- Coups de cœur documentaires
- Coups de cœur fictions
- Nouveautés en matière d’éditions et de collections
- Des nouvelles des réseaux déjà présentés
- Parutions au format poche et rééditions
DOCUMENTAIRES
La Joconde et les autres, Alice Harmane, illustré par Quentin Blake, Louvre éditions/Flammarion jeunesse, 2023.

Afin que personne ne croie que le Louvre n’héberge qu’une seule star, c’est Monna Lisa elle-même qui, après avoir sacrifié aux présentations, fait découvrir au lecteur trente chefs d’œuvre qu’elle côtoie. Certes, le choix en est forcément subjectif, mais on aurait tort de bouder le plaisir procuré par ces doubles, voire quadruples pages humoristiques, tant grâce aux petits dessins de Quentin Blake qu’aux textes, éducatifs par ailleurs. Les œuvres sont reproduites et légendées à gauche, tandis qu’à droite, sur deux colonnes, le (ou l’un des) personnage, peint ou sculpté, interpelle le lecteur pour lui faire part de ses états d’âme ou lui confier des secrets : tels les époux étrusques1 affirmant qu’ils étaient égaux dans la vie, le petit ange2 confirmant qu’à cette époque beaucoup pensaient que les femmes ne pouvaient pas être des artistes à part entière ou encore ce Pierrot désabusé3 se plaignant d’être un souffre-douleur, que réconforte l’âne du tableau… Il s’agit d’un ouvrage de grande qualité qui fera découvrir l’art, de façon agréable et ludique mais également documentée, en priorité aux jeunes, mais sans doute également aux plus grands. Une présentation du Louvre, dix idées pour regarder une œuvre d’art, une frise chronologique et un glossaire complètent efficacement un documentaire indispensable au sein des CDI.
[1] Sarcophage des époux, 520-510 AV. J.-C, argile peinte. Trouvé à Cerveteri, Italie.
[2] Le rêve du bonheur, 1819, de Constance Mayer Lamartinière.
[3] Pierrot, 1718-1719, de Jean Antoine Watteau.
FICTIONS
Le Citronnier, Ilia Castro, illustré par Barroux, Éditions D’eux, 2023.
Le lecteur ne connaitra jamais le prénom de cette petite fille, symbole de tous les enfants nés dans un pays en guerre, au sein d’une dictature capable des pires exactions. « Elle », « lucide et lumineuse », se réfugie dans le citronnier d’où elle entend les bruits de fusillades, d’où elle voit son père enterrer des livres, où sa mère l’envoie dès que les opposants au régime se réunissent chez eux… Jusqu’au jour où ceux-ci seront à leur tour exécutés. La narration, déjà très poétique, bascule alors dans le merveilleux : les larmes de la petite fille forment une rivière, survolée par de grands oiseaux blancs, emportant tout sur son passage, notamment les corps jetés vivants des hélicoptères, jusqu’à s’apaiser pour augurer d’un avenir plein de promesses. D’origine argentine, l’auteure est une conteuse hors pair n’occultant aucunement les horreurs perpétrées dans son pays ou d’autres, vues par une enfant qui néanmoins garde l’espoir de jours meilleurs. Les illustrations saisissantes de Barroux donnent toute leur puissance fantastique et métaphorique à un texte fort et nécessaire.
La Planète de grand-père, Coralie Saudo, illustré par Marie Lafrance, Éditions D’eux, 2023.
Le titre, et davantage encore la couverture, donnent le ton : de la terre, un petit garçon stupéfait regarde son grand-père juché sur une autre planète ; ce dernier a la tête à l’envers, le nœud papillon de sa chemise contraste avec le bas de pyjama, sans parler du chapeau melon contenant un oiseau, posé en équilibre sur son crâne… Le narrateur imagine que son grand-père vit sur cette autre planète où rien ne tourne rond, car celui-ci agit de façon de plus en plus farfelue, mettant du sel dans son café ou dormant dans la niche de son chien, voire inquiétante quand il offre à son petit-fils un bouquet d’artichauts pour nourrir son zébu en l’appelant Raymond. Déstabilisé, l’enfant se confie à son père qui lui explique que le sac de souvenirs de son grand-père, ex gardien de zoo, est usé, troué : il se vide… Qu’à cela ne tienne, le narrateur fera, lui, provision de souvenirs afin de les restituer à son grand-père. Un album tendre, poétique et métaphorique qui explique en douceur les maladies de la mémoire ; les illustrations au pastel, toutes en rondeur, joyeuses et burlesques, occupent la plus grande partie des pages, magnifiant un texte très accessible, aux sonorités souvent rimées.
Cheval de guerre, Michaël Morpurgo, traduit de l’anglais par Diane Ménard, illustré par Tom Clohosy Cole, Gallimard Jeunesse, 2023.
Adaptation pour les plus jeunes du célèbre roman éponyme de l’auteur (présenté dans le numéro 60 de Recherches, 2014-1). Album aux très belles illustrations dont les couleurs ocres rendent bien compte d’une atmosphère de guerre, avant de retrouver la clarté. À noter : le narrateur n’est plus le cheval ; ses aventures et celles de son ami Albert sont rapportées à la troisième personne.
Nous, Liisa Kallio, Traduit du finlandais par Päivi Ruoste, Les Albums Casterman, 2023.
Malgré des physiques et des caractères différents, nous partageons des expériences universelles. Chacun est unique mais nous sommes tous pareils… L’auteure-illustratrice croque la diversité des humains avec des crayons de toutes les couleurs. Elle livre aux jeunes lecteurs une leçon d’humanité et de tolérance dans un festival de teintes chatoyantes et lumineuses. Une célébration simple, gaie et rythmée, très réussie, de vies si différentes et pourtant si communes.
Le Tout Petit Monsieur et la Très Grande Dame, Claire Renaud, illustré par François Ravard, Folio Cadet, Gallimard, 2022.

Pourtant tous deux pétris de qualités, Marcel et Hélène, 30 ans, souffrent de solitude chacun de leur côté. Comment expliquer que deux êtres, gentils, élégants, généreux, musiciens de surcroit, n’aient pas rencontré l’âme sœur ? La réponse transparait dans le titre évidemment. Même si leurs caractéristiques physiques leur ont souvent procuré des avantages dans la vie courante ou dans le domaine sportif, les surnoms dont on les a affublés (ma puce/ma girafe) durant toute leur enfance ont contribué à développer en eux des complexes irréversibles et la peur de l’autre. Mais un jour chacun est bien décidé à défier le sort : leur profil (un peu édulcoré bien sur…) « matche » sur un site de rencontres. La suite ressemble à un conte de fées empreint d’humour : foin des différences physiques, vive la complémentarité et les gouts partagés ! Une romance émouvante et réjouissante, aux illustrations drôles et touchantes.
Un amour sur mesure, Roland Fuentès, illustré par Alexandra Huard, Album Nathan, 2017.
L’ouvrage précédent m’a rappelé cet album que je n’ai pas eu l’occasion de présenter à l’époque de sa sortie. Seuls et rejetés tous les deux par leurs congénères, Garganton, géant minuscule, et Mimolette, naine géante, se rencontrent par hasard après avoir tenté chacun, en vain, de se faire accepter par la communauté de l’autre. Leur chagrin une fois surmonté, ils comprennent qu’ils peuvent faire abstraction de leur différence et unir leurs destins : il leur faudra juste rejoindre un lieu où ils pourront être eux-mêmes, ni plus ni moins. Abordable dès la maternelle, cette histoire touchante et non dénuée d’humour (et ce, dès le titre), illustrée par des dessins tout simples et très colorés, met en avant les blessures causées par la mise au ban des « a-normaux », ceux qui ne rentrent pas dans les cases, tout en prônant l’acceptation de soi et le dépassement des préjugés, même si c’est au prix d’un exil permettant de trouver le bonheur.
Les Toutrouges et les Toutbleus, Julia Donalson et Axel Scheffler, traduit de l’anglais par Catherine Gibert, « L’heure des histoires », Gallimard Jeunesse, 2023.
Popularisée par la sortie du film en octobre 2023, voici une autre déclinaison de la nécessaire reconnaissance des différences, incitation humoristique à oublier les préjugés et à célébrer l’amour quelles que soient l’origine et la culture. Hautement recommandable.
Histoire de la fille qui ne voulait tuer personne, Jérôme Leroy, Syros, 2023.
2069 : Ada, 17 ans, ne voit que des avantages à vivre dans une société qui a banni la violence, prône l’égalité entre tous et la sobriété écologique. En tant que « pionnière », elle se doit de montrer l’exemple aux autres jeunes. Mais la doctrine consistant à donner la priorité au vivant a été mise à mal lorsque le peuple de la Fédération Européenne a voté le rétablissement de la peine de mort. Ulcérée de ce choix, la présidente Agnès Cœur a donc décidé que chaque exécution, filmée tel un spectacle, serait mise en œuvre par un citoyen tiré au sort ; elle espérait ainsi qu’on y réfléchirait à deux fois avant de prononcer la peine capitale, ce qui ne fut pas le cas ! Le destin d’Ada, majeure depuis un an, bascule lorsque son nom est tiré au sort : en tant que fille de Clara Veen, haute responsable politique française ambitieuse et intraitable, il semble impensable qu’elle se dérobe à son « devoir », à l’instar de cette jeune mère bulgare qui paiera son refus de sa vie. Obsédée en outre par le fait qu’elle a dénoncé son père qui fumait quand elle avait 5 ans, Ada prend alors conscience des travers de cette société engluée dans ses contradictions : sous couvert de protéger sa population après les terribles évènements qui ont décimé la population mondiale (2033-2043), celle-ci est devenue totalitaire, n’hésitant pas à reléguer au « Dehors » nombre de sous-citoyens condamnés à la misère, à la maladie et à la violence… Éprise de Jason Leurtillois, lycéen poète, plus critique qu’elle, Ada peut compter sur lui et ses amis du « gang Nerval », sur le frère d’adoption de son amoureux, Stan Dialo, ainsi que sur Boris, son grand-père maternel : tous vont prendre des risques, voire se sacrifier, pour organiser sa fuite et essayer d’échapper aux policiers lancés à ses trousses par sa propre mère. Ada et Jason réussiront-ils à quitter Rouen, la capitale française, pour rejoindre le Portugal, seul état n’appliquant pas les lois rigides et intraitables de la Fédération Européenne ? Illustrant le proverbe « L’enfer est pavé de bonnes intentions », il s’agit d’un récit d’anticipation bien mené, alternant des points de vue, des lieux et époques différents, d’autant plus effrayant qu’il semble crédible à bien des égards : il devrait alerter et faire réfléchir, tout en captivant.
Galère !, Susie Morgenstern, Éditions Thierry Magnier, 2023.
Le monde s’effondre pour Alex, 15 ans, lorsque Pierre-Louis Charles, son père, est abattu par un déséquilibré. Déjà orphelin de mère (tuée de la même façon…), il doit quitter son Connecticut natal pour s’installer à Paris où vit Louis-Pierre, frère jumeau de son père dont il ignorait l’existence. Les premiers mois sont extrêmement difficiles pour Alexandre : il a laissé derrière lui son meilleur ami Brad, sa copine Mélissa, son chien adoré et ne connait de la langue que le juron favori de son père : « Galère » … À défaut d’affection, son oncle, homme d’affaires riche, très occupé et distant, lui offre un grand confort matériel, mais surtout, heureusement, embauche Gillian, répétitrice de français devenue rapidement une amie et une confidente pour le jeune expatrié. Au fur et à mesure de ses progrès en français, Alex sort de sa morosité et de sa colère pour découvrir ce qui l’entoure, nourrir des amitiés et même tomber amoureux d’une camarade de classe, Héloïse. L’auteure ne résiste pas au plaisir d’égratigner au passage le système scolaire hexagonal qu’Alex trouve insipide et peu chaleureux comparé à ce qu’il connaissait aux États-Unis. Il se fera fort d’ailleurs d’égayer musicalement les mornes journées du lycée avec son nouvel ami Victor, et de confronter certains profs à leur manière d’enseigner. Mais le choc ne sera pas que culturel pour Alex, bien décidé à lever quelques secrets de famille bien gardés : cela lui permettra de comprendre pourquoi son père, normalien brillant, génie des mathématiques et excellent musicien, a coupé radicalement les ponts avec son passé, sa famille et son pays. La lecture de lettres trouvées dans un grenier, les discussions avec son adorable grand-tante Élisabeth vivant à Nice et ses propres recherches le conduiront à la vérité : sans le savoir, son père s’était lié à la mafia, d’où son exil. Comme le remarque le narrateur, ce récit à la première personne commence et se termine par l’évocation d’un enterrement ; pourtant, cet « Américain à Paris » dont Susie Morgenstern pourrait dire à certains égards : « Alex, c’est moi ! », fait preuve d’un bel optimisme et de beaucoup d’humour malgré les épreuves et les menaces, bien décidé à vivre un nouvel avenir plein de promesses.
Nouveautés en matière d’éditions et de collections
GALLIMARD JEUNESSE
« La vie commence en sixième », tome 1, Catarina, Alice Butaud, 2023.
Nouvelle série humoristique mettant en scène cinq amis surnommés « La bande des thons ». Ce premier tome est narré par Catarina qui va « sauver la vie » de ses parents en comprenant le langage de son nouveau petit frère Jonas, tout en n’étant pas insensible au charme d’Azamat, un nouvel élève arrivé d’Afghanistan. Chronique familiale et amicale amusante se déroulant lors d’une première année de collège tant attendue. Idriss (2024), Esther, Ninon et Pablo prendront (sans doute…) le relai pour donner leur point de vue.
FLAMMARION JEUNESSE
« Les Enquêtes de Lya et Mathis » : Mystères dans les rapides, Estelle Vidard, illustré par Benjamin Stickler, Castor Romans, 2023.
Présentée comme « une série d’enquêtes pour découvrir la France à travers son patrimoine », cet opus ainsi que les autres intitulés L’Énigme des graffitis et Disparition sous la neige, met en scène Lya et Mathis vivant dans une famille recomposée.
Âgés de 9 ans, ils se retrouvent dans des lieux différents durant les vacances, que ce soit dans les Gorges de l’Ardèche, en Charente-Maritime ou dans la vallée de Chamonix, où ils jouent les détectives amateurs. Lecture facilitée par les nombreux dialogues. Les deuxième et troisième de couvertures à rabats présentent la famille recomposée ainsi que les principaux sites touristiques de la région évoquée.
Sans toujours entrer dans le détail, je signale certains nouveaux titres de séries ou de collections déjà présentées ou évoquées au sein d’autres chroniques.
Chez Gallimard Jeunesse
« Mes premières découvertes » : Robots. Qu’est-ce qu’un
androïde ?, Emmanuelle Kecir-Lepetit, illustrations d’Agnès Yvan, et Volcans. Un volcan est-il une montagne ?, Sophie Bordet-Pétillon, illustrations d’Aurélie Verdon, 2023.
Déjà riche d’une quinzaine de titres, cette collection de documentaires animés aborde des thèmes très variés susceptibles de répondre de façon précise et agréable aux questions des 4-7 ans ; petit plus : 40 volets à soulever et des surprises à découvrir…
« Giboulées » : Émile visite le musée, Vincent Cuvelier et Ronan Badel, 2023.
Un nouvel opus désopilant des aventures d’Émile : de quoi voir les musées d’un autre œil… Humour garanti !
« Bam ! » : Cinéma. 40 réalisateurs et réalisatrices, David Honnorat et Jérôme Masi, 2023.
De Georges Méliès à Greta Gerwig, l’auteur brosse un panorama de cinéastes qui, de son point de vue, ont marqué l’histoire du cinéma. Même si la parité n’est pas tout à fait respectée, les femmes sont à l’honneur : ouvrage synthétique et intéressant.
Chez Casterman
« Casterminouche » : Moi, j’aime pas comme je suis, Alma Brami et Thierry Manes, 2023.
Malgré les mots rassurants de sa maman, la narratrice n’aime pas du tout son physique. Elle voudrait être belle comme Sonia et rêve de devenir une star. Mais quand elle découvre que Thomas en pince pour elle, elle prend enfin confiance en elle et s’accepte. Accessible dès la maternelle, une histoire aux illustrations toutes douces pour évacuer les complexes, retrouver l’estime de soi et, qui sait, rencontrer un premier « amoureux ».
« Les Petites Lumières » : Le chemin du bonheur, Chiara Pastorini et Annick Masson, 2023.
Marcello n’a pas le moral aujourd’hui. Au cours d’une balade, sa maman lui apprend qu’il faut savoir repérer et cultiver tous les petits bonheurs de la vie.
Chez Syros
Obsessions ; Amnésie, Danièle Thiéry, 2022 ; 2024.
Suite des aventures d’Olympe (cf. Cannibale et L’Ange obscur, présentés en 2022), fille du capitaine Anthony Marin. Avec son amie Salomé, Olympe suit les enseignements de droit à la faculté de Nancy ; toutes deux sont passionnées par les cours de criminologie du professeur Alexis César, mais pas forcément pour les mêmes raisons… Olympe se sent souvent épiée et aperçoit soudain dans l’amphi Rafaël, son amoureux disparu depuis deux ans. Elle le reverra fugacement plusieurs fois, mais ni Salomé, ni la famille Cottin, ni le sergent Johnny Vaillant ne la croient, pas plus que son père absorbé par la traque d’un pervers sévissant entre Épinal et Nancy. Comme à son habitude, Olympe n’en fera qu’à sa tête, s’arrogeant un rôle d’enquêtrice avant l’heure, prête à mentir, à manipuler les autres et à se jeter dans la gueule du loup… Parfois naïve et aveuglée, elle n’en demeure pas moins opiniâtre, contribuant ainsi à faire avancer deux enquêtes qui, fatalement, se rejoindront. Fausses pistes, indices que les plus futés repéreront, secret de famille, suspense, émotion sont au rendez-vous dans un récit s’accélérant vers un final haletant qui ravira les lecteurs adolescents ayant apprécié les deux premiers opus.
La quatrième intrigue ne déroge pas à la règle… Toute la famille d’Olympe a rejoint Bordeaux, Antony Marin ayant été promu commandant. Notre héroïne poursuit son cursus de criminologie et cohabite avec son amie Salomé qui l’a suivie. Selon un scénario bien établi à présent, Olympe se retrouve impliquée dans une nouvelle affaire comportant plusieurs volets qu’elle seule met en relation : une lettre manuscrite à l’orthographe défaillante avouant des meurtres, cachée dans une vieille commode, puis un crime commis devant le dojo où elle s’entraine au karaté dont la victime, un certain Genevoix, fut condamnée quatorze ans auparavant pour des meurtres toujours niés… Elle s’interroge par ailleurs sur le comportement étrange de Lounis, qui ne semble pas apprécier le karaté autant qu’elle. Contrairement à son père obligé de respecter les limites de la légalité, Olympe, toujours aussi fougueuse et culottée, mène à nouveau l’enquête, réussissant à obtenir, en douce, l’aide de Clémence Zeller, la nouvelle adjointe du commandant. La jeune femme se retrouve de nouveau en très mauvaise posture, avant que sa famille, ses amis ainsi qu’Adrien, son amoureux, ne puissent célébrer sa bravoure et ses exceptionnelles qualités d’enquêtrice.
Go fast Go slow ; Sorry Mom, Sylvie Allouche, Syros 2022 ; 2024.
Toujours aussi addictives, voici deux nouvelles enquêtes de « la meilleure flic de France » (dont les trois premières ont été respectivement présentées en 2020 et 2022). Mêlant habilement trois fils narratifs, l’intrigue suit le parcours de Camille, condamnée à 7 ans de prison pour trafic de drogue : Tommy, son amour de jeunesse, est mort lors de leur interpellation et elle a été séparée de sa fille Romy dont elle a accouché en détention. Décidée à se reconstruire à sa sortie, elle est malheureusement rattrapée par son passé et soumise au chantage de l’Indien, trafiquant notoire que l’équipe de Clara poursuit, alors que cette dernière part en urgence rejoindre sa soeur Lisa et sa nièce Lilo à Saint Malo : il semblerait qu’on ait retrouvé Vincent, leur frère et oncle disparu… Aucun temps mort dans ce récit très dialogué mettant en scène des personages attachants et complexes, pour la plupart (exceptés les « méchants ») pétris d’humanité. Bien documentée, sans être didactique, la fiction aborde de multiples problèmes de société tels la vie en prison, le trafic de drogue, mais également toutes les facettes des liens familiaux dans leurs aspects les plus tragiques ou les plus merveilleux.
Le tome suivant ne déroge pas à la règle du puzzle qu’il faudra reconstituer; à son corps défendant, l’équipe de Clara hérite d’une affaire se complexifiant à vue d’œil : qui est cette femme inconnue, battue et jetée nue comme un vulgaire déchet dans la poubelle d’un quartier chaud ? Et ce jeune garcon muet, bien mal en point, découvert au fond d’une cave de ce même quartier ? L’impétueuse et volcanique Clara doit en outre gérer l’arrivée de Lilo, en stage dans son commissariat ainsi que le retour pour deux mois de son amoureux Antoine, parti depuis un an étudier la criminologie à Quantico, sans compter les projets de promotion que son chef Vernon élabore pour elle ! Ce dernier point l’amène à faire la connaisance de Manon Desprats, une journaliste opiniâtre qui veut absolument mettre Alain Malherbes, le ministre de l’intérieur, face à ses responsabilités d’ancien élu. Par ailleurs, Jules, le fils de ce dernier ressent constamment un mal être qui l’amène à se détruire. Les fils se nouent progressivement : Clara décide de faire confiance à Manon qui va les aider dans leurs recherches les menant en Belgique où l’assassinat de l’inconnue trouve ses racines. Lilo, quant à elle, épaulera également cette équipe si soudée dont l’implication sera à nouveau quasiment fatale à un autre de ses membres. Cette fois encore, la famille et l’infinie variété des sentiments qu’elle suscite semble au cœur de l’intrigue : enfants que l’on est obligé d’abandonner, enfants que l’on désire au point d’en devenir criminel, enfants que l’on veut guérir, enfants que l’on veut protéger, enfants maltraités… Les liens à la mère sont finement décortiqués et les lecteurs découvriront avec étonnement l’existence, dans certains pays, des « boites à bébés », variante moderne des tours d’abandon d’autrefois… Intrigue passionnante et prenante.
DES NOUVELLES DES RÉSEAUX DÉJÀ PRÉSENTÉS
EXILS ET MIGRATIONS
Un autre rivage, Chloé Alméras, Gallimard Jeunesse, 2022.
La jeune narratrice, sa sœur Eda et leurs parents, Ouma et Joroun, doivent fuir leur village englouti par les eaux. Commence alors une longue errance dans de frêles esquifs, les maigres repas, l’interdiction d’accoster sur d’autres iles, le naufrage et, enfin, l’accueil par des iliens généreux pratiquant l’hospitalité et la solidarité. Volontairement optimiste, cet album aux illustrations naïves et colorées fait la part belle à l’imaginaire et à la poésie à travers le récit sans pathos de la narratrice, fille d’un couple mixte, qui recommencera une nouvelle vie avec sa famille parmi d’autres terriens, devenus leurs amis. Car, comme le dit l’auteure : « La terre est la maison de tous les hommes. »
Un si petit jouet, Irène Cohen-Janca, mis en images par Brice Postma Uzel, Les éditions des Éléphants, 2022.
Faisant écho à deux autres récits déjà présentés, Comment mettre une baleine dans une valise (2022) et Kissou (2023), ce petit album au format carré met en scène les doctes affirmations d’une petite fille présentant son jouet préféré, sa poupée Léo, prénom court et toute petite taille. Ce n’est qu’après avoir détaillé comment elle joue avec sa poupée, comment elle s’occupe d’elle et à quel point elle l’aime que la narratrice expliquera qu’elle a dû fuir la guerre faisant rage dans son pays en abandonnant son ours blanc Noki, trop grand pour entrer dans sa valise… Alors, mieux vaut prévoir : s’il faut fuir de nouveau, elle pourra emporter Léo avec elle. L’exil et le déracinement sont évoqués avec beaucoup de délicatesse et sans pathos ; finalement, la narratrice se fait une amie, quand elle découvre que Flora possède elle aussi une très petite poupée nommée Pipa, facilement déplaçable et transportable car, ses parents étant séparés, elle passe d’une maison à l’autre. Le texte rédigé à la première personne en capitales d’imprimerie s’insère dans des illustrations pleine page, très colorées (rouge, vert, bleu nuit) composées, entre autres, de silhouettes disproportionnées, vues de profil.
TERRORISME
Le Jour où tout a basculé, Julie Buxbaum, traduit de l’anglais (États-Unis) par Benjamin Kuntzer, PKJ, 2022.
Ce jour là, le 11 septembre 2001, Abbi Hope Goldstein fêtait son
premier anniversaire à la crèche du World Trade Center. La photo de son sauvetage par Connie Kramer a fait le tour du monde : on l’a surnommée « Baby Hope », symbole qui lui pèse et auquel elle refuse de s’identifier. Ses parents, des survivants eux aussi, sont séparés mais habitent dans la même rue pour mieux la couver… Craignant d’être atteinte du « syndrome du WTC », Abbi leur cache sa toux sèche et les saignements qui l’affectent, préfèrant se réjouir de pouvoir encadrer de jeunes enfants en camp de vacances. Elle y fait la connaissance de Noah Stern, un peu plus jeune qu’elle, obsédé par son père porté disparu, puis déclaré mort suite à l’attentat. Il croit le reconnaitre sur la fameuse photo et décide, sous couvert d’écrire des articles pour le journal du lycée, de rencontrer toutes les personnes qui figurent dessus, car il veut croire que son père est peut être encore vivant. Il sollicite l’aide d’Abbi ; très réticente au début, elle finit par accepter de l’accompagner chez les survivant·e·s. Car de nombreuses personnes, dont Connie, sont mortes suite à l’inhalation des gaz toxiques ayant saturé l’air après les explosions. Ce sera pour les deux protagonistes l’occasion de mieux comprendre leur histoire, ce qui les a façonnés et de regarder l’avenir plus sereinement. Alternant le point de vue à la première personne d’Abbi et de Noah, l’auteure réussit non seulement à rendre compte de leurs questionnements et émotions ainsi que de leur évolution, mais également à faire vivre tous ceux qui les entourent, parents, amis ; et surtout, à donner la parole aux survivant·e·s de la tragédie pour lesquels il y aura toujours un Avant et un Après. Un récit sensible et optimiste sans pathos.
CLONAGE/MANIPULATIONS GÉNÉTIQUES ; SOCIÉTÉS TOTALITAIRES
Méto Zone noire, Yves Grevet, Syros, 2022.
La célèbre trilogie de l’auteur (cf. Printemps-été 2018, Méto : La Maison, L’Ile, Le Monde, 2018) trouve ici une suite, même si l’éditeur affirme que cet opus peut se lire séparément. Simultanément paraissent chez Glénat trois bandes dessinées, dont l’action se déroule à la même époque que celle de la trilogie ; elles mettent en scène des personnages secondaires du roman qui jouent cependant un rôle important auprès de Méto et de ses amis : Nestorius, monstre-soldat, Ursina, espionne et Joe, enfant abandonné par ses parents. Âgé à présent de 17 ans, Méto a négocié de vivre libre sur l’ile d’Hélios avec ceux qu’il a délivrés des Maisons, contre la promesse de ne pas répandre la révolte sur le continent. Mais il est contraint de pénétrer dans la Zone noire, contaminée depuis la troisième guerre mondiale, afin d’y livrer une rançon suite à l’enlèvement de sa jeune sœur. Commence alors une aventure haletante, narrée à la première personne par le héros, heureusement soutenu par ses amis, son amoureuse Caelina ainsi que des opposants au régime totalitaire, les Chiendents. Il leur faudra à tous beaucoup d’astuce et de courage pour délivrer les enfants de cette dernière Maison, faire éclater la vérité et renverser la dictature en place.
RÉÉDITIONS OU PARUTIONS AU FORMAT DE POCHE DE TITRES DÉJÀ ÉVOQUÉS (ou pas, d’ailleurs…)
Aux éditions Flammarion Jeunesse
Le Meilleur Loup de l’année, Géraldine Maincent et Roland Garrigue, Père Castor, 2023.
Afin de déterminer qui remportera le prix du plus méchant/affreux/terrible loup, tous ceux qui parsèment les contes les plus connus se rassemblent lors d’un festival. Humour et surprises garantis : les loups ne sont plus forcément ce qu’ils étaient…
Les Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas, abrégé par Michel Laporte, Castor Poche, 2023.
Aux éditions Gallimard Jeunesse
Capitaine Rosalie, Timothée de Fombelle, Folio Cadet, 2023.
Présenté dans « Actualités Printemps-Été 2019 », réseau « La Grande Guerre, 1914-1918 ».
Soutif, Susie Morgenstern, illustrations de Catel Muller, Folio Junior, 2023.
Pauline, 13 ans, vit très mal l’arrivée de ses « deux bébés montagnes » ; il faut envisager l’achat d’un « soutif », mais elle se voit mal en parler à ses parents (deux avocats débordés et bohêmes) ou à ses trois frères ; en outre, inutile de compter sur sa grand-mère qui a brûlé le sien en 68 ! Suite au vol de plusieurs soutifs, elle est contrainte de s’occuper de Pénélope, la nièce « en perdition » du vigile qui l’a « arrêtée ». Cette belle astuce de scénario entrainera la rencontre de deux jeunes filles issues de milieux sociaux très différents, qui apprendront à se connaitre et s’apprécieront. On reconnait là l’optimisme indéfectible de l’auteure qui prête à sa narratrice beaucoup d’humour et de maturité. Et offre en prime aux lecteurs, un panorama tout ce qu’il y a de plus sérieux et documenté de l’histoire du soutien-gorge, sujet choisi par l’héroïne pour un exposé que son professeur lui demandera de lire devant toute la classe ! Un court récit qui devrait parler aux jeunes.
Victoria rêve, Timothée de Fombelle, Folio Junior, 2024
Présenté dans le numéro 63, 2015, réseau « Rêve ou cauchemar »
Les secrets de Dumbledore, Texte du film, J. K Rowling et Steve Kloves, traduit par Linda Bruno et Laetitia Devaux, Folio Junior, 2024.
Dernier opus de la trilogie Les animaux fantastiques.
L’âge du fond des verres, Claire Castillon, Folio Junior, 2023.
Présenté dans « Actualités 2022 »
La peau de chagrin, Honoré de Balzac, Texte abrégé par Patricia Arrou-Vignod, Notes et carnet de lecture par Philippe Delpeuch, Folio Junior, Textes classiques, 2023.
« Les enfants des Otori » : Les guerriers orphelins (2023) et La révolte invisible (2024), Lian Hearn, traduit par Philippe Giraudon, Pôle fiction. Également publié en Folio.
Tous ceux qui ont adoré les cinq tomes du Clan des Otori et les quatre de Shikanoko (présentés dans Actualités 2022) ne bouderont pas leur plaisir face à cette suite directe de la première saga.
Je ne voudrais pas terminer cette chronique sans évoquer l’ouvrage de Clémentine Beauvais :
Écrire comme une abeille. La littérature jeunesse, de la lecture à l’écriture, Gallimard Jeunesse, 2023.
Rédigé très sérieusement mais avec beaucoup d’humour, par une spécialiste en la matière (auteure, enseignante universitaire, animatrice d’ateliers), cet ouvrage constitue une somme sur le sujet. Il intéressera toutes celles [1] (y compris les messieurs) que la littérature de jeunesse passionne, que ce soit pour la lire ou pour l’écrire. Dix chapitres pour tout savoir sur le sujet, et plus encore… Qu’elles les lisent de façon chronologique et exhaustive ou en butinant, toutes y trouveront leur miel !
[1] Partant du principe que les femmes, quelle que soit leur profession ou activité, sont majoritaires dans le domaine de la littérature de jeunesse, l’auteure a décidé d’employer le féminin générique, je l’imite !



Prolongeant la série documentaire télévisée « Il était une fois l’amour à la française », réalisée dans le cadre d’ Histoire d’une nation, cet ouvrage traite de toutes les grandes questions liées au sujet, même les plus intimes ou les plus délicates voire taboues. Reprenant la même maquette que l’ouvrage précédent (voir
Sous-titré « Comment la dyslexie peut rendre plus fort, 24 personnalités inspirantes », voilà un ouvrage qui devrait mettre du baume au cœur de nombreux dyslexiques et de leurs parents. En dressant le portrait de 24 « dys » devenus célèbres (artistes, politiques, sportifs, scientifiques, cuisiniers…), l’auteure se donne pour mission de rassurer tous ceux qui sont concernés en décrivant le parcours, certes difficile, de ces personnalités connues du grand public. La plupart insiste sur les stratégies de contournement déployées, les astuces mises en œuvre, certain·e·s n’ayant découvert leur dyslexie que tardivement. À noter cependant que tous ont eu la chance de croiser des adultes bienveillants, compréhensifs, aidants. Autrement dit, l’ouvrage permettra autant de rassurer les « dys » en tous genres que d’inciter leurs proches et leurs éducateurs à les encourager, à les stimuler. Préfacée avec beaucoup d’humour par Thomas Legrand, journaliste et éditorialiste sur France Inter, directement concerné, cette galerie de portraits invite les « dys » à développer leur créativité et à prendre des chemins de traverse, afin de ne pas rester bloqués face à leurs rêves. Chaque double page consacrée à un·e « dys » célèbre est agrémentée de dessins amusants et colorés. Ressources en fin d’ouvrage.
Je profite de cette présentation pour mentionner La Vraie Vie de l’école, Pauline Alphen, illustré par Joanna Wiejak, paru chez Nathan en 2018, dont j’espérais la parution en poche.
Après avoir balayé sur plusieurs siècles l’histoire des Roms, heureuse ou tragique, l’auteur aborde ce qui constitue leur identité et leur culture à travers les moments forts de leur vie. Autant de révélations pour la plupart des lecteurs qui découvriront à quel point leurs connaissances sont éloignées de la vérité. Saluons donc la parution de ce documentaire qui vient combler l’absence d’ouvrage sur des populations aussi diverses (d’où le titre) que méconnues et ostracisées. L’auteur, sociologue devenu spécialiste du sujet et connaissant bien le terrain, réussit à déconstruire tous les clichés et stéréotypes dont sont victimes ceux qui durant les derniers siècles sont devenus des boucs émissaires. Les illustrations abondantes, justes et colorées, soutiennent et renforcent un propos humaniste s’adressant aussi bien aux enfants qu’aux adultes, les invitant à une authentique rencontre avec les Roms. Pour aller plus loin : quelques ressources en fin d’ouvrage.
Le petit narrateur voudrait bien regarder la télévision, jouer avec la tablette ou le téléphone qui le fascinent. Il ne comprend pas pourquoi ses parents les utilisent sans arrêt mais lui en interdisent l’accès. Le docteur lui explique alors comment grandir et rester en bonne santé : « bien dormir et bien manger » mais surtout « jouer, courir, imaginer », toutes choses « que les écrans ne peuvent remplacer ». Il faut croire que le médecin s’est montré très convaincant puisque, ensuite, les parents sont sommés de jouer avec leur fiston qui a caché tous les écrans ! Petit album aux illustrations douces et rigolotes valorisant la règle des 3-6-9-12, proposée par Serge Tisseron, concernant l’usage progressif des écrans à partir de trois ans. Flore Brunelet enfonce le clou en s’adressant aux parents en fin d’ouvrage.
Écrit en 1986, cet album était resté inédit en France ; on saura donc gré à cette maison québécoise de nous l’avoir rendu accessible, tant on prend plaisir à retrouver l’univers onirique de l’auteur-illustrateur. Recueilli par la famille du fermier Bailey, un homme mystérieux semble amnésique, mais s’intègre parfaitement, aide la famille et se montre sensible aux animaux et à la nature qu’il semble influencer par sa présence. Néanmoins, le héros de cette histoire poétique restera à jamais un étranger, tant pour ses hôtes que pour le lecteur. Il repart en effet aussi mystérieusement qu’il était arrivé, non sans avoir contribué à modifier subtilement, de façon cyclique, le paysage et le climat alentour. Magnifiquement illustrée par des pastels lumineux, cette fable (météorologique ?) suscitera sans doute de multiples interprétations.
Le monstre n’est pas toujours celui que l’on croit… Ceux qui ont lu Safari de Yak rivais, Des goûts et des couleurs de Jacqueline Osterath, Personne déplacée de Michel Perrin, Les monstres de Robert Scheckley ou Niourk de Stefan Wül le savent bien : tout est affaire de point de vue, et quand on inverse celui-ci, l’humain, celui qui nous ressemble, devient un monstre au sens propre aux yeux d’autres êtres vivants ! C’est le cas dans ce magnifique roman illustré de dessins en noir et blanc qui évoquent, pour certains d’entre eux, ceux de Chris Van Allsburg. Un cirque ambulant arrive un jour dans le village isolé du jeune narrateur. Les habitants sont invités à venir assister au spectacle dont le clou est une bête terrifiante, « le survivant d’un peuple primitif », le monstre d’Érêves, qui n’est autre… qu’un enfant humain face à un public de monstres (vivant la nuit et dormant le jour) ! Otto, qui se sent différent de Max et de sa bande, car il est plus doux, plus sensible à la beauté, moins « monstrueux » avec sa tête de chat, se lie d’amitié avec Otto (son double ?) dont l’histoire (un déménagement, les disputes parentales, une fugue, un naufrage, la capture…) n’est racontée qu’en images et à travers les chants qu’il fredonne. Il faudra sans nul doute plusieurs lectures pour saisir toutes les allusions du texte et surtout des images. Un très bel objet livre donnant lieu à de multiples interprétations et qui ravive en nous le souvenir de Max et les Maximonstres de Maurice Sendak.
Une belle jeune fille de 17 ans, que tous admirent dans la cité, est agressée puis tuée. C’est Karim, un lycéen kabyle de sa classe, qui découvre le corps de Zineb, sœur de son ami Hamza. Profondément perturbé, il l’est davantage encore quand son ami Sublime, jeune migrant mineur isolé, disparait après lui avoir laissé ce qui pourrait être considéré comme une preuve de son implication dans le meurtre. Convaincu que Sublime est innocent, Karim n’a plus désormais qu’une idée en tête : découvrir qui a tué Zineb et surtout pour quelle raison. Nous suivons donc pas à pas l’enquête du narrateur, lequel évolue au fil de ses découvertes, en comprenant notamment que les personnes de son entourage sont différentes de ce qu’il en connait, qu’elles ont des secrets, des rêves, voire une vie parallèle dont il ignorait tout ! Sous ses apparences de jeune fille modèle, dont le mariage était déjà arrangé, Zineb avait commencé à s’émanciper, sans que ses frères ainés, Icham et Rayan, ni Malika sa mère, n’en sachent rien ; ses amies Joyce (l’ex de Karim) et Khedima mentent tant et plus, ne méritant sans doute pas le qualificatif de « meilleures amies » ; Hamza ne parle que de vengeance et se procure un pistolet auprès de Momo le caïd du quartier ; la nouvelle commissaire Mesronces ne ressemble pas aux flics peu empathiques qu’il connait et dont il se tient à distance. Même son père, ainsi que sa mère qui a quitté la maison sans crier gare, lui apparaitront sous un jour nouveau… Bref, Karim va devoir réviser ses jugements et faire des choix. L’auteur connait bien le monde des adolescents avec lesquels elle travaille depuis 20 ans, ce qui donne une authenticité certaine aux personnages qu’elle met en scène, tant dans leurs comportements que dans leur langage, très familier et argotique. Cependant, Karim, réputé intelligent, est capable d’adapter son registre, si bien que sa narration, même si elle est émaillée de quelques familiarités ou traces d’oralité, reste assez soutenue dans l’ensemble. Quant aux textes que Zineb slame en secret, ils sont tout simplement magnifiques… Il s’agit donc d’un polar plutôt bien mené, se passant dans un quartier populaire de cité, prompt à l’embrasement, où tous se connaissent, s’épient et obéissent à des codes ; où règnent les trafics et le racisme, mais également la solidarité face au deuil, comme en témoignent la chaleur dont ses voisines entourent Malika, la manifestation organisée par Hamza ou le recueillement de tous lors de l’enterrement de Zineb. Un lieu également où des adultes se dépensent sans compter auprès des jeunes, telle madame Breteau, la professeure de français qui encourage et soutient Zineb ou l’ancien boxeur devenu coach, Driss, ayant pris Sublime sous son aile et poussant Karim à se monter ambitieux en intégrant le Pôle France de boxe. La fin pourra laisser perplexe tant elle est ouverte : grâce notamment à Bouli, le plus jeune frère de Zineb, Karim détient enfin la vérité et des preuves, mais ignore ce qu’il va en faire !
Ce recueil de treize nouvelles pourrait être le pendant fictif du documentaire Histoires d’amour, présenté plus haut. Remarquablement complétés par des illustrations douces réalisées aux crayons de couleur, ces textes courts mais vibrants, mettent en scène des filles et des garçons confrontés aux premières amours, pas toujours celles attendues par eux-mêmes, leur entourage ou la société, ce qui génère interrogations, mal-être ou rejet. Comment accepter et faire accepter, sans être jugé ni harcelé, qu’on aime quelqu’un du même sexe (Imane, Rebecca, Marco, Solal), voire les deux (Thélio) ? Comment gérer une certaine a-sexualité (Cléo), le fait d’être déçue par sa première fois (Nine), de ressentir une jalousie exacerbée (Safia), de vouloir un enfant seule (Maïa), d’être amoureuse « d’un petit bourge blanc » (Fatia), de rencontrer enfin celle qu’on a connue virtuellement (Joshua) ? Comment prendre le risque d’avouer à celle qu’on aime qu’on est né fille mais qu’on se vit garçon (Jo) ? Chaque nouvelle porte le titre du personnage qui s’interroge, souffre, évolue, prend des décisions, sauf deux qui concernent des proches : « Lisa », qui aime Thélio qui aime aussi Léon et « Gaël », père qui réagit mal à l’annonce de la bisexualité de son fils (Thélio). La diversité des situations évoquées devrait permettre aux adolescents de se rassurer quant à leurs questionnements, de s’identifier ou de mettre des mots sur ce qu’ils ressentent confusément ou n’osent s’avouer. L’entourage (parents, camarades) réagit parfois vivement, manifestant son incompréhension voire sa désapprobation, mais également son soutien ; les ami·e·s sont à l’écoute (Juliane pour Nine, Nour pour Safia, Marco pour Solal) et finalement chacun·e dépasse les affres et assume ses désirs. Un ouvrage inclusif et optimiste donc, à conseiller aux collégiens les plus âgés et aux lycéens.
Connu notamment pour ses dystopies politiques, l’auteur s’adresse pour la première fois aux adolescents à travers ce court récit d’une cinquantaine de pages, destiné à illustrer les conséquences de l’utilisation constante et unique du « brightphone », équivalent futuriste de nos smartphones actuels. Novak est un jeune homme complètement inféodé à Scarlett
Destinée aux lecteurs plus âgés (collégiens, niveau A1, anglais débutant), voici un roman d’espionnage enlevé, non dénué d’humour, narré par Gabrielle, l’une des protagonistes, cinq ans après les faits. Lors d’un concours d’anglais à Paris, la collégienne bretonne fait la connaissance d’Augustin Pliche, Parisien, et de Gaspard Fleury, Toulousain, qui se révéleront être deux frères jumeaux américains, adoptés par deux familles différentes à l’âge de cinq ans ! À l’initiative d’Augustin, bien décidé à retrouver leurs parents biologiques qui n’ont apparemment jamais cherché à les retrouver, les trois amis vont se lancer dans une aventure hors norme pleine de rebondissements et de dangers ; de Toronto à Washington, poursuivis à la fois par la mafia italienne et des agents de la CIA, il leur faudra beaucoup de mensonges, d’astuce, de solidarité et de chance pour parvenir à leurs fins tout en scellant une amitié (voire davantage pour Gabrielle et Gaspard…) à toute épreuve. Bien que la langue française domine, il faudra quand même un niveau minimal pour comprendre les répliques anglaises (non traduites), sans que le sens général de cette aventure trépidante n’en souffre pour autant. En revanche, le début de l’intrigue, comme l’indique Gabrielle elle-même, pourra sembler complexe à certains lecteurs en raison d’une chronologie bouleversée.
Anne Sibran et Émilie Angebault mettent en scène Magda, une petite taupe, dans une nouvelle série d’albums qui comporte deux titres pour l’instant : Magda, le petit monde de la mare et Magda au grand jour, 2022. Ces deux fictions, bien documentées, célèbrent la poésie de la nature et la beauté du monde à travers l’interaction utile et nécessaire de deux mondes, celui d’en bas et celui d’en haut. Jolis dessins très précis, foisonnants de détails justes et rigolos, envahissant une double page qui se replie, à la fin. De quoi changer la vision des taupes et des animaux du monde souterrain !
Françoise Rachmuhl met la mythologie à la portée des élèves de l’école élémentaire grâce aux portraits de héros tels Antigone, Thésée, Héraclès, Démeter ou Ulysse. Moins de 100 pages, au format poche, à petit prix. 2022.
Liz et Grimm : imaginés par Christophe Guignement et Audrey Siourd, adaptés par Nicolas Chandemerle, il s’agit de contes revisités dont l’original est proposé en fin d’ouvrage. Deux titres au format papier, Le Petit Chaperon bleu et Stridouille, le Super Vilain Petit Canard, disponibles également en audio chez LIZZIE. Les titres suivants ne sont apparemment disponibles qu’en audio. Face aux problèmes rencontrés par Liz (utilisation d’internet, moqueries des camarades), Grimm, son chat, lui raconte la rencontre sur internet d’Adèle Chaperon avec LoulouFricoto, loin d’être celui qu’il prétend ou l’histoire de Stridouille qui rêvait de devenir chanteur malgré sa drôle de voix. Petits textes faciles pour aborder et tenter de dédramatiser les petits et grands tracas des jeunes.
Afin de renouveler ses anciennes collections « Hydrogène » et « Oxygène » devenues obsolètes, l’éditeur lance une nouvelle collection baptisée « Alt », à destination des 15-25 ans, sous forme d’essais engagés, courts mais percutants, rédigés par des spécialistes de la question problématisée. Il s’agit d’inviter les jeunes à une autre forme de lecture, à prendre le temps de la réflexion et du recul par rapport aux réseaux sociaux.

Camille Riquier/Quentin Duckit, traite quant à lui d’internet, de religion, de société et de science et Qu’est-ce qui fait mon genre ? Aïda N’Diaye/Léa Murawiec du corps humain, de l’identité, de philosophie, de sexualité, de société.
Dédié « à tous les petits qui ont dû abandonner leurs rêves en cours de route », ce petit album évoque avec une justesse remarquable la fuite d’Amina et de sa maman face à la guerre. Ne sachant pas où se trouve l’homme de la famille parti combattre, elles s’enfuient en laissant tout derrière elles, sans espoir de retour. Amina s’accroche à Kissou, son fidèle doudou. La petite fille va connaitre le parcours semé d’embûches et de vicissitudes vécu par tous les réfugiés. Pire, au moment où Amina est secourue en mer, elle perd Kissou, l’ami de toujours qui lui avait permis de tout surmonter. Grâce à un bénévole compatissant, le destin de l’ourson bleu sera de consoler, si possible, Naïm, un autre petit exilé handicapé, seul parmi des milliers de réfugiés. Remarquable de concision tant dans le texte que les illustrations, ce récit simple et émouvant, abordable dès la maternelle évoque, sans pathos, une tragique réalité, très actuelle.
Parution récente en poche de ce très beau roman rédigé à la première personne par une narratrice empathique de 9 ans. Quand elle comprend qu’Ahmet ne parle pas, ne sourit pas et n’aime pas les bonbons parce qu’il a fui la guerre en Syrie, Alexa décide de l’aider en mettant ses amis Josie, Michael et Tom dans le coup. Séparé de ses parents et de sa petite sœur, morte au cours du trajet, Ahmet a été placé en famille d’accueil à Londres. Ses nouveaux amis vont se mobiliser pour le défendre contre le racisme ambiant et l’aider à retrouver ses parents, quitte à vivre des aventures rocambolesques. Une narration à hauteur d’enfant, naïve et sincère, un roman sensible et optimiste rempli d’humour, malgré la gravité des faits évoqués.
Bonne nouvelle que la parution en poche de ce roman très original. Flora, la narratrice âgée de 17 ans, souffre d’amnésie depuis une opération au cerveau subie sept ans plus tôt. Oubliant tout au bout de deux heures, elle déploie une énergie considérable à tout noter sur un cahier, des petits papiers voire ses bras ! Tout à coup, un souvenir perdure : Drake (le petit copain de sa meilleure amie Paige) l’a embrassée… Comme il vient de partir pour le Spitzberg, Flora, convaincue qu’il possède la clé de sa guérison, décide de quitter son environnement familier pour le rejoindre. L’auteure joue habilement le jeu du point de vue d’une jeune fille courageuse et attachante, mais naïve, soutenue par son frère Jacob et couvée, voire étouffée, par ses parents. Le lecteur n’en sait pas plus que l’héroïne, « piétine » et régresse avec elle, ce qui peut parfois le dérouter, mais le suspense le maintient en haleine ; malgré son handicap et sa différence, Flora grandit et apprend, sans être épargnée, loin de là… Fin ouverte et pleine d’espoir. Devrait intéresser les plus âgés des collégiens.
Suite des aventures de Lyra, l’héroïne de l’envoutante première trilogie de l’auteur (À la croisée des mondes).
Le roi Fred Sans Effroi règne sur un petit royaume où il fait bon vivre, la Cornucopia. Mais un jour, l’Ickabog, monstre sanguinaire légendaire vivant dans les marais du nord, vient perturber le bonheur de tous. Il faudra le courage de deux adolescents, Daisy et Bert, pour faire éclater la vérité au grand jour. Deux conseilleurs sans scrupules du roi, peu éclairé et dominé par ses peurs, n’ont pas hésité à manipuler les foules et à faire régner la terreur pour s’enrichir. Une fable politique qui dénonce les dérives du pouvoir et les mensonges grâce à l’instrumentalisation d’une légende.
Les Crimes de Grindelwald, JFK Rowling, traduit de l’anglais par Clémentine Beauvais, Folio Junior, 2022.
Demandez-leur la lune, Isabelle Pandazopoulos, « Pôle Fiction », 2022.
L’Année de grâce, Kim Liggett, traduit de l’anglais (États-Unis) par Nathalie Peronny, Pôle Fiction, 2022.
Tout sépare Ana Torres Moreno, fille de républicains espagnols assassinés par les franquistes et Daniel Matheson, jeune héritier texan, qui a pourtant, par sa mère, du sang espagnol dans les veines. Ana travaille à l’hôtel Castellana de Madrid où Daniel séjourne avec sa famille : elle doit se mettre à leur service. Davantage passionné par la photographie que par le pétrole, le jeune homme découvre peu à peu la sombre réalité d’un pays soumis à la dictature, Ana lui servant de guide. Il ne mesure pas à quel point les habitants sont muselés, pauvres et pour certains, comme Ana et ses proches, en danger au moindre faux pas. Il serait vain de vouloir résumer de façon exhaustive ce roman passionnant dont l’intrigue fictive se déroule essentiellement en 1957 pour se terminer en 1975, à la mort de Franco. Extrêmement bien documenté, le récit, rédigé au présent, met en scène autour des deux héros de nombreux personnages attachants, souvent complexes, et parfois répugnants, enferrés dans le silence, les secrets et les mensonges. Il fera découvrir aux lecteurs tout un pan de l’histoire espagnole, à savoir les conséquences de la guerre civile perdue par les républicains : un dictateur prend le pouvoir et autorise, entre autres, de terribles massacres ainsi qu’un scandale qui ne devait éclater que très tardivement : le vol à leurs parents (pauvres et/ou républicains) de plus de 300 000 bébés, vendus à des familles censées leur donner une « bonne éducation chrétienne »… Toutes les clés de contextualisation historique (images d’archives, explications de l’auteure, glossaire, bibliographie) sont fournies au lecteur en fin d’ouvrage.
Eon et le douzième dragon, Eona et le collier des Dieux, A. Goodman, traduit de l’anglais par P. Giraudon, « Pôle Fiction », 2022 et 2023.
ne Beau, 2021.
Saluons la parution en poche du premier roman pour la jeunesse de cet écrivain célèbre qui collabore, pour les illustrations, avec l’auteur bien connu du « Petit Vampire » et du « Chat du rabbin ». Et ce d’autant plus qu’il aborde, pour les plus jeunes, le sujet des troubles du spectre autistique (TSA). Aurore, la narratrice âgée de 11 ans, ne parle pas mais, grâce aux encouragements de Josiane, sa prof particulière, elle communique à toute vitesse grâce à sa tablette. Être atteinte d’un TSA ne bride pas sa joie de vivre ni son intelligence, sans compter qu’elle possède un don hors norme consistant à percevoir les pensées des gens : pouvoir magique ou métaphore d’une hyper sensibilité ? Au lecteur de trancher ! Toujours est-il que l’héroïne met son trouble au service des autres. En effet, lorsque Lucie, la meilleure amie de sa grande sœur Émilie, disparait, Aurore décide d’apporter son concours à l’inspecteur chargé de l’enquête. Ce petit roman met en valeur les différences et prône leur respect, qu’il s’agisse d’Aurore et de sa manière d’aborder les choses ou de Lucie, génie des maths mal dans sa peau et harcelée en raison de son poids. L’auteur, lui-même père d’un garçon atteint de TSA, a choisi de brosser le portrait d’une préadolescente vivant de nos jours à Fontenay sous Bois, avec sa mère employée dans une banque, alors que son Pap’ adoré, écrivain, vit à Paris. Confrontée aux réalités contemporaines (séparation des parents, famille recomposée, grande sœur en pleine crise d’adolescence, harcèlement scolaire, maltraitance), Aurore, en dépit de sa naïveté, perçoit avec acuité la souffrance et les problèmes de son entourage qu’elle s’efforce d’aider.
La mémoire des couleurs, Stéphane Michaka, 2022.
Réseaux, tomes 1 et 2, Vincent Villeminot, 2022.
20 allée de la danse, Tomes 1 à 5, Élizabeth Barféty, illustré par Magali Fournier, « Best seller » 2022.
Le Jeu du maitre (Tome 3) : Fin de partie, James Dashner, traduit de l’anglais (États-Unis) par Guillaume Fournier, Best Seller, 2023.
La soupe aux amandes, Sylvie Deshors, Petite Poche, 2022.
Je terminerai en mentionnant un ouvrage consacré par Marie Lallouet à « Gallimard Jeunesse », paru chez ce même éditeur : Cinquante ans de la vie d’un éditeur dans l’histoire de la littérature jeunesse en France, 2022. Il est impossible de résumer cette somme, qui en 12 chapitres, tente de brosser le panorama de 50 années consacrées à l’édition jeunesse. Abondamment illustré et fort bien documenté, ce pavé aborde tout ce qui a contribué à créer et nourrir le catalogue d’une maison d’édition indépendante, soucieuse de qualité et d’innovation, qu’il s’agisse des auteurs, des illustrateurs, des sujets, des genres, des collections, des formats ou des métiers de l’édition…
Petit mais écolo !, Justine de Lagausie et Aurélie Guillery, « Mes imagiers tout carrés », Casterman, 2021.
Le titre annonce la couleur : voilà un ouvrage qui devrait permettre à tous de dépenser moins d’argent ou, en tout cas, de ne plus se laisser piéger par les « bonnes affaires » ! Anna, César, Sammy et Simone participent à un vide-grenier afin de vendre les jouets dont ils ne veulent plus. À cette occasion, M. Ristourne, le propriétaire du bazar « L’indispensable superflu », va leur dévoiler tous les dessous de la consommation de masse, l’ingéniosité des publicitaires au service des marques, bref, leur décrire toutes les manipulations mises en œuvre afin de faire acheter toujours plus. Grâce aux 22 astuces destinées à rester vigilants, nos jeunes amis et les lecteurs deviendront, espérons-le, des consommateurs avertis, donc moins naïfs, et surtout responsables ! Une bande dessinée à mettre entre toutes les mains dès la fin de l’école élémentaire et qui restera d’actualité bien plus tard…
Juliette, la mère de Zoé, est au chômage depuis un an, car la banque où elle travaillait a fait l’objet de « restructurations »… La collégienne de 12 ans voudrait l’aider, ce qui va l’amener à dialoguer avec sa voisine, Madame Robinson, professeur d’économie à la retraite, ainsi qu’avec ses copains, d’origines sociales et géographiques diverses. À travers de multiples saynètes très concrètes de la vie quotidienne, de nombreux aspects de l’économie sont ainsi abordés, le plus simplement possible, même si certains thèmes restent complexes (PIB, marchés financiers, monnaies, mondialisation, loi du marché… ). Zoé mesure mieux ce que sont les inégalités, d’où elles proviennent et à quel point lutter pour les réduire n’est pas gagné ; elle et ses amis comprennent qu’ils sont des acteurs économiques et qu’il est important de réfléchir à l’avenir de notre planète. Une bande dessinée claire et dynamique qui, malgré l’aspect didactique lié aux notions abordées (glossaire très utile en fin d’ouvrage), laisse cependant place à l’humour et à l’optimisme.
Comme l’indique le titre, l’ouvrage se veut un guide pratique pour aider les jeunes filles à oser prendre la parole afin de défendre les causes qui leur sont chères. Militante féministe, l’autrice (qui est entre autres connue pour avoir lancé avec succès une pétition destinée à réduire la « Tampon tax ») s’appuie sur son expérience pour délivrer pas à pas ses conseils et astuces, sans négliger d’évoquer les échecs et la manière de les surmonter. Elle insiste également, à juste titre, sur l’importance de l’estime de soi. Maquette moderne et aérée qui joue sur les polices de caractères ou l’alternance du noir et jaune, sans compter quelques illustrations stylisées. En fin d’ouvrage, index très utile des thèmes ou mots-clés évoqués. Un titre qui devrait trouver sa place dans les CDI et lecture recommandée aux garçons !
S’appuyant sur sa pratique quotidienne, l’autrice, sage-femme, a conçu un guide accessible et ludique autour d’un sujet demeurant largement tabou, alors qu’il concerne la moitié de la population. Toutes les questions que chacun, fille ou garçon, se pose, sont abordées dans un langage simple, complété par des schémas précis et des illustrations humoristiques de style BD : un groupe d’adolescentes d’aujourd’hui accompagne les lecteurs tout au long de l’ouvrage afin d’aborder « Tout sur les règles » en cinq grandes parties et 41 questions tant techniques que pratiques ou médicales. Une parution salutaire qui comble un grand vide !
Forcément subjective, cette sélection de héros littéraires, dont on pourra déplorer qu’elle ne comporte qu’un quart d’héroïnes, aura au moins le mérite de raviver le souvenir – ou de faire découvrir – des figures imaginaires fortes. Qu’ils appartiennent à la littérature destinée aux adultes (du moins à l’origine) ou à la jeunesse, tous ces personnages, devenus si célèbres qu’on les croirait vivants, sont de véritables ami·e·s qui aident à grandir, soutiennent et font rire, s’émouvoir ou rêver : ils sont présentés dans ce qu’ils ont de plus caractéristique.
Suivant un ordre chronologique allant de 10 000 ans avant notre ère à nos jours, ce grand album retrace, tant par le texte que par les illustrations, la vie quotidienne de femmes ordinaires, différente selon leur condition sociale. Le lecteur constatera que l’évolution de leurs droits et devoirs n’a pas été forcément linéaire : ainsi les femmes égyptiennes, au moins celles des milieux aisés, occupaient des fonctions prestigieuses et décidaient seules de leur avenir ; dans la Grèce antique, leur destin était différent selon la Cité-État dans laquelle elles vivaient : mieux valait pour elles vivre à Sparte ou à Théos qu’à Athènes ou sur l’île de Thasos… Quant à la première manifestation féministe, elle eut lieu en 216 avant notre ère, à l’initiative de Romaines qui voulaient récupérer des biens qu’on leur avait confisqués pour financer la guerre. On sait qu’au cours des siècles, de nombreux droits leur furent déniés, que leur conquête ou reconquête, évoquée dans les derniers chapitres, est récente, mais encore fragile et incomplète, ce qui aurait pu être davantage souligné, notamment en ce qui concerne de nombreux pays.
Le titre laisse peu de doutes sur les qualités respectives de la princesse Castille de Bonaloi et du prince Gontran de Pacotille. La première (dont les lecteurs ont pu faire la connaissance dans un premier opus La princesse qui pue qui pète (2020) a du caractère et en remontrerait aux féministes les plus radicales. Le second est un pleutre, imbu de sa personne, persuadé qu’une épouse digne de ce nom doit passer son temps à broder… Castille n’en veut point pour mari, lui préférant son ami Armand dont elle partage les jeux et le travail à la ferme, quitte à oublier son rang et à en revenir peu présentable. Il sera son prince, avec l’accord de la reine Guillemette et du roi Clotaire, car ces derniers souhaitent simplement le bonheur de leur fille. Un texte et des illustrations humoristiques, qui balaient vigoureusement les stéréotypes de genre.
Il est temps pour la princesse Pimprenelle de choisir un prétendant parmi tous ceux paradant sur leur cheval blanc. Mais aucun ne trouve grâce à ses yeux : elle préférerait choisir un cheval ! Soudain, c’est le coup de foudre pour la princesse Aliénor chevauchant son beau destrier noir. Elles deviennent inséparables, partageant gouts et valeurs ; Pimprenelle accepte alors la demande en mariage d’Aliénor, ce qui suscite indignation et paroles cruelles à la cour. Après avoir consulté la docte Sophie, ses parents, se remémorant leur propres sentiments réciproques, reconnaissent que seul l’amour compte. « Elles s’aiment, c’est l’essentiel » : l’adage fait le tour du royaume, finissant par convaincre les plus intolérants. Le conte s’achève sur la phrase rituelle, ce qui justifie ensuite une explication sur la manière dont les deux princesses auront un bébé… Un album engagé dont les illustrations impertinentes aux traits enfantins font parfois songer à Picasso ou aux peintres cubistes.
Publié en 2016 au Canada, ce superbe album est enfin disponible en France. Quelques phrases bâties selon une structure répétitive (« Pour me…, elle était là »), magnifiquement illustrées ou complétées par les collages délicats de l’illustratrice, rendent compte de la présence et de l’amour maternels qui perdurent au-delà du temps et de l’absence. Car rupture et deuil, il y a eu ou il y aura, comme les dernières pages le suggèrent, tant par le texte que les images. Par une subtile inversion, c’est désormais le cœur de l’enfant devenu (plus) grand qui abrite symboliquement celle qui l’a porté dans son ventre. Un album qui prouve simplement, mais de façon sensible et subtile, que l’on peut aborder la mort et le deuil dès le plus jeune âge.
Simon dormait dans sa poussette, ses parents admiraient les arbres de la forêt : personne n’a vu tomber le doudou Nino… sauf Lapin qui l’accueille dans son terrier. Puis c’est au tour d’Écureuil ou des mésanges noires de l’inviter à les suivre. Tout à coup, la nuit tombe : Nino est perdu, il s’inquiète. Mais Renard veille et l’emmène à la rencontre des autres animaux de la forêt avant de le reconduire à l’aube chez Lapin. Nino dort profondément jusqu’au crépuscule suivant qui lui fera retrouver son humain préféré. Autrice-illustratrice qui n’est plus à présenter, Anne Brouillard propose un album dont les illustrations (encres et aquarelles) aux couleurs sombres et chatoyantes parlent le plus souvent d’elles-mêmes, sous forme de petites ou grandes vignettes, en pleine page, voire en double page, telles celles magnifiques de Nino contemplant son village sans reconnaitre sa maison, chevauchant de nuit le renard ou saluant à la fin, bien au chaud, ses amis de la forêt. Une très belle réussite où le réel le dispute à l’imaginaire.
Le phare dont il est question ici voit un jour arriver un nouveau gardien qui accomplira, comme le précédent, de nombreuses tâches routinières et pourtant essentielles. Remplissant consciencieusement son journal de bord, le gardien pense à Alice, son épouse qui le rejoint bientôt et l’assiste dans son quotidien ou lors d’évènements exceptionnels. Elle le soigne et le remplace lorsqu’il est malade, il l’aide à accoucher de leur petite fille. Mais les temps changent : la machine remplace l’homme, le gardien et sa famille regagnent la terre ferme d’où ils contempleront, sans doute avec nostalgie, le phare qui continue, seul, de balayer les flots de sa lumière. L’autrice réussit à reconstituer, au fil des saisons, une vie au rythme immuable, parfois bouleversée par une tempête, un naufrage, le passage d’une baleine, l’arrivée du bateau de ravitaillement ou même d’un enfant ! Encre de Chine et aquarelle se marient dans des couleurs chatoyantes pour illustrer ce magnifique album poétique, très documenté, dont le texte, tel un calligramme, épouse parfois les évènements. Grande originalité des cadrages et des dessins, tels la coupe verticale du phare, les médaillons ronds, sans compter les surprises des dernières pages dont on peut déplier un volet. Une très belle réussite !
Qui, même parmi les amateurs de cyclisme, connait le nom d’Alfonsina Strada (1891-1959) et sait de quels exploits elle fut capable ? Justice est rendue à cette pionnière que rien ne découragea, dans ce grand album aux tons jaunes/orangés/bleus/noirs s’inspirant de la vie d’une jeune femme très en avance sur son temps. « Mordue » dès qu’elle reçoit son premier vélo à 10 ans, éprise de liberté, Alfonsina participe trois ans plus tard à sa première course, qu’elle gagne ! Faisant fi des quolibets et des injures, elle s’acharne, n’hésite pas à « emprunter » les chaussures du grand-père et la casquette du facteur, se déguisant afin de participer à des courses masculines, qu’elle remporte (36 victoires !). En 1924, elle est la première femme à participer au Giro d’Italie, réservé aux hommes. Surnommée « la reine du vélo », cette sportive accomplie balaie les préjugés et sera finalement acclamée par ses anciens détracteurs. L’image de cette petite fille prenant d’assaut une immense bicyclette figurant sur la couverture restera longtemps gravée dans la mémoire du lecteur, preuve que la persévérance et la passion contribuent à la réalisation des rêves les plus fous, même quand on nait fille. Un bel exemple à suivre …
Chantal, 56 ans, et Clément, 71 ans, feraient sans nul doute des grands-parents géniaux… Le problème pour Guilène, 10 ans et demi, c’est qu’ils sont ses parents ! Si cela ne la gênait absolument pas du temps de l’école élémentaire, tout a changé depuis son entrée en sixième. La confrontation avec les parents de ses camarades, tous jeunes et branchés, la remplissent de honte. Obnubilée par les excellents conseils de sa nouvelle amie Cléa, qui sait tout sur ce qu’il faut faire et dire, ou pas, au collège, Guilène ne se juge pas du tout à la hauteur. Et finit par se sentir constamment tiraillée entre l’amour éprouvé envers ses parents qui lui offrent un foyer chaleureux, font constamment preuve d’humour ou de tolérance, et la tentation de les voir à travers le regard très féroce que ses camarades portent sur cette famille différente… Narré à la première personne par une toute jeune fille se décrivant comme timide et naïve, ce récit tendre et cruel illustre bien les tourments d’une préadolescente supportant de moins en moins de se moquer de ses « vieux » avec ses camarades ; ceux-ci finiront d’ailleurs par reconnaitre que les leurs ont beaucoup moins de courage que les siens, les seuls qui oseront dénoncer l’attitude inadaptée de la professeure de mathématiques, Madame Ivans. Une analyse fine et bien menée d’un passage délicat plus ou moins bien vécu selon les enfants : j’ai trouvé Guilène très mure et finalement bien armée pour franchir cette épreuve : grâce à ses vieux parents peut-être ?
Nous retrouvons l’équipe de Clara Di Lazio pour une troisième enquête dont la noirceur n’a rien à envier aux précédentes (présentées dans les «
Ex-commissaire divisionnaire, l’autrice signe là ses deux premiers polars pour adolescents, après en avoir écrit de nombreux pour les adultes.
Une dizaine de mois ont passé : Olympe tente d’oublier, difficilement, l’épreuve vécue précédemment ; or l’arrivée à Épinal d’une équipe de tournage lui offre un dérivatif. Bluelight Productions va réaliser un film inspiré de deux disparitions en forêt, survenues dix ans plus tôt dans la région : Alya Bariani a été assassinée et son amie Cheyenne Vandelambre, jamais retrouvée. Malgré ses dénégations, l’ex-petit ami d’Alya, Vince de Mestre, a été reconnu coupable et condamné à treize ans de réclusion. Surnommé « l’ange obscur » en raison de son charisme et de son mystère, Vince, bientôt libérable, a été embauché pour jouer son propre rôle, réinsertion oblige ! Des mesures de sécurité exceptionnelles étant nécessaires, Antony Marin et son équipe sont donc sollicités. Le capitaine est alors loin de se douter que sa fille, encore mineure, a réussi de son côté à se faire embaucher sur le tournage. Visant un rôle de figurante, elle décroche finalement celui d’Alya, en raison de leur ressemblance, et en pince rapidement pour le « mauvais garçon »… Dès lors, une mécanique infernale s’enclenche : Vince, Olympe et Gala, l’assistante de production, disparaissent. Le passé ressurgit et Marin va devoir se replonger dans une vieille affaire s’il veut retrouver Vince et sauver sa fille. Comme le titre l’indique, le jeune homme, tel Janus, présente deux faces : qui est-il vraiment ? Que s’est-il passé autrefois ? La vérité surgira enfin après de multiples rebondissements. L’intrigue, bien ficelée et menée tambour battant, tire en grande partie sa force de la mise en scène crédible du milieu du cinéma, pour un tournage très particulier puisque certains personnages sont interprétés par les acteurs du drame, ce qui change tout !
« Héroïnes de la mythologie » est une nouvelle série (2021) mettant en scène les femmes reléguées au second plan des récits mythologiques. Rédigés par Isabelle Pandazopoulos, les deux premiers opus mettent en scène Athéna la combative et Pénélope la femme aux mille ruses. De l’enfance à la maturité, l’autrice revisite l’histoire de chaque héroïne, mortelle ou déesse, en adoptant le point de vue de chacune d’entre elles. Une excellente initiative pour mettre en valeur des femmes dont les qualités et les défauts n’ont rien à envier à ceux des hommes.
« Scoop à Versailles » d’Annie Pietri/Alban Marilleau puis Mégane Lepage (2021) conjugue histoire et enquêtes policières, menées conjointement par Gaspard janvier, journaliste au « Mercure Curieux » et Louise Françoise de Bourbon, fille du Roi-Soleil. Dans L’Affaire des treize pièces d’or et L’Enlèvement de la Ménagerie Royale, les deux alliés et amis devront trouver qui veut empêcher le mariage d’Anne d’Orléans et du duc de Savoie, puis résoudre la disparition de certains animaux. Un duo improbable mis en scène par une passionnée de la période (Les Orangers de Versailles, L’Espionne du Roi-Soleil).
La série « Les petits mystères d’Égypte », Pierre Gemme, illustrations de Mary Gribouille, Romans 6-8 ans, 2021 et 2022, permettra aux plus jeunes de découvrir l’univers de l’Égypte des pharaons grâce aux aventures de la jeune Aouni, douée de quelques pouvoirs, et de son chat Finou, plutôt rusé. Quatre titres sont déjà parus, La Colère des Dieux, La Momie maléfique, Menace sur l’obélisque et Le Rugissement du sphinx. Une collection attrayante misant sur les facilitations de lecture grâce à une mise en page aérée, un résumé de chaque chapitre au début du suivant et l’explication des mots difficiles en bas de page, sans compter des compléments d’information en fin d’ouvrages.
Autre série destinée au même âge, Bandit, chien de génie de Pascal Brissy, illustrée par Mehdi Doigts, met en scène le chien de Léonard de Vinci, un détective très gaffeur, qui mène des enquêtes désopilantes à Florence au temps de la Renaissance. Trois titres déjà parus en 2021 : Le Monstre du fleuve, Le Collier de Mona Lisa et Le Tableau mystère.
Moi, j’aime pas l’école, Sophie Furlaud/Laurent Simon, 2021, est un nouveau titre de la
Ce que l’un voit à la télévision, l’autre le vit. Malika a fui son pays en guerre avec sa famille ; elle commence une nouvelle vie dans un pays où elle ne connait personne et mène enfin une existence plus tranquille, même si elle fait encore des cauchemars. Avec tact et pudeur, avec ou sans paroles, le quotidien de Malika et d’Arthur se déroule parallèlement sous nos yeux, banal ou angoissant, doux ou triste. Les deux enfants, que tout semble opposer, vont pourtant se rencontrer et devenir importants l’un pour l’autre. Un album qui traite de l’exil et de la migration, mais également des petits bonheurs ou petites misères de l’enfance, avec simplicité et finesse, notamment grâce à des illustrations crayonnées, tout en délicatesse.
Dédié « À toutes les personnes qui luttent jour après jour pour survivre dignement en fuyant l’horreur », voilà un magnifique album évoquant très poétiquement le départ nécessaire, mais si angoissant, pour une destination inconnue. Une immense baleine rouge face à un minuscule personnage bleu aux traits indéfinis symbolise l’impossibilité d’emporter avec soi tout ce qui constitue notre vie : objets certes, mais également souvenirs, amis et tant d’autres biens, matériels ou immatériels. Cet arrachement se traduit en peu de mots et par de très belles illustrations (aquarelles) prenant toute la place, passant même d’une page à l’autre, avant de se réduire à un dessin qui, plié, trouvera enfin sa place dans une toute petite valise. Il me semble que la « solution » imaginée par le narrateur concentre tout l’espoir de ceux qui, à la dernière page, regardent vers un avenir qu’ils espèrent meilleur. Le titre original espagnol « Como meter una ballena en una maleta » (2019) est d’ailleurs une affirmation et non une question ! L’auteur interpelle chacun d’entre nous, nous invitant à devenir citoyens du monde au lieu de nous enfermer derrière nos frontières.
Violette, 17 ans, se sent très mal depuis qu’elle est rentrée de Paris en novembre ; passionnée d’écriture et très active sur la toile, elle s’est rendue à une fête organisée par des membres du forum littéraire auquel elle participe activement. Ses camarades ne la reconnaissent plus, notamment Arnaud, son ami depuis la cinquième, qui s’inquiète. Son point de vue alterne avec celui de Violette, celle-ci ne se souvenant plus de rien jusqu’au moment où les évènements lui reviennent par bribes. Même s’il ne fait très rapidement aucun doute aux yeux du lecteur que Violette a été violée par Ahriman, un prédateur habile ayant infiltré le site Pen Touch, ce qui retient l’attention est le long cheminement de la jeune fille vers la vérité, ainsi que l’analyse extrêmement fine et détaillée des sentiments, émotions, résistances à laquelle se livrent Arnaud et elle-même. Ne pouvant compter sur ses parents toujours absents en raison de leur travail, c’est son amoureux et l’écriture qui l’aideront à accepter la réalité et la décideront à se battre. En revanche, je regrette une fin un peu rapide : certes, il faut rester optimiste, mais rien ne certifie que la plainte de Violette sera suivie d’un procès et si oui, celui-ci ressemblera sans doute au parcours du combattant. En outre, quid des liens qui ont été noués entre Ahriman et Lili, la modératrice du site : est-elle dupe des mensonges d’Ahriman ou a-t-elle deviné ce qu’il s’est passé ? Une première version de ce roman a été publiée au Seuil en 2013, sous le titre À l’ombre de l’oubli.
River, Claire Castillon, 2021. Présenté dans les
Coup dur pour Antonine (Nine pour les intimes) : sa mère l’emmène sans crier gare dans une cabane au bord d’un lac, lui faisant ainsi rater la fête de fin d’année du lycée. Commence alors une folle nuit durant laquelle la jeune fille de 16 ans va découvrir tous les secrets de sa famille maternelle. Titania a en effet décidé de révéler à sa fille tout ce qu’elle a dû lui taire depuis sa naissance pour la protéger. Autrice de polars surnommée « La fée du suspense », la narratrice distillera tout au long de la nuit l’incroyable histoire de sa propre mère, Rose-Aimée et de ses deux frères, les jumeaux Octo et Orion : elle maintient ainsi Nine et les lecteurs en haleine. Au petit matin, l’adolescente devra faire la connaissance d’une nouvelle famille dont elle n’a jamais entendu parler ! L’intrigue, bien menée, interrompt le présent (2016), narré à la troisième personne, par de nombreux retours en arrière déroulant le récit à la première personne de Consolata : celui-ci démarre en 1970, lorsqu’elle a 6 ans. Il met en scène des personnages très attachants, appartenant à trois générations différentes, que l’amour d’une mère pour ses enfants a séparées.
La parution en poche, qui plus est en deux tomes seulement (Livres 1 et 2, 3 et 4) au lieu de 4 à l’origine, réjouira les fans de Japon médiéval et de magie, ainsi que tous ceux qui ont adoré Le Clan des Otori de la même autrice. Cette nouvelle fresque politique et amoureuse se situe aux origines de l’histoire des Otori, dont elle reste cependant indépendante.
Snap Killer, Sylvie Allouche, « Dans la poche », 2021. Présenté dans les « 
Je signale enfin la parution, chez Gallimard Jeunesse (2021), du livre de Sophie Van der Linden Tout sur la littérature de Jeunesse de la petite enfance aux jeunes adultes, qui devrait combler tous ceux, professionnels ou non, qui s’intéressent à la littérature de jeunesse. Les huit parties (Histoire du livre pour la jeunesse, Les grandes caractéristiques de la littérature pour la jeunesse, Conseils pour la lecture, Tous les types de livres, Les grands genres, Bibliothèques idéales, La littérature de jeunesse en question et Carnet pratique) totalisant plus de 50 chapitres indiquent assez à quel point l’ouvrage vise à l’exhaustivité en multipliant les entrées et les points de vue. Quand on connait le dynamisme du secteur (18000 nouveautés par an ces dernières années…), on mesure le défi que cette spécialiste reconnue s’est lancé ! Pari tenu, cet ouvrage, par ailleurs très bel objet-livre abondamment et judicieusement illustré, se lira d’une traite ou ponctuellement selon les intérêts du moment : chacun y trouvera son compte. Je rappelle également son travail, extrêmement riche, clair et précis, autour de l’album, Lire l’album, L’atelier du poisson soluble, 2006 et son premier ouvrage concernant Claude Ponti, Être éditions, 2000.
Les deux complices déjà mentionnées pour l’ouvrage I have a dream (
En France, on pourrait parfois oublier que des femmes et des hommes se sont battus pour obtenir des droits qui paraissent aller de soi aux plus jeunes. Dix droits fondamentaux (ne pas être esclave, fréquenter l’école laïque et gratuite, voter quand on est femme, avoir des congés payés, avorter, ne pas être condamné à mort, aimer librement, faire grève, manifester) sont mis en valeur selon un schéma identique : un dessin introduisant le sujet suivi d’une phrase qui a marqué les esprits ; une mise en contexte historique rappelant les étapes cruciales ; une bande dessinée retraçant un ou plusieurs moments forts et décisifs, complétée par ce qu’il en est aujourd’hui ; pour terminer, le portrait d’une personne ayant joué un rôle essentiel dans la conquête de ce droit, de Victor Schoelcher à Jean Jaurès en passant par Louise Weiss et Simone Veil, pour ne citer que quelques noms. La préface d’Amnesty International souligne la ténacité de chacune des personnes évoquées et le long chemin qu’il a fallu parcourir pour obtenir ces droits à travers les lois qui les ont actés ; mais attire également l’attention sur les remises en cause et les attaques dont ils font l’objet. Il faut donc les connaitre pour en bénéficier mais également les protéger et les défendre.
De façon claire et agréable, les auteurs racontent l’avènement du prophète Muhammad et la rédaction du Coran après sa mort. Ils narrent les conquêtes liées à la diffusion du message religieux et l’élaboration d’un empire gigantesque. Les débuts fastueux de la civilisation arabo-mulsumane sont décrits à travers la gestion des territoires par les califes ; l’artisanat et le commerce prospèrent, un art de vivre délicat se développe et les savoirs se multiplient grâce aux philosophes, médecins, astronomes et mathématiciens. C’est un véritable tour de force qu’il faut saluer d’avoir réussi à brosser en 48 pages l’essentiel des débuts de l’Islam jusqu’au XIIIe siècle. Abordable dès la fin de l’école élémentaire.
Voici un roman noir, bien noir… Sept adolescents d’un même établissement scolaire accompagnés de trois adultes se retrouvent dans un manoir isolé sur l’île bretonne de Sareck. Coupés du monde, ils sont censés participer à une émission de télé-réalité sous forme d’escape-game. Mais le lecteur apprend rapidement que tous ont la conscience chargée. Les pièces du puzzle se mettent progressivement en place : la jeune Esther est morte et rien n’arrêtera la main implacable des « dieux ». Les crimes commis tant par les jeunes que par les adultes sont odieux, leur châtiment sera atroce. Âmes sensibles s’abstenir ! La vengeance concoctée est machiavélique, sanglante et immorale. Le lecteur, maintenu en haleine jusqu’à la fin, sera sans doute effaré face à la noirceur des thèmes évoqués : trahison, harcèlement, viol, inceste, suicide, drogue, meurtres ; les adultes se montrent lâches et capables des pires horreurs, mais les adolescents ne sont pas en reste : leurs relations peuvent devenir perverses et dangereuses. On se réjouit cependant des multiples références littéraires : à Agatha Christie évidemment, mais également à Charles Perrault, à la mythologie et aux textes antiques. Sans oublier quelques articles du code pénal !
L’auteure, nous ayant habitués à des romans traitant de sujets forts, parfois dérangeants, ne déroge pas à la règle avec ce récit glaçant d’emprise d’un père sur sa fille. Lilou est en première L ; âgée de 16 ans, elle vit dans une superbe villa près d’Aix-en-Provence avec son père, Édouard Cuvelier, séduisant patron d’une agence de publicité. Lilou adore son « papa-Lou », auquel elle voue une admiration démesurée ; obéissant à son père qui le lui déconseille, elle ne va même plus voir sa mère, Caroline, hospitalisée pour une récidive de cancer, avec laquelle les relations se sont dégradées depuis plusieurs années. Ses meilleurs amis, Emma, Camille et Lucas, ainsi que son amoureux Gabriel l’amènent cependant à se poser des questions et elle décide de retourner rendre visite à sa mère : elle découvre alors que son père lui ment et a tout fait pour les séparer l’une de l’autre. Il ne lui restera malheureusement que deux mois pour renouer (notamment par le biais de la littérature) avec cette femme qui fut la première victime d’un mari pervers narcissique, avant qu’il n’emprisonne sa fille dans une relation malsaine et toxique.
Il s’agit de la troisième enquête du lieutenant-détective Valérie Lavigne, les deux précédentes ayant été présentées dans 

Le Trésor des histoires Motordu, Pef, « L’heure des histoires », 2020.
Les Quatre Filles du docteur March, Les filles du docteur March se marient, Le Rêve de Jo March et La Grande famille de Jo March, Louisa May Alcott, traduit de l’anglais (États-Unis) par Paulette Vielhomme-Calais (tome 1) et par Claude Loriot-Prévost (tomes 2, 3 et 4), Folio Junior, 2019 (tomes 1, 2 et 3), 2021 (tome 4).
Adila, Gédéon, Jo, Romi et Titus forment une bande très soudée, toujours prête pour de nouvelles missions et aventures… Qu’il s’agisse d’éviter une punition à leur copain Paolo qui a de nouveau oublié ses affaires de piscine ; ou de tout mettre en œuvre pour que Titus, soudain couvert de boutons d’acné, ne soit séparé d’eux car expédié au collège.
Les parents des apprentis lecteurs seront mis à contribution, au moins dans un premier temps, pour les accompagner dans des enquêtes mettant en scène les héros de deux séries, peut-être déjà connues. Chaque double page comporte des bulles, du texte et une énigme à résoudre. En ce qui concerne la première aventure, Lou et Sam doivent aider les parents manchots à retrouver leur œuf disparu. Et pour ce faire : lire un message dans un miroir, trouver des personnages identiques, décrypter un message écrit en code ou dans lequel chaque voyelle est remplacée par un chiffre, déchiffrer un rébus ou des mots mêlés, compter des animaux. Dans la deuxième, Amélie et Siméon sont confrontés à une forêt envahissante que seule une formule magique leur permettra de faire disparaitre. Il leur faudra donc : repérer les premières lettres des mots, remplacer chaque lettre par la lettre suivante dans l’alphabet, suivre du doigt un labyrinthe et noter les lettres qui y sont cachées ou reconstituer des lettres à moitié effacées. Une façon ludique d’appréhender la lecture en équipe. Les solutions sont livrées à la fin des ouvrages au cas où…
Silent Boy, Gaël Aymon ; Aux ordres du coeur, Fabrice Colin ; Les Potos d’abord, Rachel Corenblit ; Le Livre le plus mauvais du monde, Vincent Cuvellier ; Comme un homme, Florence Hinckel ; Son héroïne, Séverine Vidal, sont les six premiers titres de cette nouvelle collection de textes très courts (une soixantaine de pages) destinés aux lycéens, voire aux étudiants, peu enclins ou pressés de lire, sachant qu’ils existent également en version numérique ou auditive pour ceux qui préfèreraient. L’éditeur a fait appel à de auteur·e·s reconnu·e·s qui ont rédigé, dans une langue percutante et exigeante, des histoires variées, réalistes et parfois drôles ou légères, mais également très dures. Les personnages sont amenés à grandir face aux aventures ou épreuves qu’ils traversent.
Dans l’ordre : Anton, adolescent très introverti, s’exprimant surtout sur internet y puise le courage de dénoncer le harcèlement d’un camarade. Johanne, 17 ans, accompagne la folie de sa mère, quitte à s’oublier et se perdre. L’amitié d’Ihmed et de Nathan est mise en péril lorsqu’ils partent en vacances à deux, sans adultes. Adolescent un peu paumé et désœuvré, Paul rencontre l’auteur, incontrôlable, du livre incompréhensible qu’il a trouvé dans une boite à livres. Ethan, 18 ans, découvre le calvaire vécu par sa mère : va-t-il tuer ce grand-père coupable de viol et d’inceste ? Après avoir « sauvé » Jessica d’une agression, Rosalie la harcèle, faisant de la vie de sa nouvelle « amie » un cauchemar.
Casterminouche, une histoire et on se couche !
Cet enfant que j’aime infiniment, Capucine Lewalle et Maud Legrand, 2020.
Nouvelle série destinée aux 8-12 ans, mettant en scène quatre adolescents faisant partie d’une agence très spéciale baptisée Gulliver. Leur objectif ? Combattre SHARK, une dangereuse organisation cherchant à dominer le monde en s’attaquant aux enfants. Amos, 12 ans, se réveille amnésique. Peut-être est-ce lié à une découverte qu’il aurait faite lors d’une mission en solo sur un jeu vidéo. Julia, Diego, Kenzo et lui partent alors en Californie pour enquêter secrètement au sein du « Video Games Institute ». Dans une deuxième aventure, qui les mène au Portugal, il s’agira d’infiltrer les « Kidolympiques », une compétition sportive réservée aux adolescents. Il leur faudra protéger les participants face à l’équipe d’un pays inconnu, le Babistan. Enfin, dans une troisième, ils se rendent à Singapour, où va se tenir un sommet de chefs d’
À la manière de Georges Perec, l’auteur rend hommage au pays qui a permis à son père, ainsi qu’à lui-même, d’être Français, depuis l’arrivée de ses grands-parents au début du XXe siècle. Ces derniers, juifs exilés, auraient pu connaitre ainsi que leurs fils, un sort terrible sans la mobilisation de citoyens « désobéissants » qui les ont protégés. Sans eux, l’auteur ne serait pas né, n’aurait pas bénéficié des droits et des libertés en vigueur dans une démocratie. G. Rapaport met donc en avant dans cet album toutes celles et ceux qui ont aidé sa famille pendant la seconde guerre mondiale ou plus tard. À une époque où les frontières se referment, quand certains voudraient faire croire que l’Étranger est la cause de tous nos maux, cet ouvrage rappellera que pour d’autres, notre pays peut être une terre d’accueil où la solidarité n’est pas un vain mot.
Ima, fille de Juan le pécheur et de Luna, vit à Guaqui, village andin situé au bord du lac Titicaca. Elle perd un jour la joie et la santé car elle fait d’horribles cauchemars peuplés de monstres terrifiants. Toute la famille se mobilise pour lui faire retrouver le sourire : Inès, sa tante, Luis et Alvaro
Julie ne se comporte pas du tout comme une fille aux yeux de ses parents qui la traitent de « garçon manqué ». Elle sait qu’elle les déçoit, elle voudrait pourtant qu’ils l’aiment. Un jour, elle se réveille avec une ombre de garçon qui la provoque et la harcèle. Elle doute alors de son identité, ne sait plus qui elle est vraiment et part se réfugier dans un trou au parc : elle y rencontre François, son double inversé. On lui reproche en effet d’avoir une « tête de fille », de « pleurer comme une fille »… Ils se réconfortent mutuellement, puis concluent qu’ils peuvent être les deux à la fois, fille et garçon, mais surtout qu’ils ont le droit d’exprimer et d’être ce qu’ils sont.
Mademoiselle Hester a confié Fritz, son chien espiègle et « mordilleur » au jeune Alan Mitz. L’adolescent l’emmène se promener près d’un magnifique jardin, hélas interdit aux chiens, appartenant à un magicien à la retraite ; mais ce mal élevé de Fritz n’en a cure et se sauve. Alan le poursuit dans tout le jardin pour finalement se trouver nez à nez avec l’imposant Abdul : le magicien accepte de lui rendre le cabot… sous la forme d’un canard qui finit par s’envoler, non sans avoir dérobé sa casquette au garçon ; ce dernier repart seul chez Mademoiselle Hester, terrorisé à l’idée de lui avouer la vérité. Mais celle-ci se moque gentiment d’Alan, un peu trop grand pour croire à la magie, et il rentre chez lui en se sentant un peu bête : en effet, Fritz est revenu et il s’amuse follement avec la casquette d’Alan ! Cet album reflète bien l’univers étrange et fantastique cher à l’auteur. Mélange de réalisme et d’imaginaire, cette histoire pourrait bien correspondre à la définition du fantastique par Todorov
Saluons la parution dans une version de « lecture facilitée » de ce petit roman épistolaire recommandé pour les cours moyens et la sixième.
Dys sur dix, Delphine Pessin, 2021.
Tobias Eton, alias « Quatre » raconte sa vie chez Les Altruistes avant de choisir les Audacieux, étant le premier de sa faction à agir ainsi. Les trois premiers récits, Le Transfert, Le Novice et Le Fils se situent avant la rencontre de Tobias et de Tris, tandis que le quatrième, Le Traitre, se déroule chronologiquement au milieu du tome 1, comblant ainsi un blanc : la rencontre des deux personnages.
Dans le premier tome, Michael évolue dans un univers virtuel, le VirtNet, moitié jeu vidéo, moitié réseau social ; il y fréquente Sarah et Bryson, hackers comme lui. Mais les trois amis vont être confrontés à des suicides qui eux sont bien réels…
Après avoir mis sa vie en danger, Michael est plus que jamais, dans le tome suivant, confronté à de terribles machinations : rien moins que le remplacement des esprits humains par des esprits virtuels… La parution en poche du dernier tome intitulé Fin de partie, devrait suivre. Par l’auteur de la série Le Labyrinthe, également disponible en poche et adaptée au cinéma par Wes Ball.
Les deux complices déjà mentionnées pour l’ouvrage I have a dream (
En France, on pourrait parfois oublier que des femmes et des hommes se sont battus pour obtenir des droits qui paraissent aller de soi aux plus jeunes. Dix droits fondamentaux (ne pas être esclave, fréquenter l’école laïque et gratuite, voter quand on est femme, avoir des congés payés, avorter, ne pas être condamné à mort, aimer librement, faire grève, manifester) sont mis en valeur selon un schéma identique : un dessin introduisant le sujet suivi d’une phrase qui a marqué les esprits ; une mise en contexte historique rappelant les étapes cruciales ; une bande dessinée retraçant un ou plusieurs moments forts et décisifs, complétée par ce qu’il en est aujourd’hui ; pour terminer, le portrait d’une personne ayant joué un rôle essentiel dans la conquête de ce droit, de Victor Schoelcher à Jean Jaurès en passant par Louise Weiss et Simone Veil, pour ne citer que quelques noms. La préface d’Amnesty International souligne la ténacité de chacune des personnes évoquées et le long chemin qu’il a fallu parcourir pour obtenir ces droits à travers les lois qui les ont actés ; mais attire également l’attention sur les remises en cause et les attaques dont ils font l’objet. Il faut donc les connaitre pour en bénéficier mais également les protéger et les défendre.
De façon claire et agréable, les auteurs racontent l’avènement du prophète Muhammad et la rédaction du Coran après sa mort. Ils narrent les conquêtes liées à la diffusion du message religieux et l’élaboration d’un empire gigantesque. Les débuts fastueux de la civilisation arabo-mulsumane sont décrits à travers la gestion des territoires par les califes ; l’artisanat et le commerce prospèrent, un art de vivre délicat se développe et les savoirs se multiplient grâce aux philosophes, médecins, astronomes et mathématiciens. C’est un véritable tour de force qu’il faut saluer d’avoir réussi à brosser en 48 pages l’essentiel des débuts de l’Islam jusqu’au XIIIe siècle. Abordable dès la fin de l’école élémentaire.
Voici un roman noir, bien noir… Sept adolescents d’un même établissement scolaire accompagnés de trois adultes se retrouvent dans un manoir isolé sur l’île bretonne de Sareck. Coupés du monde, ils sont censés participer à une émission de télé-réalité sous forme d’escape-game. Mais le lecteur apprend rapidement que tous ont la conscience chargée. Les pièces du puzzle se mettent progressivement en place : la jeune Esther est morte et rien n’arrêtera la main implacable des « dieux ». Les crimes commis tant par les jeunes que par les adultes sont odieux, leur châtiment sera atroce. Âmes sensibles s’abstenir ! La vengeance concoctée est machiavélique, sanglante et immorale. Le lecteur, maintenu en haleine jusqu’à la fin, sera sans doute effaré face à la noirceur des thèmes évoqués : trahison, harcèlement, viol, inceste, suicide, drogue, meurtres ; les adultes se montrent lâches et capables des pires horreurs, mais les adolescents ne sont pas en reste : leurs relations peuvent devenir perverses et dangereuses. On se réjouit cependant des multiples références littéraires : à Agatha Christie évidemment, mais également à Charles Perrault, à la mythologie et aux textes antiques. Sans oublier quelques articles du code pénal !

Le Trésor des histoires Motordu, Pef, « L’heure des histoires », 2020.
Les Quatre Filles du docteur March, Les filles du docteur March se marient, Le Rêve de Jo March et La Grande famille de Jo March, Louisa May Alcott, traduit de l’anglais (États-Unis) par Paulette Vielhomme-Calais (tome 1) et par Claude Loriot-Prévost (tomes 2, 3 et 4), Folio Junior, 2019 (tomes 1, 2 et 3), 2021 (tome 4).
Adila, Gédéon, Jo, Romi et Titus forment une bande très soudée, toujours prête pour de nouvelles missions et aventures… Qu’il s’agisse d’éviter une punition à leur copain Paolo qui a de nouveau oublié ses affaires de piscine ; ou de tout mettre en œuvre pour que Titus, soudain couvert de boutons d’acné, ne soit séparé d’eux car expédié au collège.
Les parents des apprentis lecteurs seront mis à contribution, au moins dans un premier temps, pour les accompagner dans des enquêtes mettant en scène les héros de deux séries, peut-être déjà connues. Chaque double page comporte des bulles, du texte et une énigme à résoudre. En ce qui concerne la première aventure, Lou et Sam doivent aider les parents manchots à retrouver leur œuf disparu. Et pour ce faire : lire un message dans un miroir, trouver des personnages identiques, décrypter un message écrit en code ou dans lequel chaque voyelle est remplacée par un chiffre, déchiffrer un rébus ou des mots mêlés, compter des animaux. Dans la deuxième, Amélie et Siméon sont confrontés à une forêt envahissante que seule une formule magique leur permettra de faire disparaitre. Il leur faudra donc : repérer les premières lettres des mots, remplacer chaque lettre par la lettre suivante dans l’alphabet, suivre du doigt un labyrinthe et noter les lettres qui y sont cachées ou reconstituer des lettres à moitié effacées. Une façon ludique d’appréhender la lecture en équipe. Les solutions sont livrées à la fin des ouvrages au cas où…
Silent Boy, Gaël Aymon ; Aux ordres du coeur, Fabrice Colin ; Les Potos d’abord, Rachel Corenblit ; Le Livre le plus mauvais du monde, Vincent Cuvellier ; Comme un homme, Florence Hinckel ; Son héroïne, Séverine Vidal, sont les six premiers titres de cette nouvelle collection de textes très courts (une soixantaine de pages) destinés aux lycéens, voire aux étudiants, peu enclins ou pressés de lire, sachant qu’ils existent également en version numérique ou auditive pour ceux qui préfèreraient. L’éditeur a fait appel à de auteur·e·s reconnu·e·s qui ont rédigé, dans une langue percutante et exigeante, des histoires variées, réalistes et parfois drôles ou légères, mais également très dures. Les personnages sont amenés à grandir face aux aventures ou épreuves qu’ils traversent.
Dans l’ordre : Anton, adolescent très introverti, s’exprimant surtout sur internet y puise le courage de dénoncer le harcèlement d’un camarade. Johanne, 17 ans, accompagne la folie de sa mère, quitte à s’oublier et se perdre. L’amitié d’Ihmed et de Nathan est mise en péril lorsqu’ils partent en vacances à deux, sans adultes. Adolescent un peu paumé et désœuvré, Paul rencontre l’auteur, incontrôlable, du livre incompréhensible qu’il a trouvé dans une boite à livres. Ethan, 18 ans, découvre le calvaire vécu par sa mère : va-t-il tuer ce grand-père coupable de viol et d’inceste ? Après avoir « sauvé » Jessica d’une agression, Rosalie la harcèle, faisant de la vie de sa nouvelle « amie » un cauchemar.
Casterminouche, une histoire et on se couche !
Cet enfant que j’aime infiniment, Capucine Lewalle et Maud Legrand, 2020.
Nouvelle série destinée aux 8-12 ans, mettant en scène quatre adolescents faisant partie d’une agence très spéciale baptisée Gulliver. Leur objectif ? Combattre SHARK, une dangereuse organisation cherchant à dominer le monde en s’attaquant aux enfants. Amos, 12 ans, se réveille amnésique. Peut-être est-ce lié à une découverte qu’il aurait faite lors d’une mission en solo sur un jeu vidéo. Julia, Diego, Kenzo et lui partent alors en Californie pour enquêter secrètement au sein du « Video Games Institute ». Dans une deuxième aventure, qui les mène au Portugal, il s’agira d’infiltrer les « Kidolympiques », une compétition sportive réservée aux adolescents. Il leur faudra protéger les participants face à l’équipe d’un pays inconnu, le Babistan. Enfin, dans une troisième, ils se rendent à Singapour, où va se tenir un sommet de chefs d’
À la manière de Georges Perec, l’auteur rend hommage au pays qui a permis à son père, ainsi qu’à lui-même, d’être Français, depuis l’arrivée de ses grands-parents au début du XXe siècle. Ces derniers, juifs exilés, auraient pu connaitre ainsi que leurs fils, un sort terrible sans la mobilisation de citoyens « désobéissants » qui les ont protégés. Sans eux, l’auteur ne serait pas né, n’aurait pas bénéficié des droits et des libertés en vigueur dans une démocratie. G. Rapaport met donc en avant dans cet album toutes celles et ceux qui ont aidé sa famille pendant la seconde guerre mondiale ou plus tard. À une époque où les frontières se referment, quand certains voudraient faire croire que l’Étranger est la cause de tous nos maux, cet ouvrage rappellera que pour d’autres, notre pays peut être une terre d’accueil où la solidarité n’est pas un vain mot.
Ima, fille de Juan le pécheur et de Luna, vit à Guaqui, village andin situé au bord du lac Titicaca. Elle perd un jour la joie et la santé car elle fait d’horribles cauchemars peuplés de monstres terrifiants. Toute la famille se mobilise pour lui faire retrouver le sourire : Inès, sa tante, Luis et Alvaro
Julie ne se comporte pas du tout comme une fille aux yeux de ses parents qui la traitent de « garçon manqué ». Elle sait qu’elle les déçoit, elle voudrait pourtant qu’ils l’aiment. Un jour, elle se réveille avec une ombre de garçon qui la provoque et la harcèle. Elle doute alors de son identité, ne sait plus qui elle est vraiment et part se réfugier dans un trou au parc : elle y rencontre François, son double inversé. On lui reproche en effet d’avoir une « tête de fille », de « pleurer comme une fille »… Ils se réconfortent mutuellement, puis concluent qu’ils peuvent être les deux à la fois, fille et garçon, mais surtout qu’ils ont le droit d’exprimer et d’être ce qu’ils sont.
Mademoiselle Hester a confié Fritz, son chien espiègle et « mordilleur » au jeune Alan Mitz. L’adolescent l’emmène se promener près d’un magnifique jardin, hélas interdit aux chiens, appartenant à un magicien à la retraite ; mais ce mal élevé de Fritz n’en a cure et se sauve. Alan le poursuit dans tout le jardin pour finalement se trouver nez à nez avec l’imposant Abdul : le magicien accepte de lui rendre le cabot… sous la forme d’un canard qui finit par s’envoler, non sans avoir dérobé sa casquette au garçon ; ce dernier repart seul chez Mademoiselle Hester, terrorisé à l’idée de lui avouer la vérité. Mais celle-ci se moque gentiment d’Alan, un peu trop grand pour croire à la magie, et il rentre chez lui en se sentant un peu bête : en effet, Fritz est revenu et il s’amuse follement avec la casquette d’Alan ! Cet album reflète bien l’univers étrange et fantastique cher à l’auteur. Mélange de réalisme et d’imaginaire, cette histoire pourrait bien correspondre à la définition du fantastique par Todorov
Saluons la parution dans une version de « lecture facilitée » de ce petit roman épistolaire recommandé pour les cours moyens et la sixième.
Dys sur dix, Delphine Pessin, 2021.
Tobias Eton, alias « Quatre » raconte sa vie chez Les Altruistes avant de choisir les Audacieux, étant le premier de sa faction à agir ainsi. Les trois premiers récits, Le Transfert, Le Novice et Le Fils se situent avant la rencontre de Tobias et de Tris, tandis que le quatrième, Le Traitre, se déroule chronologiquement au milieu du tome 1, comblant ainsi un blanc : la rencontre des deux personnages.
Dans le premier tome, Michael évolue dans un univers virtuel, le VirtNet, moitié jeu vidéo, moitié réseau social ; il y fréquente Sarah et Bryson, hackers comme lui. Mais les trois amis vont être confrontés à des suicides qui eux sont bien réels…
Après avoir mis sa vie en danger, Michael est plus que jamais, dans le tome suivant, confronté à de terribles machinations : rien moins que le remplacement des esprits humains par des esprits virtuels… La parution en poche du dernier tome intitulé Fin de partie, devrait suivre. Par l’auteur de la série Le Labyrinthe, également disponible en poche et adaptée au cinéma par Wes Ball.
Le numérique s’est imposé à l’école comme à la société dans son ensemble. Sont entrés dans les classes nombre d’objets concrets ou virtuels dont l’utilisation ne va pas de soi, pour des raisons techniques, didactiques et pédagogiques. Enseigner avec le numérique conduit à se débarrasser de quelques idées reçues (telles que la familiarité des élèves avec ces objets, le caractère novateur du numérique ou ses effets supposés dans la lutte contre l’échec scolaire et les inégalités). Les analyses et les démarches d’enseignement présentées dans ce numéro éclairent les enjeux et conditions d’usages pertinents du numérique au service des apprentissages du cours de français.