domaine précis, cet ouvrage met en valeur de façon chronologique 40 personnalités engagées dans le combat pour la défense de la planète. De Thoreau à Greta Thunberg (dont le portrait stylisé illustre la couverture), quels que soient leur pays d’origine ou leur profession, ces femmes et ces hommes ont lutté, luttent encore pour le respect de notre environnement et ont contribué à éveiller les consciences. On retrouve par exemple Wangari Maathai, biologiste et femme politique  kényane surnommée « La mère des arbres » dont l’icône figure en 4e de couverture, ainsi que Paul Watson, « L’écolo pirate », tous deux déjà évoqués dans l’ouvrage précédent. Une première approche synthétique de l’écologie, à destination de tous.

À signaler également dans la même collection, ART – 40 grands peintres, Béatrice Fontanel, illustrations de Matteo Berton, 2019, dans lequel ne figurent que quatre peintres femmes !
On se consolera en lisant ensuite FEMMES – 40 combattantes pour l’égalité, Isabelle Motrot, illustrations de Véronique Joffre, 2018 où l’on retrouvera Olympe de Gouges, Simone Weil, Malala, Angela Davis ou Jane Godall, évoquées plus haut dans Les Combattants.

Histoires d’une nation, Françoise Davisse, Carl Aderhold, Cécile Jugla, illustrations d’Anne-Hélène Dubray, Nathan, 2019.

Édité en lien avec la série documentaire télévisée du même nom (disponible en DVD), cet album met en valeur la France en tant que terre d’immigration : 25 % de la population française a au moins un grand parent venu d’une autre contrée. Après une courte introduction, l’ouvrage est découpé en quatre périodes (1870-1927 ; 1927-1954 ; 1954-1975 ; 1975-2005) dont les caractéristiques sont évoquées sur une double page  et se termine par une chronologie de faits historiques ainsi qu’une bibliographie jeunesse qui permettront d’aller plus loin. On apprendra ainsi qu’en 1924, la France est le premier pays d’immigration au monde : en 1927 les députés adoptent une loi très libérale sur la nationalité et en une dizaine d’années, près d’un million d’immigrés deviendront français. En 1931, on comptait 3 millions d’étrangers, soit 7% de la population. Inutile de préciser que la situation a bien changé : en 1974, lors du premier choc pétrolier, les frontières se ferment et ne rouvriront jamais… Malgré quelques avancées (régularisation de 140 000 sans papiers en 1981 ou extension de la validité de la carte de séjour en 1984), les lois votées seront de plus en plus dures et restrictives. Cinquante personnes, dont les parents ou grands-parents viennent des quatre coins du monde, racontent leur histoire familiale sur la page de gauche ; la page de droite, agrémentée de couleurs vives et d’illustrations signifiantes, montre la photo de chaque personne et parfois celles extraites d’archives familiales, cite des paroles qui leur tiennent à cœur et propose un bref encart biographique. Qu’ils proviennent de personnes connues ou moins, tous ces témoignages racontent comment les histoires individuelles de gens d’origines très diverses s’inscrivent dans celle d’une nation métissée. Aurait évidemment toute sa place dans le réseau « Exils et migrations » (numéros 68 et 69 (2018) de Recherches).

Coups de cœur actualités

Le Si Petit Roi, Alice Brière-Haquet, illustrations de Julie Guillem, HongFei, 2019.

Il s’agit d’un album, qui rejoint ma sélection d’albums « coups de cœur », initiée dans le numéro 65 de Recherches (2016) et enrichie dans des chroniques ultérieures. Ce serait faire injure à cet ouvrage magnifique que d’en rendre compte par le biais d’un texte plus prosaïque et plus long que celui de l’auteure, si poétique, si concis qu’il en est réduit à sa substantifique moelle ! Au petit roi de la couverture, levant les yeux vers le ciel correspond, à la dernière page, l’image de sa fille : même position, même regard, au moment où, comme lui, si jeune et sans expérience, elle se doit de reprendre le flambeau. De nouveau, le cycle d’une vie s’achève, une leçon de sagesse vient d’être délivrée : face au temps qui passe, il faut vivre l’instant présent, car une vie entière ne suffit pas pour acquérir le savoir nécessaire afin de régner. Les images omniprésentes, aux coloris doux et délicats, illustrent et complètent efficacement ce conte philosophique qui séduira petits et grands.

Je suis Camille, Jean-Loup Felicioli, Syros, 2019.

Autre album sur un tout autre sujet, Je suis Camille, donne la parole à une fille née dans un corps de garçon. La narratrice vient d’arriver de Los Angeles avec sa famille. Par petites touches, elle fait allusion aux difficultés rencontrées dans son ancienne école, à l’amour dont ses parents et sa petite sœur Lila l’entourent, malgré sa différence. Pourtant Camille n’aspire qu’à vivre simplement comme elle se sent et surtout à rencontrer des ami·e·s. Cela semble être le cas : Zoé et elle se lient très vite, réunies par leur passion musicale. Une fois mise au courant du secret de Camille, Zoé ne la rejette pas et jure de garder le silence. Mais elle craque lorsqu’elle surprend Rémi, le garçon dont elle est amoureuse, en train d’embrasser Camille. Honteuse et blessée, cette dernière voit ressurgir ses pires cauchemars, dont elle envisage un instant de se délivrer… Le chemin qu’elle a choisi sera sans doute long et difficile (tout comme celui d’Amanda ou de Jo ci-dessous), mais l’amitié retrouvée, le soutien d’une famille aimante, de professionnels compétents et à l’écoute renforcent en elle la certitude qu’elle pourra se construire une vie riche et forte. L’auteur laisse habilement planer le doute sur ce qui préoccupe tant Camille, sa transidentité n’étant révélée qu’en milieu d’ouvrage, même si la 4e de couverture la dévoile sans ambigüité… Le grand format de cet album autorise de nombreuses illustrations pleine page aux couleurs chatoyantes mettant en scène Camille dans sa vie de tous les jours. Cette publication, ainsi que d’autres sur lesquelles je reviendrai prochainement et à l’instar du documentaire évoqué plus haut, prouve que ce sujet émerge peu à peu au sein de la littérature pour la jeunesse : on ne peut que s’en réjouir !

It, Catherine Grive, Scripto, Gallimard, 2019.

Depuis toujours, on dit de Joséphine qu’elle est un « garçon manqué », pourquoi pas une  « fille ratée » tant qu’on y est, puisque visiblement, elle n’est pas une « fille réussie » ?! Jo, que ses camarades ont surnommée « It » en référence au pronom neutre anglais, a préféré enfouir profondément ses doutes ; mais un évènement perturbant va déclencher un questionnement intense chez cette ado de 14 ans, passionnée de dessin, et elle s’avoue enfin qu’elle s’est toujours sentie garçon. Dès l’école primaire, on l’a exclue, puis carrément rejetée au collège, où elle n’a dû une pseudoamitié temporaire de la part de ses camarades qu’à la fourniture de cigarettes ! Ses parents semblent ignorer le problème et restent dans le déni, même quand l’entourage ou Jo abordent le sujet. Se croyant responsable de l’incendie qui a ravagé une partie de leur immeuble, Jo ressent une intense culpabilité dont il faut comprendre qu’elle est révélatrice de ses interrogations sur son identité. Obligée d’aller vivre chez des voisins, puis à l’hôtel, la famille est chamboulée, Jo perd ses repères et se demande alors qui  elle est vraiment : même si sa réflexion n’en est qu’à ses débuts à la fin du livre, un pas important est néanmoins franchi puisqu’elle informe ses camarades qu’elle est un garçon : elle parle désormais d’elle au masculin, indépendamment des décisions qu’il lui faudra peut-être prendre plus tard, en toute intimité et dans une solitude absolue… Un roman facile à lire dès le collège, abordant délicatement, sans didactisme ni langue de bois, le questionnement d’une ado mal dans son genre qui trouve la force de le dire à tout son entourage. L’auteure a déjà abordé le sujet en 2016 dans Je suis qui je suis publié dans la collection « Doado » aux éditions du Rouergue.

Celle dont j’ai toujours rêvé, Meredith Russo, traduit de l’américain par Noémie Saint Gal, PKJ, 2017.

Destiné aux plus âgés, ce roman donne la parole à Amanda Hardy, lycéenne américaine qui arrive en terminale dans un nouvel établissement. Elle vient de quitter sa mère avec laquelle elle vit seule depuis six ans pour rejoindre son père installé dans un autre état du Sud, afin d’échapper à de nouvelles persécutions. En effet, depuis son plus jeune âge, Andrew s’est toujours senti fille et n’a jamais vraiment cherché à le cacher. Ses camarades le moquent et le maltraitent, son père refuse d’admettre la réalité, cherchant à le rendre plus viril. Sa mère, bien que perturbée, se montre plus tolérante, jusqu’à la dispute de trop et à la séparation. Le long et douloureux parcours d’Andrew devenu Amanda suite à la prise d’hormones, à l’opération et à leurs conséquences est évoqué progressivement, par petites touches, sous forme de retours en arrière non chronologiques permettant au lecteur de mesurer le courage et l’opiniâtreté de la narratrice, et de comprendre pourquoi elle reste si méfiante alors qu’elle n’aspire qu’à vivre normalement avec ses ami·e·s. Amanda renoue tout doucement avec son père, bourru et maladroit mais aimant et conscient du tort que son intolérance lui a causé ; elle se lie d’amitié avec Layla, Chloé, Anna et Bee et devient populaire au lycée. Toujours sur ses gardes cependant, elle n’est pas prête à livrer son secret alors que sa relation amoureuse avec Grant évolue rapidement. De nouveaux évènements dramatiques lui feront prendre conscience qu’elle a le droit de vivre et d’exister telle qu’elle est et qu’elle mérite d’être aimée.

Rédigé par une auteure elle-même trans, comme évoqué en fin d’ouvrage, il s’agit d’un roman et non d’une autobiographie. L’histoire d’Amanda est celle d’un parcours possible : ses choix (opération, traitement, n’aimant que les garçons) et son apparence très féminine lui sont propres et ne sont en aucun cas généralisables ; en revanche le ressenti d’une identité différente de celle octroyée à la naissance et les épreuves traversées correspondent bien au vécu de nombreuses personnes transgenres. Maltraité·e·s moralement et physiquement en raison de l’intolérance des adultes et des jeunes, du poids de la religion, ces adolescent·e·s « différent·e·s », sombrent dans la détestation d’eux-mêmes, le désespoir et ne trouvent souvent d’issue que dans le suicide.

Mon Éden, Hélène Duvar, « Rester vivant », Le muscadier, 2019.

Comment survivre au suicide de sa jumelle, telle est la question qui hante Erwan, le narrateur âgé de 16 ans. Ils étaient extrêmement proches, pourtant il n’a rien vu venir… Le jeune homme rumine sa colère et sa détresse ; rongé de culpabilité, il cherche à comprendre les raisons d’un geste que lui-même est tenté de commettre et rejette en bloc ses parents, le psy ainsi que ses amis Lucas et Jérémy. Replié sur lui-même, Erwan hurle sa souffrance tout en ressassant le passé. La découverte du journal intime d’Éden lui permet cependant d’approcher l’intimité et les secrets de sa sœur. Ce journal inachevé, loin de livrer toutes les raisons du geste désespéré de sa jumelle, lui laisse néanmoins entrevoir les tourments éprouvés par la jeune fille : les sentiments amoureux non partagés, les humiliations, la déprime, l’isolement, les pseudoamis, l’impression de se détruire… Il faudra du temps à Erwan pour accepter l’amitié, voire l’amour, de Mylène, qui l’aidera à se reconstruire ; cinq ans plus tard, un ton plus serein témoigne du chemin parcouru, mais celui-ci est émaillé de ruptures : avec le lycée, avec la ville de sa jeunesse et même avec celle qui l’a tant soutenu. Il accepte de continuer à vivre même s’il n’est pas vraiment remis…

Rédigé par une enseignante connaissant bien les jeunes, ce roman sonne juste ; il aborde un sujet combien douloureux à travers les réactions exacerbées d’un adolescent qui, en perdant sa jumelle, a perdu une partie de lui-même. L’écriture suit au plus près l’évolution d’Erwan, de la boule de souffrance incapable de surmonter son deuil au jeune adulte capable d’envisager un avenir apaisé ; la narration à la première personne est entrecoupée par les lectures d’Erwan : le journal d’Éden ainsi que des extraits de sites qu’il consulte régulièrement, dédiés à la prévention du suicide ou aux jumeaux. La collection, destinée aux adolescents, accueille des romans ou des nouvelles dont les sujets, ancrés dans la réalité actuelle, devraient les attirer et les aider à réfléchir.

Sans foi ni loi, Marion Brunet, PKJ, 2019.

Lorsque Garrett Blake voit Abigail Stenson pour la première fois, il pense que c’est un homme, tellement elle a l’allure et l’attitude des pionniers de l’Ouest américain ; en fait elle vient, pour assurer l’avenir de sa petite fille Pearl, de braquer une banque et de tuer un homme ; c’est une hors-la-loi, qui sera pourchassée par le shérif et un chasseur de primes. Elle prend en otage l’adolescent de 16 ans et l’emmène vers le Wyoming. Fils d’un pasteur rigide et violent, qui élève seul et à la dure une famille nombreuse depuis la mort de sa femme, Garrett maltraité est défiguré, timide et peu sûr de lui ; il ignore, au moment de son enlèvement, que sa vie va radicalement changer grâce à cette jeune femme qui a érigé la liberté en valeur absolue, quitte à payer le prix fort. Rédigé à la première personne, entrecoupé de retours en arrière, le récit de Garrett est celui d’une initiation dans une atmosphère de western : nous sommes en 1920, Garrett partage la vie d’Ab au sein d’un bordel où officie, entre autres, Jenny, dont il tombe amoureux. La jeune danseuse, orpheline recueillie par Ab, a le même âge que lui et s’occupe de Pearl lorsque sa mère est en vadrouille. Il y fait l’apprentissage de l’amitié mais également de la misère, des bagarres violentes, de l’injustice, du racisme et découvre les différentes facettes de sa ravisseuse à laquelle  la société machiste de l’époque ne pardonnera pas de savoir manier une arme et de vivre comme un homme. Des chapitres courts, une écriture nerveuse, très visuelle, contribuent à rendre passionnant ce roman original brossant, à travers ses souvenirs, l’évolution de Garrett, mais également le portrait d’une femme hors norme, nouvelle Calamity Jane, que l’adolescent aime et admire. J’ai découvert ce livre avant qu’il ne reçoive la pépite d’or du salon de Montreuil, récompense amplement méritée à mes yeux. J’espère qu’il paraitra très rapidement en poche, ce qui facilitera sa diffusion dans les classes.

Nouveautés en matière d’édition et de collections

Présentée dans les coups de cœur printemps-été 2018, la collection Philophile ! dirigée par Claire Marin et illustrée par les dessins d’Alfred, continue son programme de parution. Citons, parmi les plus récents :  Qui suis-je pour de vrai ? de Philippe Cabestan, C’est pour ton bien ! Éduquer ou soumettre ? de Benjamin Delmotte ou Que nous apprend l’expérience ? de Carole Widmaier, Giboulées, Gallimard, 2019.

Des nouvelles de réseaux déjà présentés

Guerre 14-18

Guerriers de l’enfer, J. Patrick Lewis, illustrations de Gary Kelley, traduit de l’anglais par Fenn Troller, Les éditions des Éléphants, 2019.

Le sous-titre « Ils sont venus de Harlem se battre à nos côtés » évoque les 350 000 soldats noirs américains venus combattre en France à compter d’avril 1917. Cet album rend hommage à l’une de ces unités, mobilisée sous le nom de 15e régiment de la Garde nationale de New York et rebaptisée 369e régiment d’infanterie américaine. Réputés pour leur ténacité, ces hommes braves et courageux seront surnommés « Les Harlem Hellfighters » (guerriers de l’enfer venus de Harlem) par les Allemands. Sur 2000 engagés, seuls 500 reviendront. Qui étaient-ils ? Les laissés-pour-compte de l’Amérique blanche bien-pensante, répondant avec enthousiasme à l’appel du charismatique chef d’orchestre James « Big Jim » Reese Europe. Non contents de se battre, ils allaient faire connaitre le jazz aux Européens et aider leurs compatriotes à tenir le coup.

Rédigé dans une langue claire et poétique, illustré à la mine de plomb et crayons de couleur, cet ouvrage émouvant se situe à mi-chemin entre l’album et la bande dessinée, car les vignettes de différentes tailles ne comportent aucun texte : celui-ci figure dans des encarts, dont certains comportent un titre et une date marquante. Évoquant  la contradiction d’un pays qui envoie des hommes courageux défendre l’Europe pendant que leurs frères de couleur continuent d’être maltraités et exécutés chez eux, il intéressera les adolescents comme les adultes.

Anorexie

La peau de mon tambour, Marie Sellier, Roman, Editions Thierry Magnier, 2018.

Comment survivre au sein d’une famille dysfonctionnelle ? C’est le problème de Zoé, une adolescente confrontée à la folie de sa mère, à l’hystérie de Grandma, ainsi qu’à l’absentéisme de son père. Ainée d’une fratrie de quatre, elle subit  rebuffades et humiliations, voire les coups d’une mère ravagée et suicidaire, dont elle découvre qu’elle a déjà été internée durant une année à l’âge de vingt ans. Seule sa grand-mère paternelle, Bonny, lui apporte bonheur et réconfort. Mais Zoé est parvenue au point de rupture. Elle est de plus en plus consciente du désordre familial ambiant et ce qui l’aidait à tenir s’effrite ; les étés au bord de la mer chez Bonny et les retrouvailles avec son cousin Noé perdent leur saveur. Consciente que sa mère a souffert de l’attitude de sa propre mère, inconsolable depuis la mort prématurée de son fils Auguste, elle finit par se demander si c’est une fatalité liée à la lignée maternelle qui risque de l’atteindre à son tour. Revenue au lycée, elle se met à détester ses rondeurs et se fustige de se consoler en mangeant. Elle décide donc d’abandonner son corps, ne se nourrissant plus et se faisant vomir. Ses parents mettent un temps fou à se rendre compte qu’elle est devenue anorexique. Néanmoins, elle s’est liée d’amitié avec Klara, issue d’une famille saine et aimante, dont la mère, Romy, psychologue, réussit à gagner sa confiance. Les deux jeunes filles passent des vacances en Hollande auprès de Susan, la tante de Klara, une artiste pleine de vie malgré son handicap. D’un été à l’autre, Zoé sombre puis, résiliente, reprend le dessus. Elle comprend que sa mère, jamais désignée autrement que par « Elle » et son oncle Ludo ont pâti du deuil jamais fait de Grandma : ce sont des victimes.

La gravité des propos, même s’ils sont teintés de légèreté, voire d’humour, invite à réserver cet ouvrage aux lycéens ou aux plus murs des collégiens. Utilisant une langue soutenue, imagée, ce roman présente en outre la particularité d’être rédigé à la deuxième personne du singulier : j’ai d’abord pensé que la narratrice Zoé s’adressait à elle-même, essayant de prendre du recul et analysant, de façon juste et mature, les évènements vécus et les sentiments éprouvés ; même si cette hypothèse ne me parait pas exclue, elle est balayée par l’auteure qui, lors d’un entretien, indique que ce « tu » la désigne, elle, en tant que narratrice adulte, s’adressant à Zoé, ce qui met, dit-elle, « de la distance, un petit peu d’air », et j’ajouterai : permet d’admettre qu’une adolescente ait autant de clairvoyance vis-à-vis de son vécu ainsi que  les « mots pour le dire ». Dont acte !

Exils et migrations

Quelqu’un m’attend derrière la neige, Timothée de Fombelle, illustrations de Thomas Campi, Gallimard Jeunesse, 2019.

Du même format carré que Capitaine Rosalie (coups de cœur printemps-été 2019), ce nouvel opus de l’auteur, présenté par l’éditeur comme « un conte de Noël contemporain », fait se croiser trois personnages isolés durant la nuit de Noël. Gloria, une hirondelle, particulièrement robuste et chanceuse, puisqu’âgée de seize ans, vole à contrecourant vers le Nord au lieu de rester au chaud comme ses congénères. Il faut dire qu’à la différence des autres oiseaux migrateurs, Gloria se préoccupe de ce qu’il se passe sur terre, chez les humains, depuis qu’un petit Congolais manchot de 10 ans a pris soin d’elle durant une nuit de Noël : il lui a sauvé la vie et donné un nom. Gloria ne l’a jamais oublié… Cette même nuit, Freddy d’Angelo, chauffeur depuis 37 ans pour l’entreprise Gelati Pepino & Schultz, conduit son petit camion frigorifique jaune vers l’Angleterre. Mais la livraison est annulée : il lui faut regagner sa maison et passer le réveillon dans la solitude. Le passager imaginaire que Freddy s’invente souvent pour ne pas oublier qu’il sait parler pourrait finalement bien se trouver dans son camion… Gloria, quant à elle, vole vers son destin : l’hirondelle sera le trait d’union entre un jeune migrant (devinez lequel) tentant de passer en Angleterre et un chauffeur désabusé crevant de solitude. Un très beau récit, évoquant de façon poétique une réalité très contemporaine : le lecteur se prend à espérer que de tels miracles se produisent plus souvent et pas seulement durant la nuit de Noël. Chaque illustration, dans les tons ocres et bleutés, représente un petit tableau venant rehausser la signification symbolique de ce  conte engagé au sens où il nous parle de ce qu’il y a à sauver dans le monde d’aujourd’hui.

La Nouvelle, Cassandra O’Donnell, Flammarion Jeunesse, 2019.

Effervescence au collège de Plougalec : une nouvelle élève est arrivée ; elle se nomme Haya. Ses parents, Amin et  Sherine, sa petite sœur Nour et elle arrivent de Syrie après être passés par un camp en Grèce. Un collègue français, médecin et ami, leur a prêté sa résidence secondaire. Si Théo se montre un peu distant, il se range vite du côté de son copain Gabriel qui se lie très vite d’amitié avec la jeune fille. D’abord réservée et méfiante, Haya, encore très traumatisée par la guerre et leur fuite, s’ouvre peu à peu, faisant rapidement des progrès. Mais certains élèves, tels Lucas et Erwan, lui sont hostiles et la harcèlent. Elle en a vu d’autres, mais Gabriel tient absolument à la protéger ! Un petit roman émouvant, abordable dès la fin de l’école primaire, qui, sans s’appesantir sur la complexité de la situation syrienne, évoque cependant par petites touches le calvaire des réfugiés ayant fui leur pays et devant reconstruire une nouvelle vie. L’arrivée de cette famille étrangère dans le village suscite des réactions diverses et contradictoires ; elle sera l’occasion pour Gabriel et son grand frère Mathias, qui ne s’entendent pas, de découvrir le secret de leur grand-mère Esther, réfugiée iranienne dont le passé, profondément enfoui, ressurgit avec émotion.

Ailleurs meilleur, Sophie Adriansen, Nathan, 2019.

Envoyés au Burkina Faso auprès de leur grand-mère pour fuir la guerre civile, Alassane, 15 ans et son petit frère Alpha reviennent en Côte d’Ivoire à la mort de leur père. Mais la famille se retrouve sans ressources, car les terres à cultiver reviennent aux cinq enfants de la première épouse… Alors qu’Alpha et sa mère vont retourner au Burkina auprès de Mama, Alassane, rempli d’espoir, décide de partir pour la France avec la bénédiction et les recommandations de sa mère. Débute alors un parcours semé d’embuches qui le conduira jusqu’à Lorient. Évidemment, il lui faudra plusieurs mois et beaucoup de courage, de ténacité, d’audace et de chance pour effectuer ce long voyage (retracé sur une carte en fin d’ouvrage) de la corne de l’Afrique jusqu’à la Bretagne, durant lequel il sera confronté à de multiples dangers. Même si la France l’accueille en tant que mineur isolé étranger, pris en charge par le département, il n’est pas au bout des peines : il y a toujours des adultes prêts à les exploiter, lui et ses semblables, tel cet hôtelier pourtant payé pour les héberger et les nourrir ; quand ce ne sont pas les autorités qui les accusent de mentir sur leur âge : c’est le cas de son ami centrafricain Figaro, obligé de fuir Lorient pour se cacher à Nantes chez des Camerounais. Rédigé à la première personne, au présent, le texte, quasi documentaire, évite le pathos ; malgré des réalités parfois terribles (bébé noyé rejeté par la mer sur le rivage, migrants qu’on frappe quand ils franchissent le triple mur de barbelés à Melilla – Figaro a ainsi perdu 14 dents), le ton reste serein, voire empreint d’humour, notamment lorsque le narrateur cite des proverbes africains. Alassane reste toujours confiant et ne cherche qu’à apprendre, à s’intégrer. Il saisit toutes les mains qui se tendent, car heureusement il y en a ; décidé à devenir cuisinier, il entre en apprentissage auprès de Gwendal, patron d’une crêperie, et se forme au Centre de formation des apprentis. Sans jamais oublier sa famille ni ses origines, il se tourne résolument vers un avenir meilleur. L’auteure s’est inspirée du parcours de deux jeunes migrants rencontrés dans une librairie bretonne, soucieuse de donner à voir l’espoir immense qui les porte, le sien étant que les choses changent. En fin d’ouvrage, un dossier court mais précis délivre les informations essentielles pour comprendre les faits évoqués. Un livre abordable dès le collège, voire un peu plus tôt.

Quelques titres de films

 Nulle part en France, Yolande Moreau, 2016.

Documentaire pour Arte sur les jungles de Calais et Grande-Synthe. Simple et plein d’humanité.

Hope de Boris Lojkine, fiction, 2015.

Léonard (Camerounais) prend Hope (Nigériane) sous sa « protection ». Dans ce long chemin vers la « terre promise », les femmes sont les  plus exposées. Une réalité très dure dont l’amour n’est pas absent, jouée par des acteurs non professionnels dans leur propre rôle ; à réserver aux plus âgés.

Damien veut changer le monde, Xavier de Choudens, 2019

Surveillant dans une école, Damien décide de reconnaitre Bazhad afin que l’enfant et sa mère ne soient expulsés. Dès lors, il est confronté à une avalanche de demandes de reconnaissance en paternité d’enfants sans papiers ! Le délit de solidarité traité sur le mode de la comédie.

Parutions au format poche de titres déjà évoqués (ou pas, d’ailleurs…), rééditions (nouvelles couvertures, illustrations, maquettes, etc.)

Gallimard Jeunesse

Les Petites Reines, Clémentine Beauvais, coll. Pôle Fiction, 2019.

Mireille, Hakima et Astrid sont élues « Boudins » au collège de Bourg-en-Bresse. Si Mireille, habituée du prix s’en moque, ses copines, elles, le vivent mal. Elle leur propose donc d’aller jusque Paris à bicyclette en vendant du… boudin ! Commence alors une odyssée cocasse, pleine de rebondissements, car les médias s’en mêlent. Les filles, accompagnées du grand frère de Hakima, en chaise roulante, font le buzz. Un roman humoristique et féministe qui m’a bien fait rire lors de sa sortie (Sarbacane, 2015). Il vient également d’être publié chez J’ai lu (2019).

Sinon, je signale chez cet éditeur la parution de nombreux ouvrages en lien avec le film d’animation La Fameuse Invasion des ours en Sicile, Lorenzo Mattotti, 2019.

PKJ

À la place du cœur, Arnaud Cathrine, 2020. (Lafont 2016)

Présenté dans le numéro 66 (2017) de Recherches (réseau Terrorisme).

#Bleue, Florence Hinckel, 2020. (Syros 2015)

Qui n’a rêvé d’un monde où la douleur physique ou morale n’existerait plus ? Nous y sommes grâce à la Cellule d’Éradication de la Douleur Émotionnelle (CEDE), ce qui conduit Silas à y recourir lorsque sa petite amie Astrid meurt renversée par un camion : un point bleu figure à présent sur son poignet, sachant que certains adultes en possèdent plusieurs. Cette société, où il est mal vu de ne pas être connecté en permanence, a érigé le bonheur en valeur absolue. On pense au Passeur de Loïs Lowry. Mais la résistance s’organise… Ouvrage destiné aux collégiens, qui pourrait intégrer un réseau Dystopies/contrutopies, au côté de ceux présentés dans le numéro 38 (2003) de Recherches (réseau Totalitarisme).

Marquer les ombres, tomes 1 et 2, Véronica Roth, traduit de l’américain par Anne Delcourt, coll. Best Seller, 2020. (Nathan 2017 et 2018).

Au sein d’une fédération de neuf planètes, deux personnages que tout oppose, Akos le pacifique et Cyra sœur d’un tyran, vont devoir choisir de  se combattre ou de  s’unir pour survivre. Par l’auteure de la série Divergente (cf. coups de cœur printemps-été 2017).

 Flammarion

Dix façons d’assassiner notre planète, collectif, 2019.

Préalablement publié dans la collection « Tribal » en 2007, ce titre se passe de commentaire : dix nouvelles mariant écologie et science-fiction, concoctées par des spécialistes du genre, présentées par Alain Grousset.

Milan

Cette fille, c’était mon frère, Julie Anne Peters, coll. Macadam, 2016.

Réédition de l’ouvrage précurseur intitulé La Face cachée de Luna, paru chez le même éditeur, dans la même collection en 2005 et  présenté dans le numéro 56 (2012) de Recherches. Signe des temps (cf. les ouvrages présentés plus haut), le changement de titre marque la volonté d’ « annoncer la couleur » !

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – Printemps-été 2019

Coups de cœur documentaires

40 défis pour protéger la planète, Sophie Frys, illustrations de Cynthia Thiery, Éditions Pera, 2019.

En matière d’écologie, de l’action, plutôt que des grands discours ! Ce petit ouvrage carré sous forme de cahier à spirales invite les enfants, dès l’âge de huit ans, à se lancer dans 40 activités regroupées en huit catégories (Désencombrer, Manger mieux sans gaspiller, Le grand nettoyage au naturel, Se mettre à jardiner, La mobilité : on s’bouge !, Bricoler écolo, En route vers le zéro déchet, Écolo à l’école). Très concret, chaque défi répond aux questions « Pourquoi et comment ? » suivies, si nécessaire, du « pas à pas » guidant le jeune auquel on indique parfois par un logo qu’il aura besoin d’aide. D’autres logos invitent à télécharger des outils sur le site de l’éditeur ou suggèrent des astuces. L’ensemble est clair, vivant, ludique, illustré avec simplicité et efficacité. Une jeune maison d’édition lilloise à encourager.

Coups de cœur actualité

Qui veut jouer au foot ?, Myriam Gallot, Mini Syros Roman, 2019.

Et si les inégalités filles/garçons commençaient dès la cour de récréation ? Margot est excédée par l’attitude des garçons qui occupent la plus grande partie de la cour afin de jouer au foot, cantonnant les filles à des espaces très restreints et à des « jeux de filles ». Après avoir essayé de parlementer avec Yacine qui ne veut rien savoir, elle et ses copines vont utiliser des méthodes coercitives pour obtenir gain de cause, jusqu’à ce que la maitresse les aide à trouver des solutions plus démocratiques. Un petit roman très facile à lire, faisant la guerre aux préjugés et aux stéréotypes : les filles peuvent aimer jouer au foot et certains garçons détester ça ; ceux-là peuvent préférer la corde à sauter ou les cartes Pokémon !

Dys sur 10, Delphine Pessin, PKJ, 2018.

« Dylan a un secret… il est dyslexique » : ce sous-titre annonce la couleur dès la première de couverture. Mais dans ce cas, comment peut-il nous raconter aussi bien toutes ces années de galère et de souffrance ? L’épilogue nous le dira : âgé à présent de dix-neuf ans, il est en terminale technologique et pratique le théâtre dans une troupe amateur. Il a saisi les mains tendues, a retrouvé confiance en lui et développé des stratégies de remédiation face à ses difficultés. Au lieu de se heurter aux obstacles, il les a contournés, sûr et certain à présent d’arriver quelque part. Ce roman rédigé à la première personne plonge le lecteur dans l’intimité de Dylan, facilitant une identification douloureuse. Le narrateur choisit de démarrer son récit alors qu’il a quatorze ans et commence très mal sa classe de quatrième ; c’est l’année de tous les dangers, celle durant laquelle son malêtre culminant, il accumule les bêtises car il n’a plus aucune estime de lui-même ; mais également celle où il prendra un nouveau départ grâce à l’opiniâtreté d’une jeune enseignante qui, derrière la façade du guignol, perçoit les qualités d’un jeune refusant toute aide depuis que son orthophoniste a déménagé. Au gré de chapitres dont le titre anticipe le contenu, Dylan analyse son handicap et ses réactions avec lucidité et humour. Il sait pouvoir compter sur ses deux amis, Pauline, garçon manqué, génie de la pâtisserie et Martin, le fort en thème ; il se lie même avec Sacha, porteur lui aussi de secrets douloureux, mais ce dernier, décidé à rendre coup pour coup, brise de ce fait une amitié naissante. C’est un roman touchant qui décortique bien le mécanisme de dévalorisation s’instaurant chez un enfant toujours en échec à l’école malgré son travail acharné et ses efforts. L’adolescence et ses tourments habituels exacerbent le sentiment de rejet : il faut rire pour éviter de pleurer, faire le clown pour cacher son désarroi, sortir la porte de ses gonds quand un professeur vous demande de la « prendre »… L’attitude rigide de son père, préférant croire que son fils est paresseux, voire malhonnête, accentue la spirale infernale de l’échec et le cercle vicieux du désespoir dans lesquels Dylan s’enferme. Heureusement, Madame Nas, sa professeure de français, insiste pour qu’il participe au club de théâtre : jouer une scène du Bourgeois Gentilhomme l’aidera à sortir de l’impasse.

Level up : Les geeks aussi ont droit à l’amour, Cathy Yardley, traduit de l’anglais (États-Unis) par Noémie Saint Gal, PKJ, 2019.

Je n’aurais sans doute pas pris la peine de présenter cette énième romance pour jeunes adultes, au titre très explicite, si la question de l’égalité professionnelle entre les sexes n’avait pas été aussi centrale dans l’intrigue qui, au passage, aborde sans fard la sexualité d’un point de vue féminin. Tessa Rodriguez travaille pour une entreprise de création de jeux vidéo au milieu d’une équipe de développeurs tous plus machistes les uns que les autres, même s’ils participent à des réunions sur le harcèlement sexuel ! Fan de séries et de jeux vidéo, elle est aussi compétente, voire davantage, que ses collègues masculins mais occupe un poste subalterne. Asociale et timorée, elle se calfeutre dans la chambre qu’elle occupe chez Adam, un collègue de travail dont elle est la colocataire. Jusqu’au jour où elle décide, afin de soutenir financièrement ses toutes nouvelles amies, de relever un défi : participer à un concours en créant un nouveau jeu vidéo. Malgré ses capacités, il lui faudra cependant demander de l’aide à Adam et à ses potes, obtenir de ces derniers qu’ils dépassent leurs préjugés et leur sexisme. Univers truffé de références à la culture geek, jeux et séries, romance entre Tessa et Adam dont l’issue ne laisse aucun doute : l’intérêt de ce roman réside donc plutôt, à mes yeux, dans l’énergie que Tessa déploie pour se faire reconnaitre dans un univers professionnel dominé par les hommes ; certes, elle évolue rapidement, passant d’une vie sociale et amoureuse inexistante à des amitiés féminines solides et à une relation passionnée avec Adam, mais surtout conquiert sa place au sein de l’entreprise et parmi ses collègues, grâce à beaucoup de détermination.

Sept jours pour survivre et Keep Hope, Nathalie Bernard, Frédéric Portalet, Éditions Thierry Magnier, 2017 et 2018.

Nita Rivière, jeune Amérindienne âgée de treize ans, disparait le jour de son anniversaire, alors qu’elle photographiait la ville de Montréal. C’est en enquêtant sur ce qui se révèlera rapidement être un enlèvement que Valérie Lavigne et Gautier Saint-James collaboreront pour la première fois. Le lecteur suit alternativement leurs efforts pour retrouver la jeune fille et ce qu’il advient de celle-ci, retenue prisonnière, dans une cabane perdue au milieu d’une forêt canadienne enneigée, par un homme bien décidé à la tuer après l’avoir violée. Ce très beau roman noir tient le lecteur en haleine ; Nita est une jeune fille courageuse dont l’instinct de survie se développe au fil des jours ; loin de renoncer face à l’adversité, elle puise en elle des ressources insoupçonnées, gardant face au prédateur un sens moral qui l’honore. De leur côté, les enquêteurs ne ménagent pas leur peine, luttant contre l’inertie de leur hiérarchie, motivés, entre autres, par les affres de leur histoire personnelle : disparition autrefois de son petit frère qu’elle devait surveiller pour Valérie qui vit son métier comme un sacerdoce, grave blessure qui a l’empêché de rester champion de biathlon pour Gautier.
Nous retrouvons les deux enquêteurs dans le deuxième roman car Valérie est tout à coup interpellée par le regard d’une adolescente. Elle est pourtant devenue serveuse après avoir craqué et décidé d’oublier son passé de détective. Sure d’avoir déjà croisé ces yeux, Valérie se replonge dans d’anciens dossiers de disparitions et recontacte Gautier, trop heureux de reprendre du service à ses côtés. De son côté, Hope, une adolescente de 14 ans qui a toujours suivi son père sans rechigner, commence à douter de lui, notamment depuis sa rencontre avec Louis qu’elle aimerait revoir et mieux connaitre ; or son père l’empêche de nouer tout contact durable avec qui que ce soit. Pourquoi changent-ils de domicile sans arrêt, pourquoi ne peut-elle consulter internet, posséder un téléphone, avoir une vie d’adolescente normale ? Comme dans le récit précédent, on suit les différents personnages tour à tour : Valérie, opiniâtre, bien décidée à faire le lien entre une fillette disparue et l’adolescente croisée à une station-service et Hope qui s’expose de plus en plus au danger au fur et à mesure qu’elle s’approche de la vérité en découvrant des bribes de son passé. Un roman aussi passionnant que le précédent.
Sans prétendre avoir voulu faire une œuvre engagée, l’auteure admet avoir été interpellée par un nombre alarmant d’enlèvements, viols et meurtres visant les jeunes Amérindiennes au Canada. Ces deux romans sont sans doute une manière pour elle de rendre hommage à ces femmes autochtones qui courent six fois plus le risque de mourir assassinées que les non autochtones.

Bodyguard, tome 6 : Le fugitif, Chris Bradford, traduit de l’anglais par Antoine Pinchot, Casterman, 2019.

Annoncé comme le dernier tome de la série, ce « fugitif » ne décevra pas ses fans tant l’action et le suspense y sont omniprésents. Pour la première fois, Connor échoue dans sa mission, à savoir protéger Eduardo, fils d’un homme politique mexicain. Dévasté, il rentre au siège de son organisation pour constater avec horreur qu’elle a fait l’objet d’une attaque en règle : ses camarades ont été enlevés, les instructeurs sont morts ou ont disparu. Seul Amir, le petit génie de l’informatique, a réussi à se cacher. Contactés par le colonel Black, ils partent aussitôt pour Shanghaï où ils sont traqués dès leur arrivée par Equilibrium et Mr Grey, bien décidés à les éliminer. Les rebondissements s’enchainent et le lecteur ne respire pas plus que les protagonistes. J’ai particulièrement apprécié le rôle joué par les femmes dans cet opus : jeunes ou âgées, courageuses, déterminées et pugnaces, elles sauvent la mise aux héros plusieurs fois. Plus que jamais la solidarité est de mise, les personnalités différentes se complétant : Connor se laisse parfois aveugler par ses sentiments, amoureux ou amicaux, mais Amir garde la tête froide et déploie tous ses talents d’as du clavier. L’auteur ne résiste pas au plaisir d’un ultime rebondissement, histoire de nous faire frôler la crise cardiaque ! Bref, un dernier opus mené tambour battant, marquant une page qui se tourne dans la vie des protagonistes mais… qui sait ? Le MI6, qui a élaboré un projet baptisé « Guardian », a déjà recruté Amir : tous les espoirs sont donc permis ! Signalons que la troisième mission de Connor vient de paraitre en poche.

Tu seras mon arbre, Valentine Goby, illustrations de Frédéric Rébéna, Thierry Magnier, 2018.

Bien qu’il soit destiné aux plus âgés, je m’en voudrais de ne pas présenter ce petit ouvrage percutant, réécriture moderne du mythe de Daphné, condamnée à se transformer en arbre pour échapper aux assiduités d’Apollon. Cette autre Daphné, poursuivie depuis trois jours par un homme qui ne tient absolument pas compte de son refus, symbolise à elle seule toutes les femmes de l’univers tentant depuis la nuit des temps d’échapper à leurs agresseurs, sans autre recours que de renoncer à leur humanité. Haletant et poétique, ce court récit est rehaussé d’illustrations en noir et blanc qui en renforcent le propos militant : à lire d’un seul souffle, d’une seule traite.

Nouveautés en matière d’édition et de collections

Tip Tongue Journal, Syros, 2019.

La collection « Tip Tongue », créée en 2014, se proposait de publier des romans en français qui passaient petit à petit en anglais, en allemand ou en espagnol, à destination des lecteurs de 8 à 17 ans. Riche de 32 titres, elle a obtenu en 2015 le label européen des langues récompensant l’excellence en matière d’apprentissage innovant. Cette collection se diversifie à présent en accueillant des romans sous forme de carnets de voyage abondamment illustrés. Les personnages (déjà rencontrés dans les romans « Tip Tongue ») décrivent et dessinent leurs aventures, anglaises ou américaines, dans un journal de bord qu’ils rédigent progressivement et toujours davantage en anglais.
Quatre titres sont parus à ce jour : Moi, détective in London, Le journal de Jeanne, Stéphanie Benson et Claudine Aubrun. Illustrations de C. Aubrun (A1 introductif, 8-10 ans) ; Mon aventure in green, Le journal de Tom, Stéphanie Benson et Claudine Aubrun. Illustrations de C. Aubrun (A1 découverte, 10-12 ans) ; Nouvelle star in Hollywood, Alex’s journal, Stéphanie Benson. Illustrations de J. Maroni (A2 intermédiaire, 12-14 ans) et Love ? in New York, Callie’s journal, Stéphanie Benson. Illustrations de J. Maroni (B1 seuil, 14-16 ans). Ces petits ouvrages ludiques mettent en œuvre une méthode de mémorisation et de créativité qui plaira sans nul doute aux jeunes. Comme pour les romans, à chaque titre correspond une version intégrale audio gratuite téléchargeable via l’appli Syros Live ou sur le site ressources.

Nez à nez avec…, James Davis Nathan, 2019.

Format carré, 28 chapitres courts et 64 pages pour ces albums documentaires qui cherchent à aborder l’Antiquité de façon humoristique, pour les enfants à partir de 7 ans. Deux titres pour l’instant s’intéressent aux Égyptiens (fond jaune) et aux Romains (fond rouge que j’ai moins aimé car trop criard et moins lisible à mon gout), en attendant les Grecs qui ne sauraient tarder ! Pour découvrir tout ce que ces peuples ont inventé, comment ils vivaient au quotidien, avec des illustrations de style BD qui devraient séduire les enfants.

Les petits contes du père Castor, Anne Kalicky (adaptation) et Olivier Latyck (illustrations), Flammarion Jeunesse, 2019.

Les contes célèbres du patrimoine adaptés pour les tout-petits ; deux titres pour l’instant : Le Loup et les sept Chevreaux et Le Petit Chaperon rouge,  mais d’autres suivront.

Des nouvelles de réseaux déjà présentés

Guerre 14-18

Capitaine Rosalie, Timothée de Fombelle, illustrations d’Isabelle Arsenault, Gallimard Jeunesse, 2018.

Alors que son père combat au front et que sa mère travaille comme ouvrière à l’usine, Rosalie, 5 ans et demi, passe ses journées au fond de la classe. Personne ne semble remarquer ce petit bout à la chevelure flamboyante qui s’est pourtant fixé une mission secrète extrêmement importante, d’où le titre. Chaque jour, sa mère lui lit les lettres de son père qui n’est rentré que trois fois depuis le début de la guerre. Nous sommes fin 1917 et Rosalie sent que quelque chose lui échappe, surtout depuis que sa mère a reçu une enveloppe bleue, d’où sa détermination à mener sa mission à bien. En février, Rosalie sait enfin lire : elle découvre alors brutalement la réalité de la guerre et les souffrances endurées par les soldats. Il lui faudra ruser et compter sur son « lieutenant » Edgar, le cancre de la classe, pour mettre enfin la main sur le courrier que sa mère n’a pas eu la force de lui lire : son père est « mort en héros au combat ». Ce petit album de 64 pages, au format presque carré, met en scène une petite fille courageuse et déterminée, bien décidée à affronter la vérité. Les adultes bienveillants tel le maitre ou protecteurs telle sa mère ignorent la force de caractère et l’opiniâtreté de Rosalie qui mène un combat à sa façon : déchiffrer les mots lui permet de grandir ; sa mère lui offre la médaille décernée à son père, récompense symbolique pour un double apprentissage, celui de la lecture et celui de la perte d’un être cher. Les illustrations très sobres, d’une grande délicatesse, dans les tons orangés, sépia, bleus et noirs, servent magnifiquement cette histoire simple et émouvante.

Cinéma, télévision, théâtre

Broadway Limited, Tome 1. Un diner avec Cary Grant ; Tome 2. Un shim sham avec Fred Astaire, Malika Ferdjouk, École des Loisirs, 2015 et 2018.

Je m’étais dit que j’attendrais la sortie du tome 2 afin de présenter les deux ouvrages dans la foulée. Mal m’en a pris puisqu’il a fallu attendre trois ans avant la sortie de ce deuxième tome, sachant qu’un troisième est annoncé… La parution en poche du premier est concomitante avec celle du deuxième auquel j’avais fini par ne plus croire ! Mais ne boudons pas notre plaisir, la lecture de cette suite est aussi passionnante et addictive que la précédente.
Ces deux opus sont tellement denses et foisonnants que je n’aurai pas la prétention d’en rendre compte de façon exhaustive, juste donner quelques éléments qui vous inciteront à les lire toutes affaires cessantes. Jocelyn Brouillard débarque à New York pour y étudier la musique. Du haut de ses 16 ans et demi, ce Parisien qui a connu la guerre (nous sommes en 1948 puis en 1949) vient, comme tant d’autres, tenter sa chance dans les milieux artistiques. Contre toute attente, il réussit à être logé chez les sœurs Merle, propriétaires de la pension « Giboulées », établissement respectable n’accueillant que des jeunes filles. C’est le début d’une saga comme seule Malika Ferdjouk est capable d’en écrire : cette faveur accordée au jeune homme par Artemisia, surnommée « Le Dragon », n’est pas qu’un artifice de scénario, me semble-t-il ; elle correspond au contraire à toute l’atmosphère décrite ainsi qu’à la psychologie complexe des personnages, jeunes et moins jeunes, telle qu’elle se révèle petit à petit. La pension héberge tout un aréopage de jeunes filles venues comme lui se frotter à l’univers du spectacle et de la scène. En attendant de connaitre la gloire, chacune se débrouille et vit, comme lui d’ailleurs, de petits boulots, entre deux auditions, car personne ne roule sur l’or, loin de là, alors que tout coute cher. Jocelyn, ulcéré que sa propre sœur Rosemonde ait choisi d’entrer dans les ordres, fait, lui, la connaissance de six pétulantes jeunes filles rêvant de devenir danseuse, chanteuse ou comédienne, ainsi que celle de Dido, une jeune voisine, vivant avec son père, qui ne le laisse pas indifférent. Ces jeunes femmes charmantes, pleines de vie, cachent pourtant chacune un secret que seul le lecteur finira par partager. Nous suivons avec plaisir, émotion ou effroi chacune d’entre elles dans son parcours de combattante, que ce soit sur le plan professionnel ou sentimental, le tout ancré dans un contexte extrêmement bien décrit, qu’il s’agisse du monde du spectacle, son côté paillettes ou ses chaussetrappes, de la réalité sociale, du racisme vis-à-vis des Noirs, des différences de classes, ou de l’arrière-plan politique, le maccarthysme et la chasse aux sorcières empoisonnant l’Amérique à cette époque. Et cela fait toute la différence ! Truffés de références, débordant d’humour, ces romans ne sombrent pas dans le didactisme pour autant : ils nous charment, nous envoutent, on y croise les artistes de l’époque, qu’ils soient déjà célèbres comme Fred Astaire ou Marlon Brando ou encore inconnus comme Allen Könisberg (le futur Woody Allen) et Miss Kelly (Grace de son prénom), quand ils ne sont pas ostracisés, telle Billie Holiday… Deux opus foisonnants, extrêmement bien documentés, restituant avec justesse une époque fascinante malgré ses aspects sombres et mettant en scène des personnages très attachants dont on s’impatiente de connaitre la destinée.

Exils et migrations

Massamba, le marchand de tours Eiffel, Béatrice Fontanel et Alexandra Huard, Gallimard Jeunesse, 2018.

Publié en partenariat avec Amnesty International, cet album, accessible dès l’âge de cinq-six ans, raconte très simplement le dangereux voyage de Massamba de l’Afrique noire jusqu’en France : traversée de la Méditerranée sur une embarcation de fortune, naufrage, rétention de plusieurs mois au sein d’un camp de réfugiés en Espagne, voyage clandestin en camion après avoir donné tout son argent aux passeurs. Logeant dans un foyer à Paris, le jeune homme survit en vendant des tours Eiffel miniatures, fabriquées en Chine, aux pieds de la vraie, prenant ses jambes à son cou dès que les policiers arrivent pour chasser tous les vendeurs à la sauvette. Le destin sourira à Massamba, car le courage et la détermination dont il fait preuve depuis le début de son périple l’amèneront à sauver une petite fille. Une écriture simple et engagée qui sensibilise les jeunes à la cause des réfugiés, bien servie par de magnifiques illustrations, sombres ou lumineuses selon le propos, mettant en valeur les qualités du personnage qui fait souvent appel aux esprits de ses ancêtres et ne désespère jamais. Une belle réussite.

Parutions au format poche de titres déjà évoqués (ou pas, d’ailleurs…), rééditions (nouvelles couvertures, illustrations, maquettes, etc.)

L’école des loisirs

Sauveur et fils, saison 1, Marie-Aude Murail, Médium Poche, 2018.

Sauveur Saint-Yves est un psychologue clinicien réputé d’Orléans. Inutile de préciser qu’avec un tel prénom, ce Martiniquais à la stature impressionnante s’est donné pour mission de venir en aide à tous les désespérés de sa ville, particulièrement aux ados en déshérence, qu’ils soient énurétiques, autodestructeurs, phobiques, dépressifs ou en recherche d’identité. Sauveur ne ménage ni son temps ni sa peine, bien que veuf élevant seul son fils Lazare, âgé de huit ans. Cependant, comme c’est toujours le cordonnier le plus mal chaussé, Sauveur s’avère incapable d’évoquer ses origines avec son fils, lui taisant ainsi de lourds secrets. Sans compter qu’il ne se rend même pas compte que l’enfant l’espionne, écoutant régulièrement une partie des confidences recueillies au sein du cabinet qui jouxte leur appartement ; pas plus qu’il ne se doute qu’il a confié son petit garçon aux bons soins d’une nounou raciste ! Les interventions malintentionnées de son beau-frère vont l’amener à prendre conscience de la nécessité de dire enfin la vérité à son fils.
Ce premier tome séduit d’emblée le lecteur qui n’aura de cesse de retrouver tous ces personnages attachants (la saison cinq est prévue pour septembre 2019). Les différents opus témoignent de la grande humanité toujours empreinte d’humour à laquelle l’auteure nous a habitués. Certes, les enfants ou adolescents dont le psy s’occupe vont mal et leurs parents sont souvent défaillants, mais Sauveur se démène auprès d’eux, outrepassant souvent son rôle, ce qui en fait un professionnel peu orthodoxe, voire « borderline », mais également un adulte généreux et émouvant, aux prises avec d’autres vies que la sienne, oubliant trop souvent qu’il est également père et amoureux. Le microcosme imaginé par la romancière reflète toutes les contradictions et la complexité de la société actuelle, dans laquelle des adultes dépassés et des enfants-éponges sont plongés : phobie scolaire, cyberharcèlement, addictions aux nouvelles technologies, terrorisme, perversions, dépressions, TOC, hyperactivité, familles recomposées, secrets de famille, etc. Le pire n’est jamais loin mais la résilience est de rigueur.

Gallimard Jeunesse

L’éditeur célèbre les 60 ans du Petit Nicolas par la parution simultanée de plusieurs titres.

Le Petit Nicolas : La bande dessinée originale. Scénario de Goscinny, dessins de Sempé. Folio Junior, 2019.

Les 28 planches, parues entre 1955 et 1956 dans le magazine belge Le Moustique, constituent la première collaboration des deux complices qui imaginent des scènes tendres et humoristiques, préludes aux histoires futures du Petit Nicolas.

Raoul Taburin, Sempé, Folio Junior, 2019.

Le très compétent marchand-réparateur de cycles de Saint-Céron a, jusqu’à présent, réussi à duper tout le monde, clients et meilleurs amis : il ne tient pas sur une bicyclette ! Mais quand le photographe Hervé Figougne lui demande de poser, le secret de Raoul risque d’être dévoilé… Beau roman graphique empreint de poésie et d’humour. Une adaptation cinématographique est sortie au cinéma le 17 avril 2019 et un enregistrement lu par François Morel est disponible dans la collection « Écoutez Lire ».

Mon père est un parrain, Gordon Korman, traduit de l’anglais par Catherine Gibert, Pôle fiction, 2018.

Dur d’être le fils d’un parrain de la mafia newyorkaise quand on est le seul à réprouver les activités du clan. Mais Vincent Luca n’est pas au bout de ses peines : voilà qu’il tombe amoureux de Kendra, fille d’un agent du FBI qui arrêterait bien son père… La suite s’intitule Embrouille à Hollywood : les deux tomes, très humoristiques et pleins de rebondissements, m’avaient bien plu à leur sortie en 2005 et 2006.

La brigade de l’ombre, tome 1 : La prochaine fois ce sera toi, Vincent Villeminot, Pôle Fiction, 2019.

Ce premier tome, qui augure sans doute d’une parution progressive de la série en poche, est présenté dans Actualités « Automne-hiver 2016 ».

PKJ

 La Sélection : tomes 1 et 2 (L’Élite), Kiera Cass, traduit de l’anglais (États-Unis) par M. Nasalik, Best Seller, 2019.

Après une troisième guerre mondiale, les États-Unis ont disparu au profit du royaume d’Illéa qui a mis en place un système de castes numérotées de 1 à 8. Afin de doter le royaume d’une reine, trente-cinq jeunes filles sont sélectionnées pour vivre au Palais sous le regard des caméras dans le but de « séduire » le prince Maxon. La narratrice, America Singer, une musicienne de la caste 5, rejoint la sélection à son corps défendant, poussée par Aspen, son amoureux, un 6, et sa famille à qui elle assure de ce fait une vie meilleure.

Cette dystopie, proche de nombreuses autres publiées ces dernières années, se centre davantage sur la romance que sur les problèmes politiques ; en outre, l’aspect téléréalité est minoré au profit des états d’âme de la narratrice, franche, généreuse et impulsive, dont le regard sur le prince change au fur et à mesure qu’elle apprend à le connaitre. Un roman qui se lit facilement, mais sans guère de profondeur.
La parution en poche du troisième tome, L’Élue, est prévue en septembre 2019. Deux autres romans, dont l’action est située vingt ans plus tard, ont également été publiés.

U4 : Koridwen, Yves Grevet ; Yannis, Florence Hinkel ; Jules, Carole Trébor ; Stéphane, Vincent Villeminot, Best Seller, 2019.

Quatre auteur·e·s jeunesse ont rédigé chacun·e de leur côté un tome pour cette série mettant en scène deux filles et deux garçons ayant survécu à un virus qui a décimé la presque totalité de l’humanité. Ils reçoivent un message les enjoignant de se rendre à Paris afin de remonter le temps pour empêcher la catastrophe… Bien que formant une seule et même histoire, chaque tome (dont la première publication date de 2015 chez Nathan-Syros) peut se lire de façon indépendante et dans n’importe quel ordre. En 2016 est paru un cinquième tome, Contagion, censé précéder l’action des autres et narrant, sous forme de nouvelles ou parfois de BD, la destinée de personnages présents ou non dans les tomes précédents, ainsi que quatre fanfictions.

 Syros

Les mots pour combattre le sexisme, Jessie Magana et Alexandre Messager, 2019.

Nouvelle édition actualisée de cet abécédaire très intéressant présenté dans le numéro 60 de Recherches (2014).

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – Hiver 2018-2019

Coups de cœur documentaires

Paris au temps de Dilili, Le livre documentaire du film de Michel Ocelot, textes de Sandrine Mirza, Casterman, 2018.

Cet album passionnant fait revivre la Belle Époque. Il complète de façon habile et efficace la fiction imaginée par le cinéaste : chaque double page développe un aspect politique, social, culturel ou scientifique lié à cette période et évoqué dans le film, permettant ainsi de mieux le comprendre et d’en approfondir le contexte. De nombreuses images du film sont reproduites ainsi que bien d’autres (photos, cartes, affiches, facsimilés, tableaux, etc.).
Casterman publie simultanément Dilili à Paris, reprenant l’intrigue du film, album rédigé par Michel Ocelot lui-même, abondamment illustré par les magnifiques images du long métrage d’animation. Dilili, jeune Kanake séjournant à Paris, se lance sur la trace des Mâles-Maitres liés à la disparition de nombreuses petites filles dans la capitale. Accompagnée par Orel, un jeune livreur en triporteur, elle sillonne le Paris de la Belle Époque et y rencontre les plus grandes célébrités, bien décidées à apporter leur aide. Ode au féminisme, à la tolérance et au refus du racisme et du sexisme, une belle histoire pétrie de valeurs. Trois autres publications existent également : un album de plus petit format, un album accompagné d’un CD et un « roman » du film comprenant des scènes coupées au montage.

I have a dream : 52 icônes noires qui ont marqué l’histoire, Jamia Wilson, illustrations d’Andrea Pippins, Casterman, 2018.

Voici un album bienvenu, rappelant à chacun combien il est important de pouvoir se construire en ayant des modèles positifs correspondant à ce que l’on est. L’auteure et l’illustratrice, toutes deux noires, ont voulu mettre en valeur des femmes et des hommes talentueux ayant en commun d’avoir poursuivi leurs rêves jusqu’au bout, même si tous n’ont pas accédé à la célébrité. Il s’agit bien sûr d’un choix subjectif car, malgré la ségrégation et la discrimination dont elles sont encore victimes, existent fort heureusement bien plus que 52 personnes noires méritant de figurer dans cet ouvrage ! Sans que j’aie réussi à comprendre l’ordre de présentation choisi, j’ai apprécié le respect de la parité femmes/hommes, l’alternance de personnages célèbres (Martin Luther King, Barack et Michelle Obama, Beyoncé, Naomi Campbell, Jean-Michel Basquiat ou Usan Bolt) et d’autres beaucoup moins, en tout cas en ce qui me concerne, tels Mary Seacole (infirmière), Katherine Johnson (physicienne et mathématicienne), W.E.B Du Bois (militant pour la promotion des gens de couleur) ou Langston Hughes (écrivain). Les auteures ont également veillé à diversifier les « talents », artistiques, sportifs, scientifiques, politiques ou militants et les époques ; ainsi Alexandre Dumas (certains n’en reviendront pas…) né en 1802 est-il le personnage le plus « vieux », la plus jeune étant la championne de gymnastique Simone Biles, née en 1997. Chaque personnalité est présentée sur une page, voire une double page indiquant ses dates et lieu de naissance et de décès le cas échéant, puis qui elle est ; suit une rapide biographie, souvent simplifiée ainsi qu’une citation en gras révélatrice de chaque personnage. Les dessins de couleurs vives, voire criardes, les montrent en action (courant, chantant ou haranguant les foules) et on trouve leur photo en médaillon à la fin de l’ouvrage en guise de pagination. On notera toutefois que les deux tiers de ces personnages sont afro-américains : sachant qu’il y a également quelques Britanniques, cela ne laisse guère de place aux nombreux autres pays, ne serait-ce que les pays africains ! Par ailleurs, je n’ai trouvé nulle part de mention de la personne ayant traduit cet album en français… Malgré ces quelques bémols, voilà un documentaire qui devrait figurer en bonne place dans les CDI, à charge pour les élèves de le compléter de façon efficace et exhaustive (Aimé Césaire, Chocolat, Angela Davis, Aretha Franklin, Billie Holliday, Léopold Sédar Senghor, etc.).

Françoise Dolto, L’Enfance au cœur, Christine Féret-Fleury, dessins de Sandrine Martin, Giboulées, Gallimard Jeunesse, 2018.

Voici l’histoire d’une petite fille, qui, bien que née dans une famille parisienne aisée, n’eut pas toujours la vie facile : confrontée à la mort de sa sœur ainée que sa mère lui préférait, ou à celle d’un oncle en 1916, souvent punie, rejetée ou moquée, Françoise surmonte toutes les épreuves et garde intactes sa curiosité et sa force de vie. Très tôt, elle annonce qu’elle sera « médecin d’éducation » et s’obstine à passer le bac, à refuser d’épouser celui que sa mère lui destine, afin d’entamer des études de médecine ; puis devient psychanalyste, s’intéresse à tous les enfants malades n’ayant pas les mots pour dire leur souffrance et les aide à guérir. Un petit livre plein d’empathie pour cette « résiliente », se lisant d’une traite comme un roman, très accessible, pour les ados soucieux de mieux connaitre le parcours d’une femme hors du commun qui a tant fait pour leur cause.

#MaVieSous algorithmes, débats et portraits, Florence Pinaud, illustrations de Vincent Bergier, Nathan, 2018.

Si les algorithmes (« suite d’opérations ou d’instructions permettant de résoudre un problème ou d’obtenir un résultat ») existent depuis la nuit des temps (cf. l’algorithme d’Euclide, sachant que les premiers retrouvés, babyloniens, datent de 2000 ans avant Jésus-Christ), il est évident qu’avec l’arrivée de l’informatique, ils ont pris une autre dimension : « Tous les programmes informatiques sont une simple traduction d’algorithmes en langage compréhensible par les ordinateurs », qui réalisent ainsi ce que les arithméticiens d’autrefois faisaient. Ils ont donc envahi notre vie, bien au-delà de l’univers numérique. Cet ouvrage documentaire devrait satisfaire les adolescents (et les adultes) qui s’interrogent sur ce que sont les algorithmes, les domaines dans lesquels ils interviennent, leur intérêt et leurs dangers potentiels. Dix chapitres constitués de débats, de portraits et d’interviews d’experts tentent de faire le tour de la question, sans occulter les limites et les risques bien souvent évoqués, qu’ils soient économiques ou éthiques. Du côté de la fiction, certains problèmes soulevés sont abordés, entre autres, par deux romans, La Mémoire des couleurs, chroniqué ci-dessous et Traces de F. Hinckel (Syros, 2016, présenté dans « Actualités Printemps-Été 2017) sur les dangers présentés par les logiciels de prédiction des délits. Bref, un ouvrage passionnant, même si l’on n’est pas scientifique, au design moderne et coloré.

Coups de cœur fictions

Y aller, Hervé Giraud, Éditions Thierry Magnier, 2018.

Fan, entre autres, du jeu vidéo Zelda, dont l’univers n’a aucun secret pour lui, Solal, geek convaincu et assumé, accepte cependant difficilement que Laurie Duvernois le repousse en raison de son manque caractérisé de maturité, même si elle le trouve mignon. Très ébranlé, le lycéen décide donc de prouver qu’il peut accomplir des exploits, vivre comme dans un jeu vidéo mais pour de vrai ! Chargé comme une mule, il quitte Nogent-sur-Marne pour Bruère-Allichamp, idéalement situé au centre de la France, à 261 km de chez lui. Naïf et décalé, Solal entame un voyage initiatique de dix jours, au cours duquel il fera de multiples rencontres, plus ou moins cocasses, y compris avec les livres. Et au bout duquel il pourrait bien trouver l’amour en la personne de Lucie. Le narrateur s’observe avec ironie et ne s’épargne pas toujours. Il analyse le monde à l’aune de ce qu’il connait par cœur, l’univers des jeux vidéo, mais ça ne marche pas à tous les coups ! Faisant souvent contre mauvaise fortune bon cœur, c’est un personnage optimiste, positif, souvent poète qui grandit sous nos yeux. Une histoire originale et pleine d’humour.

L’Horloge de l’Apocalypse, Lorris Murail, PKJ, 2018.

Un matin de bonne heure, Mark réveille sa sœur Norma pour lui confier sa fille de 8 ans, Liz. Il lui ordonne de quitter Phoenix pour aller quelque temps au fin fond de l’Arizona vivre dans une sorte de caravane. Mais les quelques semaines de garde se transforment en mois car Mark est incarcéré. Norma se fait engager dans le bar-restaurant-épicerie-hôtel toujours ouvert de Jodie qui la fait travailler de 2 à 7 h du matin. Elle découvre avec ahurissement l’Amérique profonde, composée de gens qui boivent plus qu’ils ne travaillent, racistes, bagarreurs, ayant la gâchette facile, le culte des grosses voitures les plus polluantes possible. La jeune fille de 19 ans apprendra à ses dépens qu’il ne fait pas bon vivre au milieu de ces gens agressifs, quand on conduit une Prius hybride, qu’on doit s’occuper d’une gamine dont le père a fait sa complice, qu’on a sympathisé avec un ado noir, livré à lui-même et qu’on s’intéresse au mystérieux Oneway Ticket (OT), jeune animateur d’une radio clandestine qui passe de superbes chansons, dénonce Trump et prédit régulièrement la fin du monde pour cause de dérèglement climatique. « À minuit, il sera trop tard » : le sous-titre de ce roman renvoie à la conception, en 1947, de l’Horloge de l’Apocalypse par les savants atomistes de Chicago. En pleine guerre froide, il s’agit d’alerter l’humanité sur les risques de destruction de la planète. Ils décident de placer la grande aiguille de cette horloge symbolique sept minutes avant minuit. Selon les événements, ils la reculent ou l’avancent. En 1991, elle est à moins 17 minutes, mais en 2018, à moins deux minutes ! C’est le plus mauvais score depuis 1953. L’auteur tire lui aussi la sonnette d’alarme : le monde court à sa perte et les problèmes climatiques prennent le pas sur la menace nucléaire, l’élection de Donald Trump ne faisant qu’empirer les choses. Un roman original qui devrait intéresser les plus âgés et les faire réfléchir car ils découvriront une Amérique à l’opposé de ce qu’ils connaissent ou imaginent.

La Mémoire des couleurs, Stéphane Michaka, PKJ, 2018.

Mauve, 15 ans, se réveille soudain au beau milieu d’une brocante, amnésique et télépathe. Ignorant qui il est et d’où il vient, il se remémore cependant petit à petit son passé, au fil des rencontres et de ses rêves ou des évènements qui surviennent. Il découvre ainsi qu’il vient de Circé, une planète sur laquelle dire « Je » est tout autant interdit que lire ou raconter des histoires ; les rebelles sont exilés, ce qui semble bien être son cas. Comment, pourquoi est-il arrivé sur Terre, c’est ce qu’il découvre progressivement en retrouvant d’autres Couleurs, bannies comme lui, dont celle qu’il aime depuis longtemps, Cyan. L’auteur a su inventer un monde spécifique, totalitaire et aseptisé, géré par une intelligence artificielle baptisée Oracle et au sein duquel une classe dirigeante, les Styrges, s’exonère des règles qu’elle impose aux autres. Comme dans tant d’autres dystopies pour adolescents publiées ces dernières années, Mauve aura un rôle à jouer dans la préservation d’une Terre qui, bien qu’imparfaite, laisse toute sa place aux émotions quelles qu’elles soient.

Les Animaux fantastiques : Les Crimes de Grindelwald, J.K. Rowling, traductions de J‑F. Ménard, L. Bruno, J. Caron, Gallimard, 2018.

Voici donc le texte du deuxième film de David Yates consacré au monde des sorciers tel qu’il existait avant Harry Potter. L’action se passe en 1927 à Paris, mais également à New York, à Londres ainsi qu’à Poudlard. On y retrouve quelques créatures fantastiques ainsi que Norbert Dragonneau : Albus Dumbledore, professeur de défense contre les forces du Mal à Poudlard, demande à ce dernier de capturer Gellert Grindelwald qui s’est évadé. Présent et passé alternent afin de découvrir ce qui unit et motive les personnages, mais nous ne saurons pas tout cette fois-ci vu que trois autres films sont prévus… À l’instar du tome précédent (qui, bonne nouvelle, vient de paraitre en poche), c’est un très bel objet-livre, qu’il s’agisse de la couverture ou du graphisme intérieur, dont il faudra cependant attendre la parution en poche si on veut exploiter le scénario en classe. Sans avoir la densité et le charme d’un roman, ce texte permettra d’initier les jeunes à l’écriture scénaristique et au langage cinématographique et ce d’autant plus efficacement qu’ils auront vu le film.

Rock War Tome 4 : L’Ultime Rappel, Robert Muchamore, traduit de l’anglais par A. Pinchot, Casterman, 2018.

Pour ceux qui ont aimé cette série centrée sur des groupes musicaux, voici donc le dernier tome au sein duquel nous retrouvons des personnages, toujours aussi passionnés de musique, qui ont mûri et grandi. Summer s’occupe de sa grand-mère qui s’affaiblit, tout en essayant de soutenir Dylan, emprisonné et maltraité. Théo a entamé une brillante carrière audiovisuelle aux États-Unis tandis que Jay continue de jouer et de se produire avec ses potes tout en se battant, sur le plan juridique, contre Wilton Music et Harry Napier qui ont spolié son beau-père, Len. Saluons la parution progressive des différents tomes en poche (tomes 1 et 2 à l’heure où j’écris) qui permettra au plus grand nombre de découvrir des personnages attachants et passionnés aux prises avec les dessous peu reluisants du monde du spectacle.

À la place du cœur, tome 3, Arnaud Cathrine, Robert Laffont, 2018.

Suite et fin des aventures de Caumes et de ses amis qui avaient débuté tragiquement l’année de leurs 17 ans, au moment des attentats contre Charlie Hebdo. Caumes est à présent âgé de vingt ans : son roman, d’inspiration autobiographique, connait un succès aussi foudroyant qu’inattendu à ses yeux. L’effet thérapeutique de l’écriture est indéniable pour le jeune homme, mais Esther ne lui pardonne pas d’avoir ainsi étalé leur intimité au grand jour : elle le chasse de sa vie et il retombe dans les affres du désespoir. Sur fond d’élections présidentielles et de progression inquiétante des votes d’extrême droite, le lecteur retrouve donc des personnages entrant dans l’âge adulte, marqués à jamais par le racisme (Caumes pleure toujours son ami Hakim, dont il comprend enfin les sentiments que ce dernier éprouvait pour lui) et le terrorisme. Ils succombent parfois au désespoir, tel Niels, mais décident finalement de se tourner vers l’avenir. L’auteur n’hésite pas à mettre en scène un personnage bien souvent agaçant, ce qui, justement, le rend humain à nos yeux.

Nouveautés en matière d’édition et de collections

Léonard de Vinci, Frida Kahlo, Marie Curie, Nelson Mandela, Isabel Thomas, Les Grandes vies, Gallimard Jeunesse, 2018.

Cette nouvelle collection propose la biographie illustrée de personnes ayant marqué leur époque et restées célèbres pour leurs valeurs, leur engagement dont témoigne leur œuvre artistique, scientifique ou politique. Ces beaux petits albums cartonnés et calibrés (64 pages, y compris une chronologie et un glossaire, très utiles, à la fin de l’ouvrage) alternent textes simples mais précis et illustrations abondantes, les complétant efficacement : c’est le cas notamment pour les deux premiers opus dont les illustratrices (Katja Spitzer et Marianna Madriz) rendent compte des œuvres des deux personnages en les reproduisant ou en imitant leur style.

Je découvre la philosophie ou comment apprendre à se poser des questions et à réfléchir !, Aïda N’Diaye, illustrations de Thomas Baas, chansons de Lisa Cat-Berro, Le bien-être des petits, Nathan, 2018.

Professeure de philosophie, l’auteure se propose d’aborder de façon simple et pédagogique quelques questions parmi toutes celles posées par les enfants, désarçonnant souvent les adultes. Lucie et son frère Noé dialoguent ainsi avec leur doudou Biboule au sujet de la vérité, de ce qui est juste ou pas, du travail, de l’art ou des inventions. Chaque double page, illustrée de façon simple et rigolote, aborde un sujet qui tracasse l’un·e ou l’autre, parfois les deux : les questions et les réponses sont mises en regard au sein de bulles colorées et stéréotypées (rose pour la fille et bleu/vert pour le garçon…). Sept chansons accompagnent l’ouvrage pour compléter la réflexion. Cet album documentaire permettra aux adultes d’initier des discussions avec les enfants à partir de cinq ans environ. Au rythme de trois parutions par an, cette collection récente (2017) a déjà traité de sujets tels la relaxation, la méditation, le yoga (2017), puis l’attention, les émotions et la philosophie (2018), avant d’aborder le sommeil (2019).

Le Club des dys : Le Cadeau pour Lou, Les Lunettes de Benoît, Angèle et le trampoline, Le Tonton de Léon, Nadine Brun-Cosme/Ewen Blain, Castor Poche, Flammarion Jeunesse, 2018.

Benoit, Léon et Lou, tous trois amis, fréquentent la même classe et forment le club des dys. Dans le quatrième tome, Benoit aimerait bien annoncer la naissance de son petit frère Gaston, mais le tonton de Léon qui débarque du Japon lui vole la vedette. Et pour une fois, il appréciera l’écoute d’Angèle qui ne fait pourtant pas partie de la bande. Le phonème étudié « on » (à la suite de « ou », « oi » et « en/an ») est mis en valeur par une autre couleur et les dialogues sont écrits en italique. Annoncés comme « Ma vraie première lecture aidée », ces ouvrages, adaptés aux lecteurs de 7 à 10 ans, veulent développer leur autonomie de lecture et leur donner le plaisir de lire. Présentation de la collection et de ses objectifs en début d’ouvrage, jeu et dico à la fin.

Je rappelle que Nathan propose également une collection à destination des enfants en difficulté de lecture, qu’ils soient dyslexiques ou non. La collection Dyscool, présentée dans Les coups de cœur automne-hiver 2017, publie des « classiques » de la littérature de jeunesse, tels Le Renard de Morlange, d’Alain Surget (2018), qui peut figurer dans un réseau « Métamorphose ».

 Les conjugouillons : J’aime donc je suis, Qui vivra verra, J’écrivis un chef d’œuvre, Faudrait se bouger, Je me suis fait avoir, Au moins t’auras essayé, Claudine Desmarteau, Flammarion Jeunesse, 2018 pour les 4 premiers titres, 2019 ensuite.

Nouvelle série de petits albums (32 pages) au format carré, destinés à valoriser les conjugaisons de façon impertinente (quelques « gros mots » au passage…) et humoristique. Chaque temps est un personnage farfelu qui, justement, n’emploie que son temps : dans le tome 2, Présent avertit Futur qu’il va quitter la terre sur laquelle il trouve qu’il y a trop de c… Mais son ami le met en garde et Imparfait se moque de lui… Dessinés de façon volontairement enfantine, dans un style BD (paroles rapportées dans des bulles), les personnages font penser à des extraterrestres.

Parutions au format poche de titres déjà évoqués (ou pas, d’ailleurs…), rééditions (nouvelles couvertures, illustrations, maquettes, etc.)

– Aux éditions Gallimard Jeunesse

Où est passée Lola Frizmuth ?, Aurélie Gerlach, Pôle Fiction, 2018.

Insupportable mais intelligente, Lola, 18 ans, s’envole pour le Japon afin d’y rejoindre Tristan, son amoureux. Aventures aussi trépidantes qu’improbables au pays du soleil levant, sans aucun temps mort. Une lecture qui m’a bien fait rire en 2012, avec une suite tout aussi déjantée, Qui veut la peau de Lola Frizmuth ? (Scripto, 2013).

– Aux éditions Livre de poche Jeunesse Hachette

Je vous sauverai tous, Émilie Frèche, Hachette Jeunesse, 2018.

Présenté dans le numéro 67 de Recherches (2017), Réseau « Terrorisme ».

Aux éditions PKJ

 Vive la République !, Marie-Aude Murail, 2019.

En ces temps de repli très frileux face aux étrangers, le combat de Cécile pour éviter l’expulsion d’une famille ivoirienne garde toute son actualité. Cette jeune enseignante timide de 22 ans débute dans le métier face à dix-huit élèves de CP, très différents les uns des autres : elle est en train de réaliser son rêve d’enfant mais n’avait sans doute pas imaginé tous les obstacles qui se dresseraient sur son chemin, ni à quel point le monde n’est pas toujours beau. La réédition (revue et corrigée par l’auteure) de cette histoire, qui m’avait beaucoup plu et touchée lors de sa parution, est une excellente nouvelle !

Et mes yeux se sont fermés, Patrick Brard, Best seller, 2018.

Présenté dans le numéro 67 de Recherches (2017), Réseau « Terrorisme ».

Nox, tome 1 : Ici-bas, Yves Grevet, Best seller, 2018.

Présenté ainsi que le tome 2 dans le numéro 60 de Recherches (2014). Pourrait figurer dans le réseau « Totalitarisme ».

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – Printemps-été 2018

Coups de cœur documentaires

Les races, ça existe ou pas ?, Magali Bessone, dessins d’Alfred, Philophile ! Giboulées, Gallimard Jeunesse, 2018.

Partant de l’affaire Rachel Dolezal (2015), jeune Américaine qui se disait et se vivait Noire alors qu’elle était née de deux parents blancs, l’auteure interroge en moins de 50 pages la notion de race pour conclure qu’elle existe en tant que construction sociale et non naturelle : « Ce n’est pas la race qui fonde le racisme, c’est le racisme qui crée les races. » À destination des lycéens, un petit ouvrage clair et documenté. Cette nouvelle collection attrayante, dont le texte s’appuie sur de nombreuses références philosophiques, comporte d’autres titres tout aussi intéressants (même maquette, même illustrateur) : Qu’allons- nous devenir ? La technique et l’homme de demain, Claire Marin ; Tout pour être heureux ?, Emmanuelle de Champs ; Sommes-nous tous narcissiques ?, Pierre Péju.

La guerre et le terrorisme, Le racisme et l’intolérance, La pauvreté et la faim, Louise Spilsbury, illustrations de H. Kai, « Explique-moi », Nathan, 2017.

Il s’agit d’une nouvelle collection au format carré de 32 pages, faisant la part belle aux illustrations de style un peu naïf mais très explicites. Objectif : expliquer aux enfants, dans un langage simple et juste, les grands problèmes du monde actuel, de façon réaliste mais pas désespérante. Chaque opus raconte et décrit le phénomène, en analyse les causes et les conséquences, notamment en ce qui concerne les enfants. Le lecteur, régulièrement interpellé est amené à se décentrer et à éprouver de l’empathie vis-à-vis de tous ceux qui subissent ces multiples avanies. Références livresques et électroniques suivies d’un glossaire en fin d’ouvrage. Il sera intéressant de noter que, vu les sujets abordés, les ouvrages se recoupent souvent, mettant bien en évidence en quoi ces différents problèmes sont inextricablement liés. Le premier titre pourrait figurer dans le réseau « Terrorisme », abordé dans les numéros 66 et 67 de la revue. Un quatrième titre, Les réfugiés et les migrants, Ceri Roberts/H. Kai, sera présenté dans le prochain numéro (69).

Coups de cœur fictions

Le garçon rose malabar, Claudine Aubrun, Mini Syros romans,  2018.

Gabriel est tellement furieux que se parents aient déménagé qu’il fait la grève de la parole tant à la maison qu’à l’école. Et les choses ne s’arrangent pas quand il doit rédiger un texte sur le métier qu’il aimerait exercer plus tard ! Alice, pour sa part, n’hésite pas à proclamer qu’elle sera conductrice de TGV. Pourtant lorsque Rudy, qui veut devenir rappeur, est moqué parce qu’il porte un pull rose malabar, Gabriel prend sa défense, ce qui amène les trois enfants à se rapprocher. Gabriel finira par oser dire qu’il veut être sage-femme et proposer qu’un ami de la famille exerçant ce métier vienne en parler à la classe. L’importance des propos tenus dans ce livre est inversement proportionnelle à sa taille. En 44 pages, l’auteure réussit à parler simplement et efficacement des stéréotypes et des préjugés liés aux genres pour mieux les bousculer.

Le jazz de la vie, Sara Lövestam, traduit du suédois par Esther Sermage, Gallimard Jeunesse, 2018.

Voici un roman qui fait entendre une petite musique bien particulière, loin des romances pour ados qui se multiplient depuis plusieurs années. Âgée de 15 ans, Steffi, d’origine cubaine, se concentre sur sa basse et son amour du jazz, plutôt que de se lamenter sur son sort de fille harcelée au collège. Attirée par l’audition de sa chanson préférée, elle fait la connaissance d’un ancien contrebassiste, Alvar Svensson, pensionnaire de la maison de retraite de la petite ville de Björke. C’est le début d’une grande amitié complice entre une adolescente solitaire passionnée et un vieil homme de 90 ans, qu’elle va amener à replonger dans ses souvenirs, lorsqu’il arriva jeune homme à Stockholm en 1942, avec l’ambition de devenir un jazzman célèbre. Chacun prend son temps pour dévoiler sa vie par bribes, réservant parfois à son auditeur (et au lecteur) d’importantes surprises… Présent et passé alternent et se répondent ; chacun apprécie de rencontrer l’autre et de partager son univers. Steffi et le lecteur adolescent découvrent les années 40, les préjugés vis-à-vis des « Zazous », les différences sociales, le racisme, la collaboration et la Résistance. Alvar, quant à lui, prend la mesure de l’humiliation que peuvent subir certains jeunes à l’école et sur les réseaux sociaux ; mais jamais il ne doute de la force de caractère de Steffi ni de ses capacités musicales.
J’avais eu l’occasion de lire plusieurs romans pour adultes assez originaux de cette romancière suédoise, notamment ceux mettant en scène Kouplan, un détective iranien sans papiers[1]. Aussi étais-je curieuse de découvrir cet opus pour la jeunesse : je n’ai pas été déçue !

[1] Chacun sa vérité (2016) et Ça ne coute rien de demander (2018), même traductrice, publiés chez Robert Laffont. On trouve à présent le premier en poche, chez Pocket.

Les porteurs, # 3 – Lou, C. Kueva,Éditions Thierry Magnier, 2018.

Suite et fin de cette trilogie originale dont j’ai déjà présenté les deux tomes précédents. Comme le titre l’indique, le narrateur principal est Lou, ressuscité d’entre les morts, en alternance avec des chapitres rédigés à la troisième personne. Alors qu’il s’apprête à fuir sous une nouvelle identité et à rompre avec le passé, le jeune homme prend conscience de son attitude égoïste et manipulatrice vis-à-vis de Mathilde qui porte son enfant et dont il se sent amoureux. La plupart des questions restées en suspens à propos des porteurs, de leur importance et des mensonges d’état trouvent leurs réponses dans ce troisième opus qui m’a cependant déçue par rapport aux autres : écriture moins soignée, voire désinvolte, explications trop implicites, fin bâclée, à moins qu’une suite ne soit envisagée. Comme souvent dans les intrigues en plusieurs tomes, il sera préférable de les lire à la suite pour une meilleure compréhension.

Nouveautés en matière d’édition et de collections

Billy et les minuscules, Roald Dahl, illustré par Quentin Blake, traduit de l’anglais par Marie Saint-Dizier, Roman Cadet, Gallimard Jeunesse, 2018.

Il s’agit d’une nouvelle édition du dernier livre de l’auteur, illustré pour la première fois par Quentin Blake. Parallèlement, Les Minuscules (titre d’origine), illustré par Patrick Benson reparait également dans la traduction de Marie Saint Dizier (la précédente étant de Marie Farré) en Folio Cadet nouvelle version.

En effet, l’éditeur relance sa collection Folio Cadet avec un nouveau logo, un nouveau format et une nouvelle couverture, reprenant des titres classiques de Kipling, Daudet, Andersen, Le Clézio, Pef ou Roald Dahl mais également des inédits tels Anna Z 42, tome 3, d’Aurélie Gerlach, qui constitue la suite des aventures d’une héroïne mi-terrienne mi extra-terrestre.

Nouvelles séries chez Nathan

Ouistiti fait rire les petits (2018) : collection adaptée aux tout-petits, qu’il s’agisse d’histoires humoristiques pour découvrir des notions : La petite histoire des émotions, La petite histoire des couleurs ou pour apprendre les premiers mots : L’imagier rigolo de la ferme, L’imagier rigolo des vacances. Rédigés et illustrés par Florence Langlois, ces petits albums, de format carré  en carton épais et aux couleurs vives, pourront être lus aux tout petits qu’ils éveilleront tout en les distrayant.

Amélie Maléfice : Le livre des formules magiques, Arnaud Alméras, illustrations de G. Duhazé,Premières Lectures, 2018.

Amélie et Siméon sont deux petits sorciers fréquentant l’école de Sorcellerie. Comme ils s’ennuient ce jour-là,  ils s’emparent du Grand livre des Formules magiques et c’est Jessica, la grande sœur de Siméon qui en fera les frais ! Ces petits romans amusants sont conçus pour être lus à deux : l’adulte lit le texte de l’histoire et l’enfant celui plus simple qui le complète, contenu dans les bulles.

Mission Mobilus : Les disparus de Kolos, Anne-Gaelle Balpe, illustrations de R. Garrigue, Premiers romans, 2018.

Science-fiction et illustrations rigolotes au programme avec les aventures de Lisa, la narratrice, de Bob, du Major Torn et de Rufus, le chien, qui tentent de retrouver la route d’Actaris, la planète du commandant. Lancé en 3025, le Mobilius, dont l’ordinateur de bord, Alpha, est endommagé, erre depuis onze ans dans l’espace intergalactique. En attendant, les héros croisent la route de nombreux autres habitants de l’univers.

Des nouvelles de réseaux déjà présentés

Vampires

Le buveur d’encre : La buveuse d’encre de Chine, Éric Sanvoisin, illustrations d’O. Latyk, Premiers romans, Nathan, 2018.

Odilon et Carmilla se rendent en Chine avec Draculivre afin de célébrer les deux cents ans de Lao Zi, un ami de la famille, calligraphe réputé. Malgré les avertissements de Dame Wei, Carmilla ne peut s’empêcher de boire ces magnifiques calligraphies tant elle les trouve appétissantes. Victime d’effets secondaires, la petite vampire devient chinoise et se voit condamnée à rester sur place. Catastrophé, Odilon n’envisage pourtant pas de l’abandonner et trouvera une ruse pour rapatrier en douce sa bienaimée. Nouvel opus qui ravira les fans de nos petits vampires.

Narrateur non humain/inattendu

La plage dans la nuit, Elena Ferrante, illustré par Mara Cerri, traduit de l’italien par Elsa Damien, Gallimard Jeunesse, 2017.

Elle va passer une nuit interminable, oubliée sur la plage. Menacée, comme tout ce qui gît sur le sable,  par le Cruel Plagiste du Couchant armé de son Grand Râteau, Célina se désespère et voudrait retrouver sa maman, Mati, qui semble lui avoir préféré Minou le chat. Mais après avoir couru de grands dangers et s’être fait voler tous ses mots ou presque, Célina est sauvée par celui-là même qu’elle jalousait ! La poupée retrouve alors la petite fille de cinq ans qui pleurait sa disparition. Premier album pour la jeunesse de la romancière (dont je n’ai pas eu l’occasion de lire la célèbre saga), ce texte est une fable pouvant se lire à plusieurs niveaux, sur les peurs de l’enfance, notamment celles qui concernent l’abandon. Malgré ses craintes, Célina ne manque pas de ressources, ne serait-ce que parce que Mati lui a appris beaucoup de choses, en particulier les mots. Je dois reconnaitre cependant que je n’ai réussi à adhérer complétement ni au texte ni aux images.

Cinéma, télévision, théâtre

La bobine d’Alfred, Malika Ferdjouk, dessins de Nicolas Pitz, Rue de Sèvres, 2018.

De Montmartre à Hollywood, ou comment  le cuisinier Guy Bonnet se retrouve à préparer les sandwichs du célèbre cinéaste Alfred Hitchcock… C’est son fils Harry qui, cinquante ans plus tard, raconte dans un long retour en arrière, cette histoire digne à la fois d’une comédie américaine et d’un film d’espionnage… Âgé de 16 ans en 1964, Harry, aussi fou de cinéma que son père, le suit donc non seulement à Los Angeles mais également en catimini sur les plateaux de cinéma où il se fait même embaucher au pied levé. Amoureux de la vedette d’un film tourné en secret par le grand maître du suspense, Harry « emprunte », afin de la visionner, une bobine sur laquelle figurent trente-six minutes de ce que le cinéaste considère comme son film testament. Mais il est loin de se douter des conséquences de son acte… Bien qu’imaginée, l’intrigue, nourrie en partie de personnages et d’anecdotes réelles, ravira le lecteur averti, qui saisira les multiples clins d’œil et allusions, comme celui qui, moins cinéphile, se laissera séduire par les aventures d’un adolescent et de son amie Madeleine partis à la recherche d’une bobine perdue ! Dessins colorés, clairs et agréables bien en adéquation avec le texte.

Cette bande dessinée est l’adaptation du roman éponyme de l’auteure paru en Médium Poche à l’École des Loisirs en 2015.

Enfant-espion

Bodyguard : L’assassin, Chris Bradford, traduit de l’anglais par Chloé Petit, Casterman, 2018

Cinquième aventure de Connor Reeves. Celle-ci le mène en Russie, qui plus est, accompagné de son rival de toujours, Jason. Ils sont chargés de protéger Feliks, le fils de Viktor Malkov, un politicien milliardaire, candidat à l’élection présidentielle et chantre de l’anticorruption. Les ingrédients habituels de la série sont toujours au rendez-vous, tout en s’intensifiant : les jeunes gens se retrouvent confrontés à des intérêts puissants et divergents ; ceux qu’ils combattent ne reculent devant rien pour atteindre leurs objectifs, qu’il s’agisse des anciens du KGB, des plus hautes autorités de l’état ou même de ceux qui prétendent incarner la vertu. Les manipulations en tous genres abondent ; la mystérieuse organisation Equilibrium et son exécuteur de basses œuvres, M. Grey, se montrent de plus en plus menaçants. L’opus se clôt sur l’annonce d’une nouvelle mission au Mexique pour Connor, alors qu’il est à peine remis de celle-ci, mais surtout sur la condamnation de l’agence Bodyguard par le directeur d’Equilibrium. Quel suspense !

Bonne nouvelle : la série commence à paraitre en poche (tome 1).

Albums

L’ourse bleue, Nancy Guilbert et Emmanuelle Halgand, Des ronds dans l’O, 2018.

L’ourse est devenue sauvage et agressive depuis que les hommes l’ont pourchassée, fascinés par sa fourrure bleu nuit ; toujours sur la défensive, elle n’en est pourtant pas moins mère… Quand elle découvre un enfant gémissant et grelottant, elle le réchauffe, puis part vaillamment à la rencontre des hommes qu’elle craint tant, afin que le petit retrouve les siens. Le village célèbre désormais cet animal courageux, ayant bravé sa peur pour faire preuve d’humanité. Très bel album sur le dépassement des différences, accessible dès le plus jeune âge ; magnifiques illustrations où se mêlent le bleu de l’ourse et celui de la nuit, l’ocre des silhouettes humaines sous forme de collages, le tout sur fond de neige. Une belle réussite !

La divergence des icebergs ou comment les ours apprirent à nager, Jean-Philippe Basello et Aline Deguen, Thierry Magnier, 2017.

Sous forme de conte des origines et de discrète fable écologique, voici l’histoire de Dubhe et Merak, deux ours blancs amoureux, qui vivent heureux au sein de leur habitat naturel, la banquise. Soudain, un jour, ils constatent que celle-ci a fondu et qu’ils errent au milieu de l’océan sur un iceberg  qui se rompt brutalement : les voilà séparés et chacun dérive de son côté. Dubhe trouve refuge sur une baleine, plutôt sympathique et Merak sur un crabe géant guère accueillant : ceux-ci, les renvoyant à leur sort, leur conseillent de les imiter et de nager. Tous deux finiront par se débrouiller et s’adapter à ce nouvel environnement. S’ils ne reverront jamais leur banquise, nos deux ours portés par l’élément liquide réussiront cependant par se retrouver. Sérigraphies et gravures sur bois reproduites en multichromie magnifient cette histoire poétique toute simple et porteuse d’espoir, accessible dès le plus jeune âge. Deux jeunes artistes à suivre.

Parutions au format poche de titres déjà évoqués (ou pas, d’ailleurs…), rééditions (nouvelles couvertures, illustrations, maquettes, etc.)

– Aux éditions Gallimard Jeunesse

Chemins toxiques, Louis Sachar, traduit de l’anglais (États-Unis) par J-F. Ménard, Folio Junior, 2018. Aventure écologique palpitante pour trois adolescents, par l’auteur du très beau roman Le Passage (École des loisirs, puis FJ, 2016).

Harry Potter et l’enfant maudit, JK Rowling, John Tiffany et Jack Thorne, traduit de l’anglais par J-F. Ménard, Folio Junior, 2018. Ouvrage présenté dans « Coups de cœur Automne-Hiver 2016 ».

Toute une série d’ouvrages déjà parus en « Folio Junior » sont réédités avec de nouvelles couvertures (2018), tels : Le miniaturiste de Virginie Lou,  A comme association : série fantastique d’Éric Lhomme et Pierre Bottero, ou la trilogie Le Vent de feu de W. Nicholson, traduite de l’anglais par D. Ménard, présentée dans le numéro 38 de Recherches (2003) : « Utopie et totalitarisme ».

Will et Will, John Green et David Levithan, traduit de l’anglais (États-Unis) par N. Peronny, Pôle Fiction, 2018. Amours et amitiés adolescentes, homosexualité, de l’humour, par l’auteur du fameux Nos étoiles contraires.

La passe Miroir, tome 2 Les disparus de Clairelune, Christelle Dabos, Pôle Fiction, 2018. Le tome 1 a été présenté dans «  Coups de cœur Printemps-été 2016 ».

Nous les menteurs, Émilie Lockhart, traduit de l’anglais par N. Peronny, Pôle Fiction, 2018. Vif succès pour ce roman loué pour le retournement de situation final, à lire donc pour le plaisir d’être manipulé ou pour traquer tous les indices du dénouement.

Je vous écrirai, Paule du Bouchet, Pôle Fiction, 2018. En 1955, les lettres d’Amalia à sa famille qui l’a laissé partir à Paris. L’héroïne doit composer avec deux univers opposés sur le plan social et culturel.

– Aux éditions Flammarion Jeunesse

Seuls en enfer, La gazelle, Blues en noir, Hubert Ben Kemoun, nouvelle édition collector, 2018. Les deux derniers titres ont été présentés dans le numéro 63 de Recherches (2015) : « Rêve ou cauchemar (Volet 2) ».

Duchesses rebelles tome 1 : L’intrépide cousine du Roi d’Anne-Marie Desplat-Duc, Castor Poche, 2018. Présenté dans « Coups de cœur Printemps-été 2016 ».

– Aux éditions Casterman

Commando Adams, Robert Muchamore, traduit de l’anglais par A. Pinchot, Poche, 2018. Dernier tome de la série, évoqué dans le numéro 67 de Recherches (2017) : « Terrorisme, volet 2 ».

Rock War Tome 1 : La Rage au cœur, Robert Muchamore, traduit de l’Anglais par A. Pinchot, Casterman, 2018. Évoqué dans « Coups de cœur Printemps-été 2016 », tomes suivants présentés en 2017 .

Aux éditions PKJ : collection poche « Best seller »

 Méto : La maison, L’ile, Le monde, Y. Grevet, 2018. Cette trilogie, basée sur une uchronie, narrant les aventures de Méto et de ses amis, a connu un vif succès lors de sa parution chez Syros (2008, 2009, 2010). Enfermés dans une « maison », coupés de leurs familles et du monde, ces adolescents vont tout faire pour connaitre la vérité sur leurs origines.

12 ans, 7 mois, 11 jours, Loïs Murail, 2018. Présenté dans « Coups de cœur Automne-Hiver 2015 ».

La Liste, Siobhan Vivian, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par A. Delcourt, 2018. Présenté dans le numéro 58 de la revue Recherches : « La beauté, une dictature ? ».

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – Automne-hiver 2017

« Coups de cœur » DOCUMENTAIRES

Harcelés Harceleurs, Docteur Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée, illustrations de F. Mansot, Mine de rien, Giboulées, Gallimard Jeunesse, 2017.

Un des derniers titres de la collection : pour ne pas attendre que cela devienne grave, parce que cela commence par de petites moqueries et que ça dégénère, parce qu’il vaut mieux prévenir que guérir : un sujet que les adultes pourront aborder avec les enfants dès le plus jeune âge.

Rois, 40 souverains du monde, Jean-Michel Billioud, illustrations de Duo, BAM !, Gallimard Jeunesse, 2017.

Cinquième opus de la collection, ce petit ouvrage ludique dresse le portrait de quarante monarques (dont six femmes…) qui ont marqué l’histoire, de l’Antiquité à la fin du vingtième siècle. Qu’ils soient conquérants, bâtisseurs d’empires, guerriers de génie ou sanguinaires, qu’ils aient régné très longtemps, tels Louis XIV, Victoria ou François Joseph 1er ou beaucoup moins, tels Babur le roi Moghol, tous ont laissé leur empreinte. Chaque double page, conçue selon la même maquette, présente une illustration caractérisant physiquement et moralement le souverain à droite, la page de gauche résumant de façon synthétique les actions principales du monarque, ainsi que quelques faits ou traits marquants, sans oublier les dates essentielles de sa vie. Simple et ludique.

Rescapés de la Shoah, Zane Wittingham et Ryan Jones, traduit de l’anglais par F. Fiore, Flammarion, 2017.

Comment évoquer l’Holocauste sans choquer les enfants ? C’est ce que tente, avec des mots très simples et des images fortes, cette bande dessinée qui narre à la première personne six destins authentiques d’enfants juifs ayant échappé à la barbarie nazie. Âgés de 8 à 11 ans, ils ont connu la peur, l’exil, les privations, le deuil. Heinz est rejeté en Allemagne, parce qu’il est juif, et en Angleterre, parce qu’il est Allemand ; lui et son frère Frank sont internés dans un camp au Canada sans avoir jamais l’occasion de combattre les nazis. Trude quitte la Tchécoslovaquie pour la Grande-Bretagne et ne reverra jamais ses parents. Ruth arrive à Liverpool le jour où la guerre est déclarée et quelques jours plus tard, elle retrouve sa famille à Londres. Martin et sa sœur ont vécu l’expulsion des juifs polonais, mais bénéficient de l’accueil des Anglais : ils survivent aux bombardements de Coventry et retrouvent leur mère. Suzanne, Française habitant dans le 20e arrondissement de Paris, est sauvée par une voisine. Le dernier témoignage, le plus dur et le plus poignant, est celui d’Arek, jeune Polonais âgé de 14 ans, déporté avec toute sa famille à Auschwitz-Birkenau ; pendant cinq ans, il ne connait que les ghettos et les camps ; des 81 membres de sa famille, il ne retrouvera que sa sœur, deux ans après la fin de la guerre.
L’essentiel est dit, avec la volonté de ne pas traumatiser, afin que les enfants d’aujourd’hui sachent ce qui s’est passé.
Ryan Jones a donc adapté avec brio la série de films d’animation, Children of the Holocaust, réalisée par Zane Whittingham pour la BBC. On trouvera en fin d’ouvrage un glossaire ainsi qu’un index des termes utilisés, une chronologie des évènements majeurs entre 1933 et 1945, des références de sites internet et surtout la photo des protagonistes adultes, accompagnée d’une notice indiquant ce que chacun est devenu.

 « Coups de cœur » ACTUALITÉ

Suivez le guide ! Balade dans le quartier, Camille Garoche et Didier Genevois, Casterman, 2017.

Troisième titre d’une nouvelle collection née en 2016, ce grand album cartonné accessible aux plus petits leur fait découvrir cette fois-ci les différents commerces d’une petite ville à la suite d’un chat siamois qui se croit supérieur à tous. À sa suite, le lecteur passe devant la librairie, la poissonnerie, la boulangerie ou le magasin de primeurs. Chaque double page fourmille de détails amusants ainsi que de fenêtres (47 au total) à ouvrir, cachant au regard de Rominagrobis le piège qui lui est tendu : il n’échappera pas plus que les autres animaux à la vaccination ! Une double narration très habile qui réjouira les jeunes lecteurs complices du sort qui attend l’animal présomptueux.

Le jour où on a arrêté de faire la guerre et Le jour où papa s’est remarié, Thierry Lenain, illustrés par Thanh Portal, Premiers Romans, Nathan, 2017.

Raïssa n’a pas supporté de voir ses camarades jouer à la guerre. Réfugiée dans le placard, elle pleure et ne peut même plus parler. Madame Okili l’encourage à dessiner ce qu’elle a vécu dans son pays en guerre et tous ses camarades se mobilisent pour que cet état de choses change.
Quant à Guillaume, il est triste car son père se remarie avec un homme et il se dit que si lui aussi est homo plus tard, il ne pourra pas être papa. Or, il a promis à son amoureuse Alima de l’épouser et d’avoir des bébés avec elle. Madame Okili réfute les idées reçues de certains élèves et la classe n’est pas en peine de trouver des solutions pour que Guillaume et Alima deviennent parents, au cas où…
Des questions essentielles qui sont toujours abordées avec justesse, finesse et sensibilité.

La belle sauvage, Philip Pullman, traduit de l’anglais par J. Esch, Gallimard Jeunesse, 2017.

Tous ceux, dont je fais partie, qui furent envoutés par l’intrigue et les personnages des Royaumes du Nord  (trilogie présentée dans le numéro 47 de Recherches, 2e semestre 2007) se délecteront de cette nouvelle Trilogie de la poussière dont voici le premier tome. Malcolm Posthead, un jeune garçon âgé de 11 ans, épaule ses parents, propriétaires de « La truite », auberge située au bord de la Tamise, en amont du centre d’Oxford. Attentif et curieux, c’est un adolescent intelligent qui écoute et apprend vite. Serviable à l’extrême, il aide souvent les sœurs du prieuré voisin et tombe littéralement sous le charme du bébé qu’elles ont recueilli, une certaine Lyra, qui le fascine autant que son daemon, Pantalaimon, avec lequel elle babille… Dès lors, tels les chevaliers du Moyen Âge, Malcolm sait qu’il se mettra au service de la petite fille cachée, quelles qu’en soient les conséquences. C’est le début d’une aventure qui fera de lui un « espion » au service du professeur Hannah Relf, laquelle œuvre pour une organisation mystérieuse baptisée « Oakley Street ». Située dix ans avant celle de la trilogie précédente, l’action de ce tome permet de retrouver des personnages connus, tels les parents de Lyra, Lord Asriel et Me Coulter, mais en introduit de nouveaux tels l’infâme Gérard Bonneville et son daemon hyène ou Alice, une jeune employée de l’auberge. Si l’intrigue démarre lentement, elle s’accélère au fur et à mesure que Lyra devient un objet de convoitise. L’auteur crée de nouveau un univers à la fois proche et merveilleux, au sein duquel des forces antagonistes s’affrontent autour d’une mystérieuse Poussière. Seul le savoir éclairé semble en mesure de vaincre l’obscurantisme et le totalitarisme religieux dont les partisans se montrent puissants et redoutables.
Philip Pullman ne fait pas dans la facilité, tant le propos est profond et incite à la réflexion quasi philosophique.

Rock War 3, « Hors de contrôle », Robert Muchamore, traduit de l’anglais par A. Pinchot, Casterman, 2017.

Dans cet opus annoncé comme l’avant-dernier de la série, nous retrouvons les groupes de musique sélectionnés dans les tomes précédents (le tome 1 a été présenté sur le site les « Actualités Printemps-Été 2016 » et le tome 2 dans les « Actualités Printemps-Été 2017 » . L’émission « Rock War » fait un tabac en Grande-Bretagne : ses candidats sont devenus des stars poursuivies par les fans et les photographes. La compétition se fait de plus en plus cruelle et tous les coups sont permis. Summer se remet lentement du grave accident dont elle a été victime à la fin du tome précédent et Jay se languit face à son absence. Théo, son grand frère, se montre toujours aussi violent et provocant, mettant ainsi en péril l’avenir du groupe ; Dylan se laisse entrainer sur la pente de la drogue. Et ce n’est pas ce qu’il découvre des magouilles de son père et de son oncle qui vont l’en éloigner.
Nul doute que le dernier tome nous réserve encore bien d’autres péripéties ! La satire des milieux de la téléréalité et du showbiz (cf. réseau présenté dans le numéro 52 de Recherches) est toujours aussi féroce.

Les porteurs, #2 – Gaëlle, C. Kueva, Éditions Thierry Magnier, 2017.

Lou Karpatova, le fils de Mariza, naturaliste, est mort : Gaëlle se sent responsable. Elle s’investit corps et âme dans les deux missions qu’elle s’est fixées : soutenir Flo qui refuse le choix manichéen que lui impose la société et surtout aider son amoureux Matt, identifié comme porteur, finalement devenu femme grâce à Lou. Prête à tout pour qu’il redevienne un homme, elle se rapproche donc des naturalistes afin qu’ils lui procurent un traitement alternatif pour Matt. Mais les autorités veillent, les « militants » sont traqués et Gaëlle se met en danger ainsi que ses proches. De nouveaux personnages apparaissent ou sont approfondis, les manipulations des dirigeants se dévoilent de plus en plus clairement et ceux qui leur résistent mettent leur vie en péril ; le passé ressurgit à travers le personnage de Romano Moravia, dont le père, Tonio, et le fils, Filippi, chérissent la mémoire ; Gaëlle découvre qu’il fut très proche de sa propre mère, Sylvia. Le docteur Olann Michelon commence à douter du bienfondé de ses décisions et trouve refuge auprès de son fils aveugle, Théodort.
Ce deuxième tome, essentiellement narré à la première personne par Gaëlle, complète très efficacement le précédent : reprenant certains événements du premier, mais du point de vue de l’héroïne, il éclaire certains points restés dans l’ombre tout en faisant progresser l’action. Le troisième tome dont on attend la parution avec impatience, sera centré sur Lou : celui-ci est-il vraiment mort ?
NB : Le tome 1 a été présenté sur le site : « Actualités Printemps-Été 2017 ».

La brigade de l’ombre : Ne compte que sur les tiens, Vincent Villeminot, Casterman, 2017.

La brigade ayant été démantelée, seul Bosco est resté à Paris pour continuer la tâche. Depuis janvier, l’ex-commissaire Léon Marcowicz s’est isolé en Corse avec ses filles. Fleur prépare son bac au lycée de Porto Vecchio et Adélaïde prend des cours par correspondance après avoir failli sombrer dans la folie. Elle apprécie les visites du Pygmée rwandais avec lequel elle aime toujours discuter. Mais fin juin, alors qu’Antonin son amoureux est venu la rejoindre, Fleur est menacée de viol par une bande de voyous menée par Matéo Figalli ; Antonin l’aide à s’enfuir mais il est tabassé et abandonné sur la plage. Peu de temps après, Matéo Figalli, son oncle et un de ses vieux amis sont retrouvés horriblement déchiquetés devant chez Marcowicz : ce dernier ayant disparu, il est soupçonné. Par ailleurs, une fusillade fait quatre morts dont Jimi Hendrix, qui parcourait le monde avec Diane Jobert depuis qu’ils avaient été « remerciés » de la police. Il ne faudra pas trop longtemps au commandant Jean-Bosco Nyrabuhinja, aidé d’Anna, alias Jeanne Darnet, pour démêler l’écheveau de ces tragiques évènements et reconstituer le puzzle mortel.
Ce dernier opus de la trilogie maintient un suspense haletant, et ce d’autant plus que la chronologie, entièrement déconstruite, joue sur des retours en arrière expliquant ce qui était resté dans l’ombre. Ce tome, centré sur Léon Marcowitz et ses filles, ainsi que sur les membres de la brigade, m’a semblé particulièrement réussi. Il s’agit bien d’un roman noir, car la violence, la souffrance et le deuil sont plus que jamais présents ; chaque personnage reste une personnalité complexe, forgée par son histoire, en proie au doute. Les ex-subordonnés de Marcowicz lui restent fidèles et tous se protègent les uns les autres : la brigade a de nouveau perdu un de ses membres en la personne de Jimi, Antonin restera marqué à vie dans son corps, mais cette famille élargie montre à quel point elle est étroitement soudée dans l’adversité, prête à braver les lois et à vivre, dans la clandestinité, une nouvelle vie.
NB : Le tome 1 a été présenté sur le site : « Actualités Automne-Hiver 2016 » et le tome 2 dans les « Actualités Printemps-Été 2017 ».

Nouveautés en matière d’édition et de collections

Je commence à lire en BD, CP : Un nouveau copain, Mathieu Grousson/Sibylle Ristroph ou Je commence à lire en BD, CE1 : Marco est dans la lune, Mathieu Grousson/Séverine Cordier, Casterman, 2017.

De nombreuses vignettes colorées, comportant une ou deux bulles, racontent les journées des enfants qui fréquentent l’école des animaux. La description et le mode d’emploi d’une bande dessinée, ainsi que l’école et les personnages, sont présentés au début de l’ouvrage, à la fin duquel on retrouve jeux et quizz. Une nouvelle collection pour faciliter la lecture, en CP ou en CE1.

De son côté, Nathan lance, en partenariat avec Mobidys, expert en accessibilité cognitive, le label Dyscool, afin de faciliter la lecture des enfants dyslexiques. Les titres les plus connus de la collection Premiers Romans sont ainsi repris en intégralité, accompagnés d’outils adaptés qui vont permettre un déchiffrage, une compréhension et une autonomie plus faciles. Ainsi la police est plus lisible, le texte et l’illustration sont bien séparés, l’auteur a réécrit certains passages pour qu’ils soient mieux compris, des mots sont expliqués en bas de page, des syllabes sont colorées en bleu ou en rouge. L’attention, le décodage, l’abstraction et la motivation sont ainsi soutenus. Parmi les premiers titres : Le Buveur d’encre, Éric Sanvoisin/M. Matje ; Clodomir Mousqueton, Christine Naumann-Villemain/C. Devaux ; Une carabine dans les sardines (Anouk et Benji), Mymi Doinet/G. Chapron ; J’ai 30 ans dans mon verre (Nico), Hubert Ben Kemoun/R. Fallet. Une initiative très intéressante, à suivre.

Les enquêtes de Lottie Lipton : Les secrets de la pierre d’Égypte, Dan Metcalf, illustrations de R. Pernagarry, traduit de l’anglais par C-M. Clévy, Père Castor, Flammarion Jeunesse, 2017.

Voici une nouvelle série qui intéressera les jeunes amateurs d’enquêtes policières historiques. Ce premier tome met en scène des personnages qui deviendront récurrents. 1928 : Lottie Lipton, 9 ans, vit avec son grand-oncle, le professeur Bertram West, depuis que ses parents archéologues ont disparu, cinq ans auparavant, lors de fouilles en Égypte. L’oncle Bert s’occupant du département des antiquités égyptiennes, ils vivent dans un appartement du British Museum, ainsi que le gardien George. Lottie est une grande admiratrice de Victor Blade, l’inspecteur en chef de Scotland Yard, dont les enquêtes sont rapportées dans son magazine de chevet « Enquêtes et Mystères ». Elle hésite d’ailleurs entre devenir détective ou archéologue. Quoi qu’il en soit, son petit carnet et son crayon (livrés avec l’ouvrage) ne la quittent jamais, afin d’y noter des indices ainsi que le décodage des énigmes ou des messages secrets, le lecteur étant invité à l’imiter !
Cette fois-ci, elle et ses deux acolytes vont se lancer sur les traces d’un objet réputé légendaire, le trident de Neptune et le retrouver avant Bloomsbury Bill, un célèbre voleur londonien, qui se repentira d’avoir rencontré Lottie. Lecture facile, beaucoup d’humour.

Récits de la Bible, traduits de l’hébreu et adaptés par Pierre-Marie Beaude, Folio Junior Textes Classiques, 2017.

Quinze récits emblématiques qui permettront à chacun de découvrir l’Ancien Testament. Avec notes et carnet de lecture rédigés par l’auteur. Une occasion de découvrir la nouvelle maquette des Folio Junior.

Des nouvelles de réseaux déjà présentés

Cinéma, télévision, théâtre

Noémie superstar, Anne-Laure Bondoux, Mini Syros Roman, 2017.

Tout le village est en effervescence car un film va y être tourné avec la célèbre actrice Chloé Dubato et on cherche des figurants entre sept et neuf ans. Bien qu’elle se trouve bien trop laide avec ses lunettes, Noémie envoie sa photo et est retenue ainsi que Florian, son ami, et Garance, une peste, incollable en matière de cinéma… ou presque, car cette dernière découvre ainsi que les journées sont longues et qu’on peut être une star, comme la vedette du film, alors qu’on porte des lunettes. Un récit très court, bien écrit, pour comprendre que la beauté comporte de multiples facettes et reprendre confiance en soi.

Fille ou Garçon ?

Dans la peau de Sam, Camille Brissot, Soon, Mini Syros +, 2017

Lors d’une fête foraine high-tech, Charlie se retrouve dans le corps de Sam et vice versa ; elle est belle, populaire, mais assez superficielle, alors que lui est un garçon solitaire, au physique ingrat, servant de bouc émissaire à tous ses camarades du collège… Le premier étonnement et les premières fureurs passés, il va leur falloir se débrouiller chacun, non seulement avec ce nouveau corps, étrange à leurs yeux, suscitant le malaise, mais également avec un univers et une famille inconnus. C’est l’occasion pour tous deux de poser un nouveau regard sur l’autre, de le découvrir sous un autre jour et de changer de point de vue. Récit court et facile, non dénué d’humour, à destination des plus jeunes.

Albums

Le Frigo magique, Harlan Coben, illustrations de Leah Tinari, PKJ, 2016.

Qui se serait attendu à ce que cet auteur de thrillers imagine un album aussi farfelu ? Il faut dire que les illustrations aux couleurs vives, voire criardes et déjantées, y sont pour beaucoup. Walden apprécie très modérément de devoir mettre la table pour l’arrivée de ses grands-parents, oncles, tantes et cousins. Il a soif d’aventures et rêve d’autres horizons… Soudain son souhait se réalise : il est aspiré par un de ses dessins qui orne le frigo et se retrouve en mauvaise posture. Pour assurer sa survie, il passe ainsi dans une photo de ses grands-parents au zoo où il se fait attaquer par des singes, puis dans les différents documents et prospectus affichés sur le frigo, ce qui le mène de Charybde en Scylla ! Grâce, enfin, aux ciseaux d’un bon de réduction pour le coiffeur, il se tire d’affaire et retrouve toute sa famille pour laquelle il ressent finalement une affection toute neuve et très intense ! Cette morale toute simple et universelle vient en conclusion d’aventures magiques et fantastiques reposant sur une transgression narrative. Il faudra se montrer très attentif à la multitude de détails qui foisonnent sur chaque double page ; texte et images se complètent dans cet album original qui peut surprendre mais ne laissera pas indifférent.

Familles, Patricia Hegarty, illustrations de Ryan Wheatcroft, texte français d’Anne‑Judith Descombey, Père Castor, Flammarion, 2017.

Cet album très coloré, au format presque carré, célèbre la famille et son amour indéfectible à travers la vie quotidienne de dix familles représentatives de toutes celles qui composent la société contemporaine occidentale. Que l’enfant soit unique ou issu d’une famille nombreuse, handicapé, adopté, élevé par deux parents du même sexe, par ses grands-parents ou par sa mère seule, que ses parents soient d’origine africaine, asiatique ou européenne et quelle que soit la religion pratiquée, ces enfants focalisent attention et amour des adultes qui composent leur famille. Chaque double page comporte dix vignettes précédées ou suivies d’une phrase simple et poétique évoquant les joies et les peines de chaque jour. Accessible dès l’âge de quatre ans, cet album met en valeur de façon résolument optimiste le socle inébranlable constitué par la cellule familiale et insiste sur son rôle auprès des enfants. On ne peut malheureusement éviter de penser que ce message fort n’est pas la réalité de chaque enfant, aussi attaché soit-il à sa famille, et qu’il reste donc un idéal à atteindre dans de nombreux cas…

Rééditions ou Parutions au format poche de titres déjà évoqués (ou pas, d’ailleurs…) 

Aux éditions Gallimard Jeunesse

Dominic, L’Ile d’Abel et Le Vrai Voleur, William Steig, traduits de l’anglais par J. Hérisson et H. Robillot, Folio Junior, 2017.

Les aventures d’un chien généreux, d’un souriceau galant coincé sur une ile déserte et d’une oie que tout accuse : trois classiques de l’auteur.

Sur la tête de la chèvre, Aranka Siegal, traduit de l’anglais (États-Unis) par T. Brisac, Folio Junior, 2017.

L’histoire émouvante de Piri, une jeune hongroise juive âgée de dix ans lorsque la guerre débute ; elle et sa famille tentent de survivre, mais finissent par être déportées à Auschwitz. Récit d’inspiration autobiographique.

Ce qu’ils n’ont pas pu nous prendre, Ruta Sepetys, traduit de l’anglais (américain) par Bee Formentelli, Pôle Fiction, 2015.

Le récit bouleversant d’une jeune Lituanienne, Lina, et de sa famille déportée en Sibérie par Staline en 1941. L’auteure rend ainsi hommage aux trois peuples baltes décimés et à la dignité que personne n’a pu leur enlever. Librement inspiré de la vie de son père, l’ouvrage restitue avec beaucoup de force et de réalisme, parfois insoutenable, le combat pour leur survie de tous ces personnages profondément humains.

Tant que nous sommes vivants, Anne-Laure Bondoux, Pôle Fiction, 2016.

Une belle histoire d’amour sous forme de conte initiatique, qui ne cède pas à la facilité mais est porteuse d’espoir.

Tous nos jours parfaits, Jennifer Niven, traduit de l’anglais par V. Rubio-Barreau, Pôle Fiction, 2017.

Deux adolescents, Finch et Violet, essaient de retrouver ensemble le gout de vivre.

Le clan des Otori : Le Vol du héron et Le Fil du destin, Lian Hearn, traduit de l’anglais par Philippe Giraudon, Pôle Fiction, Gallimard, 2017.

Avec ces deux dernières parutions, l’intégralité de cette magnifique saga est à présent disponible au format poche pour les adolescents.

Aux éditions Thierry Magnier

 L’Expulsion, Murielle Szac, Petite Poche, 2017.

Nouvelle édition d’un texte paru en 2006, n’ayant rien perdu de son actualité.
S’appuyant sur une réalité qu’elle connait bien pour l’avoir vécue, l’auteure évoque l’expulsion de familles immigrées vivant entassées depuis des années dans des appartements vétustes. Sous les regards intrusifs des caméras, Bintou, la jeune narratrice, ressent de l’intérieur une humiliation supplémentaire, à savoir l’intervention musclée des policiers qui veulent faire évacuer l’immeuble « pour des raisons de sécurité ». Heureusement, des associations et certains riverains se mobilisent. Bintou surmonte sa honte et sait qu’elle peut compter sur son amie Lucie.
Un texte simple et fort, facile à lire et à comprendre, comme tous ceux de cette collection à prix modique publiant des petits romans qui se lisent comme une nouvelle.

Aux éditions PKJ

Blacklistée, Cole Gibsen, traduit de l’anglais (États-Unis) par A. Paupy, 2017.

Il faudra qu’elle soit à son tour harcelée au lycée et sur les réseaux sociaux pour que Regan, la narratrice, comprenne à quel point on peut souffrir du regard des autres, de leurs moqueries, voire de leur haine. Elle-même bien différente de ce qu’elle donne à voir, la jeune fille découvre à ses dépens que chacun autour d’elle cache bien son jeu, qu’il s’agisse de ses anciennes amies ou de nouveaux soutiens. Intrigue parfois prévisible mais bien conduite et salutaire.

Cité 19 : Ville noire et Zone blanche, Stéphane Michaka, 2018.

Enfin accessible en poche, une histoire passionnante, avec des retours dans le passé et des retournements de situations, présentée dans le cadre d’un réseau « Rêve ou cauchemar » (supplément en ligne Printemps-Été 2016).

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – Printemps-été 2017

« Coups de cœur » DOCUMENTAIRES

Période électorale oblige, voici tout d’abord trois ouvrages au cœur de l’actualité :

La Démocratie en BD, Nathalie Loiseau, illustré par Aki, Casterman, 2017.

En un mois, Max et Nadia vont mener une enquête approfondie sur ce que signifie voter, élire, être élu. Ils ont en effet envie de se présenter à l’élection des délégués de leur classe de sixième, mais constatent rapidement qu’ils sont néophytes en la matière. Et ce ne sont pas les adultes qu’ils interrogent qui les rassurent sur la probité des hommes politiques. Ils vont essayer de se forger une opinion sur ce qu’est la démocratie et ce qui la constitue. Chaque réponse apportant de nouvelles questions, eux et leurs amis font ainsi le tour des institutions françaises et découvrent la complexité de la gestion du quotidien à l’échelle d’une commune ou de l’État. Conscients des responsabilités et des risques de la démagogie, ils se font élire sur un programme… démocratique. Un contenu dense, scénarisé par la directrice de l’ENA, rendu attrayant par la BD. Glossaire des mots-clés en fin d’ouvrage. Abordable dès le CM.

Les Élections, Sylvie Baussier, illustré par Maud Riemann, « Questions ? Réponses ! », Nathan, 2017.

En treize doubles pages illustrées de façon précise et souvent humoristique, le lecteur aura de nombreuses réponses aux questions qu’il se pose, tant sur les finalités que sur les modalités d’un vote, les différents types d’élections, de mandats ou les moyens de faire entendre sa voix. La dernière double page comporte un lexique des termes fondamentaux employés dans l’ouvrage, lequel aborde également les fausses démocraties et prône l’importance de l’Union européenne. Un sujet d’actualité pour ce numéro 46 d’une collection s’adressant aux jeunes à partir de 7 ans.

A voté ! On élit qui et pour quoi ?, Nicolas Rousseau, Castordoc, Flammarion, 2017.

Un tour d’horizon très complet en 95 pages qui permettra de comprendre les enjeux des différentes élections au sein d’une démocratie, en France, mais aussi dans d’autres pays, par comparaison. Un ouvrage qui contribuera à l’éducation à la citoyenneté, qu’il évoque les élections de délégués de classe, celle du président de la République ou les régimes dictatoriaux. Accessible dès le collège.

1939-1945… La Seconde Guerre mondiale, Isabelle Bournier, Bruno Heitz, « L’Histoire de France en BD », Casterman, 2017.

Resituant rapidement l’arrivée de cette guerre à la suite de la première, le récit et les dialogues se concentrent sur la situation en France depuis la mobilisation générale jusqu’à la libération, l’armistice et la création de l’ONU. Les auteurs évoquent la vie quotidienne sous l’occupation allemande, la débrouille, la collaboration, les rafles, la résistance, en allant à l’essentiel. L’ouvrage se termine par des pages documentaires précisant certains points évoqués (quotidien, résistance, génocide). Abordable dès le CM1.
J’en profite pour signaler que Casterman modifie cette collection (refonte graphique, nouvelle maquette de couverture) et la segmente en six grands domaines : histoire (De Gaulle et le XXe siècle) ; art (Thématiques liées à des mouvements artistiques) ; sciences (Histoire de la vie) ; monde actuel (cf. le titre sur la démocratie présenté plus haut) ; mythologie (Jason et la toison d’or) ; classiques (Molière).

« Coups de cœur » ACTUALITÉ

Nouveautés en matière d’édition et de collections

Traces, Florence Hinckel, Soon, Mini Syros +, 2016.

En 1956, Philip K. Dick a publié la nouvelle The Minority Report, adaptée au cinéma en 2002 par Steven Spielberg ; l’auteure, quant à elle, s’appuie sur l’existant, à savoir les traces numériques que nous laissons tous, pour imaginer que le gouvernement français utilise un logiciel permettant d’arrêter les citoyens avant qu’ils ne commettent un crime. À Marseille, Thomas Codislo, 13 ans, féru de jeux vidéo, projette de réaliser une fan fiction avec son ami Steven ; il a donc fréquenté de nombreux sites consacrés aux armes à feu, afin que ses personnages soient crédibles ; en outre, il vit seul avec sa mère, son père a fait de la prison et ses résultats scolaires ne sont guère brillants… Il n’en faut pas plus au logiciel « Traces » pour conclure que le collégien de quatrième va passer à l’acte. Alors que la police s’apprête à l’arrêter, Thomas s’enfuit et la traque commence. Abordé par le collectif « Innocent jusqu’à preuve du contraire », qui cherche à l’utiliser pour prouver l’absurdité et les dangers du logiciel, Thomas se retrouve au cœur d’un autre coup de filet, visant Salierini, un mafieux également poursuivi par l’équipe de la commissaire Olympe Sax, laquelle est aussi convaincue de l’innocence du premier que de la culpabilité du second ! Ce roman, court et haletant, se déroulant sur 24 heures, alterne le récit à la première personne de Thomas et un autre à la troisième centré sur le personnage d’Olympe, tous deux entrecoupés d’articles de journaux expliquant la genèse du logiciel, son fonctionnement ou les polémiques qu’il suscite. Il pose à destination des adolescents maintes questions essentielles sur toutes les traces qu’ils laissent sur la toile sans réfléchir, entre autres, aux libertés individuelles et aux dérives sécuritaires. Si nous n’en sommes pas encore là en France, on sait que la tentation existe dans certaines têtes et qu’il faut rester vigilant.

Le jour où on a mangé tous ensemble et Le jour où la France est devenue la France, Thierry Lenain, illustrés par Thanh Portal, « Premiers Romans », Nathan, 2017.

Quand on fait la classe à des enfants de toutes origines, cultures et confessions, on a intérêt à être astucieuse, surtout si on veut être bien notée par ses élèves ou être capable de répondre au « Pourquoi ? » Madame Okili s’en sort haut la main et toute la classe pourra piqueniquer, chacun picorant dans ce que les autres ont apporté. De même, elle amènera ses élèves à prendre conscience qu’on peut être noir, être né en France et être français depuis plusieurs générations, qu’on peut être gabonais et blanc et que la France ne s’est pas toujours appelée ainsi ! Quant à savoir pourquoi l’une est noire et l’autre blanc, c’est une autre histoire. Tolérance, lutte contre les préjugés et les idées reçues, plaidoyer pour le vivre ensemble sont au cœur de ces récits essentiels comme l’auteur sait si bien les écrire [1]. Premiers titres d’une nouvelle série, « Le jour où », à lire et à relire pour répondre aux questions que les enfants se posent et alimenter les débats.
[1] Un réseau constitué des œuvres de Thierry Lenain a été publié dans le numéro 22 de Recherches (compléments dans le numéros 32).

Rock War 2, « L’enfer du décor », Robert Muchamore, traduit de l’Anglais par A. Pinchot, Casterman, 2017.

Les héros du premier tome[2] ayant été sélectionnés pour l’émission de téléréalité « Rock War », ils rejoignent d’autres formations venues de différentes régions du Royaume-Uni ; les douze groupes d’adolescents sont réunis dans un manoir aménagé à grands frais : durant six semaines, ils se prépareront à la première phase destinée à éliminer trois d’entre eux. Certains de ces jeunes, très naïfs, découvrent les coulisses de ce type d’émission destinée à faire de l’audience à n’importe quel prix. Suivis par les caméras quasiment 24 h sur 24, ils constatent à quel point tout est scénarisé et « bidonné ». Les rivalités et mesquineries entre candidats n’ont rien à envier à celles auxquelles se livrent les producteurs ; les réalisateurs et caméramans se frottent les mains dès qu’un incident ou un scandale éclatent, les journalistes s’en donnent à cœur joie en matière de révélations et chacun règle ses comptes. Théo, incontrôlable, Summer et sa jolie voix font le buzz ; Jay, fidèle à ses valeurs, essaie de garder son calme et n’en revient pas que Summer s’intéresse à lui. Les personnages gagnent en profondeur, chacun affirmant son caractère et sa personnalité et l’humour reste bien présent. La satire féroce du milieu de la téléréalité (cf. réseau présenté dans le numéro 52 de Recherches) fait mouche. Une lecture divertissante et facile. À noter : le changement de couverture, calqué à présent sur celles de la série Cherub. Le tome 3 est annoncé pour septembre 2017.

[2] Présenté sur le site « Actualités » Printemps-Été 2016.

Les Porteurs, #1 – Matt, C. Kueva, Éditions Thierry Magnier, 2017.

Depuis la catastrophe du 26 avril, au cours de laquelle ils ont été irradiés, les humains naissent hermaphrodites, portent un prénom neutre (Flo, Matt, Fab, San…) jusqu’à l’âge de 16 ans, date à laquelle ils choisissent leur sexe et un nouveau prénom au cours d’une cérémonie appelée « Seza ». Nous sommes dans un futur proche où les adolescents fréquentent le lyceum et vivent dans une néosociété qui a créé les « Centres de Planning Hormonal » au sein desquels les Sanits prennent en charge la reproduction. Gaëlle, la petite amie de Matt, a déjà subi sa transformation et se sent bien dans sa peau ; Matt sait que dans trois mois, il choisira d’être un homme, alors que Flo aimerait retarder ce choix. Mais l’univers de Matt bascule lorsqu’on lui annonce qu’il est porteur d’une maladie génétique l’empêchant de choisir : il va rester neutre durant de longues années, au cours desquelles il devra subir un traitement sous le contrôle du docteur Michelon. Toutes les certitudes du narrateur s’effondrent à l’annonce de cette déficience ; d’abord déprimé et replié sur lui-même, il accepte peu à peu l’aide de Gaëlle : celle-ci fait des découvertes intéressantes sur des traitements naturels alternatifs, recoupant les informations que Matt obtient de la part de Lou, un mystérieux jeune homme qui le fascine. Qui a raison, de l’état ou des tenants des traitements phytohormonaux ? Qui manipule qui et pour quelles raisons ? Cette intrigue originale met en avant, même si c’est parfois de façon un peu maladroite, la question du genre, en posant des questions cruciales : sur quels critères choisit-on de devenir femme ou homme ? Flo a-t-il (eh oui, le pronom neutre n’existant pas en français, l’auteure a choisi « il » pour désigner les pré-seza) de la peine à choisir parce que ses deux parents ont développé un comportement égalitaire et ont élevé leurs enfants dans une stricte neutralité de genre ? Flo, devenu.e Floriane, éprouve-t-elle une attirance pour Gaëlle parce qu’elle a fait le mauvais choix, ou parce qu’elle est attirée par les femmes ? Et que dire des sentiments que Matt éprouve pour Lou dès leur première rencontre ? Comme dans toute contrutopie qui se respecte, le lecteur comprend progressivement que le mensonge et la manipulation sont au cœur des principes de gouvernement. Premier opus d’une trilogie dystopique dont le deuxième tome, s’intitulant #2 – Gaëlle, sera attendu avec impatience par les lecteurs, vu les rebondissements en cascade.

La Brigade de l’ombre : Ne te fie à personne, Vincent Villeminot, Casterman, 2017

Suite des aventures de Léon Markowicz, de ses filles et des membres de la brigade spéciale de surveillance et d’interception des malades IBLIS, dite « brigade des goules ». Fleur et Adélaïde peinent à se remettre de l’assassinat de leur mère ; quant à Léon, il n’est plus que l’ombre de lui-même, toujours plus sombre et taciturne. Ses collaborateurs doivent arrêter un tueur jouant les justiciers en s’en prenant aux goules qu’il épie et traque sans relâche ; mais la police criminelle leur met des bâtons dans les roues ; le capitaine Diane Jobert, les auxiliaires de police Gilberte, Anna et Willa deviennent alors des proies, sans compter les filles qui, malgré toutes les précautions de leur père, seront encore directement mêlées aux événements. Le lecteur apprend à mieux connaitre chacun des personnages et ses blessures irrémédiables ; puis, à l’instar des deux adolescentes, découvrira enfin les multiples secrets du commissaire Markowicz et de ceux qui l’épaulent fidèlement, notamment Bosco et Jimi. Un récit haletant et sans temps mort qui fait se succéder actions, meurtres, poursuites, rebondissements et révélations.
Le tome 1 a été présenté sur le site : Actualités « Automne-Hiver 2016 ». Un troisième tome est annoncé pour le mois d’octobre 2017.

Les Animaux fantastiques, Le texte du film, J.K. Rowling, couverture et design intérieur par Minalima, indications scéniques traduites de l’anglais par J-F. Ménard, Gallimard, 2017.

Pour ceux qui n’ont pas vu le film ou veulent le revivre, les aventures de Norbert Dragonneau, explorateur et magizoologiste, à New York, en 1926. Intéressant, entre autres, si on veut faire découvrir ce qu’est un scénario. Prix élevé (21 euros), mais on peut espérer une publication en poche.

Le Monde farabuleux de Roald Dahl, Stella Caldwell, illustré par Quentin Blake, traduit de l’anglais par Marie Leymarie, Hors-Série Roald Dahl, Gallimard Jeunesse, 2017.

Les enseignants et bibliothécaires y avaient pensé depuis longtemps : proposer à leurs ouailles d’écrire, de dessiner, de fabriquer des textes ou des objets, bref d’imaginer et de créer à partir de leur lecture des romans de Roald Dahl, en résonnance avec elles… L’auteure s’est emparée de l’univers du « champion du monde des histoires » avec d’autant plus de talent qu’elle a été soutenue dans sa démarche par celui de Quentin Blake. Quatorze romans, répartis en trois pôles (« Magie et charivari », « Des adultes abominables » et « Des bêtes et des êtres fantastiques ») font ainsi l’objet de multiples facsimilés (rapports officiels divers, articles de journaux, affiches, cartes de visite, notes de Roald Dahl rédigées sur un bloc-notes jaune, etc.) et dessins, tous plus désopilants et inventifs les uns que les autres, renvoyant aux péripéties narrées et leur faisant écho ; le tout agrémenté en début d’ouvrage de photos, d’anecdotes et d’éléments biographiques. Les différents guides insérés en milieu de page (celui du « parfait gredin », « du baroudeur », « du parfait touriste » ou « Le Manuel de sorciérophilie ») m’ont semblé particulièrement réussis. Et, cerise sur le gâteau pour terminer, un petit mot sous enveloppe du grand romancier délivre aux lecteurs un secret précieux !

Duchesses rebelles, tome 2 : La Dangereuse Amie de la Reine, Anne-Marie Desplat-Duc, Flammarion, 2017.

Suite des aventures des duchesses exilées. Le récit est centré cette fois-ci sur Marie-Aimée de Rohan, duchesse de Chevreuse, amie de la reine d’Espagne, Anne. C’est en effet à son tour de rédiger ses mémoires comme Mademoiselle le lui a proposé ainsi qu’aux autres « Duchesses rebelles ». Le tome 1 a été présenté sur le site : Actualités Printemps-Été 2016.

Des nouvelles de réseaux déjà présentés

Enfant-espion

La Cible (Bodyguard, tome 4), Chris Bradford, traduit de l’anglais par Antoine Pinchot, Casterman, 2017.

La fin du tome 3 le laissait entendre : Charley allait raconter à Connor comment et pourquoi elle avait perdu l’usage de ses jambes. L’action de celui-ci se situe donc deux ans avant le premier opus. Charlotte Hunter n’a pas été épargnée par la vie : sa meilleure amie, Kerry, a été enlevée sous ses yeux alors qu’elles avaient 10 ans et elle en garde une immense culpabilité ; puis ses parents meurent tous deux en avion lors d’une attaque terroriste. Âgée à présent de 14 ans, elle vit dans une famille d’accueil qui a du mal à la gérer et cherche à oublier ses peines en faisant du surf. N’écoutant que son courage et sa témérité, elle sauve un jeune surfeur aux prises avec un requin, ce qui lui vaut d’être recrutée par le Colonel Black, le dirigeant de Bodyguard. Seule fille au sein d’une équipe de gars plutôt machistes, Charley devra prendre confiance en elle afin de s’imposer ; plusieurs missions réussies lui valent d’assurer la protection d’une jeune star du rock britannique, Ash Wild, lors de sa tournée américaine. En effet ce dernier, malgré une immense popularité, semble menacé. Charley découvre le milieu de la musique, des concerts et les inconvénients de la célébrité : comment protéger Ash des paparazzis aux aguets et des fans en délire, voire de ses proches eux-mêmes ? Elle se perfectionne sous l’égide de Big T, un colosse, garde du corps attitré de la jeune vedette, qui la prend son aile malgré l’ombre qu’elle lui fait. Les incidents de plus en plus dramatiques se succèdent et Charley elle-même devient une cible. L’auteur s’entend à multiplier les suspects, les vrais et faux coupables, les rebondissements abondent. La tension est d’autant plus forte pour le lecteur qu’il sait que Charley sera grièvement blessée, mais il lui faudra attendre la dernière minute pour apprendre dans quelles circonstances. Tant d’épreuves pour une seule adolescente sont-elles possibles ? On pourrait se dire que le romancier exagère, mais la vie nous apprend que ce n’est pas le cas. Il a choisi de créer un personnage résilient. Charley est prête une nouvelle fois à rebondir, comme le lecteur avait pu le constater dans les trois tomes précédents. Musique, action, romance sont au rendez-vous, aucun temps mort !

Parutions au format poche de titres déjà évoqués (ou pas, d’ailleurs…) ; rééditions comportant des modifications

Aux éditions Gallimard Jeunesse

Folio Junior fête ses 40 ans : à compter du 1er juin 2017, nouvelle charte graphique et nouveau logo ; c’est la cinquième fois que la collection fait peau neuve…

Le roman d’Ernest et Célestine, Daniel Pennac, Folio junior, 2017.

Le roman du film. Édition originale publiée en grand format par Casterman en 2012, qui publiera en septembre 2017 une version illustrée grand format du roman rédigé par Pennac.

Quelques minutes après minuit, Patrick Ness (d’après une idée originale de Siobhan Dowd), traduit de l’anglais par Bruno Krebs, Folio Junior, 2016.

Un film adapté de ce roman est sorti en janvier 2017. Une édition du film en grand format est parue simultanément.

Les Hauts de Hurle-Vent, Emily Brontë, Traduit de l’anglais par F. Delebecque, Folio Junior Textes Classiques abrégés, 2017.

Après la vague, Oriane Charpentier, Pôle Fiction, 2017.

La face cachée de Margo, John Green, Traduit de l’anglais par C. Gibert, Pôle Fiction, 2017.

Animale, tome 2 : La prophétie de la reine des neiges, Victor Dixen, Pôle Fiction, 2017. Rappel : Tome 1 : La malédiction de Boucle d’or, Pôle Fiction, 2015.

Aux éditions Flammarion Jeunesse

Le célèbre Imagier du Père Castor (1995) parait en édition bilingue arabe-français, A. Telier, traduction revue et complétée par Yacine Benachenhou, illustrateurs multiples, 2017.

Sous chaque image le mot est noté en caractères arabes, en arabe phonétique et en français.

Par ailleurs, les romans à succès de Pierre Bottero sont réédités dans un nouveau format semi-poche (140 x 190), avec un graphisme bien spécifique formant ainsi une collection à part entière qui devrait rapidement devenir collector. Deux titres à ce jour : Le Garçon qui voulait courir vite (deuil et amour entre frère et sœur) et Tsina (amitié entre une jeune fille et un cheval), 2017.

Aux éditions Casterman

Hors la loi, Cherub 16, Robert Muchamore, traduit de l’anglais par A. Pinchot, 2017.

Aux éditions PKJ

Divergente, Véronica Roth, traduit de l’anglais par A. Delcourt, 2017.

Bonne nouvelle : PKJ publie les trois tomes de cette dystopie, rendue célèbre par le cinéma, en poche dans sa collection « Best ».

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – Automne-hiver 2016

« Coups de cœur » DOCUMENTAIRES

Tous citoyens, tous politiques ! Débats et portraits, Sandra Laboucarie, illustré par Vincent Bergier, Nathan, 2016.

Voici un ouvrage qui devrait figurer dans tous les CDI tant les questions soulevées sont au cœur de l’actualité. Les collégiens et lycéens y trouveront matière à s’informer sur les différents aspects de la politique en France et dans le monde : les grandes idées, les régimes autoritaires ou démocratiques et leurs chefs, partis (français), les lois : élaboration, respect, désobéissance, le vote, l’engagement citoyen, etc. En une dizaine de chapitres décomposés en « Débats » puis « Portraits » (ces derniers parfois sous forme d’interviews) illustrant concrètement les notions abordées, l’auteure, de façon engagée, réussit à aborder de nombreux points essentiels pour comprendre, réagir et agir.

Vrai ou faux, ouvrage collectif traduit de l’anglais, Gallimard jeunesse, 2016.

À tous les curieux qui se posent de nombreuses questions concernant le corps humain, la nature, les sciences et la technologie, l’espace, la terre et l’histoire ou la culture, ce livre répondra de façon détaillée et vivante. Un bon moyen d’être au clair sur toutes les idées reçues : oui, les séismes sont extrêmement nombreux, mais seuls quelques-uns sont dévastateurs ; non, les rats ne transmettent pas directement la peste, même s’ils véhiculent les puces porteuses de la maladie ; non, la lune ne comporte pas une face sombre : c’est juste qu’elle nous présente toujours la même face ; oui, la pénicilline a bien été découverte par accident ; non, les médailles d’or des Jeux olympiques sont pas en or massif, mais en vermeil, et ce depuis 1912. Un bel album illustré dont la mise en page fait penser à celles des magazines.

Les Tops de l’Antiquité : Égypte ancienne, Mythologie Grecque, Rome, Sandrine Mirza et Hélène Montardre, illustré par Sylvie Bessard, Glen Chapron et Vincent Desplanche, Dokéo, Nathan, 2016.

Chaque double page traite de façon simple et vivante, à partir d’une maquette récurrente, d’un ou deux sujets liés à la civilisation évoquée en ce qui concerne l’Égypte et Rome : aspects les plus importants (la momification ; les jeux du cirque), dates (la bataille d’Actium en -31 ; le partage de l’empire en 395), personnages (Ramsès II ; Néron), lieux (Giza ; Pompéi), dix records (l’écriture la plus compliquée : les hiéroglyphes ; le prisonnier le plus célèbre : Vercingétorix). En ce qui concerne la mythologie grecque, il s’agit de présenter les dieux et les héros, de Gaia à Oreste en passant par Tantale et Antigone… On se demande cependant pourquoi la Grèce n’a pas été présentée de la même façon que les deux autres civilisations, ce qui aurait rendu l’ouvrage plus cohérent et moins hétérogène. Néanmoins, une mine d’informations utiles et intéressantes, en 240 pages, au format carré.

 « Coups de cœur » ACTUALITÉ

Nouveautés en matière d’édition et de collections

La Brigade de l’ombre : La prochaine fois ce sera toi, Vincent Villeminot, Casterman, 2016.

Le commissaire Léon Markowicz dirige une brigade un peu spéciale, puisqu’elle est chargée de traquer les goules, créatures qui peuvent se montrer très violentes. Lorsque le corps d’une jeune lycéenne, Valentine Manant, est retrouvé atrocement mutilé, le policier comprend très vite que cette affaire le concerne personnellement : sa famille est menacée, alors qu’il a tout fait pour protéger sa femme Anne-Cécile, ainsi que ses filles Fleur et Adélaïde, au point de se séparer d’elles dix ans plus tôt, ce qui a ruiné son couple. Secondé par des adjoints aussi tourmentés et marginaux que lui, il se lance à la poursuite d’un assassin déterminé, prêt à toutes les horreurs pour se venger. Si le ton et les ellipses volontairement entretenues peuvent tout d’abord désarçonner le lecteur, il finit par s’attacher à des personnalités complexes, originales, porteuses parfois de lourds secrets. Ce roman vraiment noir, non dénué d’humour, certes, mais qui ne cède pas à la facilité d’une fin heureuse, constitue le premier tome d’une trilogie mi policière, mi fantastique, destinée aux plus âgés.

Harry Potter et l’enfant maudit, J.K. Rowling, John Tiffany et Jack Thorne, traduit de l’anglais par J-F. Ménard, Gallimard, 2016.

Je suppose que je n’apprendrai rien à personne en évoquant la parution du texte de la pièce mise en scène par John Tiffany, qui connait un succès triomphal à Londres ! Il s’agit donc, non pas du huitième tome de la saga, mais de dialogues rédigés par Jack Thorne sur une idée originale de J.K. Rowling. Le début reprend l’épilogue du tome sept : « Dix neuf ans plus tard ». Harry, 37 ans, marié à Ginny, dirige le Département de la Justice Magique au ministère de la Magie, dont la titulaire n’est autre qu’Hermione ; il est père de trois enfants : James, Albus Severus et Lily, dont la cousine, fille de Ron et d’Hermione, se prénomme Rose. Dans le train qui le mène pour la première fois à Poudlard, Albus fait la connaissance de Scorpius Malefoy. C’est le début d’une amitié inattendue qui sera au cœur de l’intrigue, s’étalant sur plusieurs années, faisant passer à l’arrière-plan de nombreux autres personnages. Tous deux affectés à Serpentard, les jeunes garçons partagent les mêmes complexes face à des pères que, pour des raisons différentes, ils trouvent écrasants. Pour s’opposer à son père et parce qu’il est tombé amoureux de Delphi, la nièce d’Amos Diggory (le père de Cédric, mort dans La Coupe de feu), Albus va entrainer Scorpius dans une aventure qui les renverra plusieurs fois dans le passé afin d’essayer de le modifier, ce qui s’avèrera lourd de conséquences. Les parents devront s’en mêler et oublier leurs différends passés pour sauver leurs enfants… D’un rythme soutenu, la pièce se laisse lire sans trop de déplaisir, même si assister au spectacle doit être autrement plus impressionnant (rappelons que la pièce dure 5 heures…). On retrouve, du moins en partie, l’univers de la saga, mais les inconditionnels risquent d’être frustrés face à certaines incohérences ou facilités. En ce qui me concerne, je déplore des dialogues souvent mièvres et des retours dans le passé artificiels. Il faudra en outre attendre la parution en poche pour que le prix du livre soit abordable. Je signale que toutes les couvertures des sept tomes parus en Folio Junior ont été redessinées par un jeune graphiste britannique, Olly Moss, choisi par l’auteure. Ajoutons enfin, phénomène qui ne vous aura pas échappé, que le cinéma (cinq films prévus) s’est emparé d’un ouvrage publié en 2001, Les Animaux fantastiques (épuisé pour l’instant), petit livre dans lequel J.K. Rowling donnait vie au manuel scolaire des petits sorciers de Poudlard, rédigé par Norbert Dragonneau. Les éditions Gallimard publient donc parallèlement toute une série d’albums documentaires luxueux liés à l’univers du film.

Les Humanimaux, Éric Simard, Mini Soon, Syros Jeunesse, 2016.

L’enfaon, L’enbeille, L’enlouve, L’engourou, L’enbaleine et L’encygne, mi-enfants, mi-animaux, ont une sensibilité accrue et des capacités hors normes. Génétique, rêve, pouvoirs, amitié sont quelques-uns des thèmes abordés.

20, allée de la Danse : Rivales, Parfaite… ou presque !, L’Ombre d’un frère, Petite rebelle, Élizabeth Barféty, illustré par Magalie Foutrier, Nathan, 2016.

Créée en partenariat avec L’Opéra national de Paris, cette série, comportant déjà quatre titres, restitue sous forme fictive le quotidien des élèves de l’école de danse, à savoir six amis, parmi les plus jeunes de l’école. Chaque tome se centre sur l’un d’eux, fille ou garçon, en abordant les problèmes essentiels auxquels ils sont confrontés : rivalité, peur de l’échec, compétition, etc. 155 pages rédigées en gros caractères, accessibles dès le primaire pour tous ceux que la vie des petits rats passionne. À noter, dans un même cadre de collaboration, la parution concomitante d’un ouvrage extrêmement documenté, Les Coulisses de l’Opéra, de Claudine Colozzi, pour tout savoir sur les lieux, l’histoire, les arts et les artistes liés à la danse. Même maquette que Les Tops de l’Antiquité (voir ci-dessus).

Apprentis Chercheurs : Sur la piste de l’arc en ciel, Un mystère sous l’océan, Des empreintes dans le passé, Une lumière venue de l’espace, Hélène Montardre, illustré par Laurent Audouin, Premiers Romans, Nathan, 2015 et 2016.

Lancée en 2015, cette série met en scène Lisbeth et Matt, sœur et frère curieux de tout ; aidés de leur oncle Philibert, ils percent les mystères de l’univers : les enfants abandonnent peu à peu les explications magiques ou fantastiques pour arriver progressivement à une conception rationnelle et scientifique du monde ; les titres sont explicites. Une collection qui documente à travers une fiction.

J’en profite pour signaler quelques ouvrages de cette collection abordable dès le CP, selon les titres :

H.E.N.R.I endort les grands, Yves Grevet, illustré par Jesse Pauwels, 2016.

Cette série publiée depuis 2014 comporte déjà six titres mettant en scène Manon, dont le nouvel ami, H.E.N.R.I, dispose de pouvoirs extraordinaires. Ce tome dévoile la signification du nom de celui-ci : Hyperpoilu, Extraterrestre, Nomade, Remarquablement Intelligent. Reste à garder le secret ! Beau plaidoyer en faveur de l’acceptation de l’autre, si différent de nous soit-il.

La Famille trop d’filles : Anna la rebelle, Susie Morgenstern, illustré par Clotka, 2016.

Dans la famille Arthur, vous pouvez demander l’une des six filles dont Anna est l’ainée, ou Gabriel le petit dernier, à moins que ce ne soit Billy le garçon au pair irlandais ! Quant aux parents, ils sont retenus ailleurs par leur travail … Cette fois-ci, c’en est trop pour Anna qui n’en peut plus de gérer toute la fratrie. À la sortie du collège, avec la complicité de son ami Martin, elle décide de rester clandestinement chez lui pour la nuit. Il n’en faudra pas plus à Grand-mère Léo pour comprendre que « les droits universels des enfants » s’appliquent également à sa petite fille. Une série humoristique et dynamique qui comporte déjà une dizaine de titres, consacrés chacun à l’un des enfants ainsi qu’à Billy, à chaque parent et à la mamie.

Le livre qui fuit, Roland Fuentès , illustré par Amandine Laprun, 2016.

Timéo, le héros du Bureau des mots perdus (R. Fuentès, Nathan, 2012) a reçu de la part de son père un ouvrage extraordinaire intitulé Le Secret des mots d’amour ; ce livre précieux se transmet de génération en génération. Pas découragé par les 458 pages, Timéo compte bien l’utiliser pour déclarer son amour à Juliette ; mais soudain, les lettres quittent progressivement le livre. Désespéré, Timéo fait appel à la clinique des livres ; celle-ci lui envoie son ami Athanase qui finira par découvrir le remède. Un récit humoristique, regorgeant de trouvailles amusantes, jouant avec les mots et rendant hommage aux livres érigés au rang de personnes qui souffrent et dont il faut à tout prix prendre soin. Les deux titres s’intégreront sans peine dans un réseau autour des mots.

Parutions au format poche de titres déjà évoqués (ou pas, d’ailleurs…) ; rééditions comportant des modifications

Aux éditions Gallimard

Tobie Lolness : La Vie suspendue et Les Yeux d’Élisha, Timothée de Fombelle, illustré par François Place, 2016.

Pour fêter le dixième anniversaire de la parution des aventures de Tobie, dont le courage est inversement proportionnel à la taille (un millimètre et demi), l’éditeur a réuni les deux tomes (également parus en Folio Junior) en un superbe opus illustré par François Place. Belle astuce : la jaquette de couverture, une fois dépliée, constitue une affiche recto-verso représentant le chêne face été et face hiver avec une multitude de détails. Ce sera l’occasion pour de nouveaux lecteurs de faire la connaissance du peuple minuscule qui vit depuis la nuit des temps dans le grand chêne et de la traque dont Tobie fait l’objet. Un roman d’aventures remarquable exaltant l’amitié et l’amour.

Le passage, Louis Sachar, traduit de l’anglais par J-F. Ménard, Folio junior, 2016.

On retrouvera avec plaisir et émotion les aventures de Stanley Yelnats, injustement condamné, envoyé creuser des trous au Camp du lac vert. Publié à l’origine par l’École des loisirs.

Mon père est parti à la guerre, John Boyne, traduit de l’anglais par C. Gibert, Folio Junior, 2016.

Voir présentation dans le n° 61 de Recherches, 2014, réseau « Grande Guerre ».

Le mystère de Lucy Lost, Michael Mopurgo, traduit de l’anglais par D. Ménard, Folio Junior, 2017.

Voir présentation dans la chronique électronique « Automne-Hiver 2015 », réseau « Grande Guerre ».

Le Livre de Perle, Timothée de Fombelle, Pôle Fiction, 2017.

Voir présentation dans le n° 63 de Recherches, 2015, réseau « Rêve ».

Junk, Melvin Burgess, traduit de l’anglais par L. Devaux, Pôle fiction, 2017.

Reprise d’un célèbre roman sur l’amitié, l’amour, la drogue. La lente descente aux enfers de Nico et de Gemma.

W.A.R.P., Eoin Colfer, traduit de l’anglais par J-F. Ménard, Pôle Fiction, 2015, 2016, 2017.

Les trois tomes, L’Assassin malgré lui, Le Complot du colonel Box et L’Homme éternel, sont à présent disponibles au format poche. Espionnage et voyages dans le temps au programme !

Le Père Goriot, Balzac, Folio Junior, version abrégée, 2016.

Enfin, Roald Dahl est mis à l’honneur par les éditions Gallimard car il aurait eu 100 ans le 13 septembre 2016. De ce fait, tous les romans de l’auteur bénéficient d’une nouvelle couverture et 10% des droits d’auteur seront reversés à des associations de bienfaisance. En outre, certains sont publiés en grand format (14,90 €) tels :

Le Bon Gros Géant, traduit de l’anglais par J-F. Ménard, 2016.

Quatre histoires (Charlie et la chocolaterie, Charlie et le grand ascenseur de verre, James et la grosse pêche, Matilda), traduites de l’anglais par M.‑R. Farré, É. Gaspar, M. Orange, H. Robillot), illustrées en couleurs par Q. Blake, 2016.

Moi, Boy et plus encore, traduit de l’anglais par J. Hérisson et J.‑F. Ménard, illustré par Q. Blake, 2016.

Le récit de l’enfance de R. Dahl est enrichi de lettres, photographies, anecdotes et textes inédits, insérés au fil du texte, avec, en prime à la fin, un quiz qui permettra de vérifier que le lecteur sait tout sur l’auteur.

Roald Dahl, Le géant de la littérature de jeunesse, 2016.

Il s’agit d’un ouvrage collectif coédité avec le magazine Lire. Composé de quatre sections (La saga Roald Dahl, L’œuvre, Dahl inédit, Autour de R. Dahl), l’ouvrage se présente comme une revue abondamment illustrée de nombreuses photos et documents, réunissant des interviews de l’auteur et de ses proches, des témoignages de son illustrateur attitré et d’écrivains français contemporains, des textes et illustrations inédits, bref, une somme sur un « géant » de la littérature jeunesse qui devrait contenter tous ses fans.

Aux éditions Flammarion

L’alchimiste, Paulo Coelho, traduit du portugais par Jean Orecchioni, illustré par Michel Galvin, 2016.

Nouvelle édition illustrée de ce classique, autrefois paru en Castor Poche (épuisé).

La Reine des Neiges, Andersen, illustré par C. Gestaut, 2016.

Aux éditions Casterman

Un lion à Paris, Béatrice Alemagna, Les albums Casterman, 2016.

Un gros lion jeune, curieux et solitaire, quitte sa savane natale pour Paris, ville sur laquelle il concentre tous ses espoirs. Notre ami déambule dans une ville qui ne cesse de le surprendre et que nous voyons tout à coup de son point de vue, ce qui donne lieu à de belles illustrations et collages, dans les tons ocres, humoristiques et poétiques, très signifiantes par rapport au texte qu’elles complètent efficacement. Étonné, voire déçu, de passer inaperçu, de monument en rencontres, il finira par trouver la place qui lui convient parfaitement, où il sera joyeusement salué par tous les Parisiens. À la manière d’un conte des origines, l’auteure imagine l’histoire de la statue du lion de la place Denfert-Rochereau à Paris, érigée par Bartoldi entre 1876 et 1880.

Réédition très grand format (38,5 x 29 cm, à lire dans le sens horizontal, la page du haut étant consacrée au texte, celle du bas à l’image) d’un album de référence en littérature jeunesse (recommandé au cycle 2) pour le dixième anniversaire de sa parution (Autrement, 2006).

Ernest et Célestine et Noël chez Ernest et Célestine, Gabrielle Vincent, 2016.

Trois histoires, La Fanfare (inédit), La Tasse cassée et Le Patchwork, réunies dans un coffret pour le premier titre ; nouvelle édition d’un classique dans un format souple à prix modique pour le second.

Le Coffre enchanté, Jean-François Chabas, illustré par David Sala, 2016.

Nouvelle édition et nouvelle couverture pour cette histoire de coffre qui ne veut pas s’ouvrir, ce qui contrarie beaucoup l’empereur.

100 jours en enfer et Trafic, Robert Muchamore, 2016.

Édition collector des deux premières aventures des jeunes agents de Cherub. Signalons également qu’elles font désormais l’objet de bandes dessinées réalisées par John Aggs (2016, 2017).

Aux Éditions Syros

Dix petits noirs, Collectif, Hors collection, 2016.

Nouvelle édition de dix récits policiers incontournables : Didier Daeninckx, Le Chat de Tigali ; Joseph Périgot, Qui a tué Minou Bonbon ? Marie et Joseph, Le Crime de Cornin Bouchon ; Thierry Jonquet, On a volé le Nkoro Nkoro ; Jean-Loup Craipeau, Crime caramels ; Olivier Mau, Armand et le commissaire Magret ; René Frégni, Marilou et l’assassin ; Gérard Carré, Sèvres-Babylone ; Marc Villard, Les Doigts rouges ; Jean-Hugues Oppel, Trois fêlés et un pendu.

Dix histoires de futur, Collectif, Hors collection, 2016.

Reprise de dix ouvrages parus dans la collection « Mini Syros Soon » : Claire Gratias, Opération « Maurice » ; Éric Simard, L’Enfaon ; Ange, Le Très Grand Vaisseau ; Jeanne-A Debats, L’Enfant-satellite ; Carina Rozenfeld, À la poursuite des Humutes ; Éric Simard, Robot mais pas trop ; Jeanne-A Debats, L’Envol du dragon ; Nathalie Le Gendre, Libre ; Claire Gratias, Une porte sur demain ; Ange, Toutes les vies de Benjamin.

Aux éditions PKJ

Geek Girl, Holly Smale, traduit de l’anglais par Valérie Le Plouhinec, 2016.

Parution progressive, au format poche, de la série éditée en grand format par Nathan (cinq tomes à ce jour). Pour suivre les aventures d’Harriet Manners, qui sait tout sur tout mais semble socialement inadaptée. Saura-t-elle saisir sa chance de devenir une autre quand une agence de top-modèles la repère ? Ton humoristique pour cette saga adolescente parfois déjantée.

La Voleuse de livres, traduit de l’allemand par Marie-France Girod, Markus Zusak, 2017.

Passage en poche de ce livre très original, dont l’intrigue se situe en Allemagne nazie : la narratrice n’est autre que la Mort.

Ne t’arrête pas, Michelle Gagnon, traduit de l’anglais par Julien Chèvre, 2017.

Passage en poche du premier tome de ce thrilleur haletant, trilogie éditée en grand format chez Nathan. Solitaire et méfiante, Noa a néanmoins besoin d’aide lorsqu’elle se rend compte qu’elle a été opérée, à son insu, par des inconnus. C’est Peter, hacker comme elle, qui la lui apportera ; ils devront fuir leurs poursuivants et combattre le concepteur du maléfique projet « Perséphone », prêt à tout pour mener une expérience scientifique terrifiante. Société corrompue par l’argent, ressources et dangers d’internet, manipulations génétiques sont quelques-uns des thèmes au cœur de ce récit sans temps mort.