Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – Printemps-été 2016

« Coups de cœur » DOCUMENTAIRES

50 inventions qui ont fait le monde de Philippe Nessmann, Flammarion Jeunesse, 2016

Chaque année, indique l’auteur en fin d’ouvrage, deux cent mille brevets d’invention sont déposés… C’est dire s’il lui a fallu opérer un choix draconien, mais éclairé vu son expérience, pour présenter aux jeunes lecteurs ces inventions qui ont marqué le monde et les hommes depuis plus de deux mille ans. Présentées de façon chronologique (de la Préhistoire à nos jours), du galet taillé au smartphone en passant par le livre de recettes, le celluloïd ou le tube à vide (pour évoquer les moins « connues »), à raison d’une par page, chaque invention est resituée par pays puis sur une frise chronologique, décrite dans ses aspects essentiels et illustrée par des photos, des schémas, des tableaux ou des gravures. Un ouvrage précieux pour les collégiens voire les écoliers dès la fin du primaire.

« Coups de cœur » ACTUALITÉ

Demain, je t’écrirai encore. Lettres de jeunesse des grands écrivains rassemblées et présentées par Marie-Ange Spire, Textes classiques, Folio Junior, Gallimard Jeunesse, 2015

Belle idée que d’avoir réuni trente et une lettres rédigées par vingt et un écrivains durant leur jeunesse, entre  sept (Marcel Aymé) et vingt-trois ans  (Guy de Maupassant) … Qu’elles soient adressées à des proches ou à des amis, voire des aimé(e)s, ces lettres touchent par leur naïveté, leur sincérité et ce qu’elles révèlent des futures célébrités. Qu’il s’agisse de Verlaine, 14 ans écrivant à Victor Hugo (auquel Baudelaire écrivit également), de Marcel Proust, 15 ans écrivant à sa grand-mère en terminant par des phrases syntaxiquement torturées puis phonétiques, de Rimbaud suppliant Paul Verlaine de le rejoindre ou de George Sand qui passe du tutoiement au vouvoiement vis-à-vis de sa mère en quelques années, le lecteur sera surpris ou amusé du contenu de ces missives dont l’orthographe originelle a été conservée.
Un carnet de lecture apporte des compléments en fin d’ouvrage sur les écrivains concernés et le genre que constitue la lettre.

Duchesses rebelles : L’intrépide cousine du Roi d’Anne-Marie Desplat-Duc, Flammarion Jeunesse, 2016

Les fans des Colombes du Roi-Soleil se réjouiront en découvrant cette nouvelle série qui prend pour héroïnes cinq jeunes duchesses exilées pour avoir participé, de près ou de loin, à la Fronde dirigée contre Mazarin, qui aurait pu empêcher Louis XIV de régner. Contrairement aux jeunes filles précédemment évoquées, celles-ci ont réellement existé et ont vécu à la cour avant d’en être chassées. Mais elles espèrent bien y retourner ! Anne-Marie Louise de Bourbon-Orléans, duchesse de Montpensier (fille de Gaston d’Orléans, frère du roi Louis XIII) alias « Mademoiselle » est l’héroïne de ce premier tome. Supportant difficilement sa réclusion à Saint-Fargeau et se languissant de la vie parisienne trépidante, elle décide d’écrire à d’autres jeunes « frondeuses », amies ou rivales, exilées comme elles, afin de  les convier à un jeu, prétexte à leurs retrouvailles. Elle réussit à les convaincre de rédiger leurs mémoires afin que leurs actions ne soient pas oubliées au profit de celles des hommes. Étant à l’initiative de cette proposition, c’est elle qui prendra la plume la première après leur avoir donné rendez-vous l’année suivante afin de se lire les meilleurs extraits de leurs textes.
L’histoire est au rendez-vous, le glamour également !

Les yeux du dragon de Stephen King, traduit de l’anglais (E-U) par  E. Châtelain, illustré par N. Duffaut, Flammarion, 2016

 King a écrit un jour un roman à l’intention de sa fille Naomi alors âgée de 13 ans. Les amateurs de magie gothique apprécieront les déboires et les aventures de Peter, héritier du royaume de Délain qui devra faire preuve de beaucoup de patience, d’intelligence, de ruse et de courage pour retrouver sa position de prince héritier du royaume. Voulant assurer son pouvoir et sa domination, le magicien Flagg empoisonne le roi Roland, fait injustement condamner et emprisonner Peter pour, ensuite, manipuler à sa guise Thomas, le cadet. La fin évoque de façon allusive le combat de Thomas et de Dennis, son majordome, contre Flagg ; les lecteurs assidus du romancier se souviendront qu’on retrouve ces personnages dans les romans pour adultes, La tour sombre ou Le Fléau.
Il s’agit donc d’un conte, comportant toutes les caractéristiques du genre ; les deux frères déjà orphelins de mère, la reine  Sasha étant morte en couches, se retrouvent seuls après l’assassinat de leur père dont l’ainé est immédiatement accusé ; les personnages sont relativement stéréotypés, voire manichéens : Peter est un garçon pur et valeureux, qui pourra compter le moment venu sur ses amis Ben Staad, Naomi Reechul et Dennis, prêts à souffrir et à donner leur vie pour l’aider ; Flagg, qui revient de façon cyclique sur terre pour y semer le chaos, incarne le mal absolu ; certains changent de camp lorsqu’ils découvrent qu’on les a délibérément trompés et manipulés, tel le juge Peyna connu pour son intransigeance mise au service de la loi qui, sur la foi des preuves accumulées contre Peter, l’a condamné à moisir dans la tour de l’Aiguille depuis cinq ans.  Quant à Thomas, élevé dans l’ombre de son frère, devenu la marionnette de Flagg, rongé de culpabilité, il suscite la compassion du lecteur qui apprécie sa décision de partir à la poursuite du magicien. Le narrateur intervient à de nombreuses reprises, pour interpeller le lecteur, susciter sa curiosité, anticiper ou moraliser, conférant ainsi à ce récit initiatique des marques d’oralité.

Cité 19 : Ville noire (Tome 1) et Zone blanche (Tome 2) de Stéphane Michaka, PKJ., Pocket Jeunesse, 2015 et 2016

Faustine ne croit pas un instant au suicide de son père, Louis Treussart, le gardien chef du musée d’Orsay, avec lequel elle vit seule depuis la disparition subite douze ans auparavant de Sylvia Sutton, sa mère. Elle se lance dans une enquête personnelle : après avoir agressé un policier qui la harcèle, s’être disputée avec ses amis Vikram et Morgane, elle se réfugie dans le métro où elle aperçoit un homme mystérieux, déjà repéré, qu’elle soupçonne de faire partie d’une secte, les Illuministes, ayant  peut-être enlevé son père ; soudain tout bascule … et elle se réveille au dix-neuvième siècle sous le second empire. La lycéenne de seize ans un peu timide n’est pourtant guère dépaysée dans ce Paris vieux de cent cinquante ans, cette période ne présentant aucun secret pour elle, vu sa passion pour l’histoire. Elle fait la connaissance de plusieurs cousettes dont Manon pour laquelle elle se prend d’affection. Mais un tueur en série sévit dans les rues de Paris, tuant bestialement ses victimes. Faustine réussit à se faire embaucher comme reporter au Petit Journal  devenant Faustin par la même occasion, ce qui lui permettra de continuer à fouiner. Va-t-elle retrouver son père ? Réussir à faire capturer l’assassin ? Les mystérieux « Veilleurs » sont-ils amis ou ennemis ? Et qui est ce Zapruder qui semble surveiller tout le monde ?
Ce roman en deux tomes, à la croisée de nombreux genres (policier, historique et anticipation), mène le lecteur par le bout du nez jusqu’au milieu de la première partie du tome un, opérant un renversement saisissant dont après coup on se remémore quelques indices. Ensuite, les lieux, époques, personnages et points de vue alterneront ; bien que le lecteur en sache parfois davantage que l’héroïne, certaines surprises lui seront encore réservées jusqu’à la fin, même si, échaudé, il devient plus vigilant et anticipe certaines révélations. La fin, très ouverte, permet de penser que l’on pourrait retrouver Faustine … ailleurs !
Une intrigue originale, sans temps mort où l’imaginaire est roi, une héroïne intelligente, de plus en plus déterminée et n’ayant pas froid aux yeux, de multiples rebondissements, faux-semblants et manipulations font de ce récit, dont le style s’apparente volontairement à celui du roman feuilleton, une lecture agréable que l’on pourrait facilement intégrer dans un réseau « Fille ou garçon ? » vu les métamorphoses de Faustine, ou mieux encore, dans celui intitulé « Rêve ou cauchemar ? ». Précisons enfin que Cité 19 a préalablement fait l’objet en 2012 d’un feuilleton radiophonique en cinq épisodes.

Les effets du hasard de Marie Leymarie, Syros, 2016

Maïa vit dans une société très proche de la nôtre, à la différence près qu’elle a été choisie sur catalogue afin de correspondre le mieux possible au rêve de ses parents ayant recouru pour eux-mêmes à une agence qui les a déclarés compatibles à 98 % … Jusqu’à présent, l’adolescente de quinze ne remettait pas vraiment en question cette société, adepte de la procréation artificielle mais qui méprise cependant les donneurs qu’elle rémunère pour sélectionner ensuite les embryons de futurs enfants vendus très cher ; Maïa se rend compte que si elle a les yeux noisette et un QI de 117, c’est parce que les yeux bleus ou verts ainsi que les QI plus élevés sont hors de prix. Elle craint de ne pas donner satisfaction à ses parents, telle son amie Lily qui, malgré un QI de 128, n’est pas heureuse : sa mère la trouve trop grosse et elle déçoit son père, qui travaille dans les laboratoires de l’entreprise « Best Children Ever ». Son malaise s’accroit quand elle découvre que ses parents ont commandé un garçon déjà prénommé Tom ayant QI de 132. Et ce, d’autant plus qu’elle commence à ressentir une émotion nouvelle : elle a rencontré Anthony dont elle est tombée amoureuse. Ses parents lui proposent donc de prendre le remède incontournable de cette « maladie bénigne de l’adolescence » : des comprimés de Deluvio300.
Rédigé à la première personne par Maïa, ce court récit d’anticipation, que j’aurais aimé plus dense et plus approfondi, aborde la question fondamentale de l’amour sous toutes ses formes, les émotions et la souffrance qu’il peut engendrer ainsi que le désir de perfection, forcément illusoire. La vie comporte de multiples risques et surprises, bonnes ou mauvaises, c’est ce qui en fait le prix ! Maïa découvre, d’abord avec effroi et dégout, que certains enfants sont nés naturellement, portés par leur mère et qu’ils vivent avec leurs géniteurs, tels Anthony ou Melody ; ils n’ont pas la vie simple, car  davantage suivis et soumis à une obligation de résultats scolaires par exemple, quand ils ne sont pas ostracisés comme la jeune fille parce que sa mère, Chiara, est « donneuse » ; elle découvre également qu’on peut ne pas porter de bracelet électronique, rendu obligatoire par les assurances, et donc ne pas être pistée en permanence par sa famille ou les autorités ; ébranlée par sa rencontre avec les Idéalistes refusant une société qui, sans être totalitaire, cherche à tout contrôler notamment les émotions (cf. Le Passeur de Loïs Lowry), Maïa s’interroge et se révolte, doute de l’amour que lui portent ceux qui l’élèvent et cherche à rencontrer ses parents biologiques. Au terme d’un cheminement un peu trop rapide à mon gout, elle comprend puis fait comprendre aux siens que rendre un enfant heureux, c’est l’accepter tel qu’il est, que la génétique ne peut pas tout (cf. Bienvenue à Gattaca, le film d’A. Niccol) loin s’en faut, que chaque être sera toujours unique et non programmable.

Nouveautés en matière d’édition et de collections

Parutions au format poche de titres déjà évoqués (ou pas, d’ailleurs…) ainsi que des rééditions comportant des modifications

Reem, Leila, Adama … tous Français d’ailleurs. Six histoires d’immigration pour comprendre les débats d’aujourd’hui de Valentine Goby et Ronan Badel, Casterman, 2016

Il s’agit de la réunion de cinq ouvrages déjà parus, plus un inédit qui présente l’histoire de Reem, jeune réfugiée syrienne. J’ai déjà eu l’occasion de présenter, sous forme unitaire, celle d’Adama (Mali 1988) et de Lyuba (Roumanie 2010). On y trouvera en outre celle d’Antonio (Espagne 1936), de Leila (Algérie 1962) et de Thién An (Vietnam 1975). Lectures faciles, essentielles pour aborder le sujet avec les plus jeunes. Pour chaque opus vendu, un euro est reversé au « Réseau Education Sans Frontières » (RESF).

Alice au pays des Merveilles de Lewis Carroll, traduit par H. Parisot, illustré par C. Gastaut, Castor Poche, Flammarion Jeunesse, 2016

Texte intégral d’un classique recommandé au cycle 3.

La Passe-Miroir : les Fiancés de l’hiver de Christelle Dabos, Pôle fiction, Gallimard Jeunesse, 2016. Publié simultanément en Folio

Parution au format poche du tome 1 d’une trilogie dont le deuxième, Les disparus du Clairdelune  est déjà sorti en grand format. Unanimement salué par la critique, ce roman initiatique se déroulant dans un univers d’héroïc fantasy, met en scène le destin d’Ophélie, dont l’apparence peu attirante dissimule certains dons : lire le passé des objets ou traverser les miroirs par exemple. Elle vit sur l’arche d’Anima où règnent magie et absence de hiérarchie ; elle ne peut cependant pas se dérober à la décision des Doyennes : il lui faut partir pour la citacielle, capitale flottante (cf. la couverture du livre) du Pôle, pour épouser Thorn, le surintendant du seigneur Farouk. Débute alors pour cette anti-héroïne nombre d’aventures plus époustouflantes les unes que les autres. Ce récit d’apprentissage débordant d’imagination a remporté le prix du premier roman Gallimard Jeunesse, RTL et Télérama en 2013 ainsi que plusieurs autres prix.
Je signale au passage que cette année, pour sa deuxième édition, le prix a été remporté par :

Les mystères de Larispem : le sang jamais n’oublie de Lucie Pierrat-Pajot, Gallimard Jeunesse, 2016

Autre auteure, autre monde, « rétro-futuriste » cette fois : en 1899,  Paris, baptisé Larispem, est devenu une Cité-Etat indépendante où les bouchers forment une caste importante depuis que leur ruse et leur courage ont  permis à la Commune de triompher des aristocrates en 1871 ! Carmine l’apprentie louchébem (comprenez « bouchère » en argot de cette corporation), son amie Liberté, mécanicienne, et Nathanaël, orphelin, vont être impliqués dans une aventure qui va les confronter  au pouvoir occulte du sang mis au service de la vengeance.
Un ouvrage original, mi-uchronie, mi-steampunk, sur lequel je reviendrai sans doute prochainement.

Multiversum 3 : Utopia de Léonardo Patriganni, traduit de l’italien par F. Fiore, Pôle fiction, Gallimard jeunesse, 2016 (Tome 1 : Multiversum, tome 2 : Memoria)

Cette trilogie dystopique est donc à présent disponible en poche. Jenny, Alex et Marco effectuent un voyage spatio-temporel dans des univers parallèles en quête de vérité et d’identité.

À noter : l’auteur vient de publier un nouveau roman chez le même éditeur, dans la collection Scripto : Là-bas (traduit de l’italien par N. Nédélec-Courtès). Depuis l’assassinat de sa mère, un an plus tôt, Veronica, effondrée, se débrouille seule comme elle peut et se met à vivre des expériences extrasensorielles.

L’Amour en chaussettes, Gudule, Romans, 2016

Excellente nouvelle : Thierry Magnier réédite sous un nouveau format et une nouvelle couverture ce roman  présenté dans la chronique du n° 46 de Recherches, consacrée au journal intime.

Black Friday de Robert Muchamore, traduit de l’anglais par A. Pinchot, Casterman, 2016

La quinzième aventure de Cherub au format poche : attaque terroriste sur le territoire américain et démantèlement du clan Aramov au programme. De plus, les éditions Casterman publient également Les dossiers secrets de Cherub (cf. rubrique « Enfants espions »).

Je signale enfin que l’auteur s’est lancé dans la rédaction d’une nouvelle série située dans un univers très différent : celui de la musique. Rock War (traduit par A. Pinchot, Casterman, 2016) met en scène deux adolescents, Dylan et Jay ainsi qu’une jeune fille, Summer, que l’on suit tour à tour. Issus de milieux très différents, éprouvés chacun à leur manière par la vie, ils ne se connaissent pas mais partagent une même passion pour la musique ou le chant. C’est une émission de téléréalité musicale qui va les réunir, mais ce sera pour le prochain tome !
Après avoir pris le temps de présenter les différents personnages principaux – et secondaires d’ailleurs – dans leur quotidien, l’auteur accélère progressivement le rythme pour terminer en feu d’artifice. Le lecteur s’attache aux personnages, des adolescents d’aujourd’hui, encore très jeunes, mais déjà habités par des rêves ambitieux. Atmosphère parfois déjantée mais roborative ! Une couverture flashy comme vous pourrez le constater …

Des nouvelles de réseaux déjà présentés

Anorexie

Le complexe du papillon d’Annelise Heurtier, Casterman, 2016

Agée de 14 ans, Mathilde Fournier se persuade brutalement qu’elle n’est pas jolie, qu’elle est grosse et qu’il lui reste beaucoup de chemin à parcourir avant de devenir papillon … Pourtant sportive, elle se trouve affreuse et ne voit que ses grosses cuisses, désespérée lorsqu’elle se trouve boudinée dans une belle robe bleue qu’elle voudrait porter pour le mariage de Prune, la sœur de Louison, sa meilleure amie. Stimulée par la métamorphose spectaculaire de Cézanne, une camarade de classe moquée deux ans plus tôt, qui ressemble à présent au mannequin Cara Delevingne, Mathilde se soumet à un régime draconien, basculant en quelques mois dans l’anorexie mentale.
Bien que très court, le récit rend compte de façon dense, concise, voire poétique, du cheminement d’une adolescente qui, pour de multiples raisons dont aucune n’est privilégiée, cherche à maitriser son corps à défaut du reste de sa vie et en ressent de la toute-puissance. Bouleversée par la mort prématurée de sa grand-mère maternelle, peu encouragée à communiquer avec sa mère, très pudique et surtout convaincue que Jim, objet de son désir, ne fera jamais attention à elle, Mathilde se réfugie dans la maladie sans le reconnaitre. Elle se fâche avec Louison et se coupe des autres, nie la réalité, utilisant les stratagèmes habituels pour s’affamer et éviter les questions embarrassantes. Jusqu’au jour où son corps et son amie la trahissent… Cela permettra à la mère et à la fille de se parler enfin à cœur ouvert, pour l’une d’exprimer enfin ses sentiments, pour l’autre de comprendre que ses parents l’aiment et la soutiennent. Mathilde admet enfin qu’elle doit se soigner et guérir.

Enfant-espion

L’embuscade (Bodyguard, tome 3) de Chris Bradford, traduit de l’anglais par Chloé Petit. Casterman, 2016

Bien qu’il ait promis à sa grand-mère de ne plus prendre de risques, Connor Reeves doit remplacer au pied levé son camarade Marc, opéré d’urgence ; il part donc au Burundi pour une courte mission baptisée « Cœur de Lion », consistant à protéger les deux enfants de Laurent Barbier, un diplomate français. En effet, Ambre, 16 ans, et Henri, 8 ans, vont participer, avec leurs parents et les plus grands dignitaires du pays, à un safari organisé dans le tout nouveau parc national de la Ruvubu que la France a contribué à financer.  Mais évidemment, ce qui s’annonçait comme une mission courte et plutôt attrayante, se transforme rapidement en stage de survie pour les trois adolescents, confrontés à un coup d’état fomenté par un rebelle aguerri. Le général Pascal, surnommé le Mamba noir en raison de sa cruauté, est à la tête d’une armée sanguinaire composée, entre autres, d’enfants soldats embrigadés et conditionnés à tuer. Parmi eux, se trouve « Sans-Merci » qui a oublié jusqu’à son nom ! Livrés à eux-mêmes dans un environnement hostile, traqués par les rebelles, confrontés à des braconniers ou menacés par des animaux sauvages, les adolescents passent leur temps à fuir le danger, heureusement aidés par la petite Zuzu qui connait bien les lieux ; mais peuvent-ils lui faire confiance ? Et Gunner, le ranger qu’ils finissent par retrouver, est-il vraiment de leur côté ? Lequel de ses ministres a trahi le président Bagaza ?
Comme dans les épisodes précédents, le lecteur, à l’instar des personnages, ne connait aucun répit et vit au gré des rebondissements et coups de théâtre. Le récit met bien en valeur la complexité de la situation instable de cette partie de l’Afrique ainsi que le poids d’une corruption généralisée, y compris de la part de personnes que l’on n’aurait pas soupçonnées a priori. Le problème des enfants-soldats m’a semblé particulièrement prégnant et ce troisième opus s’ancre davantage que les précédents dans une réalité contemporaine douloureuse. Connor est de nouveau confronté à l’organisation occulte Equilibrium en la personne de son exécuteur des basses œuvres, M. Grey, dont l’attitude est plus ambigüe que jamais à son égard … Le jeune homme, une nouvelle fois en butte aux avances d’une jeune fille qu’il a protégée et défendue, prend enfin conscience des sentiments éprouvés pour son amie Charley, qui s’apprête à lui raconter pourquoi et comment elle s’est retrouvée en fauteuil roulant. On attend donc impatiemment le quatrième épisode !

Dossiers secrets de Robert Muchamore, traduit de l’anglais et adapté par A. Pinchot, Casterman, 2016

Les agents recrutés par Cherub ont beau posséder de multiples qualités, ils n’en restent pas moins (raisons pour lesquelles on les emploie d’ailleurs …) des adolescents, voire des enfants, facétieux, désobéissants, prêts à commettre les pires bêtises ; on en a déjà eu un aperçu à travers leurs multiples aventures et leur vie au campus. Mais cette fois-ci, l’auteur nous livre les dossiers confidentiels de Zara Asker, la directrice de Cherub. Cette dernière a notamment saisi une publication clandestine, Cherub News (« Faites-moi circuler, mais ne vous faites pas pincer ! » proclame d’emblée la feuille de chou …) dans laquelle, entre autres, les jeunes agents réalisent des interviews et font allusion à leurs missions, leur vie privée ou à des activités illicites menées sur le campus, ce que la direction ne peut tolérer ! Zara envoie donc à ses collaborateurs une série d’extraits sélectionnés parmi les douze éditions connues de ses services, en leur demandant de mettre fin à cette publication. C’est ainsi l’occasion de régaler les fans de récits inédits : première mission de Kerry ou des jumeaux Connor et Callum, conflit  « fratricide » chez les T-shirts rouges ; la deuxième partie du livre contient de nombreuses révélations concernant James, à travers les rapports de fin de mission rédigés sur son compte : analyse de sa personnalité en lien avec l’absence de figure paternelle et, plus audacieux, trois hypothèses sur son devenir.

Un ouvrage soigné qui réjouira les amateurs de la série ainsi que ceux qui apprécient les fac-similés pleins d’humour (Cherub News) ou plus sérieux (courriel ou rapports de Zara Asker).

Rêve ou cauchemar ?

La vie rêvée d’Eve : le choix d’Anna Carey, traduit de l’anglais (États-Unis) par H. Zilberait, Pocket jeunesse, PKJ, 2016

Suite des aventures d’Eve présentées dans le numéro 63. Bien qu’elle ait dû quitter Caleb, blessé, puisque seules les femmes peuvent vivre à Califia, Eve se sent enfin en sécurité et heureuse de retrouver son amie Arden qui a réussi à l’y rejoindre. Mais ce répit sera de courte durée. Elles doivent fuir de nouveau et sont capturées par les soldats du roi. Arden est reconduite à l’école tandis qu’Eve est emmenée à la Cité des Sables où elle découvre ses origines. Mais la gloire ou le mariage forcé avec l’architecte du roi, Charles Harris, n’intéressent pas celle qu’on nomme désormais « princesse Geneviève » : seul Caleb, recherché pour meurtre (celui des deux soldats qu’elle a tués) compte à ses yeux.
Ce deuxième tome se passe essentiellement dans la Cité des sables où le roi met en place La Nouvelle Amérique au prix de nombreux sacrifices et dérapages. Le souverain-dictateur, qui a tout mis en œuvre pour retrouver sa fille naturelle, cherche à amadouer celle-ci : même si Eve constate qu’il peut se montrer sincère et doux parfois, elle fait malheureusement l’expérience de sa détermination face à la résistance qu’il combat sans pitié. Espérant toujours sauver ses amies contraintes de devenir des reproductrices malgré elles, et prête à se sacrifier pour sauver Caleb, la jeune fille, enfin au clair sur ses sentiments, prend des décisions douloureuses et doit finalement s’en remettre au grand chef de la résistance, Moss.
Rebondissements, complots, alliances et trahisons au programme en attendant la suite des événements dans le tome suivant.