Tous les articles par Marie-Michèle Cauterman

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – 2023

DOCUMENTAIRES

Histoires d’amour, Françoise Davisse, Carl Aderhold, Cécile Jugla/Gwladys Morey, Nathan, 2021.

Prolongeant la série documentaire télévisée « Il était une fois l’amour à la française », réalisée dans le cadre d’ Histoire d’une nation, cet ouvrage traite de toutes les grandes questions liées au sujet, même les plus intimes ou les plus délicates voire taboues. Reprenant la même maquette que l’ouvrage précédent (voir Coups de cœur Hiver-2019-2020), les auteurs abordent les problématiques liées à l’amour en courts chapitres (« La femme une petite chose fragile ? », « Aimer qui on veut, comme on veut ? », « Le sexe, ça s’apprend ? », « Un enfant si je veux, quand je veux ? »…), tout d’abord resitués dans une perspective historique, du XIXe siècle à nos jours ; viennent ensuite les témoignages de personnes extrêmement diverses, de toutes générations, inconnues ou célèbres, illustrés de photos et de dessins humoristiques très colorés. On lira avec intérêt la chronologie de l’amour en France (1791-2020), proposée en fin d’ouvrage, qui fera découvrir aux lecteurs les plus jeunes, les retours en arrière fulgurants en matière de lois sur l’homosexualité ou le divorce par exemple.

Dys et célèbres, Guillemette Faure et Mikankey, Casterman, 2022.

Sous-titré « Comment la dyslexie peut rendre plus fort, 24 personnalités inspirantes », voilà un ouvrage qui devrait mettre du baume au cœur de nombreux dyslexiques et de leurs parents. En dressant le portrait de 24 « dys » devenus célèbres (artistes, politiques, sportifs, scientifiques, cuisiniers…), l’auteure se donne pour mission de rassurer tous ceux qui sont concernés en décrivant le parcours, certes difficile, de ces personnalités connues du grand public. La plupart insiste sur les stratégies de contournement déployées, les astuces mises en œuvre, certain·e·s n’ayant découvert leur dyslexie que tardivement. À noter cependant que tous ont eu la chance de croiser des adultes bienveillants, compréhensifs, aidants. Autrement dit, l’ouvrage permettra autant de rassurer les « dys » en tous genres que d’inciter leurs proches et leurs éducateurs à les encourager, à les stimuler. Préfacée avec beaucoup d’humour par Thomas Legrand, journaliste et éditorialiste sur France Inter, directement concerné, cette galerie de portraits invite les « dys » à développer leur créativité et à prendre des chemins de traverse, afin de ne pas rester bloqués face à leurs rêves. Chaque double page consacrée à un·e « dys » célèbre est agrémentée de dessins amusants et colorés. Ressources en fin d’ouvrage.

Je profite de cette présentation pour mentionner La Vraie Vie de l’école, Pauline Alphen, illustré par Joanna Wiejak, paru chez Nathan en 2018, dont j’espérais la parution en poche.
La couverture, erreurs orthographiques en prime, annonce la couleur : le sujet, même grave, sera traité avec humour ! La *vrê *vi, c’est celle qui se passe à la récré, évidemment… Ambre Lefort, 9 ans, dyslexique, se bat avec les lettres et les mots. Inscrite en CM1 dans une nouvelle école censée lui apporter de l’aide après une scolarité chaotique, elle tombe de Charybde en Scylla : l’institutrice, Madame Dutron-Rifot ne la soutient pas, au contraire, et elle retrouve Morgane Lapail dite Lapeste, sa pire ennemie ! Ambre entame une correspondance électronique (voir réseau lettres) avec son frère ainé, Arthur, qui l’encourage à raconter son présent et son passé, en utilisant les mots qui lui viennent (« névralgique » pour « nostalgique », « perfusion » pour « profusion », « déglinguer » pour « dénigrer »…), car la langue « ambrienne » ne manque ni d’imagination ni de poésie ! L’année d’Ambre ne sera pas de tout repos, malgré tous ses efforts, mais elle tient le coup grâce à son frère, à son papi, son chat Aladin, sa copine Loulou et Balthazar Sorel, rejeté comme elle, en raison de sa précocité et de son désintérêt pour le foot. Un récit original, plein de fantaisie et d’humour, qui joue avec les mots tout en exposant les difficultés liées à la dyslexie, illustré de façon rigolote. La fin se veut optimiste : Ambre a retrouvé confiance en elle, pris du recul et surtout, en CM2, elle retourne dans son ancienne école avec une maitresse merveilleuse, Mathilde Muss, qui évalue les dictées différemment et fait rédiger des textes libres !

Les Mondes Roms, Olivier Peyroux/Marie Mignot, Gallimard Jeunesse, 2022.

Après avoir balayé sur plusieurs siècles l’histoire des Roms, heureuse ou tragique, l’auteur aborde ce qui constitue leur identité et leur culture à travers les moments forts de leur vie. Autant de révélations pour la plupart des lecteurs qui découvriront à quel point leurs connaissances sont éloignées de la vérité. Saluons donc la parution de ce documentaire qui vient combler l’absence d’ouvrage sur des populations aussi diverses (d’où le titre) que méconnues et ostracisées. L’auteur, sociologue devenu spécialiste du sujet et connaissant bien le terrain, réussit à déconstruire tous les clichés et stéréotypes dont sont victimes ceux qui durant les derniers siècles sont devenus des boucs émissaires. Les illustrations abondantes, justes et colorées, soutiennent et renforcent un propos humaniste s’adressant aussi bien aux enfants qu’aux adultes, les invitant à une authentique rencontre avec les Roms. Pour aller plus loin : quelques ressources en fin d’ouvrage.

 

FICTIONS

Les écrans, c’est pour les grands ! Flore Brunelet et Brunelet, « Les années crèche », Père Castor, Flammarion, 2022.

Le petit narrateur voudrait bien regarder la télévision, jouer avec la tablette ou le téléphone qui le fascinent. Il ne comprend pas pourquoi ses parents les utilisent sans arrêt mais lui en interdisent l’accès. Le docteur lui explique alors comment grandir et rester en bonne santé : « bien dormir et bien manger » mais surtout « jouer, courir, imaginer », toutes choses « que les écrans ne peuvent remplacer ». Il faut croire que le médecin s’est montré très convaincant puisque, ensuite, les parents sont sommés de jouer avec leur fiston qui a caché tous les écrans ! Petit album aux illustrations douces et rigolotes valorisant la règle des 3-6-9-12, proposée par Serge Tisseron, concernant l’usage progressif des écrans à partir de trois ans. Flore Brunelet enfonce le clou en s’adressant aux parents en fin d’ouvrage.
Cette collection, conçue à quatre mains par une fille psychologue et sa mère, illustratrice, conviendra également aux classes de maternelles, voire élémentaires. Elle comporte déjà huit titres abordant, entre autres, le sommeil, l’alimentation ou les relations avec la fratrie…

L’Étranger, Chris Van Allsburg, traduit par Christiane Duchesne, D’eux, 2022.

Écrit en 1986, cet album était resté inédit en France ; on saura donc gré à cette maison québécoise de nous l’avoir rendu accessible, tant on prend plaisir à retrouver l’univers onirique de l’auteur-illustrateur. Recueilli par la famille du fermier Bailey, un homme mystérieux semble amnésique, mais s’intègre parfaitement, aide la famille et se montre sensible aux animaux et à la nature qu’il semble influencer par sa présence. Néanmoins, le héros de cette histoire poétique restera à jamais un étranger, tant pour ses hôtes que pour le lecteur. Il repart en effet aussi mystérieusement qu’il était arrivé, non sans avoir contribué à modifier subtilement, de façon cyclique, le paysage et le climat alentour. Magnifiquement illustrée par des pastels lumineux, cette fable (météorologique ?) suscitera sans doute de multiples interprétations.

Monstres, Stéphane Servant et Nicolas Zouliamis, Thierry Magnier, 2023.

Le monstre n’est pas toujours celui que l’on croit… Ceux qui ont lu Safari de Yak rivais, Des goûts et des couleurs de Jacqueline Osterath, Personne déplacée de Michel Perrin, Les monstres de Robert Scheckley ou Niourk de Stefan Wül le savent bien : tout est affaire de point de vue, et quand on inverse celui-ci, l’humain, celui qui nous ressemble, devient un monstre au sens propre aux yeux d’autres êtres vivants ! C’est le cas dans ce magnifique roman illustré de dessins en noir et blanc qui évoquent, pour certains d’entre eux, ceux de Chris Van Allsburg. Un cirque ambulant arrive un jour dans le village isolé du jeune narrateur. Les habitants sont invités à venir assister au spectacle dont le clou est une bête terrifiante, « le survivant d’un peuple primitif », le monstre d’Érêves, qui n’est autre… qu’un enfant humain face à un public de monstres (vivant la nuit et dormant le jour) ! Otto, qui se sent différent de Max et de sa bande, car il est plus doux, plus sensible à la beauté, moins « monstrueux » avec sa tête de chat, se lie d’amitié avec Otto (son double ?) dont l’histoire (un déménagement, les disputes parentales, une fugue, un naufrage, la capture…) n’est racontée qu’en images et à travers les chants qu’il fredonne. Il faudra sans nul doute plusieurs lectures pour saisir toutes les allusions du texte et surtout des images. Un très bel objet livre donnant lieu à de multiples interprétations et qui ravive en nous le souvenir de Max et les Maximonstres de Maurice Sendak.

 Vous retiendrez mon nom, Fanny Abadie, Syros, 2022.

Une belle jeune fille de 17 ans, que tous admirent dans la cité, est agressée puis tuée. C’est Karim, un lycéen kabyle de sa classe, qui découvre le corps de Zineb, sœur de son ami Hamza. Profondément perturbé, il l’est davantage encore quand son ami Sublime, jeune migrant mineur isolé, disparait après lui avoir laissé ce qui pourrait être considéré comme une preuve de son implication dans le meurtre. Convaincu que Sublime est innocent, Karim n’a plus désormais qu’une idée en tête : découvrir qui a tué Zineb et surtout pour quelle raison. Nous suivons donc pas à pas l’enquête du narrateur, lequel évolue au fil de ses découvertes, en comprenant notamment que les personnes de son entourage sont différentes de ce qu’il en connait, qu’elles ont des secrets, des rêves, voire une vie parallèle dont il ignorait tout ! Sous ses apparences de jeune fille modèle, dont le mariage était déjà arrangé, Zineb avait commencé à s’émanciper, sans que ses frères ainés, Icham et Rayan, ni Malika sa mère, n’en sachent rien ; ses amies Joyce (l’ex de Karim) et Khedima mentent tant et plus, ne méritant sans doute pas le qualificatif de « meilleures amies » ; Hamza ne parle que de vengeance et se procure un pistolet auprès de Momo le caïd du quartier ; la nouvelle commissaire Mesronces ne ressemble pas aux flics peu empathiques qu’il connait et dont il se tient à distance. Même son père, ainsi que sa mère qui a quitté la maison sans crier gare, lui apparaitront sous un jour nouveau… Bref, Karim va devoir réviser ses jugements et faire des choix. L’auteur connait bien le monde des adolescents avec lesquels elle travaille depuis 20 ans, ce qui donne une authenticité certaine aux personnages qu’elle met en scène, tant dans leurs comportements que dans leur langage, très familier et argotique. Cependant, Karim, réputé intelligent, est capable d’adapter son registre, si bien que sa narration, même si elle est émaillée de quelques familiarités ou traces d’oralité, reste assez soutenue dans l’ensemble. Quant aux textes que Zineb slame en secret, ils sont tout simplement magnifiques… Il s’agit donc d’un polar plutôt bien mené, se passant dans un quartier populaire de cité, prompt à l’embrasement, où tous se connaissent, s’épient et obéissent à des codes ; où règnent les trafics et le racisme, mais également la solidarité face au deuil, comme en témoignent la chaleur dont ses voisines entourent Malika, la manifestation organisée par Hamza ou le recueillement de tous lors de l’enterrement de Zineb. Un lieu également où des adultes se dépensent sans compter auprès des jeunes, telle madame Breteau, la professeure de français qui encourage et soutient Zineb ou l’ancien boxeur devenu coach, Driss, ayant pris Sublime sous son aile et poussant Karim à se monter ambitieux en intégrant le Pôle France de boxe. La fin pourra laisser perplexe tant elle est ouverte : grâce notamment à Bouli, le plus jeune frère de Zineb, Karim détient enfin la vérité et des preuves, mais ignore ce qu’il va en faire !

Amour(s), Tess Alexandre/Camille Deschiens, Les Éditions des Éléphants, 2022.

Ce recueil de treize nouvelles pourrait être le pendant fictif du documentaire Histoires d’amour, présenté plus haut. Remarquablement complétés par des illustrations douces réalisées aux crayons de couleur, ces textes courts mais vibrants, mettent en scène des filles et des garçons confrontés aux premières amours, pas toujours celles attendues par eux-mêmes, leur entourage ou la société, ce qui génère interrogations, mal-être ou rejet. Comment accepter et faire accepter, sans être jugé ni harcelé, qu’on aime quelqu’un du même sexe (Imane, Rebecca, Marco, Solal), voire les deux (Thélio) ? Comment gérer une certaine a-sexualité (Cléo), le fait d’être déçue par sa première fois (Nine), de ressentir une jalousie exacerbée (Safia), de vouloir un enfant seule (Maïa), d’être amoureuse « d’un petit bourge blanc » (Fatia), de rencontrer enfin celle qu’on a connue virtuellement (Joshua) ? Comment prendre le risque d’avouer à celle qu’on aime qu’on est né fille mais qu’on se vit garçon (Jo) ? Chaque nouvelle porte le titre du personnage qui s’interroge, souffre, évolue, prend des décisions, sauf deux qui concernent des proches : « Lisa », qui aime Thélio qui aime aussi Léon et « Gaël », père qui réagit mal à l’annonce de la bisexualité de son fils (Thélio). La diversité des situations évoquées devrait permettre aux adolescents de se rassurer quant à leurs questionnements, de s’identifier ou de mettre des mots sur ce qu’ils ressentent confusément ou n’osent s’avouer. L’entourage (parents, camarades) réagit parfois vivement, manifestant son incompréhension voire sa désapprobation, mais également son soutien ; les ami·e·s sont à l’écoute (Juliane pour Nine, Nour pour Safia, Marco pour Solal) et finalement chacun·e dépasse les affres et assume ses désirs. Un ouvrage inclusif et optimiste donc, à conseiller aux collégiens les plus âgés et aux lycéens.

Scarlett et Novak, Alain Damasio, Rageot, 2021.

Connu notamment pour ses dystopies politiques, l’auteur s’adresse pour la première fois aux adolescents à travers ce court récit d’une cinquantaine de pages, destiné à illustrer les conséquences de l’utilisation constante et unique du « brightphone », équivalent futuriste de nos smartphones actuels. Novak est un jeune homme complètement inféodé à Scarlett[1], IA qui l’assiste en tout ! Sauf qu’elle ne réussira pas à empêcher l’agression de Novak ni le vol du précieux appareil, ce qui laisse son propriétaire totalement démuni, incapable de s’orienter ou de communiquer avec sa concierge croate avec laquelle il a toujours parlé via Gapple Translate ! Une fois sorti d’affaire, il a retenu la leçon et regarde autour de lui plutôt que son écran. Après cet épilogue dont on espère qu’il fera école, l’auteur a rédigé un très beau texte slamé intitulé « Une vie passée à caresser une vitre » qui interpelle l’utilisateur piégé dans de multiples paradoxes. Situé dans un futur peut-être pas si lointain, cette nouvelle et l’apostrophe finale semblent idéales pour lancer des débats (sans doute très vifs !) avec les élèves.

[1] Ceux qui l’ont vu penseront bien sûr au film Her de Spike Jonze, (2013) dans lequel Scarlett Johansson prête sa voix à l’IA Samantha dont l’écrivain Théodore tombe amoureux.

Nouveautés en matière d’éditions et de collections

CHATTYCAT

Créée en 2016, cette maison d’édition, découverte à l’occasion de la lecture du roman présenté ci-dessous, propose des fictions pleines d’aventures, parfois avec des personnages récurrents, dont la particularité est de passer naturellement du français à l’anglais, à l’instar de la collection « Tip Tongue » chez Syros par exemple. Classées par catégorie d’âge (3-6, 6-8, 8-10 et 10 +), les histoires visent également une découverte culturelle et historique du monde anglophone. Certains ouvrages sont complétés par des jeux, activités, chronologies historiques, carnets de voyage, voire une version audio…

L’Énigme Chad Cooper, Marc Victor, 2022.

Destinée aux lecteurs plus âgés (collégiens, niveau A1, anglais débutant), voici un roman d’espionnage enlevé, non dénué d’humour, narré par Gabrielle, l’une des protagonistes, cinq ans après les faits. Lors d’un concours d’anglais à Paris, la collégienne bretonne fait la connaissance d’Augustin Pliche, Parisien, et de Gaspard Fleury, Toulousain, qui se révéleront être deux frères jumeaux américains, adoptés par deux familles différentes à l’âge de cinq ans ! À l’initiative d’Augustin, bien décidé à retrouver leurs parents biologiques qui n’ont apparemment jamais cherché à les retrouver, les trois amis vont se lancer dans une aventure hors norme pleine de rebondissements et de dangers ; de Toronto à Washington, poursuivis à la fois par la mafia italienne et des agents de la CIA, il leur faudra beaucoup de mensonges, d’astuce, de solidarité et de chance pour parvenir à leurs fins tout en scellant une amitié (voire davantage pour Gabrielle et Gaspard…) à toute épreuve. Bien que la langue française domine, il faudra quand même un niveau minimal pour comprendre les répliques anglaises (non traduites), sans que le sens général de cette aventure trépidante n’en souffre pour autant. En revanche, le début de l’intrigue, comme l’indique Gabrielle elle-même, pourra sembler complexe à certains lecteurs en raison d’une chronologie bouleversée.

GALLIMARD JEUNESSE GIBOULÉES

Anne Sibran et Émilie Angebault mettent en scène Magda, une petite taupe, dans une nouvelle série d’albums qui comporte deux titres pour l’instant : Magda, le petit monde de la mare et Magda au grand jour, 2022. Ces deux fictions, bien documentées, célèbrent la poésie de la nature et la beauté du monde à travers l’interaction utile et nécessaire de deux mondes, celui d’en bas et celui d’en haut. Jolis dessins très précis, foisonnants de détails justes et rigolos, envahissant une double page qui se replie, à la fin. De quoi changer la vision des taupes et des animaux du monde souterrain !

 

PÈRE CASTOR/FLAMMARION JEUNESSE

« Les Petites Lumières » est une nouvelle collection d’albums (2022) imaginés par Chiara Pastorini et illustrés par Annick Masson. Ces fictions abordent les grandes questions « philosophiques » que les petits se posent très naturellement dès l’âge de 3-4 ans. Marcello en est le héros récurrent. Agé de 5 ans, il « habite une grande maison avec sa maman, Pablo et Michette, son lapin aux oreilles toutes douces ». Dans Le Goût de la vie, le petit garçon, pourtant caractérisé par sa joie de vivre, s’effraie soudain à l’idée qu’un jour, sa mère ne soit plus là ; son angoisse subsiste, tout devient gris autour de lui et il finit par nommer sa peur qu’un jour sa mère ne meure. Celle-ci ne nie pas cette évidence mais trouve les mots qui apaisent son petit garçon en évoquant les métamorphoses des arbres qui perdent leurs feuilles pour mieux les voir renaitre au printemps, sans compter qu’elle a encore du temps devant elle, que la vie se perpétue de génération en génération et que ceux qu’on aime restent à jamais dans notre cœur. Marcello sent enfin son nœud intérieur se défaire et retrouve son appétit ! Un deuxième titre, Léger comme un papillon traite de la vérité et du mensonge. Des albums aux illustrations fines et douces qui aideront les adultes à dialoguer avec les enfants.

Françoise Rachmuhl met la mythologie à la portée des élèves de l’école élémentaire grâce aux portraits de héros tels Antigone, Thésée, Héraclès, Démeter ou Ulysse. Moins de 100 pages, au format poche, à petit prix. 2022.

 

POCKET JEUNESSE

Liz et Grimm : imaginés par Christophe Guignement et Audrey Siourd, adaptés par Nicolas Chandemerle, il s’agit de contes revisités dont l’original est proposé en fin d’ouvrage. Deux titres au format papier, Le Petit Chaperon bleu et Stridouille, le Super Vilain Petit Canard, disponibles également en audio chez LIZZIE. Les titres suivants ne sont apparemment disponibles qu’en audio. Face aux problèmes rencontrés par Liz (utilisation d’internet, moqueries des camarades), Grimm, son chat, lui raconte la rencontre sur internet d’Adèle Chaperon avec LoulouFricoto, loin d’être celui qu’il prétend ou l’histoire de Stridouille qui rêvait de devenir chanteur malgré sa drôle de voix. Petits textes faciles pour aborder et tenter de dédramatiser les petits et grands tracas des jeunes.

Hélène Brisou-Pellen raconte « L’enfance des héros » dans une nouvelle collection du même titre : au programme pour commencer, Persée, Héraclès : pas simple d’être un héros ! 2022.

LA MARTINIÈRE JEUNESSE

Afin de renouveler ses anciennes collections « Hydrogène » et « Oxygène » devenues obsolètes, l’éditeur lance une nouvelle collection baptisée « Alt », à destination des 15-25 ans, sous forme d’essais engagés, courts mais percutants, rédigés par des spécialistes de la question problématisée. Il s’agit d’inviter les jeunes à une autre forme de lecture, à prendre le temps de la réflexion et du recul par rapport aux réseaux sociaux.

A-t-on le droit de changer d’avis ?, Blandine Rinkel ; Avorter, un droit en danger ?, Ghada Hatem ; S’informer, à quoi bon ?, Bruno Patino, 2023. Ce sont les trois premiers titres qui seront suivis d’une dizaine d’autres (écologie, féminisme…). Petit format, prix modique (3,50 euros), 30 pages.

Sans entrer dans le détail, je signale certains nouveaux titres de collections déjà présentées ou évoquées au sein d’autres chroniques.

Ainsi chez « Philophile Giboulées », Gallimard Jeunesse, 2022, Ai-je vraiment du mérite ? Aïda N’Diaye/Jochen Gerner, aborde les notions de méritocratie, transfuges, inégalités, égalité des chances, mobilité sociale. Mais qu’est-ce que tu imagines ? Aurélien Robert/Thibaut Rassat aborde celles dimaginaire, de réalité, de liberté, de création, d’écrans, de rêve, de désobéissance, de fiction, d’émotions, d’identification. Est-ce que tu sais ou est-ce que tu crois ? Camille Riquier/Quentin Duckit, traite quant à lui d’internet, de religion, de société et de science et Qu’est-ce qui fait mon genre ? Aïda N’Diaye/Léa Murawiec du corps humain, de l’identité, de philosophie, de sexualité, de société.

 

Chez « Mine de rien », Gallimard Jeunesse Giboulées, 2022, Catherine Dolto et Colline Faure-Poirée/Robin dans Qui commande ? et Interdits dans la famille continuent de mettre en mots et en images les interrogations et les émotions des enfants, afin de les rassurer et de les aider à grandir.

DES NOUVELLES DES RÉSEAUX DÉJÀ PRÉSENTÉS

EXILS ET MIGRATIONS

Kissou, Angèle Delaunois, illustrations de Jean-Claude Alphen, D’eux, 2020.

Dédié « à tous les petits qui ont dû abandonner leurs rêves en cours de route », ce petit album évoque avec une justesse remarquable la fuite d’Amina et de sa maman face à la guerre. Ne sachant pas où se trouve l’homme de la famille parti combattre, elles s’enfuient en laissant tout derrière elles, sans espoir de retour. Amina s’accroche à Kissou, son fidèle doudou. La petite fille va connaitre le parcours semé d’embûches et de vicissitudes vécu par tous les réfugiés. Pire, au moment où Amina est secourue en mer, elle perd Kissou, l’ami de toujours qui lui avait permis de tout surmonter. Grâce à un bénévole compatissant, le destin de l’ourson bleu sera de consoler, si possible, Naïm, un autre petit exilé handicapé, seul parmi des milliers de réfugiés. Remarquable de concision tant dans le texte que les illustrations, ce récit simple et émouvant, abordable dès la maternelle évoque, sans pathos, une tragique réalité, très actuelle.

Le Garçon au fond de la classe, Onjali Q. Rauf, traduit de l’anglais par Marie Leymarie, illustrations de Pippa Curnick, Folio Junior, 2022.

Parution récente en poche de ce très beau roman rédigé à la première personne par une narratrice empathique de 9 ans. Quand elle comprend qu’Ahmet ne parle pas, ne sourit pas et n’aime pas les bonbons parce qu’il a fui la guerre en Syrie, Alexa décide de l’aider en mettant ses amis Josie, Michael et Tom dans le coup. Séparé de ses parents et de sa petite sœur, morte au cours du trajet, Ahmet a été placé en famille d’accueil à Londres. Ses nouveaux amis vont se mobiliser pour le défendre contre le racisme ambiant et l’aider à retrouver ses parents, quitte à vivre des aventures rocambolesques. Une narration à hauteur d’enfant, naïve et sincère, un roman sensible et optimiste rempli d’humour, malgré la gravité des faits évoqués.

 

RÉÉDITIONS OU PARUTIONS AU FORMAT DE POCHE DE TITRES DÉJÀ ÉVOQUÉS (ou pas, d’ailleurs…)

Aux éditions Casterman

Flora Banks, E. Barr, traduit de l’anglais par Julie Sibony, 2022.

Bonne nouvelle que la parution en poche de ce roman très original. Flora, la narratrice âgée de 17 ans, souffre d’amnésie depuis une opération au cerveau subie sept ans plus tôt. Oubliant tout au bout de deux heures, elle déploie une énergie considérable à tout noter sur un cahier, des petits papiers voire ses bras ! Tout à coup, un souvenir perdure : Drake (le petit copain de sa meilleure amie Paige) l’a embrassée… Comme il vient de partir pour le Spitzberg, Flora, convaincue qu’il possède la clé de sa guérison, décide de quitter son environnement familier pour le rejoindre. L’auteure joue habilement le jeu du point de vue d’une jeune fille courageuse et attachante, mais naïve, soutenue par son frère Jacob et couvée, voire étouffée, par ses parents. Le lecteur n’en sait pas plus que l’héroïne, « piétine » et régresse avec elle, ce qui peut parfois le dérouter, mais le suspense le maintient en haleine ; malgré son handicap et sa différence, Flora grandit et apprend, sans être épargnée, loin de là… Fin ouverte et pleine d’espoir. Devrait intéresser les plus âgés des collégiens.

Aux éditions Gallimard Jeunesse

La Trilogie de la poussière, tome 2 : « La Communauté des esprits », Philip Pullman, traduit de l’anglais par Jean Esch, Folio Junior et Folio, 2022.

Suite des aventures de Lyra, l’héroïne de l’envoutante première trilogie de l’auteur (À la croisée des mondes). Le premier tome, sorti en 2017, est paru en Folio Junior en 2020. Voici donc le suivant, que nous avions attendu trois ans, enfin publié en poche  ! Comme je l’avais indiqué à l’époque, l’auteur a déconstruit la chronologie puisque dans le premier tome, Lyra était un bébé sauvé par un garçon de onze ans, Malcolm Polstead, aidé d’Alice. Dans ce deuxième opus situé vingt ans plus tard, Lyra étudie au collège Sainte Sophia, elle est proche du professeur Hannah Relf et de la gouvernante Madame Lonsdale, prénommée Alice, dont Lyra ignore encore le rôle qu’elle a joué autrefois avec Malcolm, devenu lui, son professeur. Influencée par ses lectures scientifiques, elle se dispute de plus en plus souvent avec Pantalaimon ; ce dernier ayant assisté à un meurtre, tous deux se lancent dans une enquête parsemée d’embûches qui les mènera jusqu’en Asie. Il serait vain d’essayer de résumer toutes les péripéties complexes de ce tome dont les fils seront reliés, espérons-le, dans le troisième… On retrouve dans cet opus de nombreux personnages, bons ou malfaisants, rencontrés précédemment ; les manœuvres du Magisterium et du « Conseil de Discipline Consistorial », contre lequel luttent les membres d’« Oakley street » soutenant Lyra, sont toujours aussi retorses et dangereuses pour elle. Les mondes imaginaires créés par l’auteur n’ont jamais été aussi proches d’une réalité contemporaine peu reluisante : fanatisme religieux, terrorisme, trafics d’êtres humains, rejet des migrants, oppression et agressions des femmes, de nombreux épisodes rendent donc ce tome sombre et violent. Séparée une nouvelle fois de Pantalaimon, parti à la recherche d’une cité où vivraient des daemons sans leur humain, Lyra a entamé un voyage initiatique dont on se demande quelle sera l’issue.

L’Ickabog, JFK Rowling, traduit de l’anglais par Clémentine Beauvais, Folio Junior, 2022.

Le roi Fred Sans Effroi règne sur un petit royaume où il fait bon vivre, la Cornucopia. Mais un jour, l’Ickabog, monstre sanguinaire légendaire vivant dans les marais du nord, vient perturber le bonheur de tous. Il faudra le courage de deux adolescents, Daisy et Bert, pour faire éclater la vérité au grand jour. Deux conseilleurs sans scrupules du roi, peu éclairé et dominé par ses peurs, n’ont pas hésité à manipuler les foules et à faire régner la terreur pour s’enrichir. Une fable politique qui dénonce les dérives du pouvoir et les mensonges grâce à l’instrumentalisation d’une légende.

Les Crimes de Grindelwald, JFK Rowling, traduit de l’anglais par Clémentine Beauvais, Folio Junior, 2022.

Présenté dans Hiver 2018-2019. Reste à attendre la parution au format poche du texte du troisième film, Les secrets de Dumbledore (2022).

Demandez-leur la lune, Isabelle Pandazopoulos, « Pôle Fiction », 2022.

Lilou Vauzelles, Samantha Berthier, Bastien Maheux et Farouk Yldirim : ces quatre adolescents très différents, ont cependant en commun un vécu difficile et une situation d’échec scolaire ; ils vivent dans « la diagonale du vide » (culturel, électronique…), tentent de se construire comme ils le peuvent et surtout n’ont pas les mots. La chance leur sourira en la personne d’une jeune professeure de français passionnée, Agathe Bertin. Elle va les soutenir, au sens propre, en les initiant à l’éloquence, en leur faisant faire du théâtre et en les inscrivant à un concours d’éloquence : grâce à la lecture, à la parole et au jeu, ils vont retrouver confiance en eux et accepter de se tourner vers un avenir qu’ils croyaient sombre. A travers ce portrait d’enseignante, l’auteure, s’appuyant sur une expérience de terrain solide, rend hommage à celles et ceux ayant un jour marqué, inspiré et enthousiasmé leurs élèves. Mais surtout, elle affirme et prouve que ces jeunes, orientés en lycée professionnel, sont capables de se mobiliser et d’évoluer, pour peu qu’on croie en eux et qu’on leur donne les moyens d’avoir des ambitions.

L’Année de grâce, Kim Liggett, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Peronny, Pôle Fiction, 2022.

Cette « année de grâce » porte bien mal son nom, puisqu’il s’agit pour toutes les jeunes filles âgées de 16 ans de vivre, ou plutôt de survivre, isolées dans un camp sommaire au milieu de la forêt, après avoir été, éventuellement, choisies par un futur époux auquel elles seront ensuite inféodées. L’ennemi est à l’extérieur, des braconniers qui tireront profit de leur capture et du dépeçage de leur corps, mais également à l’intérieur car, plutôt que la solidarité, c’est la zizanie, les jalousies, la mesquinerie et la violence qui prédominent entre jeunes femmes ! Cette société, dominée par un patriarcat religieux obscurantiste, essaie donc de brider et de soumettre les femmes : elles doivent ainsi perdre leur « magie », entendez tous leurs pouvoirs, pouvoirs de séduction, certes, mais pas seulement ; durant cette année, dont personne ne parle et surtout pas celles qui en sont revenues, il s’agit ainsi de les briser afin de les rendre dociles. À travers les yeux de Tierney, le lecteur va donc vivre ce calvaire pour lequel elle a sans doute été bien préparée, à son insu, par sa famille. Indépendante, déterminée, mais souvent impulsive et parfois très naïve, Tierney sortira grandie de cette épreuve et perpétuera une lignée de femmes bien décidées à se libérer de l’oppression. Les citations de Margaret Atwood (La Servante écarlate) et de William Golding (Sa Majesté des Mouches) disent assez de qui l’auteure s’est inspirée pour imaginer ce monde archaïque, misogyne et totalitaire (délation, exécutions publiques…), sans pour autant m’avoir autant passionnée que ses prédécesseurs. C’est peut-être une question de traduction, mais, de mon point de vue, trop d’éléments restent implicites ou peu clairs.

Hôtel Castellana, Ruta Sepetys, traduit de l’anglais (États-Unis) par Faustina Fiore, Pôle Fiction et Folio, 2022.

Tout sépare Ana Torres Moreno, fille de républicains espagnols assassinés par les franquistes et Daniel Matheson, jeune héritier texan, qui a pourtant, par sa mère, du sang espagnol dans les veines. Ana travaille à l’hôtel Castellana de Madrid où Daniel séjourne avec sa famille : elle doit se mettre à leur service. Davantage passionné par la photographie que par le pétrole, le jeune homme découvre peu à peu la sombre réalité d’un pays soumis à la dictature, Ana lui servant de guide. Il ne mesure pas à quel point les habitants sont muselés, pauvres et pour certains, comme Ana et ses proches, en danger au moindre faux pas. Il serait vain de vouloir résumer de façon exhaustive ce roman passionnant dont l’intrigue fictive se déroule essentiellement en 1957 pour se terminer en 1975, à la mort de Franco. Extrêmement bien documenté, le récit, rédigé au présent, met en scène autour des deux héros de nombreux personnages attachants, souvent complexes, et parfois répugnants, enferrés dans le silence, les secrets et les mensonges. Il fera découvrir aux lecteurs tout un pan de l’histoire espagnole, à savoir les conséquences de la guerre civile perdue par les républicains : un dictateur prend le pouvoir et autorise, entre autres, de terribles massacres ainsi qu’un scandale qui ne devait éclater que très tardivement : le vol à leurs parents (pauvres et/ou républicains) de plus de 300 000 bébés, vendus à des familles censées leur donner une « bonne éducation chrétienne »… Toutes les clés de contextualisation historique (images d’archives, explications de l’auteure, glossaire, bibliographie) sont fournies au lecteur en fin d’ouvrage.

Eon et le douzième dragon, Eona et le collier des Dieux, A. Goodman, traduit de l’anglais par P. Giraudon, « Pôle Fiction », 2022 et 2023.

Présentés dans le numéro 55 de Recherches (2011), réseau « Filles-Garçons ».

Aux éditions PKJ

Traquées !, Sandrine Beau, 2021.

Poursuivies par un ancien complice de leur père, bien décidé à récupérer un butin lui ayant échappé, Annabelle, 14 ans, et Marjolaine, 5 ans, devront leur salut à leur débrouillardise et à l’aide de bonnes âmes croisées durant les trois jours de leur folle cavale ! Suspense et frayeurs garantis pour ce polar, sur les invraisemblances duquel les jeunes lecteurs passeront allégrement. La narration d’Annabelle à la première personne est entrecoupée par les interventions du méchant tueur ainsi que par les dépositions des personnes ayant rencontré les filles, ce qui permet aux lecteurs de comprendre l’origine de cette affaire et surtout de rassurer les anxieux : la gendarmerie enquête ! Un récit qui pourrait intégrer un réseau « Narration complexe ».

 Les Fabuleuses Aventures d’Aurore, Douglas Kennedy/Joann Sfar, traduit de l’anglais (États-Unis) par Catherine Nabokov, « Best Seller », 2022.

Saluons la parution en poche du premier roman pour la jeunesse de cet écrivain célèbre qui collabore, pour les illustrations, avec l’auteur bien connu du « Petit Vampire » et du « Chat du rabbin ». Et ce d’autant plus qu’il aborde, pour les plus jeunes, le sujet des troubles du spectre autistique (TSA). Aurore, la narratrice âgée de 11 ans, ne parle pas mais, grâce aux encouragements de Josiane, sa prof particulière, elle communique à toute vitesse grâce à sa tablette. Être atteinte d’un TSA ne bride pas sa joie de vivre ni son intelligence, sans compter qu’elle possède un don hors norme consistant à percevoir les pensées des gens : pouvoir magique ou métaphore d’une hyper sensibilité ? Au lecteur de trancher ! Toujours est-il que l’héroïne met son trouble au service des autres. En effet, lorsque Lucie, la meilleure amie de sa grande sœur Émilie, disparait, Aurore décide d’apporter son concours à l’inspecteur chargé de l’enquête. Ce petit roman met en valeur les différences et prône leur respect, qu’il s’agisse d’Aurore et de sa manière d’aborder les choses ou de Lucie, génie des maths mal dans sa peau et harcelée en raison de son poids. L’auteur, lui-même père d’un garçon atteint de TSA, a choisi de brosser le portrait d’une préadolescente vivant de nos jours à Fontenay sous Bois, avec sa mère employée dans une banque, alors que son Pap’ adoré, écrivain, vit à Paris. Confrontée aux réalités contemporaines (séparation des parents, famille recomposée, grande sœur en pleine crise d’adolescence, harcèlement scolaire, maltraitance), Aurore, en dépit de sa naïveté, perçoit avec acuité la souffrance et les problèmes de son entourage qu’elle s’efforce d’aider.
Deux autres tomes, Aurore et le mystère de la chambre secrète puis Aurore et l’incroyable énigme de New York sont parus en grand format (2020 et 2022).
Dans ce deuxième opus, Aurore, qui fréquente l’école pour la première fois, est victime de harcèlement de la part d’Anaïs et de sa bande. L’inspecteur Jouvet lui confie une nouvelle enquête… Dans le troisième, elle séjourne à New York avec Diane, sa nouvelle prof. Elle va devoir collaborer avec la police locale pour retrouver son ami Bobby qui a disparu…

La mémoire des couleurs, Stéphane Michaka, 2022.

Présenté dans Automne-hiver 2018-2019.

 

Réseaux, tomes 1 et 2, Vincent Villeminot, 2022.

Présentés dans Recherches n° 62, 2015.

20 allée de la danse, Tomes 1 à 5, Élizabeth Barféty, illustré par Magali Fournier, « Best seller » 2022.

Présentés dans Automne-hiver 2016 .

Le Jeu du maitre (Tome 3) : Fin de partie, James Dashner, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, Best Seller, 2023.

Suite et fin des aventures de Michael (présentées en 2021) et de ses amis au sein du VirNet. Arriveront-ils à déjouer les plans machiavéliques de Kaine ou la cyberdomination va-t-elle triompher ? Approche romancée des dangers de la réalité virtuelle et de l’intelligence artificielle au programme !

Aux éditions Thierry Magnier

La soupe aux amandes, Sylvie Deshors, Petite Poche, 2022.

Présenté dans Recherches n° 68, 2018, réseau « Exil et migrations ».

 

 

Je terminerai en mentionnant un ouvrage consacré par Marie Lallouet à « Gallimard Jeunesse », paru chez ce même éditeur : Cinquante ans de la vie d’un éditeur dans l’histoire de la littérature jeunesse en France, 2022. Il est impossible de résumer cette somme, qui en 12 chapitres, tente de brosser le panorama de 50 années consacrées à l’édition jeunesse. Abondamment illustré et fort bien documenté, ce pavé aborde tout ce qui a contribué à créer et nourrir le catalogue d’une maison d’édition indépendante, soucieuse de qualité et d’innovation, qu’il s’agisse des auteurs, des illustrateurs, des sujets, des genres, des collections, des formats ou des métiers de l’édition…

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – 2022

DOCUMENTAIRES

Petit mais écolo !, Justine de Lagausie et Aurélie Guillery, « Mes imagiers tout carrés », Casterman, 2021.

30 gestes quotidiens extrêmement faciles à mettre en œuvre dès le plus jeune âge afin de ne pas gaspiller les ressources ni polluer, histoire de prendre de bonnes habitudes. Format très maniable, pages en carton épais, illustrations explicites pour les plus petits à qui on fera la lecture mais qui pourront également deviner de quel geste il est question.

Consommation : le guide de l’anti-manipulation en BD, Guillemette Faure et Adrienne Barman, Casterman, 2020.

Le titre annonce la couleur : voilà un ouvrage qui devrait permettre à tous de dépenser moins d’argent ou, en tout cas, de ne plus se laisser piéger par les « bonnes affaires » ! Anna, César, Sammy et Simone participent à un vide-grenier afin de vendre les jouets dont ils ne veulent plus. À cette occasion, M. Ristourne, le propriétaire du bazar « L’indispensable superflu », va leur dévoiler tous les dessous de la consommation de masse, l’ingéniosité des publicitaires au service des marques, bref, leur décrire toutes les manipulations mises en œuvre afin de faire acheter toujours plus. Grâce aux 22 astuces destinées à rester vigilants, nos jeunes amis et les lecteurs deviendront, espérons-le, des consommateurs avertis, donc moins naïfs, et surtout responsables ! Une bande dessinée à mettre entre toutes les mains dès la fin de l’école élémentaire et qui restera d’actualité bien plus tard…

L’Économie en BD, Jézabel Couppey-Soubeyran et Auriane Bui, Casterman, 2020.

Juliette, la mère de Zoé, est au chômage depuis un an, car la banque où elle travaillait a fait l’objet de « restructurations »… La collégienne de 12 ans voudrait l’aider, ce qui va l’amener à dialoguer avec sa voisine, Madame Robinson, professeur d’économie à la retraite, ainsi qu’avec ses copains, d’origines sociales et géographiques diverses. À travers de multiples saynètes très concrètes de la vie quotidienne, de nombreux aspects de l’économie sont ainsi abordés, le plus simplement possible, même si certains thèmes restent complexes (PIB, marchés financiers, monnaies, mondialisation, loi du marché… ). Zoé mesure mieux ce que sont les inégalités, d’où elles proviennent et à quel point lutter pour les réduire n’est pas gagné ; elle et ses amis comprennent qu’ils sont des acteurs économiques et qu’il est important de réfléchir à l’avenir de notre planète. Une bande dessinée claire et dynamique qui, malgré l’aspect didactique lié aux notions abordées (glossaire très utile en fin d’ouvrage), laisse cependant place à l’humour et à l’optimisme.

Speak up ! Utilise ta voix pour changer le monde, Laura Coryton, traduit de l’anglais par Faustina Fiore, Flammarion Jeunesse, 2020.

Comme l’indique le titre, l’ouvrage se veut un guide pratique pour aider les jeunes filles à oser prendre la parole afin de défendre les causes qui leur sont chères. Militante féministe, l’autrice (qui est entre autres connue pour avoir lancé avec succès une pétition destinée à réduire la « Tampon tax ») s’appuie sur son expérience pour délivrer pas à pas ses conseils et astuces, sans négliger d’évoquer les échecs et la manière de les surmonter. Elle insiste également, à juste titre, sur l’importance de l’estime de soi. Maquette moderne et aérée qui joue sur les polices de caractères ou l’alternance du noir et jaune, sans compter quelques illustrations stylisées. En fin d’ouvrage, index très utile des thèmes ou mots-clés évoqués. Un titre qui devrait trouver sa place dans les CDI et lecture recommandée aux garçons !

Tout sur les règles, Anne Roy/Mademoiselle Caroline, Flammarion jeunesse, 2021.

S’appuyant sur sa pratique quotidienne, l’autrice, sage-femme, a conçu un guide accessible et ludique autour d’un sujet demeurant largement tabou, alors qu’il concerne la moitié de la population. Toutes les questions que chacun, fille ou garçon, se pose, sont abordées dans un langage simple, complété par des schémas précis et des illustrations humoristiques de style BD : un groupe d’adolescentes d’aujourd’hui accompagne les lecteurs tout au long de l’ouvrage afin d’aborder « Tout sur les règles » en cinq grandes parties et 41 questions tant techniques que pratiques ou médicales. Une parution salutaire qui comble un grand vide !

Héros. 40 personnages de roman, Patricia et Jean-Philippe Arrou-Vignod/Andrew Lyons, BAM !, Gallimard Jeunesse, 2021.

Forcément subjective, cette sélection de héros littéraires, dont on pourra déplorer qu’elle ne comporte qu’un quart d’héroïnes, aura au moins le mérite de raviver le souvenir – ou de faire découvrir – des figures imaginaires fortes. Qu’ils appartiennent à la littérature destinée aux adultes (du moins à l’origine) ou à la jeunesse, tous ces personnages, devenus si célèbres qu’on les croirait vivants, sont de véritables ami·e·s qui aident à grandir, soutiennent et font rire, s’émouvoir ou rêver : ils sont présentés dans ce qu’ils ont de plus caractéristique.

Femmes au fil du temps, Katarzyna Radziwitt/Joanna Czapiewska, traduit du polonais par Martina Polek, Helvetiq, 2021.

Suivant un ordre chronologique allant de 10 000 ans avant notre ère à nos jours, ce grand album retrace, tant par le texte que par les illustrations, la vie quotidienne de femmes ordinaires, différente selon leur condition sociale. Le lecteur constatera que l’évolution de leurs droits et devoirs n’a pas été forcément linéaire : ainsi les femmes égyptiennes, au moins celles des milieux aisés, occupaient des fonctions prestigieuses et décidaient seules de leur avenir ; dans la Grèce antique, leur destin était différent selon la Cité-État dans laquelle elles vivaient : mieux valait pour elles vivre à Sparte ou à Théos qu’à Athènes ou sur l’île de Thasos… Quant à la première manifestation féministe, elle eut lieu en 216 avant notre ère, à l’initiative de Romaines qui voulaient récupérer des biens qu’on leur avait confisqués pour financer la guerre. On sait qu’au cours des siècles, de nombreux droits leur furent déniés, que leur conquête ou reconquête, évoquée dans les derniers chapitres, est récente, mais encore fragile et incomplète, ce qui aurait pu être davantage souligné, notamment en ce qui concerne de nombreux pays.

FICTIONS

La Princesse qui pue qui pète et le Prince pas très charmant, Marie Tibi, illustrations de Thierry Manes, Casterminouche, Casterman, 2021.

Le titre laisse peu de doutes sur les qualités respectives de la princesse Castille de Bonaloi et du prince Gontran de Pacotille. La première (dont les lecteurs ont pu faire la connaissance dans un premier opus La princesse qui pue qui pète (2020) a du caractère et en remontrerait aux féministes les plus radicales. Le second est un pleutre, imbu de sa personne, persuadé qu’une épouse digne de ce nom doit passer son temps à broder… Castille n’en veut point pour mari, lui préférant son ami Armand dont elle partage les jeux et le travail à la ferme, quitte à oublier son rang et à en revenir peu présentable. Il sera son prince, avec l’accord de la reine Guillemette et du roi Clotaire, car ces derniers souhaitent simplement le bonheur de leur fille. Un texte et des illustrations humoristiques, qui balaient vigoureusement les stéréotypes de genre.

Princesse Pimprenelle se marie, Brigitte Minne et Trui Chielens, Cot Cot Éditions, 2020.

Il est temps pour la princesse Pimprenelle de choisir un prétendant parmi tous ceux paradant sur leur cheval blanc. Mais aucun ne trouve grâce à ses yeux : elle préférerait choisir un cheval ! Soudain, c’est le coup de foudre pour la princesse Aliénor chevauchant son beau destrier noir. Elles deviennent inséparables, partageant gouts et valeurs ; Pimprenelle accepte alors la demande en mariage d’Aliénor, ce qui suscite indignation et paroles cruelles à la cour. Après avoir consulté la docte Sophie, ses parents, se remémorant leur propres sentiments réciproques, reconnaissent que seul l’amour compte. « Elles s’aiment, c’est l’essentiel » : l’adage fait le tour du royaume, finissant par convaincre les plus intolérants. Le conte s’achève sur la phrase rituelle, ce qui justifie ensuite une explication sur la manière dont les deux princesses auront un bébé… Un album engagé dont les illustrations impertinentes aux traits enfantins font parfois songer à Picasso ou aux peintres cubistes.

Elle sera toujours là, Thierry Lenain/Manon Gauthier, D’eux, 2021.

Publié en 2016 au Canada, ce superbe album est enfin disponible en France. Quelques phrases bâties selon une structure répétitive (« Pour me…, elle était là »), magnifiquement illustrées ou complétées par les collages délicats de l’illustratrice, rendent compte de la présence et de l’amour maternels qui perdurent au-delà du temps et de l’absence. Car rupture et deuil, il y a eu ou il y aura, comme les dernières pages le suggèrent, tant par le texte que les images. Par une subtile inversion, c’est désormais le cœur de l’enfant devenu (plus) grand qui abrite symboliquement celle qui l’a porté dans son ventre. Un album qui prouve simplement, mais de façon sensible et subtile, que l’on peut aborder la mort et le deuil dès le plus jeune âge.

 Nino, Anne Brouillard, Les éditions des éléphants, 2021.

Simon dormait dans sa poussette, ses parents admiraient les arbres de la forêt : personne n’a vu tomber le doudou Nino… sauf Lapin qui l’accueille dans son terrier. Puis c’est au tour d’Écureuil ou des mésanges noires de l’inviter à les suivre. Tout à coup, la nuit tombe : Nino est perdu, il s’inquiète. Mais Renard veille et l’emmène à la rencontre des autres animaux de la forêt avant de le reconduire à l’aube chez Lapin. Nino dort profondément jusqu’au crépuscule suivant qui lui fera retrouver son humain préféré. Autrice-illustratrice qui n’est plus à présenter, Anne Brouillard propose un album dont les illustrations (encres et aquarelles) aux couleurs sombres et chatoyantes parlent le plus souvent d’elles-mêmes, sous forme de petites ou grandes vignettes, en pleine page, voire en double page, telles celles magnifiques de Nino contemplant son village sans reconnaitre sa maison, chevauchant de nuit le renard ou saluant à la fin, bien au chaud, ses amis de la forêt. Une très belle réussite où le réel le dispute à l’imaginaire.

Le Phare, Sophie Blackall, traduit de l’anglais (États-Unis) par I. Meyer et C. Drouault, Les éditions des éléphants, 2021.

Le phare dont il est question ici voit un jour arriver un nouveau gardien qui accomplira, comme le précédent, de nombreuses tâches routinières et pourtant essentielles. Remplissant consciencieusement son journal de bord, le gardien pense à Alice, son épouse qui le rejoint bientôt et l’assiste dans son quotidien ou lors d’évènements exceptionnels. Elle le soigne et le remplace lorsqu’il est malade, il l’aide à accoucher de leur petite fille. Mais les temps changent : la machine remplace l’homme, le gardien et sa famille regagnent la terre ferme d’où ils contempleront, sans doute avec nostalgie, le phare qui continue, seul, de balayer les flots de sa lumière. L’autrice réussit à reconstituer, au fil des saisons, une vie au rythme immuable, parfois bouleversée par une tempête, un naufrage, le passage d’une baleine, l’arrivée du bateau de ravitaillement ou même d’un enfant ! Encre de Chine et aquarelle se marient dans des couleurs chatoyantes pour illustrer ce magnifique album poétique, très documenté, dont le texte, tel un calligramme, épouse parfois les évènements. Grande originalité des cadrages et des dessins, tels la coupe verticale du phare, les médaillons ronds, sans compter les surprises des dernières pages dont on peut déplier un volet. Une très belle réussite !

Esther Andersen, Timothée de Fombelle, illustrations de Irène Bonacina, Gallimard Jeunesse, 2021.

Double rencontre cruciale pour le jeune narrateur : avec la mer, mais également avec Esther, dont le nom, prédestiné, ne saurait être un hasard. Chaque été durant les vacances, il vient retrouver son oncle Angelo, un être aimant et original, qui n’achète ni ne jette rien, n’est jamais en panne d’histoires de toutes sortes et lui cuisine des nouilles au beurre. Chaque été, le jeune garçon enfourche son vélo rouge et pédale à travers les grands espaces, admirant la nature qu’il explore en allant de plus en plus loin. Jusqu’au jour où il arrive face à la mer : quelle émotion ! Laquelle redouble lorsqu’il aperçoit Esther, jeune anglaise venue sur la plage avec son petit chien. Les aquarelles délicates de l’illustratrice racontent autant que les mots à quel point cet été là sera unique et inoubliable. Tendresse et poésie sont au rendez-vous pour évoquer l’émerveillement des premières fois durant l’enfance. Superbe album au format à l’italienne dans lequel souffle un vent de liberté inouï, entre temps suspendu et temps qui transforme l’enfant et le fait grandir.

Alfonsina, reine du vélo, Joan Negrescolor, Gallimard Jeunesse, 2021.

Qui, même parmi les amateurs de cyclisme, connait le nom d’Alfonsina Strada (1891-1959) et sait de quels exploits elle fut capable ? Justice est rendue à cette pionnière que rien ne découragea, dans ce grand album aux tons jaunes/orangés/bleus/noirs s’inspirant de la vie d’une jeune femme très en avance sur son temps. « Mordue » dès qu’elle reçoit son premier vélo à 10 ans, éprise de liberté, Alfonsina participe trois ans plus tard à sa première course, qu’elle gagne ! Faisant fi des quolibets et des injures, elle s’acharne, n’hésite pas à « emprunter » les chaussures du grand-père et la casquette du facteur, se déguisant afin de participer à des courses masculines, qu’elle remporte (36 victoires !). En 1924, elle est la première femme à participer au Giro d’Italie, réservé aux hommes. Surnommée « la reine du vélo », cette sportive accomplie balaie les préjugés et sera finalement acclamée par ses anciens détracteurs. L’image de cette petite fille prenant d’assaut une immense bicyclette figurant sur la couverture restera longtemps gravée dans la mémoire du lecteur, preuve que la persévérance et la passion contribuent à la réalisation des rêves les plus fous, même quand on nait fille. Un bel exemple à suivre …

L’Âge du fond des verres, Claire Castillon, Gallimard Jeunesse, 2021.

Chantal, 56 ans, et Clément, 71 ans, feraient sans nul doute des grands-parents géniaux… Le problème pour Guilène, 10 ans et demi, c’est qu’ils sont ses parents ! Si cela ne la gênait absolument pas du temps de l’école élémentaire, tout a changé depuis son entrée en sixième. La confrontation avec les parents de ses camarades, tous jeunes et branchés, la remplissent de honte. Obnubilée par les excellents conseils de sa nouvelle amie Cléa, qui sait tout sur ce qu’il faut faire et dire, ou pas, au collège, Guilène ne se juge pas du tout à la hauteur. Et finit par se sentir constamment tiraillée entre l’amour éprouvé envers ses parents qui lui offrent un foyer chaleureux, font constamment preuve d’humour ou de tolérance, et la tentation de les voir à travers le regard très féroce que ses camarades portent sur cette famille différente… Narré à la première personne par une toute jeune fille se décrivant comme timide et naïve, ce récit tendre et cruel illustre bien les tourments d’une préadolescente supportant de moins en moins de se moquer de ses « vieux » avec ses camarades ; ceux-ci finiront d’ailleurs par reconnaitre que les leurs ont beaucoup moins de courage que les siens, les seuls qui oseront dénoncer l’attitude inadaptée de la professeure de mathématiques, Madame Ivans. Une analyse fine et bien menée d’un passage délicat plus ou moins bien vécu selon les enfants : j’ai trouvé Guilène très mure et finalement bien armée pour franchir cette épreuve : grâce à ses vieux parents peut-être ?

Serial Tatoo, Sylvie Allouche, Syros 2020.

Nous retrouvons l’équipe de Clara Di Lazio pour une troisième enquête dont la noirceur n’a rien à envier aux précédentes (présentées dans les « Coups de cœur 2020 »). Le fameux « instinct » de la commissaire l’alerte lorsqu’Ayo Madaki vient signaler la disparition de sa fille ainée. Cette Nigériane, dont on a assassiné le mari et dont le fils a disparu, a fui son pays avec ses trois filles : elles connaissent depuis trois ans en France la vie difficile de tous les migrants. Clément, Louise, Gauthier et Nathan découvrent que Shaïna s’est sans doute « vendue  » pour aider sa famille, sans mesurer à quoi elle s’exposait ; plus soudés que jamais autour de leur cheffe, ils s’engagent alors dans une course contre la montre afin de sortir la jeune fille des griffes de trafiquants d’êtres humains, prêts à tout pour de l’argent. Louise, notamment, fait preuve d’un courage inouï en se jetant dans la gueule du loup, ce que le lecteur découvre dès le prologue. Bien documentée, tant sur le quotidien des policiers que sur la traite d’êtres humains et la prostitution, l’intrigue se déroule sans temps morts, y compris quand elle piétine : l’emploi du présent, la concision et les nombreux dialogues y contribuent largement. Nul doute que le tatouage sera perçu différemment quand le lecteur comprendra quelle fascination perverse son côté « artistique » peut exercer… Les personnages récurrents prennent de l’épaisseur et leur humanité nous touche ; les jeunes femmes, parfois mineures, restent des proies faciles, manipulables à souhait, qu’elles soient déjà sous la coupe de proxénètes, à la recherche d’une vie meilleure ou favorisées comme Anya Parov, dont la naïveté s’explique par son amour de l’art du tatouage et surtout par le besoin absolu de reconnaissance de la part d’un père vis-à-vis duquel elle nourrit des sentiments contradictoires.

Cannibale et L’Ange obscur, Danielle Thiéry, Syros, 2020 et 2021.

Ex-commissaire divisionnaire, l’autrice signe là ses deux premiers polars pour adolescents, après en avoir écrit de nombreux pour les adultes.
Après avoir participé à une course d’orientation sans aucune aide technologique, deux jeunes lycéens ont disparu. Roxane Flamand réapparait cependant, en état de choc, incapable d’expliquer ce qui s’est passé. Hospitalisée, amnésique, elle ne peut répondre aux questions du capitaine Antony Marin quant à son ami Rafaël Cottin, toujours introuvable. Arrivé à Épinal suite à une affaire dans laquelle il a été injustement mis en cause, le policier est donc confronté à une enquête délicate, non seulement parce qu’elle concerne des mineurs, mais également parce que sa propre fille connait très bien les protagonistes. Amoureuse de Rafaël, Olympe est convaincue que Roxane est impliquée dans sa disparition. Mais elle mène son enquête de son côté sans rien dire, laissant son père, parfois très naïf, s’enliser. Malgré la surveillance discrète du brigadier Johnny Vaillant, elle se trouve en danger. Il devient assez vite évident en effet que l’on a affaire à une manipulatrice hors pair, dont on connait les pensées indiquées en italique, le titre étant à comprendre au sens métaphorique : son propre père semble être sous son emprise… Le machiavélisme dont elle fait preuve aura au moins le mérite de permettre à Olympe, dont la mère est dépressive, de se rapprocher de son père et de collaborer entièrement avec lui. Une intrigue haletante et glaçante qui se termine de façon ouverte.
Une dizaine de mois ont passé : Olympe tente d’oublier, difficilement, l’épreuve vécue précédemment ; or l’arrivée à Épinal d’une équipe de tournage lui offre un dérivatif. Bluelight Productions va réaliser un film inspiré de deux disparitions en forêt, survenues dix ans plus tôt dans la région : Alya Bariani a été assassinée et son amie Cheyenne Vandelambre, jamais retrouvée. Malgré ses dénégations, l’ex-petit ami d’Alya, Vince de Mestre, a été reconnu coupable et condamné à treize ans de réclusion. Surnommé « l’ange obscur » en raison de son charisme et de son mystère, Vince, bientôt libérable, a été embauché pour jouer son propre rôle, réinsertion oblige ! Des mesures de sécurité exceptionnelles étant nécessaires, Antony Marin et son équipe sont donc sollicités. Le capitaine est alors loin de se douter que sa fille, encore mineure, a réussi de son côté à se faire embaucher sur le tournage. Visant un rôle de figurante, elle décroche finalement celui d’Alya, en raison de leur ressemblance, et en pince rapidement pour le « mauvais garçon »… Dès lors, une mécanique infernale s’enclenche : Vince, Olympe et Gala, l’assistante de production, disparaissent. Le passé ressurgit et Marin va devoir se replonger dans une vieille affaire s’il veut retrouver Vince et sauver sa fille. Comme le titre l’indique, le jeune homme, tel Janus, présente deux faces : qui est-il vraiment ? Que s’est-il passé autrefois ? La vérité surgira enfin après de multiples rebondissements. L’intrigue, bien ficelée et menée tambour battant, tire en grande partie sa force de la mise en scène crédible du milieu du cinéma, pour un tournage très particulier puisque certains personnages sont interprétés par les acteurs du drame, ce qui change tout !

Nouveautés en matière d’éditions et de collections

GALLIMARD JEUNESSE

« Héroïnes de la mythologie » est une nouvelle série (2021) mettant en scène les femmes reléguées au second plan des récits mythologiques. Rédigés par Isabelle Pandazopoulos, les deux premiers opus mettent en scène Athéna la combative et Pénélope la femme aux mille ruses. De l’enfance à la maturité, l’autrice revisite l’histoire de chaque héroïne, mortelle ou déesse, en adoptant le point de vue de chacune d’entre elles. Une excellente initiative pour mettre en valeur des femmes dont les qualités et les défauts n’ont rien à envier à ceux des hommes.

« Scoop à Versailles » d’Annie Pietri/Alban Marilleau puis Mégane Lepage (2021) conjugue histoire et enquêtes policières, menées conjointement par Gaspard janvier, journaliste au « Mercure Curieux » et Louise Françoise de Bourbon, fille du Roi-Soleil. Dans L’Affaire des treize pièces d’or et L’Enlèvement de la Ménagerie Royale, les deux alliés et amis devront trouver qui veut empêcher le mariage d’Anne d’Orléans et du duc de Savoie, puis résoudre la disparition de certains animaux. Un duo improbable mis en scène par une passionnée de la période (Les Orangers de Versailles, L’Espionne du Roi-Soleil).

PÈRE CASTOR/FLAMMARION JEUNESSE

La série « Les petits mystères d’Égypte », Pierre Gemme, illustrations de Mary Gribouille, Romans 6-8 ans, 2021 et 2022, permettra aux plus jeunes de découvrir l’univers de l’Égypte des pharaons grâce aux aventures de la jeune Aouni, douée de quelques pouvoirs, et de son chat Finou, plutôt rusé. Quatre titres sont déjà parus, La Colère des Dieux, La Momie maléfique, Menace sur l’obélisque et Le Rugissement du sphinx. Une collection attrayante misant sur les facilitations de lecture grâce à une mise en page aérée, un résumé de chaque chapitre au début du suivant et l’explication des mots difficiles en bas de page, sans compter des compléments d’information en fin d’ouvrages.

Autre série destinée au même âge, Bandit, chien de génie de Pascal Brissy, illustrée par Mehdi Doigts, met en scène le chien de Léonard de Vinci, un détective très gaffeur, qui mène des enquêtes désopilantes à Florence au temps de la Renaissance. Trois titres déjà parus en 2021 : Le Monstre du fleuve, Le Collier de Mona Lisa et Le Tableau mystère.

CASTERMAN

Moi, j’aime pas l’école, Sophie Furlaud/Laurent Simon, 2021, est un nouveau titre de la série déjà évoquée en 2020, « Aimée et Mehdi au fil de la vie ». En 32 pages, accessibles dès la maternelle, nos deux amis vont confronter leurs points de vue : grâce à Mehdi, Aimée finira par comprendre et admettre que l’école n’est pas forcément une punition, mais peut-être surtout un trésor de bienfaits…

DES NOUVELLES DES RÉSEAUX DÉJÀ PRÉSENTÉS

EXILS ET MIGRATIONS

Arthur et Malika, Paule Brière et Claude K. Dubois, D’eux, 2021.

Ce que l’un voit à la télévision, l’autre le vit. Malika a fui son pays en guerre avec sa famille ; elle commence une nouvelle vie dans un pays où elle ne connait personne et mène enfin une existence plus tranquille, même si elle fait encore des cauchemars. Avec tact et pudeur, avec ou sans paroles, le quotidien de Malika et d’Arthur se déroule parallèlement sous nos yeux, banal ou angoissant, doux ou triste. Les deux enfants, que tout semble opposer, vont pourtant se rencontrer et devenir importants l’un pour l’autre. Un album qui traite de l’exil et de la migration, mais également des petits bonheurs ou petites misères de l’enfance, avec simplicité et finesse, notamment grâce à des illustrations crayonnées, tout en délicatesse.

Comment mettre une baleine dans une valise ?, Guridi, traduit de l’espagnol par Anne Casterman, CotCotCot Éditions, 2021.

Dédié « À toutes les personnes qui luttent jour après jour pour survivre dignement en fuyant l’horreur », voilà un magnifique album évoquant très poétiquement le départ nécessaire, mais si angoissant, pour une destination inconnue. Une immense baleine rouge face à un minuscule personnage bleu aux traits indéfinis symbolise l’impossibilité d’emporter avec soi tout ce qui constitue notre vie : objets certes, mais également souvenirs, amis et tant d’autres biens, matériels ou immatériels. Cet arrachement se traduit en peu de mots et par de très belles illustrations (aquarelles) prenant toute la place, passant même d’une page à l’autre, avant de se réduire à un dessin qui, plié, trouvera enfin sa place dans une toute petite valise. Il me semble que la « solution » imaginée par le narrateur concentre tout l’espoir de ceux qui, à la dernière page, regardent vers un avenir qu’ils espèrent meilleur. Le titre original espagnol « Como meter una ballena en una maleta » (2019) est d’ailleurs une affirmation et non une question ! L’auteur interpelle chacun d’entre nous, nous invitant à devenir citoyens du monde au lieu de nous enfermer derrière nos frontières.

RÉÉDITIONS OU PARUTIONS AU FORMAT DE POCHE DE TITRES DÉJÀ ÉVOQUÉS (ou pas, d’ailleurs…)

Aux éditions lemuscadier, « Rester vivant »

Ce point qu’il faut atteindre, Mireille Disdero, 2020.

Violette, 17 ans, se sent très mal depuis qu’elle est rentrée de Paris en novembre ; passionnée d’écriture et très active sur la toile, elle s’est rendue à une fête organisée par des membres du forum littéraire auquel elle participe activement. Ses camarades ne la reconnaissent plus, notamment Arnaud, son ami depuis la cinquième, qui s’inquiète. Son point de vue alterne avec celui de Violette, celle-ci ne se souvenant plus de rien jusqu’au moment où les évènements lui reviennent par bribes. Même s’il ne fait très rapidement aucun doute aux yeux du lecteur que Violette a été violée par Ahriman, un prédateur habile ayant infiltré le site Pen Touch, ce qui retient l’attention est le long cheminement de la jeune fille vers la vérité, ainsi que l’analyse extrêmement fine et détaillée des sentiments, émotions, résistances à laquelle se livrent Arnaud et elle-même. Ne pouvant compter sur ses parents toujours absents en raison de leur travail, c’est son amoureux et l’écriture qui l’aideront à accepter la réalité et la décideront à se battre. En revanche, je regrette une fin un peu rapide : certes, il faut rester optimiste, mais rien ne certifie que la plainte de Violette sera suivie d’un procès et si oui, celui-ci ressemblera sans doute au parcours du combattant. En outre, quid des liens qui ont été noués entre Ahriman et Lili, la modératrice du site : est-elle dupe des mensonges d’Ahriman ou a-t-elle deviné ce qu’il s’est passé ? Une première version de ce roman a été publiée au Seuil en 2013, sous le titre À l’ombre de l’oubli.

Aux éditions Gallimard Jeunesse, « Pôle Fiction »

River, Claire Castillon, 2021. Présenté dans  les « Coups de cœur 2020 »

L’aube sera grandiose, Anne-Laure Bondoux, 2020. Existe également en Folio, 2020.

Coup dur pour Antonine (Nine pour les intimes) : sa mère l’emmène sans crier gare dans une cabane au bord d’un lac, lui faisant ainsi rater la fête de fin d’année du lycée. Commence alors une folle nuit durant laquelle la jeune fille de 16 ans va découvrir tous les secrets de sa famille maternelle. Titania a en effet décidé de révéler à sa fille tout ce qu’elle a dû lui taire depuis sa naissance pour la protéger. Autrice de polars surnommée « La fée du suspense », la narratrice distillera tout au long de la nuit l’incroyable histoire de sa propre mère, Rose-Aimée et de ses deux frères, les jumeaux Octo et Orion : elle maintient ainsi Nine et les lecteurs en haleine. Au petit matin, l’adolescente devra faire la connaissance d’une nouvelle famille dont elle n’a jamais entendu parler ! L’intrigue, bien menée, interrompt le présent (2016), narré à la troisième personne, par de nombreux retours en arrière déroulant le récit à la première personne de Consolata : celui-ci démarre en 1970, lorsqu’elle a 6 ans. Il met en scène des personnages très attachants, appartenant à trois générations différentes, que l’amour d’une mère pour ses enfants a séparées.

Shikanoko : L’Enfant du cerf (1), La Princesse de l’Automne (2), L’Empereur invisible (3) et L’Héritier de l’arc en ciel (4), Lian Hearn, traduit de l’anglais par Philippe Giraudon, 2020 et 2021. Existe également en Folio, 2021.

La parution en poche, qui plus est en deux tomes seulement (Livres 1 et 2, 3 et 4) au lieu de 4 à l’origine, réjouira les fans de Japon médiéval et de magie, ainsi que tous ceux qui ont adoré Le Clan des Otori de la même autrice. Cette nouvelle fresque politique et amoureuse se situe aux origines de l’histoire des Otori, dont elle reste cependant indépendante.

Une multiplicité de points de vue rend compte de la richesse de l’intrigue mettant en scène un nombre impressionnant de personnages gravitant autour de Shikanoko, rescapé d’entre les morts, devenu « L’Enfant du cerf », dont le destin s’accomplit sur plus de 1000 pages. Épopée surnaturelle et fantastique sans temps morts, rédigée dans une langue fluide et agréable qui plaira tant aux adolescents qu’aux adultes.

Aux éditions PKJ

Snap Killer, Sylvie Allouche, « Dans la poche », 2021. Présenté dans les « Coups de cœur 2020 »

Aux éditions J’ai lu

La Folle Épopée de Victor Samson, Laurent Seksik, 2021. Présenté dans les « Coups de cœur 2021 »

 

 

Je signale enfin la parution, chez Gallimard Jeunesse (2021), du livre de Sophie Van der Linden Tout sur la littérature de Jeunesse de la petite enfance aux jeunes adultes, qui devrait combler tous ceux, professionnels ou non, qui s’intéressent à la littérature de jeunesse. Les huit parties (Histoire du livre pour la jeunesse, Les grandes caractéristiques de la littérature pour la jeunesse, Conseils pour la lecture, Tous les types de livres, Les grands genres, Bibliothèques idéales, La littérature de jeunesse en question et Carnet pratique) totalisant plus de 50 chapitres indiquent assez à quel point l’ouvrage vise à l’exhaustivité en multipliant les entrées et les points de vue. Quand on connait le dynamisme du secteur (18000 nouveautés par an ces dernières années…), on mesure le défi que cette spécialiste reconnue s’est lancé ! Pari tenu, cet ouvrage, par ailleurs très bel objet-livre abondamment et judicieusement illustré, se lira d’une traite ou ponctuellement selon les intérêts du moment : chacun y trouvera son compte. Je rappelle également son travail, extrêmement riche, clair et précis, autour de l’album, Lire l’album, L’atelier du poisson soluble, 2006 et son premier ouvrage concernant Claude Ponti, Être éditions, 2000.

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – 2021

COUPS DE CŒUR DOCUMENTAIRES

Confinés déconfinés, Docteur Catherine Dolto/Colline Faure-Poirée, « Mine de rien », Gallimard Jeunesse Giboulées, 2020.

On aurait aimé que cet album ne parle que du passé et ne soit plus d’actualité… Il faudra encore attendre ! Et donc, rien de tel que les mots de Catherine Dolto pour comprendre ce que le coronavirus a changé dans nos vies, notamment celle des enfants.

Prenez le pouvoir les filles ! Jamia Wilson et Andrea Pippins, Casterman, 2020.

Les deux complices déjà mentionnées pour l’ouvrage I have a dream (Coups de cœur Hiver 18-19) récidivent dans un ouvrage conforme au précédent tant dans la maquette que le style des illustrations très colorées. Il s’agit cette fois-ci d’un guide à destination des adolescentes qui auraient besoin de « conseils pour croire en soi et s’épanouir dans la vie ». S’appuyant sur leurs expériences personnelles, les auteures en proposent 23, répartis en cinq chapitres : Prendre confiance ; Vivre avec les autres ; Faire des choix ; Passer à l’action ! ; Prendre soin de soi. Même si elles reconnaissent que c’est souvent « plus facile à dire qu’à faire », elles réussiront sans doute à convaincre nombre de filles qu’elles ne doivent pas hésiter à aller au bout de leurs rêves.

Nos droits, leurs combats, Irène Cohen-Janca et Édith Chambon, Les éditions des éléphants, avec le soutien d’Amnesty International, 2021.

En France, on pourrait parfois oublier que des femmes et des hommes se sont battus pour obtenir des droits qui paraissent aller de soi aux plus jeunes. Dix droits fondamentaux (ne pas être esclave, fréquenter l’école laïque et gratuite, voter quand on est femme, avoir des congés payés, avorter, ne pas être condamné à mort, aimer librement, faire grève, manifester) sont mis en valeur selon un schéma identique : un dessin introduisant  le sujet suivi d’une phrase qui a marqué les esprits ; une mise en contexte historique rappelant les étapes cruciales ; une bande dessinée retraçant un ou plusieurs moments forts et décisifs, complétée par ce qu’il en est aujourd’hui ; pour terminer, le portrait d’une personne ayant joué un rôle essentiel dans la conquête de ce droit, de Victor Schoelcher à Jean Jaurès en passant par Louise Weiss et Simone Veil, pour ne citer que quelques noms. La préface d’Amnesty International souligne la ténacité de chacune des personnes évoquées et le long chemin qu’il a fallu parcourir pour obtenir ces droits à travers les lois qui les ont actés ; mais attire également l’attention sur les remises en cause et les attaques dont ils font l’objet. Il faut donc les connaitre pour en bénéficier mais également les protéger et les défendre.
Ouvrage salutaire, à lire et relire, afin de se rappeler que certains droits ont été conquis de haute lutte, qu’ils n’existent hélas pas partout, loin de là, et qu’il faut rester vigilant face à ce/ceux qui les menace(nt). Devrait figurer en bonne place dans tous les CDI.

Aux premiers siècles de l’Islam, Dominique Joly et Emmanuel Olivier, « L’histoire du monde en BD », Casterman, 2020.

De façon claire et agréable, les auteurs racontent l’avènement du prophète Muhammad et la rédaction du Coran après sa mort. Ils narrent les conquêtes liées à la diffusion du message religieux et l’élaboration d’un empire gigantesque. Les débuts fastueux de la civilisation arabo-mulsumane sont décrits à travers la gestion des territoires par les califes ; l’artisanat et le commerce prospèrent, un art de vivre délicat se développe et les savoirs se multiplient grâce aux philosophes, médecins, astronomes et mathématiciens. C’est un véritable tour de force qu’il faut saluer d’avoir réussi à brosser en 48 pages l’essentiel des débuts de l’Islam jusqu’au XIIIe siècle. Abordable dès la fin de l’école élémentaire.

COUPS DE CŒUR ACTUALITÉ

Enfermés dedans, Série « Akissi », Marguerite Abouet et Mathieu Sapin, Gallimard Bande dessinée. 2020.

Après avoir connu le succès avec Aya de Yopougon, l’auteure a imaginé les aventures de sa petite sœur Akissi. S’inspirant de sa propre enfance et des bêtises commises dans le quartier de Côte d’Ivoire où elle a grandi, la scénariste met en scène une bande d’enfants livrée à elle-même. Ce dixième album commence par la colère d’Akissi : son frère Fofana a reçu le vélo dont elle rêvait ; en outre, inutile de préciser qu’elle n’est pas satisfaite de la poupée qu’on lui a offerte, alors qu’elle préfère s’occuper des bébés du quartier même si on le lui interdit. Et quelle catastrophe, lorsque le président annonce un confinement en raison de l’épidémie de coronavirus ! Cette situation inédite donne lieu à une longue histoire, contrairement aux principes habituels mis en œuvre dans cette série. Car il faut brosser l’évolution d’Akissi, de sa famille et de ses amis durant vingt jours : la joie de ne plus devoir aller à l’école, les bonnes résolutions des parents faisant preuve de pédagogie pour expliquer les gestes recommandés, cèdent rapidement la place à l’énervement et à la compétition pour aller faire les courses ou promener n’importe quel animal… Chacun, petit ou grand, se retrouvera dans ces multiples saynètes, légères et réalistes, teintées d’humour et de malice. Comme dans chaque album, un bonus est offert à la fin : cette fois-ci, la recette des « claclos », un plat typique du pays.

Dix, Marine Carteron, Doado noir, Éditions du Rouergue, 2019.

Voici un roman noir, bien noir… Sept adolescents d’un même établissement scolaire accompagnés de trois adultes se retrouvent dans un manoir isolé sur l’île bretonne de Sareck. Coupés du monde, ils sont censés participer à une émission de télé-réalité sous forme d’escape-game. Mais le lecteur apprend rapidement que tous ont la conscience chargée. Les pièces du puzzle se mettent progressivement en place : la jeune Esther est morte et rien n’arrêtera la main implacable des « dieux ». Les crimes commis tant par les jeunes que par les adultes sont odieux, leur châtiment sera atroce. Âmes sensibles s’abstenir ! La vengeance concoctée est machiavélique, sanglante et immorale. Le lecteur, maintenu en haleine jusqu’à la fin, sera sans doute effaré face à la noirceur des thèmes évoqués : trahison, harcèlement, viol, inceste, suicide, drogue, meurtres ; les adultes se montrent lâches et capables des pires horreurs, mais les adolescents ne sont pas en reste : leurs relations peuvent devenir perverses et dangereuses. On se réjouit cependant des multiples références littéraires : à Agatha Christie évidemment, mais également à Charles Perrault, à la mythologie et aux textes antiques. Sans oublier quelques articles du code pénal !

Je te plumerai la tête, Claire Mazard, Syros, 2020.

L’auteure, nous ayant habitués à des romans traitant de sujets forts, parfois dérangeants, ne déroge pas à la règle avec ce récit glaçant d’emprise d’un père sur sa fille. Lilou est en première L ; âgée de 16 ans, elle vit dans une superbe villa près d’Aix-en-Provence avec son père, Édouard Cuvelier, séduisant patron d’une agence de publicité. Lilou adore son « papa-Lou », auquel elle voue une admiration démesurée ; obéissant à son père qui le lui déconseille, elle ne va même plus voir sa mère, Caroline, hospitalisée pour une récidive de cancer, avec laquelle les relations se sont dégradées depuis plusieurs années. Ses meilleurs amis, Emma, Camille et Lucas, ainsi que son amoureux Gabriel l’amènent cependant à se poser des questions et elle décide de retourner rendre visite à sa mère : elle découvre alors que son père lui ment et a tout fait pour les séparer l’une de l’autre. Il ne lui restera malheureusement que deux mois pour renouer (notamment par le biais de la littérature) avec cette femme qui fut la première victime d’un mari pervers narcissique, avant qu’il n’emprisonne sa fille dans une relation malsaine et toxique.
Rédigé à la première personne, avec la mention des dates, le texte développe le point de vue de Lilou dont le lecteur comprend rapidement, contrairement à la jeune fille, à quel point elle est manipulée par son père dont elle ne mesure ni l’étendue des mensonges ni la capacité de nuire. Il lui faudra beaucoup de temps pour se soustraire à son influence, pour trouver la force de lui résister et de lui dire non. Elle ne le pourra enfin qu’avec l’aide de ses amis, mais surtout de Jo, la sœur de sa mère, psychologue, et d’un jeune psy, Tino. Au terme d’un cheminement extrêmement lent et douloureux, ponctué par la découverte des nombreuses attitudes ou actions monstrueuses de son père, elle prend enfin conscience qu’il est malade et qu’elle doit se protéger de lui. À travers ce roman émouvant et fort, Claire Mazard ne cache pas son intention d’alerter un maximum de lecteurs face à cette perversion et de les aider à en décoder les symptômes pour s’en prémunir.

D.O.G, Nathalie Bernard et Frédéric Portalet, Thierry Magnier, 2020.

Il s’agit de la troisième enquête du lieutenant-détective Valérie Lavigne, les deux précédentes ayant été présentées dans « Actualités Printemps-été 2019 ». L’enquêtrice est chargée de retrouver trois adolescents fréquentant l’école secondaire Rosemont : Dorian Belenger, Sarah Poulin et Alicia Lavoie, sur laquelle va se concentrer le récit. Ces jeunes participent à un jeu en ligne, Days of Grace, consistant à relever des défis de plus en plus difficiles et tordus, et dont ils se sont fait tatouer sur le bras l’acronyme D.O.G… C’est ainsi qu’Alicia se retrouve dans les tunnels désaffectés de Montréal où sévit James Page qui l’emprisonne dans une cage. Peu à peu, l’enquête en recoupe une autre, celle de son ancien collègue Gautier Saint-James, chargé de traquer un kidnappeur d’enfants, Caleb Stein, qui se révèlera être le tueur en série ayant enlevé Paul, le petit frère de Valérie, des années auparavant. La pression s’accentue et, comme dans les romans précédents, le lecteur est tenu en haleine jusqu’au bout par un récit suivant alternativement Valérie ou ses collègues et Alicia, avilie et maltraitée par son bourreau. On s’attache ainsi aux différents personnages, qu’il s’agisse des adultes : Gautier a été quitté par sa femme Éva parce qu’il travaille trop et s’occupe à présent seul de son fils Hugo ; Valérie ne s’est jamais pardonné d’avoir envoyé Paul s’acheter des friandises afin de lire tranquillement ; ou de ces trois adolescents déjà cruellement marqués par la vie : Dorothée Hamel, qui n’a jamais reçu d’amour, se tient prête à accomplir le défi suprême du jeu alors qu’elle en connait la perversion  ; Alicia se dévalorise encore plus depuis que son grand frère  Daniel a été tué par un chauffard ; Alex, quant à lui,  n’a surmonté le traumatisme  de  la disparition de ses deux parents qu’en devenant survivaliste. Mais les compétences ainsi acquises lui permettent de sauver Alicia, laquelle réussit quand même à trouver le courage d’échapper à son tortionnaire puis à le neutraliser ; on comprend que ces deux-là vont s’en sortir, ce qui clôt le roman sur une note d’espoir.

La Folle Épopée de Victor Samson, Laurent Seksik, Flammarion, 2020.

Ce premier roman pour la jeunesse de l’auteur narre les aventures rocambolesques de Victor Samson, né à Mondino en 1900. Alors que Rachel, sa mère, s’inquiète pour un rien, Jacob, son père, ne craint rien. Tenant une officine qui vend toutes sortes de remèdes, il a inventé une boisson « au gout de paradis », efficace contre de nombreux maux : « la Jacobine » lui confère une réputation aussi flatteuse que sulfureuse auprès de ses concitoyens. Jusqu’au jour où, l’histoire se répétant, Jacob devient un bouc émissaire et périt dans l’incendie de sa boutique détruite par des villageois en colère. Plutôt que de rester à Nice aux côtés de son oncle Mathias, Victor décide alors de partir en Amérique réaliser le rêve de son père : faire découvrir au monde entier la Jacobine. Inutile de préciser que son chemin sera semé d’embuches : enrôlé de force il participe à la guerre 14-18, ce qui lui vaudra une amitié indéfectible avec Alphonse, rendu aveugle par les gaz, mais prêt à le suivre jusqu’au bout du monde ; ils se retrouveront à Berlin, à Moscou, à Pékin puis à Hollywood. Ils croiseront Einstein, Jean Jaurès, une princesse, Trotski et Charlie Chaplin, avant de se séparer et de retrouver chacun leur amoureuse…
Ancré dans une réalité politico-historique, ce parcours initiatique est décliné avec simplicité et sans temps mort. Victor est un personnage sain et optimiste, qui va jusqu’au bout de son rêve, sans le brader pour autant ; il sera confronté à toute la palette des attitudes et sentiments humains : amitié, amour, haine, intolérance. L’univers et les valeurs humanistes du romancier servent de toile de fond à cette « folle épopée » qui n’est pas sans rappeler dans ses enchainements, emboitements et rencontres, celle du « vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire[1 ]».

[1] Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire », Jonas Jonasson, Presses de la cité, 2011. Existe en Poche Pocket.

Hunger Games : La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, Suzanne Collins, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, PKJ, 2020.

L’auteure a cédé à la tentation du préquel en imaginant Panem 64 ans avant les évènements narrés dans sa célèbre trilogie [1]. Les fans retrouveront les jeux (dixième édition, précédée de « la moisson ») et découvriront ainsi de nouveaux personnages mais également Coriolanus Snow adolescent, futur dictateur de la série. Ce dernier, âgé de 18 ans, orphelin vivant avec sa grand-mère et sa cousine Tigris, est un jeune homme désargenté, ambitieux et arrogant. Mentor pour la première fois, le sort lui attribue une fille du district 12, Lucy Gray Baird. Cette jeune fille, préfigurant le personnage de Katniss, fait partie des Covays ; c’est une artiste itinérante réputée pour son chant. S’il veut gagner, Coriolanus doit favoriser Lucy : il ne s’en privera pas, en l’aidant plusieurs fois à éliminer ses concurrents, et elle gagnera grâce à lui. Partagé entre son affection pour sa protégée avec laquelle il entretient une liaison et son ambition, il n’hésitera pourtant pas à choisir les chemins les plus obscurs. Sa tricherie découverte, il n’a d’autre choix que de devenir Pacificateur et bascule dans le crime : il fait exécuter son ami Sejanus Plinth à sa place, cherche à tuer Lucy et s’acoquine avec Volumnia Gaul, spécialiste des modifications génétiques, puis élimine le doyen Casca Highbottom qui en sait trop. Située dix ans après la guerre (« Les jours sombres »), cette intrigue permet d’explorer l’état de nature et d’envisager de différentes manières la survie dans le monde de Panem en pleine reconstruction.

[1] Les tomes 1 et 2 sont présentés dans le numéro 52 de Recherches (2010), le tome 3 dans le numéro 54 (2011).

NOUVEAUTÉS EN MATIÈRE D’ÉDITIONS ET DE COLLECTIONS

Gallimard jeunesse

Le Trésor des histoires Motordu, Pef, « L’heure des histoires », 2020.

Voilà qui devrait ravir les fans de « belles lisses poires » : pour célébrer les 40 ans du célèbre personnage de Pef, six aventures de Motordu au format album, dans une nouvelle maquette.

Les Quatre Filles du docteur March, Les filles du docteur March se marient, Le Rêve de Jo March et La Grande famille de Jo March, Louisa May Alcott, traduit de l’anglais (États-Unis) par Paulette Vielhomme-Calais (tome 1) et par Claude Loriot-Prévost (tomes 2, 3 et 4), Folio Junior, 2019 (tomes 1, 2 et 3), 2021 (tome 4).

Inutile de présenter ces quatre sœurs… La suite de leurs aventures, alors qu’elles sont devenues des jeunes femmes, étaient inédites chez Gallimard Jeunesse qui a saisi l’opportunité de la sortie du film de Greta Gerwig (2020), adapté des deux premiers tomes.

Nathan

Deux nouvelles séries pour les enfants qui apprennent à lire et une troisième pour les ados :

« Titus et les lamas joyeux » : Mission sac de piscine, Au secours, un ado !, Anne-Gaëlle Balpe et Zoé Plane, Premières lectures, BD, 2020.

Adila, Gédéon, Jo, Romi et Titus forment une bande très soudée, toujours prête pour de nouvelles missions et aventures… Qu’il s’agisse d’éviter une punition à leur copain Paolo qui a de nouveau oublié ses affaires de piscine ; ou de tout mettre en œuvre pour que Titus, soudain couvert de boutons d’acné, ne soit séparé d’eux car expédié au collège.
Destinées aux enfants qui apprennent à lire, ces bandes dessinées humoristiques comportent à chaque fois une chute amusante que l’on comprend sans qu’il soit besoin de texte ; elles peuvent se lire avec l’aide de l’adulte (chacun sa bulle) ou en autonomie dès que l’enfant sait lire des mots simples.

« Mon premier escape Game » : Panique chez les manchots (Les animaux de Lou), Mymi Doinet. Piégés dans la forêt (Amélie Maléfice), Arnaud Amméras, 2020.

Les parents des apprentis lecteurs seront mis à contribution, au moins dans un premier temps, pour les accompagner dans des enquêtes mettant en scène les héros de deux séries, peut-être déjà connues. Chaque double page comporte des bulles, du texte et une énigme à résoudre.  En ce qui concerne la première aventure, Lou et Sam doivent aider les parents manchots à retrouver leur œuf disparu. Et pour ce faire : lire un message dans un miroir, trouver des personnages identiques, décrypter un message écrit en code ou dans lequel chaque voyelle est remplacée par un chiffre, déchiffrer un rébus ou des mots mêlés, compter des animaux. Dans la deuxième, Amélie et Siméon sont confrontés à une forêt envahissante que seule une formule magique leur permettra de faire disparaitre. Il leur faudra donc : repérer les premières lettres des mots, remplacer chaque lettre par la lettre suivante dans l’alphabet, suivre du doigt un labyrinthe et noter les lettres qui y sont cachées ou reconstituer des lettres à moitié effacées. Une façon ludique d’appréhender la lecture en équipe. Les solutions sont livrées à la fin des ouvrages au cas où…

Court toujours

Silent Boy, Gaël Aymon ; Aux ordres du coeur, Fabrice Colin ; Les Potos d’abord, Rachel Corenblit ; Le Livre le plus mauvais du monde, Vincent Cuvellier ; Comme un homme, Florence Hinckel ; Son héroïne, Séverine Vidal, sont les six premiers titres de cette nouvelle collection de textes très courts (une soixantaine de pages) destinés aux lycéens, voire aux étudiants, peu enclins ou pressés de lire, sachant qu’ils existent également en version numérique ou auditive pour ceux qui préfèreraient. L’éditeur a fait appel à de auteur·e·s reconnu·e·s qui ont rédigé, dans une langue percutante et exigeante, des histoires variées, réalistes et parfois drôles ou légères, mais également très dures. Les personnages sont amenés à grandir face aux aventures ou épreuves qu’ils traversent.
Dans l’ordre : Anton, adolescent très introverti, s’exprimant surtout sur internet y puise le courage de dénoncer le harcèlement d’un camarade. Johanne, 17 ans, accompagne la folie de sa mère, quitte à s’oublier et se perdre. L’amitié d’Ihmed et de Nathan est mise en péril lorsqu’ils partent en vacances à deux, sans adultes. Adolescent un peu paumé et désœuvré, Paul rencontre l’auteur, incontrôlable, du livre incompréhensible qu’il a trouvé dans une boite à livres. Ethan, 18 ans, découvre le calvaire vécu par sa mère : va-t-il tuer ce grand-père coupable de viol et d’inceste ? Après avoir « sauvé » Jessica d’une agression, Rosalie la harcèle, faisant de la vie de sa nouvelle « amie » un cauchemar.

Casterman

Casterminouche, une histoire et on se couche !

Une nouvelle collection qui compte déjà 19 titres inédits : des histoires courtes, tendres, humoristiques, voire impertinentes, qui offrent dix minutes de lecture chaque soir pour les plus petits. Mignons petits albums souples à petit prix. Citons par exemple :

Le casting des loups, Anne-Isabelle Le Touzé, 2020.

Huit  loups (et quelques intrus) se présentent pour jouer le rôle d’un grand méchant loup : une petite souris commente leur prestation. Humour et parodie, dans un style bande dessinée.

Cet enfant que j’aime infiniment, Capucine Lewalle et Maud Legrand, 2020.

Déclaration d’amour poétique et fantaisiste d’une mère à son enfant, accompagnée de dessins crayonnés aux couleurs tendres et douces. Une belle réussite.

DES NOUVELLES DES RÉSEAUX DÉJÀ PRÉSENTÉS

L’ENFANT ESPION

Opération Shark : 1. Amos, 2. Julia, 3. Diego. Christelle Chatel/Vincent Roché, Nathan, 2020 et 2021.

Nouvelle série destinée aux 8-12 ans, mettant en scène quatre adolescents faisant partie d’une agence très spéciale baptisée Gulliver. Leur objectif ? Combattre SHARK, une dangereuse organisation cherchant à dominer le monde en s’attaquant aux enfants. Amos, 12 ans, se réveille amnésique. Peut-être est-ce lié à une découverte qu’il aurait faite lors d’une mission en solo sur un jeu vidéo. Julia, Diego, Kenzo et lui partent alors en Californie pour enquêter secrètement au sein du « Video Games Institute ». Dans une deuxième aventure, qui les mène au Portugal, il s’agira d’infiltrer les « Kidolympiques », une compétition sportive réservée aux adolescents. Il leur faudra protéger les participants face à l’équipe d’un pays inconnu, le Babistan. Enfin, dans une troisième, ils se rendent à Singapour, où va se tenir un sommet de chefs d’état autour de l’écologie, car Diego a reçu un mail d’Amos daté du moment où ce dernier a été retrouvé amnésique !
Il faut beaucoup de « coopération » pour adhérer aux aventures trépidantes, souvent empreintes d’humour, de ces agents de 12 ans : ils ont une famille qui ignore tout de leurs activités secrètes au service d’une agence dirigée par L., minichef au sens propre, puisqu’elle est miniaturisée ! Tout est à l’avenant notamment les gadgets : télécommande permettant d’emprunter des passages secrets dans Paris, robot au flair infaillible ayant l’apparence d’un teckel, traducteurs multilingues collés au gosier, vêtements furtifs, etc. L’auteure s’en donne à cœur joie sans se soucier de vraisemblance.

EXILS ET MIGRATIONS

Je me souviens, Gilles Rapaport, Gallimard Jeunesse, 2020.

À la manière de Georges Perec, l’auteur rend hommage au pays qui a permis à son père, ainsi qu’à lui-même, d’être Français, depuis l’arrivée de ses grands-parents au début du XXe siècle. Ces derniers, juifs exilés, auraient pu connaitre ainsi que leurs fils, un sort terrible sans la mobilisation de citoyens « désobéissants » qui les ont protégés. Sans eux, l’auteur ne serait pas né, n’aurait pas bénéficié des droits et des libertés en vigueur dans une démocratie. G. Rapaport met donc en avant dans cet album toutes celles et ceux qui ont aidé sa famille pendant la seconde guerre mondiale ou plus tard. À une époque où les frontières se referment, quand certains voudraient faire croire que l’Étranger est la cause de tous nos maux, cet ouvrage rappellera que pour d’autres, notre pays peut être une terre d’accueil où la solidarité n’est pas un vain mot.

RÊVE OU CAUCHEMAR ?

Les rêves d’Ima, Ghislaine Roman-Bertrand Dubois, Cipango, 2020.

Ima, fille de Juan le pécheur et de Luna, vit à Guaqui, village andin situé au bord du lac Titicaca. Elle perd un jour la joie et la santé car elle fait d’horribles cauchemars peuplés de monstres terrifiants. Toute la famille se mobilise pour lui faire retrouver le sourire : Inès, sa tante, Luis et Alvaro[1], ses oncles, lui enseignent tour à tour l’art du tissage, de la confection de bijoux et de poteries. Rien n’y fait : ses parents consultent alors Kamaq, vieil indien capable d’interpréter les rêves. Si le « piège à rêves » remis à Ima et la formule magique prononcée la délivrent effectivement de ses cauchemars, c’est au prix de la disparition de toute inspiration chez les artisans du village : les objets produits sont tellement fades, ternes et tristes que le marchand venu de Cuzco les refuse. C’est Ima qui trouvera elle-même la solution en affrontant ses rêves qu’elle retranscrit au jour le jour pour les lire ensuite aux villageois émerveillés. Un très beau conte magnifiquement illustré, aux couleurs chatoyantes, donnant au lecteur le sentiment d’être au Pérou et de mieux comprendre les légendes incas toujours vivantes.

[1] Appelé Alvaro en début d’histoire, le potier est ensuite nommé Pablo quelques pages plus loin…

 FILLE OU GARÇON ?

Valentin de toutes les couleurs, Chiara Mezzalama et Reza Dalvand, Les éditions des éléphants, 2021.

La dédicace de l’illustratrice : « Pour ceux qui sont différents et fiers de leur différence » résume parfaitement l’intention de ce bel album multicolore qui affirme subtilement qu’un garçon a le droit d’aimer coudre et d’être nul en foot. Valentin aime les couleurs, celles qui symbolisent l’amitié et traduisent les humeurs, sombres ou joyeuses… Il s’entend bien avec ses amies Aline et Marie, mais les garçons se gaussent de lui quand il n’arrive pas à attraper le ballon. Moqué et harcelé, il est tenté de basculer dans la phobie scolaire après avoir déchiré le tee-shirt d’Antoine, un camarade qui l’a fait volontairement trébucher. Cependant, la machine à coudre reçue pour son anniversaire va l’aider à surmonter sa peine et sa colère : Valentin confectionne un magnifique tee-shirt arc en ciel pour Antoine, car il souhaite ardemment que « l’amitié soit de toutes les couleurs et que les choses déchirées puissent se réparer ».
Un très beau texte, simple et lumineux, prônant de façon délicate le refus des stéréotypes, la tolérance et l’acceptation de soi. Les parents de Valentin se montrent aimants, le soutiennent et le comprennent sans mot dire, ce qui évidemment l’aide à s’assumer tel qu’il est.

Julie qui avait une ombre de garçon, Christian Bruel et Anne Galland. Illustré par Anne Bozellec. Le sourire qui mord, 1976. Réédité chez Être Édition, 2009, puis chez Thierry Magnier, 2014.

Julie ne se comporte pas du tout comme une fille aux yeux de ses parents qui la traitent de « garçon manqué ». Elle sait qu’elle les déçoit, elle voudrait pourtant qu’ils l’aiment. Un jour, elle se réveille avec une ombre de garçon qui la provoque et la harcèle. Elle doute alors de son identité, ne sait plus qui elle est vraiment et part se réfugier dans un trou au parc : elle y rencontre François, son double inversé. On lui reproche en effet d’avoir une « tête de fille », de « pleurer comme une fille »… Ils se réconfortent mutuellement, puis concluent qu’ils peuvent être les deux à la fois, fille et garçon, mais surtout qu’ils ont le droit d’exprimer et d’être ce qu’ils sont.
Une belle histoire, poétique et métaphorique, ayant le mérite de s’adresser aux plus jeunes. Il n’y avait sans doute à l’époque que cette maison d’édition, originale et impertinente, pour publier un album abordant un tel propos qui a d’ailleurs suscité la polémique, tant par le sujet que parce qu’il fait allusion, très discrètement mais sans pudibonderie, à la masturbation.
C’est la lecture de l’album précédent qui m’a remis en mémoire celui-ci, victime d’un oubli impardonnable de ma part ! Mais il n’est jamais trop tard pour s’amender.

ET POURQUOI PAS DES FILMS ?

• Des fictions

Madame Doubtfire, Chris Colombus, 124 mn, 1993. Existe en DVD.

Adapté du roman d’Anne Fine (présenté dans le numéro 55, p. 213), ce film bien connu met en scène Daniel Hillard, acteur au chômage, qui se déguise en gouvernante pour s’occuper de ses trois enfants que son ex-femme Miranda l’empêche de voir. Nombreuses scènes hilarantes et personnage masculin plus attachant que dans le roman. S’appuyant sur la performance de Robin Williams, le réalisateur met l’accent sur l’humour et la comédie.

Osama, Sedigh Barmak, 84 mn, 2003. Existe en DVD.

Dans l’impossibilité de travailler en raison des interdictions des Talibans, une mère et sa fille de 12 ans se retrouvent sans ressources suite à la mort des hommes de la famille. La jeune fille se déguise alors en garçon et vit dans la peur constante qu’on ne découvre sa véritable identité.

Tomboy, Céline Sciamma, 84 mn, 2011. Existe en DVD.

L’espace d’un été, Laure, 10 ans, devient Mickaël, car Lisa l’a prise pour un garçon : cette méprise lui permet de s’intégrer dans une bande au sein de laquelle elle trouve sa place, elle, le « garçon manqué » (« Tomboy » en anglais) jusqu’au jour où elle est « découverte ». Très beau film sur les troubles de l’identité au seuil de l’adolescence.

Parvana, une enfance en Afghanistan, Nora Twomay, 94 mn, 2018. Existe en DVD.

Film d’animation adapté du livre éponyme de Deborah Ellis (que j’ai présenté dans le n° 60, p. 233). Parvana, 11 ans, se fait passer pour Kassem afin de pouvoir sortir dans Kaboul et d’y travailler pour nourrir sa famille.

Girl, Lukas Dhont, 105 mn, 2018. Existe en DVD.

Lara, 15 ans, pratique la danse. C’est une jeune fille trans, soutenue par un père bienveillant. Mais Lara souffre des lenteurs de sa transformation malgré la prise d’hormones, ce qui la conduira à un geste radical (automutilation). Film encensé par la critique, notamment en raison de la prestation du jeune acteur (non trans), mais nettement moins bien perçu par les personnes transgenres qui reprochent au film d’être trop centré sur la génitalité. A réserver aux plus âgés.

Lola vers la mer, Laurent Micheli, 90 mn, 2019. Existe en DVD.

À la mort de sa mère, Lola (jouée par une jeune actrice transgenre) doit renouer avec son père qui ne comprend ni n’accepte sa transidentité, pas plus que l’opération qu’elle envisage. Ils s’affrontent lors d’un voyage vers la mer pour disperser les cendres de la mère.

Mytho, série télévisée d’Anne Berest et Fabrice Gobert, saison 1, 6 x 45 mn, 2019. Existe en DVD.

Une mère de famille, surmenée et peu considérée par les siens, s’invente un cancer. Dès lors, mari infidèle et enfants égoïstes sont aux petits soins pour elle. Parmi les trois enfants, Sam se vit comme une fille et séduit son correspondant allemand.
Une deuxième saison a été réalisée depuis.

• Des documentaires

Indianara, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa, 84 mn, 2019. Existe en DVD.

De 2016 à 2018, les réalisateurs ont suivi Indianara Siqueira, militante et femme politique transgenre qui a créé Casa Nem à Rio de Janeiro pour accueillir toutes les personnes LBGT persécutées au Brésil (2017 personnes transgenres assassinées en 2017). Pour grands adolescents et adultes.

Petite fille, Sébastien Lifshitz, 83 mn, 2020. Existe en DVD.

Le réalisateur a suivi pendant un an Sasha, 7 ans, née dans un corps de garçon mais qui se sent et se vit fille depuis l’âge de 3 ans. Sa famille, notamment sa maman, la soutient et témoigne de leur quotidien semé d’embûches. Un documentaire lumineux et émouvant, destiné au grand public, dont on espère qu’il contribuera à faire évoluer les mentalités.
Du même réalisateur, Bambi, 60 mn, (2013), moyen métrage sur l’une des premières transgenres françaises. Pour grands adolescents et adultes. Existe en DVD.

Sous la peau, Robin Harsch, 85 mn, 2020.

L’acteur-réalisateur suisse a filmé et interrogé durant deux ans trois jeunes ados, Effie Alexandra, Logan et Söan, qui ont décidé d’accomplir leur transition de genre et participent aux groupes de parole du « Refuge » situé à Genève. Il les accompagne avec chaleur et pudeur, ainsi que quelques parents, des mères surtout, dont certaines témoignent qu’elles ont « perdu » un enfant et ont dû en faire le « deuil ». Un père témoignera également du chemin parcouru. Un documentaire essentiel dont Effie Alexandra espère qu’il contribuera à soutenir la cause des trans.

RÉÉDITIONS OU PARUTIONS AU FORMAT DE POCHE DE TITRES DÉJÀ ÉVOQUÉS (ou pas, d’ailleurs…)

Éditions d’eux

Le jardin d’Abdul Gasazi, Chris Van Allsburg, traduit de l’anglais par Christiane Duchesne, 2020.

Mademoiselle Hester a confié Fritz, son chien espiègle et « mordilleur » au jeune Alan Mitz. L’adolescent l’emmène se promener près d’un magnifique jardin, hélas interdit aux chiens, appartenant à un magicien à la retraite ; mais ce mal élevé de Fritz n’en a cure et se sauve. Alan le poursuit dans tout le jardin pour finalement se trouver nez à nez avec l’imposant Abdul : le magicien accepte de lui rendre le cabot… sous la forme d’un canard qui finit par s’envoler, non sans avoir dérobé sa casquette au garçon ; ce dernier repart seul chez Mademoiselle Hester, terrorisé à l’idée de lui avouer la vérité. Mais celle-ci se moque gentiment d’Alan, un peu trop grand pour croire à la magie, et il rentre chez lui en se sentant un peu bête : en effet, Fritz est revenu et il s’amuse follement avec la casquette d’Alan !  Cet album reflète bien l’univers étrange et fantastique cher à l’auteur. Mélange de réalisme et d’imaginaire, cette histoire pourrait bien correspondre à la définition du fantastique par Todorov[1]. Le texte, simple et précis sur la page de gauche, est magnifiquement illustré sur la page de droite en un noir et blanc, décliné dans toutes les nuances de gris. Ces illustrations pointillistes pleines de relief (Chris Van Allsburg fut d’abord sculpteur[2]) débordent d’ailleurs sur la page de gauche ; elles rendent hommage à tous ceux qui inspirent l’auteur tels Vermeer, Piranèse, Caspar David Friedrich, Edward Hopper ou Magritte…
C’est donc une merveilleuse idée que d’avoir réédité ce premier album (1979) de l’auteur-illustrateur dévoilant déjà un talent que ses créations suivantes confirmeront. Peut-être moins connu que Jumanji ou Boréal-Express, adaptés au cinéma, ou que Les mystères de Harris Burdick qui reste mon préféré, ce conte malicieux, bénéficiant d’une maquette luxueuse, n’a pris aucune ride : il ravira petits et grands.

[1] « Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un évènement en apparence surnaturel. » Introduction à la littérature fantastique, Tzvetan Todorov,. Seuil, 1970.
[2] L’illustration de couverture en atteste, puisqu’il s’agit d’art topiaire, c’est-à-dire de haies taillées, dans ce cas, en forme d’animaux. Tous les lecteurs ayant vu Edward aux mains d’argent (Tim Burton, 1990) savent de quoi il s’agit, même s’ils ne connaissent pas l’expression…

Gallimard jeunesse

Trois filles en colère, Isabelle Pandazopoulos, coll. Pôle fiction, 2020.

L’auteure de La décision[1] met en scène trois beaux personnages de jeunes femmes ainsi que leur entourage entre Aout 1966 et Novembre 1968. À travers la correspondance de Suzanne, parisienne, de Magda sa cousine retournée vivre à Berlin et de Cléomèna, obligée de fuir la dictature des colonels en Grèce, elle retrace deux années fertiles en évènements politiques, sociaux et historiques, auxquels sont confrontés les trois filles ainsi qu’une dizaine de personnages les entourant, de près ou de loin. Se présentant comme la mise en forme de missives, documents divers et archives trouvés par hasard au fond d’une valise, présents dans l’ouvrage sous forme de fac similés, ce récit par lettres très documenté restitue l’atmosphère si particulière de l’Europe à la veille de mai 68 à travers la vie intime de jeunes femmes qui découvrent les luttes politiques (Magda, Suzanne) ou les subissent (Cléomèna) ; elles conquièrent peu à peu leur liberté : celle de se détacher du passé, des secrets de famille et de tracer chacune un chemin qui lui est propre.

[1] Voir la présentation de cet ouvrage dans le numéro 64 de Recherches (2016), réseau « Encore adolescent.e.s, déjà parents ».

Nathan

Chère Madame ma grand-mère, Élisabeth Brami, Dyscool, 2020.

Saluons la parution dans une version de « lecture facilitée » de ce petit roman épistolaire recommandé pour les cours moyens et la sixième.
Vivant seule en Pays de Loire avec sa mère, Olivia, 12 ans et demi, s’interroge depuis trop longtemps sur son père qu’elle ne connait pas. Ayant trouvé deux fois le nom de Madame Barrois (le nom de son père) dans les affaires de sa mère, elle décide d’écrire à cette dame dont elle pense qu’elle pourrait être sa grand-mère.
Mais Eléonore Barrois, qui habite à Marseille, se montre d’emblée très réticente : il faudra à la jeune fille beaucoup d’opiniâtreté pour entamer les défenses d’une femme meurtrie par la vie et découvrir enfin le secret de ses origines. Cette correspondance, comprenant onze lettres en tout, s’étale sur plusieurs mois. C’est le temps qu’il faudra à Olivia pour « apprivoiser » sa grand-mère, parler à cœur ouvert avec sa mère, lever les malentendus qui ont gâché la vie de trois personnes, se réappropriant ainsi son histoire. Un roman délicat et sensible mettant bien en valeur les effets néfastes des secrets de famille.

PKJ

Dys sur dix, Delphine Pessin, 2021.

Présenté dans Coups de cœur Printemps-Été 2019.

 Divergente raconté par 4, Veronica Roth, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Delcourt, Best-seller, 2021.

Tobias Eton, alias « Quatre » raconte sa vie chez Les Altruistes avant de choisir les Audacieux, étant le premier de sa faction à agir ainsi. Les trois premiers récits, Le Transfert, Le Novice et Le Fils se situent avant la rencontre de Tobias et de Tris, tandis que le quatrième, Le Traitre, se déroule chronologiquement au milieu du tome 1, comblant ainsi un blanc : la rencontre des deux personnages.
La trilogie initiale, mêmes auteure et traductrice, est parue au format poche dans la même collection en 2017.

Le Jeu du maitre : 1- La Partie infinie et 2– La Révolution, James Dashner, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, « Best-seller », 2020 et 2021.

Dans le premier tome, Michael évolue dans un univers virtuel, le VirtNet, moitié jeu vidéo, moitié réseau social ; il y fréquente Sarah et Bryson, hackers comme lui. Mais les trois amis vont être confrontés à des suicides qui eux sont bien réels…

Après avoir mis sa vie en danger, Michael est plus que jamais, dans le tome suivant, confronté à de terribles machinations : rien moins que le remplacement des esprits humains par des esprits virtuels… La parution en poche du dernier tome intitulé Fin de partie, devrait suivre. Par l’auteur de la série Le Labyrinthe, également disponible en poche et adaptée au cinéma par Wes Ball.

Les coups de cœur d’Élizabeth Vlieghe – 2021

COUPS DE CŒUR DOCUMENTAIRES

Confinés déconfinés, Docteur Catherine Dolto/Colline Faure-Poirée, « Mine de rien », Gallimard Jeunesse Giboulées, 2020.

On aurait aimé que cet album ne parle que du passé et ne soit plus d’actualité… Il faudra encore attendre ! Et donc, rien de tel que les mots de Catherine Dolto pour comprendre ce que le coronavirus a changé dans nos vies, notamment celle des enfants.

Prenez le pouvoir les filles ! Jamia Wilson et Andrea Pippins, Casterman, 2020.

Les deux complices déjà mentionnées pour l’ouvrage I have a dream (Coups de cœur Hiver 18-19) récidivent dans un ouvrage conforme au précédent tant dans la maquette que le style des illustrations très colorées. Il s’agit cette fois-ci d’un guide à destination des adolescentes qui auraient besoin de « conseils pour croire en soi et s’épanouir dans la vie ». S’appuyant sur leurs expériences personnelles, les auteures en proposent 23, répartis en cinq chapitres : Prendre confiance ; Vivre avec les autres ; Faire des choix ; Passer à l’action ! ; Prendre soin de soi. Même si elles reconnaissent que c’est souvent « plus facile à dire qu’à faire », elles réussiront sans doute à convaincre nombre de filles qu’elles ne doivent pas hésiter à aller au bout de leurs rêves.

Nos droits, leurs combats, Irène Cohen-Janca et Édith Chambon, Les éditions des éléphants, avec le soutien d’Amnesty International, 2021.

En France, on pourrait parfois oublier que des femmes et des hommes se sont battus pour obtenir des droits qui paraissent aller de soi aux plus jeunes. Dix droits fondamentaux (ne pas être esclave, fréquenter l’école laïque et gratuite, voter quand on est femme, avoir des congés payés, avorter, ne pas être condamné à mort, aimer librement, faire grève, manifester) sont mis en valeur selon un schéma identique : un dessin introduisant  le sujet suivi d’une phrase qui a marqué les esprits ; une mise en contexte historique rappelant les étapes cruciales ; une bande dessinée retraçant un ou plusieurs moments forts et décisifs, complétée par ce qu’il en est aujourd’hui ; pour terminer, le portrait d’une personne ayant joué un rôle essentiel dans la conquête de ce droit, de Victor Schoelcher à Jean Jaurès en passant par Louise Weiss et Simone Veil, pour ne citer que quelques noms. La préface d’Amnesty International souligne la ténacité de chacune des personnes évoquées et le long chemin qu’il a fallu parcourir pour obtenir ces droits à travers les lois qui les ont actés ; mais attire également l’attention sur les remises en cause et les attaques dont ils font l’objet. Il faut donc les connaitre pour en bénéficier mais également les protéger et les défendre.
Ouvrage salutaire, à lire et relire, afin de se rappeler que certains droits ont été conquis de haute lutte, qu’ils n’existent hélas pas partout, loin de là, et qu’il faut rester vigilant face à ce/ceux qui les menace(nt). Devrait figurer en bonne place dans tous les CDI.

Aux premiers siècles de l’Islam, Dominique Joly et Emmanuel Olivier, « L’histoire du monde en BD », Casterman, 2020.

De façon claire et agréable, les auteurs racontent l’avènement du prophète Muhammad et la rédaction du Coran après sa mort. Ils narrent les conquêtes liées à la diffusion du message religieux et l’élaboration d’un empire gigantesque. Les débuts fastueux de la civilisation arabo-mulsumane sont décrits à travers la gestion des territoires par les califes ; l’artisanat et le commerce prospèrent, un art de vivre délicat se développe et les savoirs se multiplient grâce aux philosophes, médecins, astronomes et mathématiciens. C’est un véritable tour de force qu’il faut saluer d’avoir réussi à brosser en 48 pages l’essentiel des débuts de l’Islam jusqu’au XIIIe siècle. Abordable dès la fin de l’école élémentaire.

COUPS DE CŒUR ACTUALITÉ

Enfermés dedans, Série « Akissi », Marguerite Abouet et Mathieu Sapin, Gallimard Bande dessinée. 2020.

Après avoir connu le succès avec Aya de Yopougon, l’auteure a imaginé les aventures de sa petite sœur Akissi. S’inspirant de sa propre enfance et des bêtises commises dans le quartier de Côte d’Ivoire où elle a grandi, la scénariste met en scène une bande d’enfants livrée à elle-même. Ce dixième album commence par la colère d’Akissi : son frère Fofana a reçu le vélo dont elle rêvait ; en outre, inutile de préciser qu’elle n’est pas satisfaite de la poupée qu’on lui a offerte, alors qu’elle préfère s’occuper des bébés du quartier même si on le lui interdit. Et quelle catastrophe, lorsque le président annonce un confinement en raison de l’épidémie de coronavirus ! Cette situation inédite donne lieu à une longue histoire, contrairement aux principes habituels mis en œuvre dans cette série. Car il faut brosser l’évolution d’Akissi, de sa famille et de ses amis durant vingt jours : la joie de ne plus devoir aller à l’école, les bonnes résolutions des parents faisant preuve de pédagogie pour expliquer les gestes recommandés, cèdent rapidement la place à l’énervement et à la compétition pour aller faire les courses ou promener n’importe quel animal… Chacun, petit ou grand, se retrouvera dans ces multiples saynètes, légères et réalistes, teintées d’humour et de malice. Comme dans chaque album, un bonus est offert à la fin : cette fois-ci, la recette des « claclos », un plat typique du pays.

Dix, Marine Carteron, Doado noir, Éditions du Rouergue, 2019.

Voici un roman noir, bien noir… Sept adolescents d’un même établissement scolaire accompagnés de trois adultes se retrouvent dans un manoir isolé sur l’île bretonne de Sareck. Coupés du monde, ils sont censés participer à une émission de télé-réalité sous forme d’escape-game. Mais le lecteur apprend rapidement que tous ont la conscience chargée. Les pièces du puzzle se mettent progressivement en place : la jeune Esther est morte et rien n’arrêtera la main implacable des « dieux ». Les crimes commis tant par les jeunes que par les adultes sont odieux, leur châtiment sera atroce. Âmes sensibles s’abstenir ! La vengeance concoctée est machiavélique, sanglante et immorale. Le lecteur, maintenu en haleine jusqu’à la fin, sera sans doute effaré face à la noirceur des thèmes évoqués : trahison, harcèlement, viol, inceste, suicide, drogue, meurtres ; les adultes se montrent lâches et capables des pires horreurs, mais les adolescents ne sont pas en reste : leurs relations peuvent devenir perverses et dangereuses. On se réjouit cependant des multiples références littéraires : à Agatha Christie évidemment, mais également à Charles Perrault, à la mythologie et aux textes antiques. Sans oublier quelques articles du code pénal !

Je te plumerai la tête, Claire Mazard, Syros, 2020.

L’auteure, nous ayant habitués à des romans traitant de sujets forts, parfois dérangeants, ne déroge pas à la règle avec ce récit glaçant d’emprise d’un père sur sa fille. Lilou est en première L ; âgée de 16 ans, elle vit dans une superbe villa près d’Aix-en-Provence avec son père, Édouard Cuvelier, séduisant patron d’une agence de publicité. Lilou adore son « papa-Lou », auquel elle voue une admiration démesurée ; obéissant à son père qui le lui déconseille, elle ne va même plus voir sa mère, Caroline, hospitalisée pour une récidive de cancer, avec laquelle les relations se sont dégradées depuis plusieurs années. Ses meilleurs amis, Emma, Camille et Lucas, ainsi que son amoureux Gabriel l’amènent cependant à se poser des questions et elle décide de retourner rendre visite à sa mère : elle découvre alors que son père lui ment et a tout fait pour les séparer l’une de l’autre. Il ne lui restera malheureusement que deux mois pour renouer (notamment par le biais de la littérature) avec cette femme qui fut la première victime d’un mari pervers narcissique, avant qu’il n’emprisonne sa fille dans une relation malsaine et toxique.
Rédigé à la première personne, avec la mention des dates, le texte développe le point de vue de Lilou dont le lecteur comprend rapidement, contrairement à la jeune fille, à quel point elle est manipulée par son père dont elle ne mesure ni l’étendue des mensonges ni la capacité de nuire. Il lui faudra beaucoup de temps pour se soustraire à son influence, pour trouver la force de lui résister et de lui dire non. Elle ne le pourra enfin qu’avec l’aide de ses amis, mais surtout de Jo, la sœur de sa mère, psychologue, et d’un jeune psy, Tino. Au terme d’un cheminement extrêmement lent et douloureux, ponctué par la découverte des nombreuses attitudes ou actions monstrueuses de son père, elle prend enfin conscience qu’il est malade et qu’elle doit se protéger de lui. À travers ce roman émouvant et fort, Claire Mazard ne cache pas son intention d’alerter un maximum de lecteurs face à cette perversion et de les aider à en décoder les symptômes pour s’en prémunir.

D.O.G, Nathalie Bernard et Frédéric Portalet, Thierry Magnier, 2020.

Il s’agit de la troisième enquête du lieutenant-détective Valérie Lavigne, les deux précédentes ayant été présentées dans « Actualités Printemps-été 2019 ». L’enquêtrice est chargée de retrouver trois adolescents fréquentant l’école secondaire Rosemont : Dorian Belenger, Sarah Poulin et Alicia Lavoie, sur laquelle va se concentrer le récit. Ces jeunes participent à un jeu en ligne, Days of Grace, consistant à relever des défis de plus en plus difficiles et tordus, et dont ils se sont fait tatouer sur le bras l’acronyme D.O.G… C’est ainsi qu’Alicia se retrouve dans les tunnels désaffectés de Montréal où sévit James Page qui l’emprisonne dans une cage. Peu à peu, l’enquête en recoupe une autre, celle de son ancien collègue Gautier Saint-James, chargé de traquer un kidnappeur d’enfants, Caleb Stein, qui se révèlera être le tueur en série ayant enlevé Paul, le petit frère de Valérie, des années auparavant. La pression s’accentue et, comme dans les romans précédents, le lecteur est tenu en haleine jusqu’au bout par un récit suivant alternativement Valérie ou ses collègues et Alicia, avilie et maltraitée par son bourreau. On s’attache ainsi aux différents personnages, qu’il s’agisse des adultes : Gautier a été quitté par sa femme Éva parce qu’il travaille trop et s’occupe à présent seul de son fils Hugo ; Valérie ne s’est jamais pardonné d’avoir envoyé Paul s’acheter des friandises afin de lire tranquillement ; ou de ces trois adolescents déjà cruellement marqués par la vie : Dorothée Hamel, qui n’a jamais reçu d’amour, se tient prête à accomplir le défi suprême du jeu alors qu’elle en connait la perversion  ; Alicia se dévalorise encore plus depuis que son grand frère  Daniel a été tué par un chauffard ; Alex, quant à lui,  n’a surmonté le traumatisme  de  la disparition de ses deux parents qu’en devenant survivaliste. Mais les compétences ainsi acquises lui permettent de sauver Alicia, laquelle réussit quand même à trouver le courage d’échapper à son tortionnaire puis à le neutraliser ; on comprend que ces deux-là vont s’en sortir, ce qui clôt le roman sur une note d’espoir.

La Folle Épopée de Victor Samson, Laurent Seksik, Flammarion, 2020.

Ce premier roman pour la jeunesse de l’auteur narre les aventures rocambolesques de Victor Samson, né à Mondino en 1900. Alors que Rachel, sa mère, s’inquiète pour un rien, Jacob, son père, ne craint rien. Tenant une officine qui vend toutes sortes de remèdes, il a inventé une boisson « au gout de paradis », efficace contre de nombreux maux : « la Jacobine » lui confère une réputation aussi flatteuse que sulfureuse auprès de ses concitoyens. Jusqu’au jour où, l’histoire se répétant, Jacob devient un bouc émissaire et périt dans l’incendie de sa boutique détruite par des villageois en colère. Plutôt que de rester à Nice aux côtés de son oncle Mathias, Victor décide alors de partir en Amérique réaliser le rêve de son père : faire découvrir au monde entier la Jacobine. Inutile de préciser que son chemin sera semé d’embuches : enrôlé de force il participe à la guerre 14-18, ce qui lui vaudra une amitié indéfectible avec Alphonse, rendu aveugle par les gaz, mais prêt à le suivre jusqu’au bout du monde ; ils se retrouveront à Berlin, à Moscou, à Pékin puis à Hollywood. Ils croiseront Einstein, Jean Jaurès, une princesse, Trotski et Charlie Chaplin, avant de se séparer et de retrouver chacun leur amoureuse…
Ancré dans une réalité politico-historique, ce parcours initiatique est décliné avec simplicité et sans temps mort. Victor est un personnage sain et optimiste, qui va jusqu’au bout de son rêve, sans le brader pour autant ; il sera confronté à toute la palette des attitudes et sentiments humains : amitié, amour, haine, intolérance. L’univers et les valeurs humanistes du romancier servent de toile de fond à cette « folle épopée » qui n’est pas sans rappeler dans ses enchainements, emboitements et rencontres, celle du « vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire[1 ]».

[1] Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire », Jonas Jonasson, Presses de la cité, 2011. Existe en Poche Pocket.

Hunger Games : La Ballade du serpent et de l’oiseau chanteur, Suzanne Collins, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, PKJ, 2020.

L’auteure a cédé à la tentation du préquel en imaginant Panem 64 ans avant les évènements narrés dans sa célèbre trilogie [1]. Les fans retrouveront les jeux (dixième édition, précédée de « la moisson ») et découvriront ainsi de nouveaux personnages mais également Coriolanus Snow adolescent, futur dictateur de la série. Ce dernier, âgé de 18 ans, orphelin vivant avec sa grand-mère et sa cousine Tigris, est un jeune homme désargenté, ambitieux et arrogant. Mentor pour la première fois, le sort lui attribue une fille du district 12, Lucy Gray Baird. Cette jeune fille, préfigurant le personnage de Katniss, fait partie des Covays ; c’est une artiste itinérante réputée pour son chant. S’il veut gagner, Coriolanus doit favoriser Lucy : il ne s’en privera pas, en l’aidant plusieurs fois à éliminer ses concurrents, et elle gagnera grâce à lui. Partagé entre son affection pour sa protégée avec laquelle il entretient une liaison et son ambition, il n’hésitera pourtant pas à choisir les chemins les plus obscurs. Sa tricherie découverte, il n’a d’autre choix que de devenir Pacificateur et bascule dans le crime : il fait exécuter son ami Sejanus Plinth à sa place, cherche à tuer Lucy et s’acoquine avec Volumnia Gaul, spécialiste des modifications génétiques, puis élimine le doyen Casca Highbottom qui en sait trop. Située dix ans après la guerre (« Les jours sombres »), cette intrigue permet d’explorer l’état de nature et d’envisager de différentes manières la survie dans le monde de Panem en pleine reconstruction.

[1] Les tomes 1 et 2 sont présentés dans le numéro 52 de Recherches (2010), le tome 3 dans le numéro 54 (2011).

NOUVEAUTÉS EN MATIÈRE D’ÉDITIONS ET DE COLLECTIONS

Gallimard jeunesse

Le Trésor des histoires Motordu, Pef, « L’heure des histoires », 2020.

Voilà qui devrait ravir les fans de « belles lisses poires » : pour célébrer les 40 ans du célèbre personnage de Pef, six aventures de Motordu au format album, dans une nouvelle maquette.

Les Quatre Filles du docteur March, Les filles du docteur March se marient, Le Rêve de Jo March et La Grande famille de Jo March, Louisa May Alcott, traduit de l’anglais (États-Unis) par Paulette Vielhomme-Calais (tome 1) et par Claude Loriot-Prévost (tomes 2, 3 et 4), Folio Junior, 2019 (tomes 1, 2 et 3), 2021 (tome 4).

Inutile de présenter ces quatre sœurs… La suite de leurs aventures, alors qu’elles sont devenues des jeunes femmes, étaient inédites chez Gallimard Jeunesse qui a saisi l’opportunité de la sortie du film de Greta Gerwig (2020), adapté des deux premiers tomes.

Nathan

Deux nouvelles séries pour les enfants qui apprennent à lire et une troisième pour les ados :

« Titus et les lamas joyeux » : Mission sac de piscine, Au secours, un ado !, Anne-Gaëlle Balpe et Zoé Plane, Premières lectures, BD, 2020.

Adila, Gédéon, Jo, Romi et Titus forment une bande très soudée, toujours prête pour de nouvelles missions et aventures… Qu’il s’agisse d’éviter une punition à leur copain Paolo qui a de nouveau oublié ses affaires de piscine ; ou de tout mettre en œuvre pour que Titus, soudain couvert de boutons d’acné, ne soit séparé d’eux car expédié au collège.
Destinées aux enfants qui apprennent à lire, ces bandes dessinées humoristiques comportent à chaque fois une chute amusante que l’on comprend sans qu’il soit besoin de texte ; elles peuvent se lire avec l’aide de l’adulte (chacun sa bulle) ou en autonomie dès que l’enfant sait lire des mots simples.

« Mon premier escape Game » : Panique chez les manchots (Les animaux de Lou), Mymi Doinet. Piégés dans la forêt (Amélie Maléfice), Arnaud Amméras, 2020.

Les parents des apprentis lecteurs seront mis à contribution, au moins dans un premier temps, pour les accompagner dans des enquêtes mettant en scène les héros de deux séries, peut-être déjà connues. Chaque double page comporte des bulles, du texte et une énigme à résoudre.  En ce qui concerne la première aventure, Lou et Sam doivent aider les parents manchots à retrouver leur œuf disparu. Et pour ce faire : lire un message dans un miroir, trouver des personnages identiques, décrypter un message écrit en code ou dans lequel chaque voyelle est remplacée par un chiffre, déchiffrer un rébus ou des mots mêlés, compter des animaux. Dans la deuxième, Amélie et Siméon sont confrontés à une forêt envahissante que seule une formule magique leur permettra de faire disparaitre. Il leur faudra donc : repérer les premières lettres des mots, remplacer chaque lettre par la lettre suivante dans l’alphabet, suivre du doigt un labyrinthe et noter les lettres qui y sont cachées ou reconstituer des lettres à moitié effacées. Une façon ludique d’appréhender la lecture en équipe. Les solutions sont livrées à la fin des ouvrages au cas où…

Court toujours

Silent Boy, Gaël Aymon ; Aux ordres du coeur, Fabrice Colin ; Les Potos d’abord, Rachel Corenblit ; Le Livre le plus mauvais du monde, Vincent Cuvellier ; Comme un homme, Florence Hinckel ; Son héroïne, Séverine Vidal, sont les six premiers titres de cette nouvelle collection de textes très courts (une soixantaine de pages) destinés aux lycéens, voire aux étudiants, peu enclins ou pressés de lire, sachant qu’ils existent également en version numérique ou auditive pour ceux qui préfèreraient. L’éditeur a fait appel à de auteur·e·s reconnu·e·s qui ont rédigé, dans une langue percutante et exigeante, des histoires variées, réalistes et parfois drôles ou légères, mais également très dures. Les personnages sont amenés à grandir face aux aventures ou épreuves qu’ils traversent.
Dans l’ordre : Anton, adolescent très introverti, s’exprimant surtout sur internet y puise le courage de dénoncer le harcèlement d’un camarade. Johanne, 17 ans, accompagne la folie de sa mère, quitte à s’oublier et se perdre. L’amitié d’Ihmed et de Nathan est mise en péril lorsqu’ils partent en vacances à deux, sans adultes. Adolescent un peu paumé et désœuvré, Paul rencontre l’auteur, incontrôlable, du livre incompréhensible qu’il a trouvé dans une boite à livres. Ethan, 18 ans, découvre le calvaire vécu par sa mère : va-t-il tuer ce grand-père coupable de viol et d’inceste ? Après avoir « sauvé » Jessica d’une agression, Rosalie la harcèle, faisant de la vie de sa nouvelle « amie » un cauchemar.

Casterman

Casterminouche, une histoire et on se couche !

Une nouvelle collection qui compte déjà 19 titres inédits : des histoires courtes, tendres, humoristiques, voire impertinentes, qui offrent dix minutes de lecture chaque soir pour les plus petits. Mignons petits albums souples à petit prix. Citons par exemple :

Le casting des loups, Anne-Isabelle Le Touzé, 2020.

Huit  loups (et quelques intrus) se présentent pour jouer le rôle d’un grand méchant loup : une petite souris commente leur prestation. Humour et parodie, dans un style bande dessinée.

Cet enfant que j’aime infiniment, Capucine Lewalle et Maud Legrand, 2020.

Déclaration d’amour poétique et fantaisiste d’une mère à son enfant, accompagnée de dessins crayonnés aux couleurs tendres et douces. Une belle réussite.

DES NOUVELLES DES RÉSEAUX DÉJÀ PRÉSENTÉS

L’ENFANT ESPION

Opération Shark : 1. Amos, 2. Julia, 3. Diego. Christelle Chatel/Vincent Roché, Nathan, 2020 et 2021.

Nouvelle série destinée aux 8-12 ans, mettant en scène quatre adolescents faisant partie d’une agence très spéciale baptisée Gulliver. Leur objectif ? Combattre SHARK, une dangereuse organisation cherchant à dominer le monde en s’attaquant aux enfants. Amos, 12 ans, se réveille amnésique. Peut-être est-ce lié à une découverte qu’il aurait faite lors d’une mission en solo sur un jeu vidéo. Julia, Diego, Kenzo et lui partent alors en Californie pour enquêter secrètement au sein du « Video Games Institute ». Dans une deuxième aventure, qui les mène au Portugal, il s’agira d’infiltrer les « Kidolympiques », une compétition sportive réservée aux adolescents. Il leur faudra protéger les participants face à l’équipe d’un pays inconnu, le Babistan. Enfin, dans une troisième, ils se rendent à Singapour, où va se tenir un sommet de chefs d’état autour de l’écologie, car Diego a reçu un mail d’Amos daté du moment où ce dernier a été retrouvé amnésique !
Il faut beaucoup de « coopération » pour adhérer aux aventures trépidantes, souvent empreintes d’humour, de ces agents de 12 ans : ils ont une famille qui ignore tout de leurs activités secrètes au service d’une agence dirigée par L., minichef au sens propre, puisqu’elle est miniaturisée ! Tout est à l’avenant notamment les gadgets : télécommande permettant d’emprunter des passages secrets dans Paris, robot au flair infaillible ayant l’apparence d’un teckel, traducteurs multilingues collés au gosier, vêtements furtifs, etc. L’auteure s’en donne à cœur joie sans se soucier de vraisemblance.

EXILS ET MIGRATIONS

Je me souviens, Gilles Rapaport, Gallimard Jeunesse, 2020.

À la manière de Georges Perec, l’auteur rend hommage au pays qui a permis à son père, ainsi qu’à lui-même, d’être Français, depuis l’arrivée de ses grands-parents au début du XXe siècle. Ces derniers, juifs exilés, auraient pu connaitre ainsi que leurs fils, un sort terrible sans la mobilisation de citoyens « désobéissants » qui les ont protégés. Sans eux, l’auteur ne serait pas né, n’aurait pas bénéficié des droits et des libertés en vigueur dans une démocratie. G. Rapaport met donc en avant dans cet album toutes celles et ceux qui ont aidé sa famille pendant la seconde guerre mondiale ou plus tard. À une époque où les frontières se referment, quand certains voudraient faire croire que l’Étranger est la cause de tous nos maux, cet ouvrage rappellera que pour d’autres, notre pays peut être une terre d’accueil où la solidarité n’est pas un vain mot.

RÊVE OU CAUCHEMAR ?

Les rêves d’Ima, Ghislaine Roman-Bertrand Dubois, Cipango, 2020.

Ima, fille de Juan le pécheur et de Luna, vit à Guaqui, village andin situé au bord du lac Titicaca. Elle perd un jour la joie et la santé car elle fait d’horribles cauchemars peuplés de monstres terrifiants. Toute la famille se mobilise pour lui faire retrouver le sourire : Inès, sa tante, Luis et Alvaro[1], ses oncles, lui enseignent tour à tour l’art du tissage, de la confection de bijoux et de poteries. Rien n’y fait : ses parents consultent alors Kamaq, vieil indien capable d’interpréter les rêves. Si le « piège à rêves » remis à Ima et la formule magique prononcée la délivrent effectivement de ses cauchemars, c’est au prix de la disparition de toute inspiration chez les artisans du village : les objets produits sont tellement fades, ternes et tristes que le marchand venu de Cuzco les refuse. C’est Ima qui trouvera elle-même la solution en affrontant ses rêves qu’elle retranscrit au jour le jour pour les lire ensuite aux villageois émerveillés. Un très beau conte magnifiquement illustré, aux couleurs chatoyantes, donnant au lecteur le sentiment d’être au Pérou et de mieux comprendre les légendes incas toujours vivantes.

[1] Appelé Alvaro en début d’histoire, le potier est ensuite nommé Pablo quelques pages plus loin…

 FILLE OU GARÇON ?

Valentin de toutes les couleurs, Chiara Mezzalama et Reza Dalvand, Les éditions des éléphants, 2021.

La dédicace de l’illustratrice : « Pour ceux qui sont différents et fiers de leur différence » résume parfaitement l’intention de ce bel album multicolore qui affirme subtilement qu’un garçon a le droit d’aimer coudre et d’être nul en foot. Valentin aime les couleurs, celles qui symbolisent l’amitié et traduisent les humeurs, sombres ou joyeuses… Il s’entend bien avec ses amies Aline et Marie, mais les garçons se gaussent de lui quand il n’arrive pas à attraper le ballon. Moqué et harcelé, il est tenté de basculer dans la phobie scolaire après avoir déchiré le tee-shirt d’Antoine, un camarade qui l’a fait volontairement trébucher. Cependant, la machine à coudre reçue pour son anniversaire va l’aider à surmonter sa peine et sa colère : Valentin confectionne un magnifique tee-shirt arc en ciel pour Antoine, car il souhaite ardemment que « l’amitié soit de toutes les couleurs et que les choses déchirées puissent se réparer ».
Un très beau texte, simple et lumineux, prônant de façon délicate le refus des stéréotypes, la tolérance et l’acceptation de soi. Les parents de Valentin se montrent aimants, le soutiennent et le comprennent sans mot dire, ce qui évidemment l’aide à s’assumer tel qu’il est.

Julie qui avait une ombre de garçon, Christian Bruel et Anne Galland. Illustré par Anne Bozellec. Le sourire qui mord, 1976. Réédité chez Être Édition, 2009, puis chez Thierry Magnier, 2014.

Julie ne se comporte pas du tout comme une fille aux yeux de ses parents qui la traitent de « garçon manqué ». Elle sait qu’elle les déçoit, elle voudrait pourtant qu’ils l’aiment. Un jour, elle se réveille avec une ombre de garçon qui la provoque et la harcèle. Elle doute alors de son identité, ne sait plus qui elle est vraiment et part se réfugier dans un trou au parc : elle y rencontre François, son double inversé. On lui reproche en effet d’avoir une « tête de fille », de « pleurer comme une fille »… Ils se réconfortent mutuellement, puis concluent qu’ils peuvent être les deux à la fois, fille et garçon, mais surtout qu’ils ont le droit d’exprimer et d’être ce qu’ils sont.
Une belle histoire, poétique et métaphorique, ayant le mérite de s’adresser aux plus jeunes. Il n’y avait sans doute à l’époque que cette maison d’édition, originale et impertinente, pour publier un album abordant un tel propos qui a d’ailleurs suscité la polémique, tant par le sujet que parce qu’il fait allusion, très discrètement mais sans pudibonderie, à la masturbation.
C’est la lecture de l’album précédent qui m’a remis en mémoire celui-ci, victime d’un oubli impardonnable de ma part ! Mais il n’est jamais trop tard pour s’amender.

ET POURQUOI PAS DES FILMS ?

• Des fictions

Madame Doubtfire, Chris Colombus, 124 mn, 1993. Existe en DVD.

Adapté du roman d’Anne Fine (présenté dans le numéro 55, p. 213), ce film bien connu met en scène Daniel Hillard, acteur au chômage, qui se déguise en gouvernante pour s’occuper de ses trois enfants que son ex-femme Miranda l’empêche de voir. Nombreuses scènes hilarantes et personnage masculin plus attachant que dans le roman. S’appuyant sur la performance de Robin Williams, le réalisateur met l’accent sur l’humour et la comédie.

Osama, Sedigh Barmak, 84 mn, 2003. Existe en DVD.

Dans l’impossibilité de travailler en raison des interdictions des Talibans, une mère et sa fille de 12 ans se retrouvent sans ressources suite à la mort des hommes de la famille. La jeune fille se déguise alors en garçon et vit dans la peur constante qu’on ne découvre sa véritable identité.

Tomboy, Céline Sciamma, 84 mn, 2011. Existe en DVD.

L’espace d’un été, Laure, 10 ans, devient Mickaël, car Lisa l’a prise pour un garçon : cette méprise lui permet de s’intégrer dans une bande au sein de laquelle elle trouve sa place, elle, le « garçon manqué » (« Tomboy » en anglais) jusqu’au jour où elle est « découverte ». Très beau film sur les troubles de l’identité au seuil de l’adolescence.

Parvana, une enfance en Afghanistan, Nora Twomay, 94 mn, 2018. Existe en DVD.

Film d’animation adapté du livre éponyme de Deborah Ellis (que j’ai présenté dans le n° 60, p. 233). Parvana, 11 ans, se fait passer pour Kassem afin de pouvoir sortir dans Kaboul et d’y travailler pour nourrir sa famille.

Girl, Lukas Dhont, 105 mn, 2018. Existe en DVD.

Lara, 15 ans, pratique la danse. C’est une jeune fille trans, soutenue par un père bienveillant. Mais Lara souffre des lenteurs de sa transformation malgré la prise d’hormones, ce qui la conduira à un geste radical (automutilation). Film encensé par la critique, notamment en raison de la prestation du jeune acteur (non trans), mais nettement moins bien perçu par les personnes transgenres qui reprochent au film d’être trop centré sur la génitalité. A réserver aux plus âgés.

Lola vers la mer, Laurent Micheli, 90 mn, 2019. Existe en DVD.

À la mort de sa mère, Lola (jouée par une jeune actrice transgenre) doit renouer avec son père qui ne comprend ni n’accepte sa transidentité, pas plus que l’opération qu’elle envisage. Ils s’affrontent lors d’un voyage vers la mer pour disperser les cendres de la mère.

Mytho, série télévisée d’Anne Berest et Fabrice Gobert, saison 1, 6 x 45 mn, 2019. Existe en DVD.

Une mère de famille, surmenée et peu considérée par les siens, s’invente un cancer. Dès lors, mari infidèle et enfants égoïstes sont aux petits soins pour elle. Parmi les trois enfants, Sam se vit comme une fille et séduit son correspondant allemand.
Une deuxième saison a été réalisée depuis.

• Des documentaires

Indianara, Aude Chevalier-Beaumel et Marcelo Barbosa, 84 mn, 2019. Existe en DVD.

De 2016 à 2018, les réalisateurs ont suivi Indianara Siqueira, militante et femme politique transgenre qui a créé Casa Nem à Rio de Janeiro pour accueillir toutes les personnes LBGT persécutées au Brésil (2017 personnes transgenres assassinées en 2017). Pour grands adolescents et adultes.

Petite fille, Sébastien Lifshitz, 83 mn, 2020. Existe en DVD.

Le réalisateur a suivi pendant un an Sasha, 7 ans, née dans un corps de garçon mais qui se sent et se vit fille depuis l’âge de 3 ans. Sa famille, notamment sa maman, la soutient et témoigne de leur quotidien semé d’embûches. Un documentaire lumineux et émouvant, destiné au grand public, dont on espère qu’il contribuera à faire évoluer les mentalités.
Du même réalisateur, Bambi, 60 mn, (2013), moyen métrage sur l’une des premières transgenres françaises. Pour grands adolescents et adultes. Existe en DVD.

Sous la peau, Robin Harsch, 85 mn, 2020.

L’acteur-réalisateur suisse a filmé et interrogé durant deux ans trois jeunes ados, Effie Alexandra, Logan et Söan, qui ont décidé d’accomplir leur transition de genre et participent aux groupes de parole du « Refuge » situé à Genève. Il les accompagne avec chaleur et pudeur, ainsi que quelques parents, des mères surtout, dont certaines témoignent qu’elles ont « perdu » un enfant et ont dû en faire le « deuil ». Un père témoignera également du chemin parcouru. Un documentaire essentiel dont Effie Alexandra espère qu’il contribuera à soutenir la cause des trans.

RÉÉDITIONS OU PARUTIONS AU FORMAT DE POCHE DE TITRES DÉJÀ ÉVOQUÉS (ou pas, d’ailleurs…)

Éditions d’eux

Le jardin d’Abdul Gasazi, Chris Van Allsburg, traduit de l’anglais par Christiane Duchesne, 2020.

Mademoiselle Hester a confié Fritz, son chien espiègle et « mordilleur » au jeune Alan Mitz. L’adolescent l’emmène se promener près d’un magnifique jardin, hélas interdit aux chiens, appartenant à un magicien à la retraite ; mais ce mal élevé de Fritz n’en a cure et se sauve. Alan le poursuit dans tout le jardin pour finalement se trouver nez à nez avec l’imposant Abdul : le magicien accepte de lui rendre le cabot… sous la forme d’un canard qui finit par s’envoler, non sans avoir dérobé sa casquette au garçon ; ce dernier repart seul chez Mademoiselle Hester, terrorisé à l’idée de lui avouer la vérité. Mais celle-ci se moque gentiment d’Alan, un peu trop grand pour croire à la magie, et il rentre chez lui en se sentant un peu bête : en effet, Fritz est revenu et il s’amuse follement avec la casquette d’Alan !  Cet album reflète bien l’univers étrange et fantastique cher à l’auteur. Mélange de réalisme et d’imaginaire, cette histoire pourrait bien correspondre à la définition du fantastique par Todorov[1]. Le texte, simple et précis sur la page de gauche, est magnifiquement illustré sur la page de droite en un noir et blanc, décliné dans toutes les nuances de gris. Ces illustrations pointillistes pleines de relief (Chris Van Allsburg fut d’abord sculpteur[2]) débordent d’ailleurs sur la page de gauche ; elles rendent hommage à tous ceux qui inspirent l’auteur tels Vermeer, Piranèse, Caspar David Friedrich, Edward Hopper ou Magritte…
C’est donc une merveilleuse idée que d’avoir réédité ce premier album (1979) de l’auteur-illustrateur dévoilant déjà un talent que ses créations suivantes confirmeront. Peut-être moins connu que Jumanji ou Boréal-Express, adaptés au cinéma, ou que Les mystères de Harris Burdick qui reste mon préféré, ce conte malicieux, bénéficiant d’une maquette luxueuse, n’a pris aucune ride : il ravira petits et grands.

[1] « Le fantastique, c’est l’hésitation éprouvée par un être qui ne connaît que les lois naturelles, face à un évènement en apparence surnaturel. » Introduction à la littérature fantastique, Tzvetan Todorov,. Seuil, 1970.
[2] L’illustration de couverture en atteste, puisqu’il s’agit d’art topiaire, c’est-à-dire de haies taillées, dans ce cas, en forme d’animaux. Tous les lecteurs ayant vu Edward aux mains d’argent (Tim Burton, 1990) savent de quoi il s’agit, même s’ils ne connaissent pas l’expression…

Gallimard jeunesse

Trois filles en colère, Isabelle Pandazopoulos, coll. Pôle fiction, 2020.

L’auteure de La décision[1] met en scène trois beaux personnages de jeunes femmes ainsi que leur entourage entre Aout 1966 et Novembre 1968. À travers la correspondance de Suzanne, parisienne, de Magda sa cousine retournée vivre à Berlin et de Cléomèna, obligée de fuir la dictature des colonels en Grèce, elle retrace deux années fertiles en évènements politiques, sociaux et historiques, auxquels sont confrontés les trois filles ainsi qu’une dizaine de personnages les entourant, de près ou de loin. Se présentant comme la mise en forme de missives, documents divers et archives trouvés par hasard au fond d’une valise, présents dans l’ouvrage sous forme de fac similés, ce récit par lettres très documenté restitue l’atmosphère si particulière de l’Europe à la veille de mai 68 à travers la vie intime de jeunes femmes qui découvrent les luttes politiques (Magda, Suzanne) ou les subissent (Cléomèna) ; elles conquièrent peu à peu leur liberté : celle de se détacher du passé, des secrets de famille et de tracer chacune un chemin qui lui est propre.

[1] Voir la présentation de cet ouvrage dans le numéro 64 de Recherches (2016), réseau « Encore adolescent.e.s, déjà parents ».

Nathan

Chère Madame ma grand-mère, Élisabeth Brami, Dyscool, 2020.

Saluons la parution dans une version de « lecture facilitée » de ce petit roman épistolaire recommandé pour les cours moyens et la sixième.
Vivant seule en Pays de Loire avec sa mère, Olivia, 12 ans et demi, s’interroge depuis trop longtemps sur son père qu’elle ne connait pas. Ayant trouvé deux fois le nom de Madame Barrois (le nom de son père) dans les affaires de sa mère, elle décide d’écrire à cette dame dont elle pense qu’elle pourrait être sa grand-mère.
Mais Eléonore Barrois, qui habite à Marseille, se montre d’emblée très réticente : il faudra à la jeune fille beaucoup d’opiniâtreté pour entamer les défenses d’une femme meurtrie par la vie et découvrir enfin le secret de ses origines. Cette correspondance, comprenant onze lettres en tout, s’étale sur plusieurs mois. C’est le temps qu’il faudra à Olivia pour « apprivoiser » sa grand-mère, parler à cœur ouvert avec sa mère, lever les malentendus qui ont gâché la vie de trois personnes, se réappropriant ainsi son histoire. Un roman délicat et sensible mettant bien en valeur les effets néfastes des secrets de famille.

PKJ

Dys sur dix, Delphine Pessin, 2021.

Présenté dans Coups de cœur Printemps-Été 2019.

 Divergente raconté par 4, Veronica Roth, traduit de l’anglais (États-Unis) par Anne Delcourt, Best-seller, 2021.

Tobias Eton, alias « Quatre » raconte sa vie chez Les Altruistes avant de choisir les Audacieux, étant le premier de sa faction à agir ainsi. Les trois premiers récits, Le Transfert, Le Novice et Le Fils se situent avant la rencontre de Tobias et de Tris, tandis que le quatrième, Le Traitre, se déroule chronologiquement au milieu du tome 1, comblant ainsi un blanc : la rencontre des deux personnages.
La trilogie initiale, mêmes auteure et traductrice, est parue au format poche dans la même collection en 2017.

Le Jeu du maitre : 1- La Partie infinie et 2– La Révolution, James Dashner, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, « Best-seller », 2020 et 2021.

Dans le premier tome, Michael évolue dans un univers virtuel, le VirtNet, moitié jeu vidéo, moitié réseau social ; il y fréquente Sarah et Bryson, hackers comme lui. Mais les trois amis vont être confrontés à des suicides qui eux sont bien réels…

Après avoir mis sa vie en danger, Michael est plus que jamais, dans le tome suivant, confronté à de terribles machinations : rien moins que le remplacement des esprits humains par des esprits virtuels… La parution en poche du dernier tome intitulé Fin de partie, devrait suivre. Par l’auteur de la série Le Labyrinthe, également disponible en poche et adaptée au cinéma par Wes Ball.

N° 69 – USAGES DU NUMÉRIQUE

Le numérique s’est imposé à l’école comme à la société dans son ensemble. Sont entrés dans les classes nombre d’objets concrets ou virtuels dont l’utilisation ne va pas de soi, pour des raisons techniques, didactiques et pédagogiques. Enseigner avec le numérique conduit à se débarrasser de quelques idées reçues (telles que la familiarité des élèves avec ces objets, le caractère novateur du numérique ou ses effets supposés dans la lutte contre l’échec scolaire et les inégalités). Les analyses et les démarches d’enseignement présentées dans ce numéro éclairent les enjeux et conditions d’usages pertinents du numérique au service des apprentissages du cours de français.

Le numéro est disponible aux Presses Universitaires du Septentrion.

Sommaire

Gestion des diversités dans la classe à l’heure du numérique / Virginie Trémion  9

Regarde-toi, regardez-moi : le téléphone portable, outil pour s’entrainer à l’oral du bac de français / Malik Habi  23

Des tablettes en maternelle / Virginie Wrobel  39

La fanfiction : une ressource pour lire l’œuvre intégrale / Magali Brunel  51

Écriture et numérique : pourquoi et comment parler de littéracie numérique ? / Bertrand Daunay, Cédric Fluckiger  71

Un pari risqué : utiliser l’espace numérique de travail et son forum pour réaliser une anthologie collective / Catherine Mercier  87

Le téléphone en classe de langue, entre instrument de pouvoir et catachrèse pédagogique / Salifou Koné  111

La circulation des ressources entre enseignants utilisateurs de TNI via internet et au sein d’une école : modalités et fondements didactiques / Stéphanie Boucher  135

Analyse didactique des discours d’enseignants sur les pratiques numériques des étudiants / François Annocque  153

Des nouvelles du livre pour la jeunesse : exils et migrations (volet 2) / Élizabeth Vlieghe  177

Merci ! / La rédaction  195

Éditorial

D’abord, il y a eu les MO5, suivis des TO7 : des ordinateurs de marque Thomson qui ont fait leur apparition dans les écoles, collèges et lycées à la faveur du plan « Informatique pour tous » de 1985. Laissons-les dans les réserves où ils ont vite été relégués pour obsolescence, mais soulignons l’intitulé du plan : quand une action politique ou sociale s’affiche « pour tous », elle pointe le fait que la chose dont on parle est, jusqu’alors, réservée à certains. Le plan se voulait instrument de correction d’inégalités : inégalité des chances des élèves, inégalité d’accès des citoyens à l’informatique (par l’ouverture « à tous les citoyens dans un cadre contractuel avec les collectivités locales » d’ateliers au sein des établissements équipés). […]